Hello , dear readers ! You can read it while listening to John Russell and myself singing here on a new live track : https://orynx.bandcamp.com/album/before-the-wedding
A duo(s) Mats Gustafsson with John Russell & Phil MintonBocian bc lo
A duo(s) Mats Gustafsson with John Russell & Phil MintonBocian bc lo
Mats Gustafsson aux prises avec (successivement) la guitare de John Russell et la voix de Phil Minton live au Café Oto à Londres en avril 2010. Une superbe face pour chacun des duos. Mats Gustafsson explore littéralement les entrailles de son saxophone baryton en mode percussif faisant imploser la colonne d’air, clés agitées avec coups de langue bruitistes qui coïncident merveilleusement avec les pincements étranges, grattages de cordes amorties et tintements d’harmoniques de John Russell. Certains regrettent que Mats G. consacre le plus clair de son temps à des tournées continentales bruyantes, avec the Thing, un trio jazz-punk virulent (avec le tandem PNL et IHF), Zu etc... Dans ce duo particulièrement bien connecté et tout à fait en phase, on savoure les correspondances sonores, kinétiques et imaginaires très fortes, dignes des meilleurs duos de la sphère improvisée radicale. On peut contester les choix artistiques du souffleur lapon, mais, lorsqu’il improvise librement en traitant sauvagement timbres et sonorités, son travail est à la hauteur des Butcher, Leimgruber et Doneda. En outre, s’il y a bien quelques saxophonistes de premier ordre qui tâtent du sax baryton en improvisation, ce que Gustafsson en fait est vraiment enthousiasmant et étend le potentiel de l’instrument de manière vraiment réjouissante. Murmures, éclats, grognements, glissades dans le spectre sonore, harmoniques crissantes. Son compère d’un soir n’est pas très loin de la faconde de Derek Bailey dans une veine aussi expressive qu’épurée. Le jeu de John Russell est constellé de trouvailles remarquables au niveau de la cohérence des intervalles et la précision au niveau harmonique en adaptant sans relâche son jeu avec un sens de la dynamique. Les balancements impondérables du picking du guitariste se métamorphosent en piquettements éclatés des cordes dès que la pression du souffle fait résonner le bocal, grailler l’air vibrant et percuter l’anche. Le final approfondit encore plus leur connivence. La réussite est indubitablement au rendez-vous au point que le saxophoniste réitérera l’expérience en trio avec son acolyte percussif Ray Strid (Birds. Mats Gustafsson John Russell & Raymond Strid/ denrecords 008) en août de l’année suivante. On aurait aimé voir cette association se prolonger tant elle est fructueuse comme l’étaient jadis les accointances du cordial guitariste avec le matheux de la bande, John Butcher. Avec la voix improbable et borborygmique de Phil Minton la communion est télépathique tout au long d’une face B d’anthologie. On songe bien entendu au duo du chanteur avec le sax baryton de Daunik Lazro lequel était une mémorable réussite (alive at sonoritésémouvance emv1027 enreg. 2005). Mats sollicite des registres épars et inouïs de son instrument faits d’effets de souffles et de gloussements laissant le champ sonore ouvert aux inventions vocales exacerbées, râles modulés de l’infra-voix de Phil Minton. Cet artiste nous apporte le grand bonheur de toujours faire reculer les limites des capacités sonores, multiphoniques, de sa voix (extra-) humaine des tréfonds du larynx au bout des lèvres dans chacun de ces enregistrements en duo. Essentiel !
