Trevor Watts & Veryan Weston At Ad Libitum fortune 0057 007
Trevor Watts & Veryan Weston Dialogues For Ornette FMRCD0404-0915
Quatrième et cinquième album de ce duo sous le signe du Dialogue, ces enregistrements apportent encore une part de lyrisme, de fougue, de réflexion et de …. supplémentaires à l’art d’improviser. Nos duettistes requièrent toutes les ressources musicales et instrumentales des saxophones alto et soprano et du piano. L’hommage à Ornette Coleman parce que Trevor Watts s’en était fortement inspiré dans les années 60’s. Dois-je rappeler qu'il a travaillé avec Bobby Bradford au début des années 70 et que celui-ci fit partie du quartet d'Ornette Coleman vers 1961/62. On dira que cette musique n’est pas neuve, qu'il s’agit du bon vieux free-jazz de papa dans sa version libérée. D’accord en théorie. Mais en pratique, celui qui a visité les continents discographiques témoignant de l’évolution par le menu de cette musique, conclura qu’il s’agit bien d’une démarche singulière, rare. Comptez le nombre d’albums du soit-dit jazz libre enregistrés et publiés avec un saxophone et un pianiste, écoutez et comparez leurs contenus. Vous verrez qu’on tient ici un véritable diamant à la fois brut et taillé d’innombrables facettes qui s’emboîtent à merveille. Et quelle merveille ! Tous les affects de la relation entre deux improvisateurs à l’écoute l’un de l’autre, leur concentration, leur imagination, la sensualité du saxophoniste, la logique du pianiste, l’émotion et leur entente, tout concourt à faire de leurs albums des chefs d’oeuvre. Trevor Watts, le saxophoniste et Veryan Weston le pianiste ont collaboré dans le plus ambitieux des projets orchestraux du souffleur, Moiré Music, et le pianiste en était la pièce maîtresse pour ce qui concernait la contingence des rythmes multiples et de la construction harmonique de cette tour de Babel syncrétique. En l’écoutant trois décennies plus tard, on se pince pour se dire que ce n’était pas un mirage. http://www.discogs.com/Trevor-Watts-Moiré-Music-Trevor-Watts-Moiré-Music/master/374161 & http://www.discogs.com/Trevor-Watts-Moiré-Music-With-One-Voice/master/79237. On croyait Trevor Watts perdu dans ses Moiré Drum Orchestra en compagnie du batteur Liam Genockey et les maîtres percussionnistes africains de l’Ouest dans une kyrielle de festivals de musiques du monde de l’Amérique Latine jusqu’au fin fond de l’Asie. Mais, après avoir été séparé par les aléas de l’existence, Trevor a retrouvé Veryan en 2001 pour les superbes Six Dialogues publiés chez Emanem et non réédités depuis. Le duo avait fonctionné à plein régime dès ce premier jet. Sans doute, avaient-ils travaillé au préalable. Pour Trevor Watts, c’était son premier retour dans l’improvisation totale depuis l’époque héroïque et l’album Japo avec John Stevens, Howard Riley et Barry Guy, Endgame en 1979. Mais il vous dira qu’il n’a jamais cessé d’improviser dans son exploration de la composition basée sur les rythmes complexes, et comment ! Car, comme il tient à le préciser, il n’a jamais quitté, ce faisant, l’esprit communautaire de la free -music dont il est un des pionniers en Europe avec Stevens, Van Hove, Schlippenbach, Brötzmann, Bennink, Breuker, Tusquès et cie. Il leur reste un autre album studio, 5 More Dialogues (Emanem 5017) aussi magnifique que le précédent, car depuis, comme pour bien montrer que leur duo est leur aventure musicale primordiale à tous deux aujourd’hui, ils ne produisent plus que des enregistrements de concerts : une superbe vidéo publiée en DVD par FMR : Hear & Now où le duo est complété par le tandem John Edwards et Mark Sanders et un extraordinaire double