The pancake tour Urs Leimgruber / Roger Turner duo Relative Pitch RPR 1007
Une telle association , du suisse Urs Leimgruber et du britannique Roger Turner, provient sans doute des nombreuses rencontres et retrouvailles au fil des concerts et festivals où ces deux artistes ont été amenés à s'apprécier mutuellement. Saxophoniste ténor et soprano ( UL) et percussionniste (RT), ils ont en commun un attachement au jazz qu'ils ont pratiqué très jeunes et, surtout, une auto-exigence musicale et esthétique, une forme de lucidité. Et cette exigence apparaît dès les premières secondes de "The Pancake" (12:12). Pas question d'étaler la technique virtuose et de débouler avec un paquet de notes et de sons. Une recherche méticuleuse des timbres, des souffles et des frappes, une mise en évidence de signes, de gestes, des corrélations de l'intention, plutôt. Quelques morceaux assez brefs (Art Jungle, At the Church Path et The Walking Bar) et un long déambulatoire improbable, Middle Walk (22:51) permettent soit de concentrer au plus court ou soit d'étirer les échanges à l'infini en racontant une histoire. Urs Leimgruber et Roger Turner évitent les lieux communs et pour qui connaît le saxophoniste via ces albums solos (# 13/ Leo), ce sera une belle surprise. Ses prises de bec dans la marge extrême de l'instrument expriment l'essentiel, des sons bruts, torturés ou même d'un lyrisme rare qui font la part belle à l'invention pure. Le percussionniste refuse les connexions évidentes et en fait confiance qu'à son imagination subversive. Il gratte, frote, secoue, percute, déplace ses objets sur les peaux et les parties métalliques, frappes, résonances, collisions,. Une recherche simultanée de l'inouï et de l'évidence qui s'impose naturellement. L'exemple parfait de musiciens accomplis et reconnus, qui cherchent encore à se renouveler, à se mettre en question tout en faisant du sens. Si ces deux-là passent non loin de chez vous, n'hésitez pas un instant, allez les écouter et vous serez surpris, même par rapport à ce Pancake tour dont ils réinventent jour après jour la recette.
Daylight John Butcher & Mark Sanders Emanem 5024
Ce qu’il y a d’intéressant voire de fascinant avec l’improvisation libre c’est la faculté qu’ont les partenaires de jouer leurs propres musiques avec celles d’autrui en créant un univers commun aux deux parties sur la base de valeurs communes qui peuvent se situer au niveau du fonctionnement de l’intellect, du réactif émotionnel ou de l’imaginaire plutôt que la compatibilité sonique ou formelle. A cet égard, cet enregistrement est remarquable, car les deux musiciens partagent une approche méthodique de la construction musicale avec un sens raffiné des variations dans les moindres détails du souffle, des timbres, des intervalles et des pulsations. Dans leur élan, ils assument leurs différences. Mark Sanders est un des plus remarquables praticiens de la percussion improvisée qui ont marché dans les traces des John Stevens, Paul Lovens et Paul Lytton tout en créant un univers personnel, immédiatement reconnaissable. Ecoutez son Swallow Chase en solo (Treader), vous reconnaîtrez sa frappe enchanteresse et sa science des rythmes. Initialement, Mark Sanders a un solide parcours jazz dès les années 80 avec Elton Dean, Howard Riley, Paul Rogers, Paul Dunmall, Keith Tippett. Il a infléchi au fil des ans vers plus de liberté et de recherche. A la même époque, John Butcher s’est situé d’emblée dans le fer de lance de l’improvisation radicale en compagnie de Chris Burn, John Russell, Phil Durrant, Radu Malfatti, Phil Minton, Erhard Hirt etc… Poser la question « est-ce du jazz libre ou de l’improvisation libre ? » pour décortiquer cette très belle Daylight, revient à mettre au second plan qu’il s’agit avant tout de musique. Cet art requiert du savoir – faire, de la créativité, de l’imagination, de la sensibilité. Le duo saxophone et percussion évoque sans nul doute le free-jazz et le son granuleux et plein de John Butcher au ténor y est pour quelque chose, mais leur interprétation de cet idiome fait appel à une multiplicité de nuances, à un goût des détails sonores d’une variété quasi-encyclopédique, un art d’arriver à tout dire en évitant de se répéter dans leurs improvisations sans filets (pas de thèmes et de compositions). Et donc cette question quasi identitaire n’a plus de raison d’être. Proche de l’art afro- américain, leur duo développe un monde de sons, de timbres, de figures, d’intervalles, d’occurrences aussi varié qu’un duo de Derek Bailey avec Evan Parker ou Paul Rutherford, même s’il y a une relative prévisibilité. Ropelight se conclut sur un jeu serré et énergique tellement