Nicolà Guazzaloca Alvaro Rosso Joao Pedro Viegas Carlos Zingaro A Pearl in Dirty Hands Aut records Aut038 https://autrecords.bandcamp.com/album/a-pearl-in-dirty-hands
Here my own notes for the booklet of this album in english and french :
João Pedro Viegas, Nicola Guazzaloca, Alvaro Rosso and Carlos “Zíngaro”come together for “A Pearl in Dirty Hands”. A story told by one, two, three or four voices, together and in turn, through trials, questions, answers, thoughts, gestures, signs and impressions, in the moment, in time and in space. Ten concentrated structures that escape towards sound and silence. Music is at the center of each player and each has the same importance, the responsibility of creating and contributing is shared, lived, exchanged. There is no hierarchy. A piano, two strings - violin and double bass - and a clarinet, an unusual architecture, a challenge. An instrumental construction that has demands, peculiarities, that leads to difficult or favourable interrelations, that forces the musicians to stop for a moment and let air and light come through, creating shadows, allowing the sounds to breathe, stop, or remain chained to the instant. Their music does not exist ifit only lives in the moment. The paper remains blank. Someonesays that it tells a story or paints a picture, but each is free to find in it whatever they feel, sense or imagine. Lines, curves, volumes, rhythms, a swirling idea or a glow that disappears and then returns in a different shape. The piano is orchestra, percussion, taut strings, hammers, a sound-box and an armour. It is a boat, the stretched cords wail, quiver and suggest: they pull on the sails where the sound sinks, thunders or disappears. The ship sails towards Belém and towards the open sea... but the wind whistles, the cock crows, the topsails squeak, everything turns to high frequencies, the sound quivers, the breeze charms the violin, the soul comes out in the harmonies... we plunge in, frolic about, shake ourselves, splash the sun, reach for the clouds, the sky thickens, the pace quickens, then slackens, then stops.
We cannot retrace the sequence from the track list, we must listen again, re-examine, forget about time, allow dreams and emotions to flow...each handful of minutes picks up the music from the place where silence left off. It is a continuation, an extension in which the form chosen expresses differently what was created in the previous piece. A sense of unity shrouds the seemingly different discoveries, dimensions and particular vibrations. The composition is spontaneous, implicit...
Carlos Zingaro delineates cutting-bow sounds, lyrical logic, Nicola Guazzaloca hammers or blocks the hammers as they pound the strings, groups of notes are created by friction on the strings of Alvaro Rosso’s double bass and João Pedro Viegas murmurs or hisses into the wind column of his bass clarinet. The equilibrium is broken, reinvented, the tension demands for calm, grumbling, pleasure. Modernist, organic, concertante, eloping, counterpoint, deconstruction, workshop, construction site, land, beach, horizon: the landscape is redrawn, deleted, reborn, moods are blurred, indeed false starts leave a significant mark, there are no straight lines and actions taken go astray, following the thread of improvisation. These musicians have great ideas about musical creation, but their ideas do not end there. They connect with the world we live in, they steer clear of false pretences, fake playfulness, phony smiles. The shapes created by this collective game do not exist; they take on the values of sharing, listening and being open to each other. The music becomes the living common good. Symbolic, but alive.”
Musique de chambre, histoire qui se raconte à deux, à trois, à quatre, tous ensemble et chacun à son tour, par essais, questions, réponses, pensées, gestes, signes, traces, dans l’instant, la durée, l’espace. Dix formes concentrées, échappées vers les sons et le silence. Leur musique se situe au milieu de chacun et tous et chacun ont la même importance, le même apport, la responsabilité de la création est partagée, vécue, échangée. Pas de hiérarchie. Un clavier, deux cordes, violon et contrebasse et une clarinette, c’est une architecture particulière, un challenge. Cette construction instrumentale a ses exigences, ses particularités, elle engendre des interrelations difficiles ou propices, oblige les musiciens à s’arrêter un bref instant pour laisser passer l’air et la lumière qui crée des jeux d’ombre et laisse les sons respirer, s’éteindre ou s’enchaîner dans l’instant. Leur musique n’existe parce qu’elle ne vit que dans l’instant. Le papier reste blanc. On dit qu’elle raconte une histoire ou trace un tableau, mais chacun est libre d’y trouver ce qu’il ressent, pressent ou imagine. Des lignes, des courbes, des volumes, des rythmes, une idée virevoltante ou une lueur qui s’échappe et puis revient sous une autre forme. Le piano est orchestre et percussion, câbles tendus et marteaux, une caisse et une armature. C’est un bateau. Et il y a les cordes tendues, qui vibrent gémissent, frétillent, soulignent, elles tendent les voiles où le souffle s’enfonce, gronde ou disparaît. Le tube résonne, l’air vibre sous