album Dialogues in Two Places (Hi4Head). Aujourd’hui, un enregistrement live de 2013 à Varsovie at Ad Libitum et un autre en hommage à Ornette Coleman enregistré au Bim-Huis d’Amsterdam, montrent combien leur capacité à improviser est phénoménale. L’invention à l’état pur. Veryan Weston jongle avec de très nombreuses formules rythmiques et une conception étendue de l’harmonie au clavier. Tous ses arpèges et doigtés sont mus par une articulation puissante qui construit une architecture tridimensionnelle dans l’espace d’une grande clarté. Le saxophoniste peut s’envoler comme un oiseau, rugir comme un lion avec un son rutilant d’une plénitude rare, fractionner le spectre sonore etc.. avec une des plus belles sonorités qui soient. Cette sonorité exemplaire, même quand elle anime des motifs mélodiques évidents, ne tombe jamais dans la joliesse, ne fût-ce que par sa propension à étirer les notes avec un sens précis des commas qui altèrent les intervalles, créant des tonalités et des modes éminemment personnels. Bref, on le reconnaît dès la première écoute et sa maîtrise musicale, telle une fontaine naturelle, lui fait éviter les tics et des emprunts à lui-même. Une fois que vous êtes conquis par le lyrisme de ce duo et que vous les réécoutez et parcourez leurs albums, ceux-ci vous subjuguent par le renouvellement constant de leur inspiration. Dans l’album Dialogues for Ornette, il y a aussi deux plages enregistrées au Brésil où Veryan Weston joue d’un clavier électronique, ce qui vaut son pesant de cacao (Quantum Illusions). Prions que ce duo rare puisse enregistrer dans d’autres grandes villes européennes et nous envoyer d’autres moments de bonheur de ce calibre !
Cello Pieces Hugues Vincent plays the music of Vincent Laubeuf and Kumi Iwase Zpoluras Archives ZACD 1502
Compositions ? Interprétées par un improvisateur … hm ! Improvisations ? Par la volonté de jeunes musiciens improvisateurs/ compositeurs tels Hugues Vincent, Vincent Laubeuf ou Kumi Iwase , les deux options irréductiblement opposées semblent de plus en plus s’interpénétrer en délaissant l’académisme formel et puisant l’inspiration dans d’autres idiomes ou disciplines artistiques sans aucun esprit de sérieux …. Trois oeuvres interprétées, jouées , vécues par l’excellent violoncelliste Hugues Vincent avec l’aide de pédales de distorsion et support audio dans Telle une illusion qui s’enfuit au réveil (17’50’’Vincent Laubeuf) . En solo absolu dans Trois Pièces pour violoncelle solo (6’22 2’36’’ et 5’35’’Kumi Iwase) et avec un support audio à nouveau, Le tumulte du sanctuaire (15’37’’ Kumi Iwase). Voici une belle production engagée et munie d’une pochette sobre et minimaliste avec une oeuvre graphique du compositeur Vincent Laubeuf. Si la première composition, Telle une illusion , excellemment interprétée, sonne assez expérimental, les trois pièces en solo d’Iwase sont vraiment remarquables par leur grâce, leurs intentions et l’accord parfait entre l’esprit de la compositrice et l’acte de jouer - la vie - du violoncelliste. Petites formes exquises ramassées sur l’essentiel et qui aspire l’écoute de l’auditeur. N’analysons pas, mais laissons nous bercer par le songe, rêvons dans le temps qui disparaît. La troisième solitaire, Une barque dans la houle, introduit une cadence dans plusieurs affects avec un très beau développement et de belles questions. Quand les trois pièces pour violoncelle seul sont jouées, on retient un sentiment de plénitude, une impression que tout a été dit. Le tumulte est aussi une belle réussite. Remercions bien Paulo Chagas, le saxophoniste portugais, pour une telle initiative qu’il faut vraiment souligner.