proche d’un duo de Paul Dunmall avec le même Sanders que toutes ces distinctions ‘ free – jazz ‘, ‘musique improvisée libre’ , etc… s’envolent au-devant… d’une telle distinction. Compositeurs de l’instant qui se servent de l’improvisation de manière constructiviste ou « improvisateurs architectes », ils évoquent ces peintres contemporains des pays de l’Est qui perpétuent la démarche des constructivistes russes ….. John Butcher a d’ailleurs une prédilection pour des formules mélodiques courtes imbriquées et enchaînées avec un esprit de suite et où chaque son semble travaillé, étudié et pesé avec minutie, comme s’ils faisaient partie d’un tout mu par une logique imparable comme dans ce Rope light de 30 minutes. Notre souffleur est Docteur en Physique et a enseigné au niveau supérieur jusqu’à la fin des années nonante, ses improvisations ont une dimension quasi-scientifique. On songe immanquablement à Steve Lacy. Son jeu au ténor fait appel à des combinaisons d’harmoniques et de doigtés spéciaux, d’effets de timbre et de souffle qu’il articule en jouant sur l’aspect aléatoire. Il aurait pu enregistrer avec des percussionnistes dont la démarche est plus « aventureuse » (aléatoire). On songe à Paul Lytton et ses percussions sur table, aux délires imaginatifs de Roger Turner ou à la grosse caisse préparée de Lê Quan. Mais ce duo a une véritable vie intérieure, une raison d’être supérieure à, par exemple, le très bon Concentric qui réunit Butcher avec le très impressionnant Paal Nilssen Love (Clean Feed) que je trouve un peu superficiel que cet album Emanem. Je recommande donc Daylight à tous ceux dont les penchants naviguent entre l’improvisation radicale et l’« avant – jazz de pointe » (Butcher a aussi travaillé avec Gerry Hemingway) et qui aiment à réécouter le même album avec le même ravissement.
Evan Parker & Misha Mengelberg : It won’t be called a broken chair Psi
Pascal Marzan & John Russell : translations Emanem
Charlotte Hug & Fred Lomberg-Holm : fine extensions Emanem 5012
Ute Wassermann & Alex Kolkowski : squall line Psi
Trevor Watts & Veryan Weston : More Dialogues Emanem 5017
Notre ami Martin Davidson, responsable d’Emanem et cheville ouvrière de Psi (le label d’Evan Parker), a sensiblement ralenti la production des enregistrements publiés par son label. Mais il se concentre essentiellement sur la qualité. En bref, moins de documentation mais des musiques plus … hm… non pas substantielles (ce ne serait pas gentil pour tous les artistes qui figurent dans son catalogue), mais plutôt, plus concernées à convaincre les auditeurs les plus exigeants. Abouties en quelque sorte, surtout par rapport avec ce qui a déjà été documenté. Non redondant, si vous voulez. J’ai eu l’occasion de m’impliquer personnellement dans la production de l’album Emanem « the Archiduc Concert » du tromboniste Paul Hubweber et du pianiste Philip Zoubek. La haute qualité inventive et la fraîcheur de cet opus m’avaient complètement emballé. Suite à cette expérience positive appréciée par des collègues… exigeants (Dan Warburton, Massimo Ricci), je me suis laissé complètement séduire par cinq duos aussi passionnants les uns que les autres, tant chez Emanem que chez Psi. It won’t be called a broken chair : ce titre énigmatique s’applique à un duo transcendant de Misha Mengelberg et d’Evan Parker (au seul sax ténor). Comme les enregistrements en petit comité du pianiste batave se comptent sur les doigts d’une main, en telle compagnie, c’est à ne pas rater : véritablement sublime. Au début de sa carrière, Evan Parker s’est fait une réputation subversive en tordant le cou à la fois aux intervalles, au son traditionnel du saxophone et à la conception conventionnelle d’une ligne mélodique jouée par un saxophone, même free. Il faisait reculer les limites du free jazz et de la musique contemporaine en combinant les deux démarches, inscrivant systématiquement bruitages et doigtés factices dans la pratique du saxophone. Avec le temps, on s’aperçoit que son discours était basé sur des intervalles très particuliers et des harmonies complexes très personnelles. Cette caractéristique est mise particulièrement en évidence en compagnie des pianistes avec qui il a enregistré : Alex von Schlippenbach, bien sûr. Mais aussi Marylin Crispell, Matt Shipp, Paul Bley, Uwe Oberg, Georg Graewe, John Tilbury, Agusti Fernandez, Cecil Taylor ou le vétéran du jazz british, Stan Tracey. Comme Misha Mengelberg est la subversion pianistique personnifiée – violemment anti-académique ! - , lorsqu’il se met à improviser librement, ces deux improvisations de 26 et 34 minutes enregistrées au Bim-Huis en 2006 sont à marquer d’une pierre blanche.