les doigts. Le navire là part vers Belem vers le large… mais le vent siffle, la coque crie, les huniers grincent, tout tremble vers les aigus, le son tremble, la brise enchante le bois du violon, l’âme se révèle dans les harmoniques… On plonge, on s’ébat, se secoue, éclaboussant le soleil, visant les nuages, le ciel se fait gros, la cadence détale, puis se relâche, s’arrête. On ne saurait retracer par le menu le déroulement, il nous le faut réécouter, se replonger, oublier le temps, laisser venir les songes, les émotions… Chaque morceau de quelques minutes reprend le fil de la musique telle où le silence l’avait laissé. Il s’agit d’une suite, d’un prolongement où la forme choisie exprime autrement ce qui avait surgi dans le morceau précédent. Un sentiment d’unité étreint l’apparence de la diversité des trouvailles, des dimensions, des vibrations particulières. Une composition spontanée, assumée, … Carlos Zingaro détaille les sons archet-scalpel, logique lyrique, Nicolà Guazzaloca martèle ou bloque le marteau sur l’annelé de la corde, des grappes de notes appellent les frottements sourds sur les cordes de la contrebasse d’Alvaro Rosso et Joao Pedro Viegas murmure ou bourdonne dans la colonne d’air de sa clarinette basse. Les équilibres sont rompus, réinventés, la tension appelle le relâchement, la grogne le plaisir. Moderniste, organique, concertante, fugue, contrepoint, déconstruction, laboratoire, chantier, terrain, plage, horizon, le paysage se redessine, s’efface, renaît, les humeurs se brouillent, des faux départs font en fait la meilleure étape, la ligne n’est pas droite et les mesures prises s’égarent, se transforment au fil de l’improvisation. Ces musiciens ont une haute idée de la création musicale mais leurs idées ne s’arrêtent pas là. Elles rejoignent le monde dans lequel nous vivons, évitant les faux-semblants, l’enjouement feint, la grimace enthousiaste. Les formes créées par le jeu collectif n’existent parce qu’ils assument les valeurs du partage, de l’écoute et de l’ouverture à l’autre. La musique devient le bien commun vivant. Symbolique mais vivant.
Bernadette Zeilinger acoustic solo La Musa Records.
En septembre 2013 , j’ai eu l’occasion merveilleuse d’écouter un concert de cette rare flûtiste à Budapest alors que nous partagions l’affiche, Bernadette en solo avec sa flûte contrebasse et moi-même avec mes camarades d’I Belong To The Band (Adam Bohman, Zsolt Sörès, Oli Mayne). En effet, jouer et improviser d'une énorme flûte à bec contrebasse avec ductilité en vocalisant simultanément est loin d’être une chose aisée. À la fois flûtiste et vocaliste de formation classique depuis son plus jeune âge, Bernadette Zeilinger a toujours eu dès son plus jeune âge cette impulsion innée pour la découverte de sons nouveaux, rares, inusités. Avec une aisance confondante, elle utilise sa voix en relation avec son jeu à la flûte simultanément, en maintenant un contrôle du son étonnant. En aucun cas, le son de la flûte est altéré par la voix ou alors si c’est le cas , c’est fait volontairement. Je lui avais alors acheté son précédent album Solo Bernadette Zeilinger et je mis trois ans à me décider à le chroniquer (http://orynx-improvandsounds.blogspot.be/2017/01/ ) Ce texte, à la réflexion, n’était pas vraiment satisfaisant, eu égard à son extraordinaire talent. Cet album était un recueil d’improvisations libres.
Le présent acoustic solo crédite B.Z. : Composition, Bass Recorder, Voice-Flute, Pinkulla. Le pinkulla est sans doute une petite flûte folklorique. Et la flûte utilisée comme « Voice – Flute » me semble être une flûte a bec ténor. Elle l’utilise aussi en soufflant dans l’orifice de l’anche en vocalisant. Avec ses propres techniques alternatives, elle crée une forme de contrepoint sauvage, multiphonique, en ajoutant et croisant différentes techniques de souffle, vocalisations et harmoniques de manière irréelle. Sa démarche évoque sensiblement celles de saxophonistes comme Evan Parker ou Urs Leimgruber. Lors d’une brève conversation, elle m’a précisé qu’elle a composé quelques centaines de pièces rien que pour ses deux flûtes « Voice » et Pinkulla et qu’un auditeur, même averti, n’entendrait pas la différence entre ses compositions et ses improvisations. Paradoxalement, pour le commun des mortels, on imagine mal qu’une musicienne qui maîtrise de manière aussi peu commune de tels instruments joue avec cette intensité organique, sauvage comme si elle faisait retourner les sons arrachés/ insufflés de ses flûtes à la nature proprement dite, non domestiquée, pleines de bruissements, de vie insoupçonnée. On pense aux oiseaux… ou parfois même à des traditions musicales de peuples premiers. Évidemment, il est plus aisé de contrôler le son d’un saxophone ou d’une flûte traversière que celui d’une flûte à bec une fois qu’on se met accumuler les techniques alternatives. Il faut avoir vu souffler et chanter Bernadette Zeilinger dans sa flûte à bec ténor pour le croire. On distingue alors clairement le timbre de sa voix et celui de la flûte alternativement ou simultanément ainsi que celui de la flûte, complètement altéré par la voix. Une approche vraiment mystérieuse. Quinze morceaux se suivent aux titres tirés d’une langue inconnue. Fascinant !
