No Step John Russell - Ståle Liavik Stolberg WWW.HISPID.NO
33’05’’ enregistrées au club Blow Out à Stavanger en mai 2013. Une rencontre entre deux activistes de l’improvisation qui jouent ensemble comme les quatre doigts de la main et le pouce unis dans le même gant, même s’il semble que chaque doigt soit revêtu d’une marionnette, de celles qui amusent les enfants. Car c’est de jeux qu’il s’agit, et le guitariste vétéran a gardé toute la fraîcheur et le plaisir ludique de ceux qui découvrent comment s’amuser en improvisant. Le jeune percussionniste norvégien, Stale Liavik Solberg, jubile derrière sa caisse claire et ses cymbales, et se glisse dans les zébrures des lignes, les tourbillons du plectre, les alternances d’harmoniques des cordes et les accords distendus.
33’05’’ enregistrées au club Blow Out à Stavanger en mai 2013. Une rencontre entre deux activistes de l’improvisation qui jouent ensemble comme les quatre doigts de la main et le pouce unis dans le même gant, même s’il semble que chaque doigt soit revêtu d’une marionnette, de celles qui amusent les enfants. Car c’est de jeux qu’il s’agit, et le guitariste vétéran a gardé toute la fraîcheur et le plaisir ludique de ceux qui découvrent comment s’amuser en improvisant. Le jeune percussionniste norvégien, Stale Liavik Solberg, jubile derrière sa caisse claire et ses cymbales, et se glisse dans les zébrures des lignes, les tourbillons du plectre, les alternances d’harmoniques des cordes et les accords distendus.
Trio Blurb Maggie
Nicols John Russell Mia Zabelka Extraplatte EX 821-2
Ce n’est
plus si souvent qu’on entend parler de Maggie Nicols, la fée de la voix
humaine. Depuis le dernier album des Diaboliques
avec Joëlle Léandre et Irene Schweizer et le CD du Gathering chez Emanem, on chercherait en vain un témoignage de la
finesse du travail vocal de cette forte personnalité de la communauté
improvisée. Ses variations infinies sur les intervalles
«dodécaphoniques » semblent aussi naturelles que l’eau des montagnes
qui s’écoule dans la nature. Cette pratique lui est venue lors de son passage –
baptême du feu dans le Spontaneous Music Ensemble avec John Stevens et Trevor Watts,
Arnold Schönberg étant une des marottes du percussionniste disparu. Depuis
cette époque (1968/69), Maggie Nicols a intégré à sa musique une multitude de
pratiques qu’elles soient issues de son imagination ou de cultures musicales
africaines ou asiatiques, faisant d’elle quelque chose d’unique, riche dans la
simplicité, profondément émouvant sans pathos. Ce trio tisse une toile, sème un
chemin de vent, délire dans l’apesanteur, laissant la voix développer et
transformer méticuleusement les sons, en allant jusqu’au bout de chaque
couleur, chaque glissandi, chaque intervalle. Il est moins question aussi de
virtuosité que de plénitude, d’assumer les choix des sons que de briller dans
l’emportement du geste. Un sentiment d’intimité mystérieuse plus que de
connivence visuelle. Le violon électrique de Mia Zabelka distille un grain de
son caractéristique dans des glissandi hagards et un agrégat subtil de pizz, de
col legno et de notes glissées, lesquels se marient le mieux du monde avec la
voix qui balbutie, picore, sursaute, interloquée ou pastorale. John Russell
égrène placidement des harmoniques et des grattages de cordes, créant la
quatrième roue du carrosse, la citrouille des deux fées s’étant évanoui au fil
du concert.
On pourrait
regretter la qualité relative de l’enregistrement (Vortex juin 2011), mais la
richesse de leur musique et sa pertinence fait du Trio Blurb, une belle
aventure qu’on a un vrai plaisir à suivre au fil des plages et à imaginer sur
scène.
Breaking Stone Jacques Demierre Tzadik 9001
Jacques
Demierre est un des plus remarquables pianistes contemporains qui dédient sa
musique à l’improvisation radicale. Son trio avec des improvisateurs aussi
superlatifs que Barre Phillips et Urs Leimgruber (chroniqué dans des pages
antérieures de ce magazine) et ses improvisations / compositions en solo
(Island Is Land Creative Sources) font de lui un chef de file de la scène
improvisée. Il tire du piano et de sa carcasse les vibrations les plus
organiques, les grattages de cordes les plus insensés. Avec Gianni Lenoci, Frédéric
Blondy, Philip Zoubek et quelques autres, Demierre prolonge magistralement
l’œuvre des compositeurs (Cage, Stockhausen) et des improvisateurs (Cecil
Taylor, Fred Van Hove, Irene Schweizer) qui ont transformé le piano, symbole de
la culture occidentale, en machine –
champ d’exploration sonore. Tzadik et John Zorn publient ici
trois œuvres écrites, chacune très intéressante. La première, Three
Pieces for Player Piano : maquinaçao, para bailar et strip de quelques minutes chacune, transforme
des formes musicales pianistiques traditionnelles en forçant les possibilités
de l’instrument avec l’emploi d'un piano mécanique, comme à l’époque de Scott Joplin ,mais avec une vision contemporaine. Cela intéressera certainement un
public curieux et ouvert, les trois pièces sonnent bien et c’est le but de Tzadik.
