Consacré aux musiques improvisées (libre, radicale,totale, free-jazz), aux productions d'enregistrements indépendants, aux idées et idéaux qui s'inscrivent dans la pratique vivante de ces musiques à l'écart des idéologies. Nouveautés et parutions datées pour souligner qu'il s'agit pour beaucoup du travail d'une vie. Orynx est le 1er album de voix solo de J-M Van Schouwburg. https://orynx.bandcamp.com
9 décembre 2011
Violon et Cordes : Jon Rose Double Indemnity on Johannes Rosenberg 's Double Violin
Jon Rose Double Indemnity
Hermes Discorbie HDCD 005 Produced by Jozef Cseres, Director of the Rosenberg Museum. Enregistré à St Ouen en janvier 2002. Double Violon du Dr Johannes Rosenberg (1921-1992).
www.jonroseweb.com
Le célèbre Double Violon à Dix Cordes du Dr Johannes Rosenberg fût prêté exceptionnellement à Jon Rose par le Rosenberg Museum de Violin en Slovaquie à l'occasion de sa Résidence d'Artiste et Compositeur à Mains d'Oeuvre à Saint Ouen en janvier 2002.
Cet instrument remarquable fût inventé par le génial musicologue, ethnographe, violoniste et compositeur Johannes Rosenberg (1921 - 1992). Suite à l'étude approfondie qu'il fit des chants et danses des joueurs de vielle jumeaux siamois du peuple Wiyapawiya en Nouvelle - Guinée (World Music Journal, 1971), il créa son Double Violon afin d'étudier le complexe de la dualité chez les instrumentistes à cordes frottées. Les musiciens insulaires Wiyapawiya avaient fabriqué une double vielle avec deux caisses de résonance semblables reliées par un pont sur le quel est fixé la touche. Les cordes de l'instrument étaient attachées aux deux extrémités et tendues par deux chevalets posés sur chacune des caisses à hauteur des ouïes respectives. La double-vielle des Wiyapawiya se joue couchée sur les genoux des musiciens lors des fêtes dansées. Chacun des jumeaux siamois actionne un arc sur les cordes, l'autre main adaptant la position de frettes mobiles fixées par la tension des cordes sur la touche.
L'instrument du Dr Johannes Rosenberg reprend les mêmes principes de base : il est fabriqué par deux violons relié par un seul cou. Dans cet enregistrement, Jon Rose manipule deux archets simultanément. Il en tire une musique à plusiers voix qui évoque celle des ensemble de flûtes de pan Are-Are des îles Salomon (Le Chant du Monde LDX 274 961.62) enregistrés par l'éminent collègue du Dr Rosenberg, le Dr Hugo Zemp du CNRS et du Musée de l'Homme. La musique enregistrée ici s'articule autour de courts motifs mélodiques récurrents. Jon Rose procède par ajouts et altérations. Tout l'intérêt réside dans l'impact sonore particulier obtenu par la pression de l'archet, des hauteurs absolument non tempérées et, je pense, la vibration des cordes sympathiques. Le croisement des sonorités produites par le double jeu d'archets renforce le côté complètement irréel de cette musique. Vers la quatorzième minute, il évoque pour mon plus grand plaisir le son de l'ajaeng, la cithare à archet coréenne. Un peu plus tard, un dombra kazakh ou un concertina. Il obtient des sons complétement freak out à plusieurs reprises. Le comble est atteint après un remarquable crescendo d'accords microtonaux. A partir de la minute 35, on croit entendre un kayageum coréen joué alternativement avec les doigts et l'archet. On peut se référer au vinyle d'anthologie Korean Folk and Social Music ( Lyrichord Stereo LLST 7211 produit par le fameux musicologue John Levy) : la similarité des sons est étonnante, même s'il s'agit d'une coïncidence. Le final a qualité vocale troublante : des voix irréelles semblent venir de l'espace.
Il faut un artiste consommé comme Jon Rose pour transcender un instrument aussi particulier que le Double Violon à Dix Cordes du Dr Johannes Rosenberg. En effet, les cordes ne sont pas pincées sur la touche et elles sont frottées continuellement comme une vielle-à-roue et barrées par deux chevalets mobiles maintenus par la tension des cordes. JR les déplace latéralement d'une main pour modifier la hauteur des cordes, tout en poursuivant le jeu à l'archet de l'autre main.
Nous savions que Rose est un artiste très impliqué dans la vie et la culture de son continent, l'Océanie. Parvenir à exprimer l'esprit d'une musique aussi particulière des Are - Are, qui habitent une île au grand large de l'Australie, avec un instrument occidental, voilà qui démontre que Jon Rose dépasse la curiosité organologique pour atteindre l'universel. Il s'est imprégné de la culture ancestrale des populations autochtones. Il n'y a rien d'étonnant à cela, car depuis plus d'une décennie notre violoniste australien s'est plongé dans l'étude des Principes de l'Improvisation Emancipée du Dr Johannes Rosenberg dont il a retrouvé une copie du manuscrit dans une pharmacie de Darwin. La pochette du CD contient une étude du Dr Willy Orwig qui trace un parallèle intéressant avec les siamois Wiyapawiya et les soeurs Blasek, violonistes siamoises célèbres dans le monde du music-hall, il y a une centaine d'années. Tout cela est fascinant et vous pourrez en savoir plus sur ce sujet en consultant le site www.jonroseweb.com . Cela permettra aussi de vous faire une idée de l'étendue des activités musicales de cetv artiste exceptionnel qu'est Jon Rose.
J-M Van Schouwburg http://soundcloud.com/jean-michelvanschouwburg
PS' : Remerciements à la direction du Rosenberg Museum et au gestionnaire du Fonds Rosenberg à Brisbane pour la communication sue la vielle Wiyapawiya.
PS" : Etant donné les différentes orthographes des noms propres néo-guinéens dues aux différentes provenances tribales, et donc linguistiques, du collectage en pays Bati-Bati, il semble que l'usage correct du nom de la tribu Wiyapawiya soit Payawipaya, comme l'utilise le Dr Willy Orwig dans son étude The Generic Tendency in Violin Music et le Dr Joseph K. Rosenberg dans son texte Twins, ces deux remarquables travaux étant insérés dans le livret du présent CD. La terminologie Wiyapawiya m'est parvenue par un autre informateur. Il semble que la musique de double-vielle, qui est au centre des cultures Payawipaya et Bati-Bati, ait de multiples conséquences sur plusieurs aspects de la vie de cette population, entre autres linguistiques. Dans le cas précis, elle engendre un effet miroir sur certains vocables utilisés qui se traduit par l'inversion des syllabes. (Henri Tournelle, Vie Sociale et Fêtes des indigènes en pays Bati-Bati. Twins Press/Bratislava University, 1974.
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