Munich Rat Pack Udo Schindler Phillip Kolb Sebastiano Tramontana FMRCD454-0817
Remarquable collectif de souffleurs qui échafaudent une douzaine de beaux partages / échanges en temps réel. Trustant les clarinettes et les saxophones ainsi qu’un cornet et un euphonium, Udo Schindler utilise aussi un monophonic analogue synthesizer. Philipp Kolb se partage entre la trompette et le tuba tout en insérant ses live electronics. Le tromboniste Sebi Tramontana vocalise et siffle. Un panorama kaléidoscopique de sons et de phrases/lignes multiformes/ grappes colorées s’imbriquent, coexistent, se fondent avec une dynamique assumée. C’est avant tout la dimension collective et cette faculté partagée à trouver une vraie cohérence avec, et malgré, la multiplication des instruments et sources sonores. À écouter avec attention et à plusieurs reprises pour saisir les éléments disparates mais convergents de cette collaboration originale.
Tribal Trevor Watts Jamie Harris Klopotek IZK CD 070
Enregistré en mai 2005, Tribal est le troisième album de ce duo basé sur les rythmes d’origine africaine. Trevor Watts improvise au sax alto et soprano au départ de mélodies polymodales articulées sur des rythmes complexes joués par Jamie Harris au djembé. Trevor Watts est un magnifique saxophoniste avec une sonorité fabuleuse à l’aune des grands altistes du jazz moderne – contemporain. Il figure parmi les géants du jazz libre post Dolphy – Ornette : Sonny Simmons, Jimmy Lyons, Marion Brown, Mike Osborne, Oliver Lake. Après avoir été le pilier incontournable du Spontaneous Music Ensemblejusque vers 1976, il a développé ses Moiré Music Orchestra et Moiré Drum Orchestra avec, entre autres, des percussionnistes africains. Avec ces groupes, il a sillonné le monde entier jouant dans des festivals de Musiques du monde ou de Jazz en Europe, en Amérique (latine..) en Afrique etc.. Son duo avec Jamie Harris évolue dans le droit fil des Moiré. Jamie est d’ailleurs son élève assidu question rythmes. En effet, tous les percussionnistes qui ont travaillé avec Trevor dans les Moiré et Drum Orchestra sont formels : le boss des rythmes, c’est lui. Une écoute attentive des albums de Moiré Music est révélatrice : on a rarement entendu un groupe de jazz contemporain se coltiner avec un tel enchevêtrement de structures rythmiques. Et articuler des mélodies entêtantes et répétitives à l’infini, survolées par les improvisations endiablées du leader compositeur. On retrouve cet esprit et une partie du langage de Moiré dans ce duo. Certains diront que cet album n’apporte peut-être rien aux deux précédents opus, Ancestry (Entropy ESR 016 2004) et Live in Sao Paulo(Hi4 Head HFHCD 005 2005). Mais la qualité de timbre et les agiles et expressives improvisations de Trevor Watts à l’alto, imprégnées du blues éternel et dont les lignes mélodiques sont inspirées de la tradition celtique, le tournoiement imprévisible de son sax soprano, voltigeant sur les battements subtilement décalés du percussionniste, etc font mouche. Un lyrisme et une sonorité merveilleuse, à la fois charnue et limpide, qui tranche nettement d'avec ses meilleurs collègues. Irrésistible. Quand le phrasé du saxophone devient virtuose, les boucles se répandent avec une puissance et une aisance dévastatrices. Le final de Tribal se termine par l’exacerbation de la mélodie en respiration circulaire…. avec un surcroît d’énergie. La musique du cœur. Le rythme est une valeur essentielle de la musique et nous avons à faire ici à un orfèvre. Superbe !
Note : super pochette réalisée par Nicolà Guazzaloca sur carton recyclé.
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Bonne lecture Good read ! don't hesitate to post commentaries and suggestions or interesting news to this......