Evan Parker compte parmi ses fidèles amis le guitariste John Russell depuis quarante ans. Rarement un improvisateur s’est appliqué, comme John Russell, à développer et à enrichir aussi longtemps une recherche obstinée sur l’instrument le plus galvaudé de notre culture musicale et cela dans une démarche aussi radicale. L’aboutissement de cette pratique fait de la musique de John, quelque chose de magique. La résonance des cordes, les harmoniques, les timbres grattés avec des plectres de pierre, les intervalles les plus improbables, les chevauchements d’accords dissonants et ces sauts de registre audacieux, les bruitages, tout concorde à chambouler l’ordre de la guitare, même si sa pratique découle d’un point de vue instrumental « traditionnel ». On en revient à la douzième frette de Derek Bailey. En deux sessions réalisées en 2007 et 2010, le Londonien nous convie à découvrir comment une autre démarche, en apparence « classique » basée sur une pratique issue de la tradition de la guitare « espagnole » et « contemporaine » s’intègre dans son univers si personnel. En passant par J-S Bach, Pascal Marzan, un résident de Montmartre, a travaillé les partitions d’un grand nombre des compositeurs du XXéme siècle qui ont créé des oeuvres pour la guitare – à – cordes – de - nylon. L’homme a acquis une technique magistrale, main droite et main gauche coordonnées, utilisant toutes les ressources des positions – et des rythmes – avec les cinq doigts de chacune de celles-ci et des aiguilles métalliques savamment disposées entre les cordes. La rencontre est digne des grands duos de free improvisation jusqu’au-boutistes (The Longest Night Evan Parker & John Stevens / 1976 Ogun ou Face to Face / John Stevens & Trevor Watts 1973 Emanem, bien sûr !). John Russell partage aussi un groupe avec Michel Doneda (le plus convaincant de cette école française focalisée sur l’infra-saxophone et sans doute le plus profondément sincère) et le percussionniste Roger Turner (the Cigar That Talks / Pied Nu, à recommander). Notre guitariste se situe à ce niveau. Alors, comme on entend des plaintes hexagonales concernant la reconnaissance insuffisante des musiciens français (ou importés en France, la lecture des patronymes de la scène improvisée française semble assez exotique : Lê Quan – Doneda – Lazro – Montera - Boubeker – Boni – Méchali – Nozati – Kassap – Capozzo - Werchowski etc….) dans le concert des nations des musiques improvisées libres européennes, il faut se réjouir qu’un Pascal Marzan se distingue avec une personnalité telle que John Russell avec qui il fait jeu égal. Dois-je rappeler que dans « son jeune temps », Russell a eu un rôle de premier plan dans le défrichement de la musique improvisée radicale « non-violente » et « écoutiste – collective » ? Avec les Gunther Christman, Paul Lovens, Phil Minton, Maarten Altena, Phil Wachsmann et Radu Malfatti à une époque où cela n’intéressait que trop peu d’auditeurs, spécialement en France, en Italie etc… C’est d’ailleurs en compagnie de John Russell que Roger Turner et John Butcher se sont fait connaître. Je pense sincèrement que ce CD Marzan - Russell recèle des instants merveilleux si on prend la peine de les écouter avec attention. La variété des occurrences de jeu et la multiplicité des approches sonores fait de leurs translations une véritable anthologie guitaristique et sans doute la meilleure du genre depuis les Lot 74 de Bailey (album Incus peu écouté à l’époque, croyez-moi.) et les Solos Volume 1 & 2 d’Eugene Chadbourne pour Parachute (introuvables).
