Les cordes, les cordes , les cordes. Le violoncelle !
Elisabeth Coudoux Emiszatett – Phisys impakt records impakt 014
Pas moins de 9 improvisations de densités et dynamiques différentes pour cinq instrumentistes dédiés à la libre improvisation. La violoncelliste Elisabeth Coudoux s’est adjointe l’aide d’un moteur et la présence active de quatre autres improvisateurs. J’avais déjà chaviré pour son excellent album solo, Some Poems, Cello Solo et Octopus un singulier quartette de violoncelles (Leo Records). Donc, je me devais de découvrir plus. Le tromboniste Matthias Muche, le contrebassiste Robert Landfermann, le pianiste Philipp Zoubek (préparé et synthé), le percussionniste Etienne Nillesen (extended snare drum) l’entourent dans Emiszatett, un ensemble cohérent qui juxtapose ou conjugue un appétit sonore « abstrait » ou « bruissant », un sens de la forme et parfois des ostinati enlevés. Les cinq improvisateurs font corps l’un à l’autre dans une réelle dimension collective. Il arrive que deux ou trois solos se distinguent au détour d’un silence, comme du sel sur la queue. Trois compositions d’Élisabeth Coudoux : Physis, Vineyard Snall et Drawing, respectivement 6 :15, 4 :08 et 5 :16. Les six autres sont des improvisations collective du groupe. On entend clairement une direction dans l’improvisation issue de la musique contemporaine d’avant-garde et peut-être de la fréquentation de conservatoires où la pratique de l’improvisation est encouragée ou enseignée/pratiquée. Bien qu’il y ait de temps à autre une ou deux incartades ludiques, c’est une musique jouée de manière appliquée, concentrée sur un son de groupe cohérent et évolutif. Le bon point de leur musique est qu’elle peut être écoutée et réécoutée à la file, on ne s’ennuie pas. Il y a toujours une autre perspective et d’autres dimensions qui se dévoilent d’une écoute à l’autre et d’un instant à l’autre. Certains diront que cela manque un peu de folie, mais j’ajouterai qu’ils ont surtout évité de suivre les voies actuellement les plus rabâchées dans quelles « directions » que ce soient, sans les citer. Ça fatigue. On y trouve des sonorités agencées avec d’autres sonorités qui se complètent et se stimulent à ravir. Il y a aussi de l’énergie, de la subtilité, des nuances et un sens assumé de la dynamique. Lors de cet enregistrement, ils ont tout fait pour adhérer à la formule choisie et dans les concerts qui devraient suivre, connaissant bien l’un ou l’autre, je suis certain qu’ils vont se surpasserPas moins de 9 improvisations de densités et dynamiques différentes pour cinq instrumentistes dédiés à la libre improvisation. La violoncelliste Elisabeth Coudoux s’est adjointe l’aide d’un moteur et la présence active de quatre autres improvisateurs. J’avais déjà chaviré pour son excellent album solo, Some Poems, Cello Solo et Octopus un singulier quartette de violoncelles (Leo Records). Donc, je me devais de découvrir plus. Le tromboniste Matthias Muche, le contrebassiste Robert Landfermann, le pianiste Philipp Zoubek (préparé et synthé), le percussionniste Etienne Nillesen (extended snare drum) l’entourent dans Emiszatett, un ensemble cohérent qui juxtapose ou conjugue un appétit sonore « abstrait » ou « bruissant », un sens de la forme et parfois des ostinati enlevés. Les cinq improvisateurs font corps l’un à l’autre dans une réelle dimension collective. Il arrive que deux ou trois solos se distinguent au détour d’un silence, comme du sel sur la queue. Trois compositions d’Élisabeth Coudoux : Physis, Vineyard Snall et Drawing, respectivement 6 :15, 4 :08 et 5 :16. Les six autres sont des improvisations collective du groupe. On entend clairement une direction dans l’improvisation issue de la musique contemporaine d’avant-garde et peut-être de la fréquentation de conservatoires où la pratique de l’improvisation est encouragée ou enseignée/pratiquée. Bien qu’il y ait de temps à autre une ou deux incartades ludiques, c’est une musique jouée de manière appliquée, concentrée sur un son de groupe cohérent et évolutif. Le bon point de leur musique est qu’elle peut être écoutée et réécoutée à la file, on ne s’ennuie pas. Il y a toujours une autre perspective et d’autres dimensions qui se dévoilent d’une écoute à l’autre et d’un instant à l’autre. Certains diront que cela manque un peu de folie, mais j’ajouterai qu’ils ont surtout évité de suivre les voies actuellement les plus rabâchées dans quelles « directions » que ce soient, sans les citer. Ça fatigue. On y trouve des sonorités agencées avec d’autres sonorités qui se complètent et se stimulent à ravir. Il y a aussi de l’énergie, de la subtilité, des nuances et un sens assumé de la dynamique. Lors de cet enregistrement, ils ont tout fait pour adhérer à la formule choisie et dans les concerts qui devraient suivre, connaissant bien l’un ou l’autre, je suis certain qu’ils vont se surpasser.