Demierre a un sens rythmique imparable et durant l’enregistrement, il manie la pédale sustain. La
deuxième pièce est une composition pour violon et guitare, Sumpatheia interprétée
par le Duo Nova. Un travail très fin, entre autres, sur les harmoniques de chaque
instrument. Ça me change de John Russell et … de Benedict Taylor, le violoniste
alto extraordinaire que j’ai écouté et rencontré il y a peu. Très bien, remarquable.
Le corps de
l’album, Breaking Stone, est un long et passionnant dialogue entre
Demierre le pianiste et Demierre le linguiste. Celui-ci effectue un travail
très pointu sur le langage, la prononciation, les onomatopées, bribes de mots,
syllabes arrachées, filet de voix, termes issus de langues oubliées ou
imaginaires (poésie sonore pour reprendre le terme consacré). Il articule,
éructe ou grommelle tout en jouant du piano à la fois comme s’il luttait avec le cadre du piano ou
interrogatif en caressant furtivement les cordes. On entend clairement que sa
voix "subit" les mouvements du corps autour du piano. Il multiplie les affects
comme si c’était une pièce de théâtre (Beckett, Joyce ??) où l’acteur
introspecte un rôle qu’il découvre tout au long de la performance. L’effort humain est-il (dé)raisonnable ?
Est-ce écrit, improvisé, les deux à la fois ? C’est très intéressant et
surtout profondément sincère. La prise de son de la voix était-elle pensée et
voulue telle qu’on l’entend ici ? Certains effets qui évoquent la voix semblent
provenir de frottements d’un doigt sur la surface du verni. Etant vocaliste
moi-même et ayant travaillé la voix au point de l’avoir complètement
transformée (je n’étais pas chanteur et ne pensais pas en devenir un), je ressens
que la voix de Jacques Demierre se devrait d’être plus développée et se
« centrer ». Cela dit, il y a en amont de ce travail une profonde
réflexion, une pratique conséquente et une vraie sensibilité. Cela me donne l’envie de le rencontrer.
Tribute to John Coltrane et Thank You John
Coltrane Paul Dunmall
et Tony Bianco SLAM 290 et 292
C’est bien les seuls
albums de « tribute » que je me farcirai de toute ma vie (avec 123
Albert Ayler du Spontaneous Music Ensemble et Only Monk et Evidence de Steve Lacy ( labels Soul Note et
Horo) jusqu’à plus soif. Coltrane a disparu trop jeune (en 1967 à 40 ans)
après avoir transformé son instrument, le saxophone ténor, le jazz moderne et la
scène musicale que nous connaissons toujours aujourd’hui. Sans Coltrane, des
milliers de musiciens ne seraient pas ce qu’ils sont devenus, d’Albert Ayler à Anthony Braxton et Evan Parker, y compris le batteur de son quartette, le grand Elvin
Jones. Plusieurs artistes de très haut niveau ont suivi ses traces comme s’ils
jouaient sa musique. On pense à David
Liebman et Stefan Grossmann au Lighthouse il y a quarante ans dans un
fantastique quartette d’Elvin Jones paru chez Blue Note. Ou Joe Farrell, Gerd
Dudek, Harold Land.
Ce qui est particulier
avec ces deux disques c’est que Paul Dunmall, saxophone ténor exceptionnel,
reprend 17 compositions de Coltrane en concert ou dans une salle de concert les 26 octobre et 20 novembre 2012 (Tribute to John Coltrane) et le 27 novembre (Thank You John Coltrane) avec comme seul accompagnement,
le drumming polyrythmique et passionné de Tony Bianco. Celui-ci n’ a rien à envier à feu Rashied Ali avec qui Coltrane a réalisé ses derniers
enregistrements dont le duo magique Interstellar Space. Ce qui est remarquable
c’est que Peace on Earth, Naima, Alabama, Giant Steps, Living Space et
Thank You John Coltrane de Dunmall, sont concentrés dans des durées
autour de cinq ou six minutes avec une
incroyable maestria et une sincérité palpable, le tout dans un seul concert.
Nous avons l’impression que le temps se dilate et que chaque morceau vit et se
prolonge autant que les 28 minutes finales d’Expression durant lesquelles le souffleur
du Gloucestershire s’envole complètement en transformant en volcan cette composition. Expression figure dans le dernier album
publié quasi du vivant de Coltrane, Expression et dont nous n’avons pas ou très peu
d’autres versions de références dans les archives, me semble-t-il. Je laisse à
d’autres le soin de vérifier, il vaut parfois mieux écouter les disques de
Trane et … de Dunmall que de vérifier des discographies.
On fera remarquer, que pour clôturer son périple coltranien, Dunmall joue et développe Expression, car après çà, il n'y a plus qu'à découvrir sa propre voie dans "l'au-delà".