La magie du duo opère aussi avec fine extensions de Charlotte Hug et Fred Lomberg-Holm. Le violoncelliste de Chicago et la violoniste alto de Zürich nous donnent là un travail exemplaire où intervient l’utilisation de leurs installations électroniques respectives. Recherche sonore et dynamique remarquables pour deux artistes qui conjuguent magiquement ce qu’ils ont individuellement de meilleur à nous offrir. J’écoute avec ravissement les solos innovants de la Suissesse depuis une dizaine d’années (Mauerraum, Neuland et tout récemment slipway to galaxies/ Emanem encore). Mais avec fine extensions, nous sommes emportés par la vision anticipative des instants d’éblouissements et des trouvailles inespérées de ces trouvetouts de l’ubiquité sonique. J’ai fait l’article du Stellari Quartet avec Hug, Wachsmann, Marcio Mattos et John Edwards, une vraie merveille (Emanem toujours !). On atteint ici une autre dimension de l’ineffable qui, à mon avis, surpasse les autres albums de ces deux artistes (hormis ce Stellari confondant !). Alors, si vous avez le sentiment de ne pas avoir pu apprécier ces deux improvisateurs à leur juste valeur, cet album est une belle occasion.
Le plus mystérieux de ces duos est la rencontre hors norme de la chanteuse Ute Wassermann avec ses appeaux – sifflets pour oiseaux et du violoniste Alex Kolkowski avec ses violons Stroh, sa scie musicale et ses antiquités phonographiques. Le cylindre de cire est le précurseur du disque phonographique et son utilisation inattendue dans ce contexte est assez étonnante. Le violon Stroh est un violon au corps métallique amplifié par un pavillon semblable à celui du phonographe qui fut créé par Joseph Stroh. Pour ceux qui sont nés dans l’ère digitale, le phonographe est un tourne disque à manivelle qui servait à lire les 78 tours et cela jusqu’au milieu des années cinquante. De tels instruments sont encore joués par des violoneux Tziganes en Roumanie. On entend Kolkowski jouer du Stroh dans l’album The Kryonics avec le génial Jon Rose et ce contrebassiste exceptionnel qu’est Matthias Bauer, le troisième frère Bauer (chez Emanem, voyons !). La musique de squall line est toute en hululements, sifflements et glissandi improbables. Oublions la source sonore instrumentale ou vocale et laissons nous emporter par une véritable poésie sonique. La voix semble dématérialisée de la chanteuse, celle-ci fait des prouesses…. inouïes sans avoir l’air d’y toucher du grave guttural aux labiales flûtées qui rivalisent avec les glissandi métalliques de la scie musicale. Parfois je me dis que l’omniprésence réitérative des saxophonistes, percussionnistes, guitaristes (avec effets), contrebassistes, électroniciens etc… contribue à appauvrir ces musiques alors qu’elles sont sensées opérer dans un champ de découvertes permanentes. Avec squall line, nous découvrons du neuf qui ne s’inscrit pas dans une tendance ( !) dans laquelle trop d’artistes ont à s’engouffrer dans le but de jouer « actuel » ou branchiste. Les branchies sont le stade premier des grenouilles et des crapauds qu’on n’arrive jamais à attraper … parce qu’ils sont ... imprévisibles … (il faut toujours s’attendre à muer avant de parvenir à le devenir … imprévisible). Et non – conformistes ! C’est ce que j’aime par-dessus tout en musique. Ute Wassermann et Alex Kolkowski s’y activent de manière réjouissante. Qui imaginerait ensauvager la voix humaine avec des appeaux ? UW est une vocaliste exceptionnelle qui a le chic de surprendre sans « en mettre plein la vue ». Les oreilles, c’est déjà très bien. Alex K a développé une pratique de sons dont la dynamique s’inscrit dans le champ de la voix humaine, sa tessiture et son feeling. Il m’a fallu cinq / six écoutes pour retracer le cheminement et me rendre compte des nuances et de l’inventivité de leur superbe travail. Un univers riche et unique à découvrir de toute urgence.