Continuons avec un autre violoncelliste incontournable : Tristan Honsinger
In The Sea : Tristan Honsinger Joshua Zubot Nicolas Caloia. Forks and Spoons Creative Sources CS 572 CD
Le fabuleux violoncelliste Tristan Honsinger traverse les décennies sans jamais faillir à sa réputation de musicien improvisateur exceptionnel et d’instrumentiste à la sonorité et à la projection de celle-ci uniques. Avec In The Sea, il construit les pages parmi les plus belles de sa longue carrière : un concept vivant et authentique de trio à cordes qui recycle des codes musicaux conventionnels avec audace, excès, énergie et une expressivité loufoque, presque criarde. Un sens de l’hésitation, de la répétition ressassée de bribes de mélodies qui débouche sur des envolées irrésistibles ou des élégies faussement compassées. De l’expressionnisme graphique, visuel, théâtral en musique, concertante certes, enjouée, sérieuse et joyeusement ludique. Le violoniste Joshua Zubot s’inscrit entièrement dans cette équipée et le contrebassiste Nicolas Caloia en construit consciencieusement les fondations invisibles mais palpables. Les cadences de base des morceaux sont appuyées surtout par Tristan et le son énorme de son coup d’archet inimitable. La qualité de l’écriture des thèmes et de leur évolution, les structures décalées, cette gaucherie voulue, ces mimiques ont toutes un air de fête ou une qualité désenchantée, un feeling que nous ne trouverons pas ailleurs. Cecil Taylor a une fois dans sa vie enregistré sans batterie et en trio … avec Tristan Honsinger (et Evan Parker) : The Hearth (FMP 1988). Par la suite, Tristan a joué dans plusieurs des groupes de CT. Je dis ça rien que pour ceux qui l’ignorent (cette relation de TH avec CT), mesurent la stature du personnage. Aussi comme Cecil, il insère sa poésie dans la musique. La sienne a un côté symbolique et terre – à – terre délirant, surtout sa diction digne de Beckett ou Ubu. Fusent de tout côté des prouesses et des élans passionnés ou furieux ou nostalgiques et des pointes de blues. La musique savante dépucelée par la musique populaire. La sagesse et la folie de la pureté/impureté musicale. S’il faut commander leur autre album chez Relative Pitch aux USA, on aura à régler les frais de port (15 USD), autant se fier à ces Fourchettes et Cuillères, il vous en manquera toujours pour pouvoir déguster leur musique dignement. Passez les plats. J’ajoute encore avoir chanté le jour même * sur la scène où leur musique a été enregistrée le 19 novembre 2016 à Heiligenkreuz im Lafnitztal. Quel souvenir ( !) revécu ici pleinement grâce à l’enregistrement de qualité par Iztok Zupan. In The Sea.
Poursuivons avec un autre (violoncelliste) : le français Valentin Ceccaldi
Valentin Ceccaldi Ossos Cipsela cip 009
Cipsela, le label portugais, nous a déjà gratifié de plusieurs albums solos (Carlos Zingaro, Marcelo Dos Reis, Joe McPhee et Luis Vicente). Sous le signe de la forge avec trois morceaux, Enclume, Marteau, Étrier qui évoque aussi le logo initial d’Incus, le label, les trois osselets (Ossos) de l’oreille interne qui vibrent en empathie sous le tympan, l’archet du violoncelliste français Vincent Ceccaldi nous donne à rêver et à penser sur les vibrations intérieures de l’âme secrète de la basse à cordes. Une contrebasse est une contrebasse et un violoncelle est une basse moins grave et plus propice en enrichir le spectre sonore. Ce sont ces valeurs expressives de base que nous livre Vincent Ceccaldi avec cette richesse de timbres tant naturelle que préparée. Ce n’est pas à proprement parler une histoire ou un programme mais des strates quasi géologiques. Matières, densités, voix ténue, agrégats, condensations, drones réitérées, chute abrupte où la coupe de terrain affleure : enclume. Un travail systématique, intense sur les aigus saturés, grinçants et des harmoniques pointues alternant avec cet archet qu’on torture en faisant crier les cordes ou gratter leur fil. S’ensuit, un pizzicato tout simple répété et décalé dans un effet de pendule improbable et délicieux plus autres variantes… : Marteau. On fait dire le plus avec un presque rien. Techniques alternatives dont il met en scène leurs singularités comme dans un rituel. Il y a un côté légèrement hiératique ou symbolique. Mais il faut dire que la qualité d’exécution est impeccable, les intentions sont assumées avec brio. Un concert de cette musique doit sûrement être un excellent moment pour autant où l’auditeur veut pénétrer dans le monde intérieur de l’artiste et l’accompagner où seul, lui, peut se rendre. Convaincant.