Le Jazz Non Plus… Edith Alonso Kumi Iwase Antony Maubert Bruce’s Fingers BF 131
https://brucesfingers.bandcamp.com/album/le-jazz-non-plus
Bruce’s Fingers est le super label du grand bassiste, compositeur et chef d’orchestre atypique, Simon H Fell, pour lequel je m’étonne toujours que trop peu de critiques, organisateurs, personnes averties et groupies en tout genre s’intéressent à sa démarche et à ses projets …. Ces dernières années, BF donne une belle chance à des artistes venus de nulle part tels le trio espagnol Topus (The Hidden Forces) plutôt free-jazz ou l’électrique The Geordie Approach (Inatween) https://brucesfingers.bandcamp.com/album/inatween). Voici Le Jazz Non Plus, un intéressant projet de musique improvisée pointue basé à Paris. Au piano préparé et objets, Edith Alonso, au saxophone et clarinette, Kumi Iwase et aux électroniques, Antony Maubert. Des morceaux intitulés Piste 01, Piste 02, jusqu’à la Piste 08 de différentes durées et intensités. C’est excellemment enregistré au Conservatoire Iannis Xenakis à Evry par Antony Maubert. La table d’harmonie tremble, résonne, frémit, la colonne d’air divague sur une note ressassée, puis file dans une harmonique ténue, un sifflement glisse et prolonge le son du saxophone. Le trio s’anime dans les vagues des cordages percutés. Un belle improvisation ralentit et le souffle continu se love autour d’harmoniques étirées, obsédantes. Tout le long du disque le trio explore des occurrences sonores multiples, comme cet unisson en apesanteur dont la texture se métamorphose insensiblement vers des effets de nuages et un grincement métallique de la Piste 02. Chaque plage longue ou courte donne lieu à une reconfiguration du champ sonore et à une prolifération de modes de jeux constamment renouvellées autour de superbes atmosphères avec une écoute mutuelle oblique, évolutive, nuancée. Le saxophone opte pour un filage de la note dans des singuliers glissandi presqu' immobiles surnageant dans l’étalement des frémissements des cordages qui s’amplifie sans discontinuer vers l’intense (Piste 05). L’aspect technique de la musique disparaît dans la recherche lucide d’un partage heuristique des sons découverts dans l’instant, des ostinatos sauvages, hésitants, des objets frappant les montants de la harpe, l’électronique sifflante qui meurt dans un soubresaut …. (Piste 08). Musique qui se mesure à notre capacité d’écoute, à notre réception du sensible. De beaux moments.
Area Sismica Magic MC Edoardo Marraffa Thollem McDonas Stefano Giust Setola di Maiale SM 2920
La vie de ce trio puissant continue son cours : énergie, exigence, expression intense. Il y a très longtemps dans la free-music européenne régnait la vogue du trio piano-sax-batterie. Brötzmann/ Van Hove/ Bennink, von Schlippenbach/ Parker/ Lovens, Schweizer/ Carl/ Moholo, Alfred Harth/Van den Plas/ Sven-Åke Johansson, et bien sûr, Cecil Taylor Jimmy Lyons et Andrew Cyrille ou le trio Ganelin et plus près de nous, Gush (Mats Gustafsson/ Sten Sandell/ Ray Strid. Énergie souvent surhumaine, radicalité du free-jazz, parfois « démolition » du piano, abandon des compositions ou des thèmes pour l’improvisation totale. Voici donc un trio qui persiste et signe. Un pianiste exceptionnel avec un toucher lumineux (Thollem McDonas), un saxophoniste ténor avec un son énorme et une singularité authentique (Edoardo Marraffa qui s’essaie avec bonheur au sopranino), un batteur puissant avec des idées originales (Stefano Giust), une cohésion et un sens de l’improvisation. 6 improvisations de durées de 6 minutes à 19’. Enregistré en 2011 lors du festival Area Sismica, leur musique a acquis une palette supérieure par rapport à leur excellent album paru chez Amirani (Magic MC) et elle convainc sans ambages malgré une prise de son moyenne. Cette combinaison instrumentale permet des échanges musclés et variés et elle peut aisément impressionner le public lorsque les musiciens ont de l’énergie à revendre et le talent de ces trois individualités. Mais on sent poindre un peu partout une volonté d’improviser, d’échapper à la routine, de changer la trajectoire, de varier le propos, d’alterner la puissance de l’expression spontanée et la réflection sur l’instant qui se joue, de raconter de vraies histoires… On entend des passages où l’écoute profonde est palpable … le vécu en quelque sorte. Et donc, c’est à un beau moment d’une aventure sincère qu’on assiste par le truchement de ce CD. Rien à voir avec la nostalgie….
P.S. pour les amateurs de saxophone énergétique (Brötzm, David Ware, Mats Gust, etc....ce genre de choses) Edoardo Marraffa est un sacré client !!
P.S. pour les amateurs de saxophone énergétique (Brötzm, David Ware, Mats Gust, etc....ce genre de choses) Edoardo Marraffa est un sacré client !!