Et pour la bonne bouche, un pionnier du free jazz européen de la toute première heure, le saxophoniste alto Trevor Watts dialoguant intensément avec le pianiste maison Emanem, Veryan Weston : More Dialogues entièrement improvisés. Les deux musiciens ont collaboré dans le Moiré Music du saxophoniste, un groupe exceptionnel qui a utilisé les croisements de polyrythmes parmi les plus complexes et les plus pointus de la jazzosphère. C’était dans les années 80. Quand Weston a abandonné Moiré, Watts a pu faire une croix définitive sur son répertoire « Moiré » faute de pianiste assez talentueux pour charpenter l’édifice. Il a dû faire évoluer l’orchestre dans une autre direction : le TW Drum Orchestra. Les rééditions de Moiré Music sur le label FMR édifieront les incrédules. 5 More Dialogues fait suite à leur précédent opus Six Dialogues (Emanem 2002) dans un mood et une approche tout à fait différents et à peine reconnaissable par rapport à ce dernier. Car vous conviendrez, l’improvisation c’est l’art de jouer encore sans se rejouer. Et à ce jeu-là, ces deux musiciens sont vraiment imbattables par rapport à eux-mêmes dans un temps et un lieu autres. En outre, dans l’arbre généalogique « jazz » sans œuillères stylistiques, on peut situer Trevor Watts comme un véritable petit frère à Ornette Coleman et le meilleur cousin de Jimmy Lyons et de Marion Brown. Son Prayer for Peace de 1969 (réédité par FMR) est un must intégral du jazz libre. Quant à Veryan Weston, c’est le pianiste (il ne joue pas de « l’intérieur », pratique devenue lingua franca) le plus multiple de la musique improvisée libre et, malgré cela, le moins éclectique. Jamais aucune lourdeur, malgré le poids de l’instrument. La subtilité britannique personnifiée au plus fin. Aussi Martin Davidson a amélioré sensiblement le côté visuel et graphique de ses pochettes dans cette belle série 5000 cartonnée. Entre 9 et 10/10, si je peux me permettre et weird, par-dessus le marché. Ce qui est rare, c’est que les deux producteurs groupent ces réussites en un si court laps de temps. Congratulations !
Dialogues in Two Places Trevor Watts & Veryan Weston Hi4Head Records HFHCD 010.
Oui : 5 More Dialogues ne suffisent pas. On en redemande. Vous dites : jazz libre , piano, saxophone, improvisation totale, duo ? Voici Trevor Watts et Veryan Weston et leurs dialogues enregistrés au festival de Guelph au Canada et à Toledo, Ohio. Il faudra bien que j'écoute cinq ou six fois ce double album excellent et que je revienne vers leurss autres enregistrements précédents chez Emanem ( 6 Dialogues / 5 More Dialogues / Freedom Of The City 2002), pour vous livrer mes impressions. Ma première impression est l'enchantement face à une telle musicalité et une si belle interaction..... merveilleux.... J'en écrirai plus d'ici une semaine ou deux. De toute façon, pour le prix (11 GBP chez http://www.hi4headrecords.com/catalogue.html) et la qualité de la musique, c'est une affaire à saisir de suite ...
Turbulent Flow Daniel Levin Gianni Mimmo Amirani
Publié sur le label Amirani du saxophoniste soprano Gianni Mimmo, cet album se révèle une belle rencontre de deux musiciens très différents que le hasard et un ami commun ont mis en présence. L'alchimie musicale et relationnelle ayant fonctionné immédiatement entre le violoncelliste de New York et le saxophoniste de Pavia, ils ont donné plusieurs concerts dans la Grosse Pomme. Turbulent Flow est un excellent exemple de deux musiciens de jazz contemporain qui pratiquent l'improvisation sans filet, "totale" ou "libre" avec originalité et réflexion. Au lieu de se fondre dans une personne duelle, ils maintiennent une distance , un espacement entre leurs improvisations respectives, créant des connections par de subtils points de contacts au gré des intervalles choisis, des impulsions, des accents, des images que leurs univers suscitent. Daniel Levin a une démarche grave, profonde, altière qui ouvre des espaces où le souffle et les motifs disjoints de Gianni Mimmo évoluent en suspension continue. Deux improvisateurs solides qui ont acquis une voix personnelle. Une musique qui évolue dans le champ du jazz libre où l'esprit de celui - ci se perpétue avec originalité dans une mue constante. Une musique chaleureuse et exigeante, un vrai plaisir.