Cet album de Valentin Ceccaldi offre une vision différente que l’œuvre en solo du violoncelliste portugais Guilherme Rodrigues, Cascata, parution récente (et chroniquée ici) du label Creative Sources, fontaine inextinguible d’enregistrements innovants et autres que dirige son père l’altiste Ernesto Rodrigues. Voici un beau témoignage en quatuor à cordes.
dis con sent Dietrich Petzold Ernesto Rodrigues Guilherme Rodrigues Matthias Bauer Creative Sources CS 563 CD
En commandant l’album d’In The Sea, le fidèle Ernesto Rodrigues a mis cet album dans le paquet parce qu’en qualité de cordiste – violoniste engagé, il se doutait bien que ce dis con sent trouverait grâce à mes oreilles. Il a tout à fait raison. Cet album dans lequel les deux Rodrigues père et fils sont aux prises avec deux pointures berlinoises, le violoniste Dietrich Petzold et le contrebassiste (et cadet des frères Bauer – les trombonistes) Matthias Bauer dans un exercice salutaire : comme l’a toujours professé, répété et inscrit dans le marbre, les instruments de la famille des violons ne donnent leur pleine mesure qu’en étant rassemblés à l’abri des éclats des cuivres, des fréquences invasives de la percussion et de devoir adapter leur doigté à la tricherie de l’accordage du piano (l’addition des fréquences des intervalles de seconde, tierce, quarte, etc… n’est pas transitive). Ce n’est pas le premier des enregistrements du tandem Rodrigues, ensemble ou séparés, en groupe exclusivement cordiste à archet, mais ce dis con sent est sans doute une trace discographique majeure dans le cursus. Bon à savoir, vu l’étendue du catalogue C.S. Pour les reconnaître l’un de l’autre, Guilherme, c’est le fils souriant et il joue du violoncelle. Le père, pensif, excelle à l’alto, un instrument difficile pour lequel Dietrich Petzold est aussi crédité, en sus de bowed metal. En traversant d’écoute les pièces numérotées de I à VII, on a droit à toute la gamme des occurrences sonores, des cadences, des émotions, des raffinements et des emportements. Il n’est pas inintéressant de comparer au Stellari Quartet de Phil Wachsmann, Charlotte Hug, Marcio Mattos et John Edwards dont Emanem a publié deux albums et dont l’instrumentation est quasi-identique. Avec deux British et un Brésilien londonien d’adoption, il y a une dose d’excentricité, d’expressions plus individualisées. Mais les moments offerts par ce quartet Lisbonne – Berlin recèlent bien des qualités au niveau des timbres et des agencements interactifs dans une synergie pleinement vécue. Lueurs vif-argent, couleurs sombres, élégies vespérales, rebondissements primesautiers, créations de formes bien marquées et évolutives, ouvertes à la contradiction, entremêlements de frottés saturés et de doigtés en saccade, torsades de sons boisés et moirés. C’est tout bonnement exemplaire. Pierre Boulez a de son vivant invité le Stellari Quartet au festival de Lucerne à l’écoute d’un CDr proposé par Charlotte Hug. Charlotte : « Maestro, c’est de la musique entièrement improvisée ! ». Le compositeur avait souvent manifesté sa « désapprobation » face à l’improvisation. Mais il fut convaincu par le résultat qui utilisant les possibilités sonores des cordes et leurs imbrications etc… qui était très proche de la consistance et de l’évolution dramatique et musicale d’une œuvre conçue par un excellent compositeur et jouée par des instrumentistes au sommet de leur art. C’est bien l’impression de cette vérité, de cette réalité que je perçois ici. Une œuvre qui appelle à la réécoute, au chérissement Rosenbergien et mérite de figurer dans les annales.
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