On fera remarquer, que pour clôturer son périple coltranien, Dunmall joue et développe Expression, car après çà, il n'y a plus qu'à découvrir sa propre voie dans "l'au-delà".
Quant à Tribute
to John Coltrane, Dunmall interprète de manière absolument créative ,
recrée donc, des pièces moins connues et rarement jouées en concert par le
maitre (absolu) : Ogunde, Offering, Wise One, Vigil, Brazilia,
Reverend King, Sun Ship, Ascent, the Drum Thing. Je vous laisse le soin de rechercher dans quel
album de Trane se trouve chaque morceau. C’est bien le moins que chacun lui doit : explorer sa musique tant et plus. L’un ou l’autre reprend volontiers un morceau rare de
Coltrane, mais peu se risquerait en se focalisant avec ce répertoire et un batteur aussi
énergétique. On sait que Coltrane soufflait 16 heures par jour pour parvenir à
maîtriser les sons, les harmoniques, tous les intervalles possibles dans toutes
les clés à la fois en superposant les harmonies jusqu’à l’abstraction. Sans
rire de nombreux artistes de renom sont des « amateurs » face à un
tel prodige. Toute cela pour dire que Paul Dunmall a travaillé son instrument en repoussant les limites humaines.
Sincèrement, on entend
poindre la voix de Coltrane au travers de son émule et c’est une véritable
merveille. Dunmall a inventé son style de « Coltrane » et ses
improvisations font bien plus qu’honorer la musique du géant disparu. Il la recrée
de manière aussi vivante et humaine avec des inflexions qui évoquent le Trane dans un vrai vécu, une spontanéité tangible.
À écouter d’urgence, il y
a là la plus grande émotion, celle du blues le plus intense.
PS. Passez nous la théorie
du copiage …. Paul Dunmall joue sa musique propre dans ses trop rares concerts
et ses très nombreux disques. Il nous montre ici comment on joue la musique de
Coltrane de manière authentique et rares sont les saxophonistes ténor capables
de le suivre sur cette voie aussi bien.
J’aurais pu écrire cette
chronique un peu mieux, avec d’autres mots, mais comme disait Coltrane, en
publiant des albums sans notes de pochette, la musique doit parler par et pour
elle-même.
The Star Pillow
The Beautiful Questions Paolo Monti et
Federico Gerini Setola di Maiale / Taverna records
Le label Setola di Maiale
, drivé par l’infatigable Stefano Giust – un excellent percussionniste –
, nous réserve toujours bien des surprises qui vont de rencontres
hasardeuses, mais néanmoins réussies, à de superbes réalisations comme cet
excellent the Beautiful Questions. Inconnus à ce jour le pianiste Federico Gerini et le guitariste Paolo Monti , nous livrent une musique
réussie laquelle semble plongée dans l’esthétique « au goût de la décennie
passée » faite d’ambiances « répétitives », de minimalisme, de statisme ,
d’e-bows, etc… mais qui relève le défi de se laisser écouter avec plaisir
et surprise, sans tomber dans la posture avant-chiardiste. Une dimension
mélodique s’insinue dans le traitement de la guitare et elle se marie
avec la volonté de traiter le son de manière abstraite. Point de clavier
ici, le pianiste joue avec la vibration des cordes et des e-bows réitératifs.
On transite, disons, de plus tout à fait ECM à post -AMM / Merz… de la
manière la plus naturelle qui soit. Après un longue séquence élégiaque et des
revirements imprévisibles du guitariste, le premier morceau (On,
In , Out..) se termine dans un chaos bruitiste en boucles et en
crescendo stoppé net sur la résonance des cordes du piano. Une demi-heure bien
passée. Le deuxième morceau, The Roots of Amazement, enchaîne sur
une variante du procédé, la guitare et la caisse de résonnance du piano ne
faisant qu’un. Tout fois Federico joue au clavier les notes essentielles,
celles qui soulignent la texture des sons électroniques, laquelle s’efface
devant un ostinato de guitare accéléré. La musique est vivante et la
démarche assumée. Sans concession aucune, cette musique qu’on pourrait, par
moments, qualifier de planante, aura le chic de convaincre les fans d’Eno ou de
Pink Floyd et de les faire entrer dans un autre univers, sonique et
enfiévré. Post Rock, Musique Contemporaine, Ambient etc.. peu importe …
ce sont d’excellents musiciens, sensibles, lucides et qui maîtrisent leur
sujet. Comme le démontre le jeu de guitare avec pédales super intelligent de Happy
to Be Dirty, le troisième morceau , auquel répond la caisse du piano percutée
comme il se doit. Effets et loops de la six cordes coordonnés avec maîtrise
jusqu’à ce qu’un virage noise du guitariste laisse de l’espace aux commentaires
du pianiste. The Star Pillow, peut-être, mais la
musique nous tient en éveil, s’il est question du mot oreiller (Pillow en
anglais), c’est que sans nul doute, cette musique mérite l’écoute. Une bonne
découverte.