Alle Neune Rheinland Partie Wolfgang Schliemann & Michael Vorfeld Creative Sources 083
Encore deux de ces nombreux militants de l’improvisation totale qui peuplent littéralement le tissu urbain de Rhénanie depuis les années septante et qu’on ne se lasse pas de (re) découvrir. La pochette s’orne en noir sur blanc des profils d’un gant et d’une moufle. Paire dépareillée pour un tandem percussif qui se complète comme les cinq doigts de la main. L’expression anglaise « like five fingers in a glove » est bien illustrée ici. Percussions et objets trouvés qu’on frappe, frotte, gratte et jette (Schliemann) ou amplifie (Vorfeld) avec une intégration et une osmose des sons, de l’écoute et des gestes vraiment impressionnantes. Pourtant, la tension qui règne n’existerait pas s’il n’y avait pas deux paires de bras et deux sensibilités en éveil qui remettent les évidences en question. Pourtant on les entend jouer comme un seul homme. Un univers unique de timbres et de sons qui nous démontrent encore, s’il le fallait, les possibilités richement ouvertes de la percussion libérée. A écouter à grand volume pour distinguer les détails infinis grâce à une prise de son remarquable et sans saturation. L’urgence et le zen mêlés avec sophistication. Un bijou hautement recommandable du label Creative Sources.
Pacific Martin Blume Phil Wachsmann Bead 2003 CD07SP
Enregistré à Chicago au bord du Lac Michigan , un lac aussi grand qu’une mer, à San Francisco et à San Diego, sur les rivages californiens du Pacifique, lors d’une tournée nord américaine du percussionniste Martin Blume et du violoniste Phil Wachsmann, Pacific révèle une conception du duo et de l’improvisation libre singulière. La photo qui illustre la pochette offre une vue plongeante sur une grande vague qu’on devine prendre son élan derrière une fine couche d ourlets d’écumes qui s’allonge sur la plage et la recouvre en glissant sur la dernière eau du rouleau qui se retire. Le cliché a été pris du sommet des granits qui surplombent la mer. Le front de mer est sans doute, avec les hauts sommets, le lieu où le temps, la direction du vent et la formation des nuages, peuvent se révéler en mutation permanente, orage ou ciel bleu se succédant subitement de manière imprévisible . C’est un peu dans cet état d’esprit que se trouvent nos deux acolytes. Les huit pièces intituées coyote 1, coyote 2 etc… nous font entendre des échanges concentrés sur l’instant, le moment premier de la musique, parfois sans solution de continuité, celle qui serait évidente à la première écoute. Passer du coq à l’âne ou jouer aux cadavres exquis ? Phil Wachsmann et Martin Blume focalisent toute leur attention dans une succession de micro – climats changeants et faussement disparates, tels les soubresauts météo maritimes induits par les flux imbriqués et étagés des courants marins et une rose des vents aléatoire à l’approche de côtes périlleuses. Les musiciens, et surtout pour Phil Wachsmann, évitent les enchaînements méthodiques d’une improvisation qui se piloterait en mode compositionnel pour l’éclosion d’une spontanéité instantanée fleurissant dans une succession d’événements sonores, parfois sans rapport apparent entre eux. Les duettistes manoeuvrant un désordre constitutif d’un ordre impénétrable, sursauts d’humeurs changeantes et d’allusions fortuites. Des pincées hésitantes par-dessus le cordier, un grincement ralenti de l’archet, de courtes giclées de notes sub voce, une ébauche de mélodie aux accents placés nettement après le coup d’archet, un gauchissement des intervalles et d’accords décalés singularisent le jeu de Wachsmann. Les variations subtilement dosées d’un ostinato du violon dans Coyote 2 libèrent de bien curieuses sonorités métalliques amplifiées par la résonnance d’un tambour. L’utilisation judicieusement conjointe du retard et de la boucle au violon amplifié fragmente et recompose le déroulement du temps. L’imagination de Wachsmann est conviée par les frappes subtilement diversifiées de Martin Blume. Il y a une variété intelligente de jeux et de « paysages musicaux » qui stimulent l’écoute. Leur connivence vient d’une histoire commune au sein de Lines, un quintet où officiaient Marcio Mattos, Axel Dörner et Jim Denley (Lines in Australia Emanem). Wachsmann a joué longtemps avec feu Paul Rutherford dans le légendaire trio Iskra 1903. Paul Rutherford, un champion de la poésie cockney, n’avait pas son pareil pour enchaîner les trouvailles et les idées les plus dissemblables élargissant le champ du discours musical comme des croisements inespérés de jeux de mots et d’invention verbale cryptique. Ses albums solos Gentle Harm of the Bourgeoise et Berlin 1975, celui-ci récemment publié chez Emanem, divulguent cette démarche instantanée qui allie la surprise avec une brillante exploration instrumentale étendue à une infinité de possibles. Dans Pacific, notre duo cultive ce penchant avec brio.
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