The Spontaneous Music Ensemble Questions and Answer 1966.rythmandbluesrecords.co.uk
Paul Rutherford/ Trevor Watts/ Bruce Cale / John Stevens.
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Un des enregistrements les plus anciens du Spontaneous Music Ensemble datant du 22 juin 1966 au pub Prince Albert à Greenwich et du 30 août 1966 dans un studio. Le groupe venait de changer de nom quelques semaines ou mois auparavant : The Paul Rutherford – Trevor Watts Quartet est devenu The Spontaneous Music Ensemble à la suggestion de Paul Rutherford. Qui dit SME pense immédiatement à l’improvisation libre dont le groupe fut un des principaux foyers tout comme AMM ou Music Improvisation Company. À cette époque précise , leur musique était basée sur des thèmes composés servant de tremplin à des improvisations collectives assez libres bien dans le sillage de la New Thing américaine et inspirées par Eric Dolphy, Ornette Coleman ou le New York Art Quartet de John Tchicaï et Roswell Rudd. On retrouve les mêmes morceaux enregistrés sur le légendaire album Challenge (Emanem) : You Can Be Happy, Judy ‘s Smile, Day of Reckoning, écrits par Trevor Watts, Little Red Head et Chant par John Stevens. Par rapport à l’ensemble des enregistrements, l’ambition musicale du SME et son évolution vers des formes nettement plus audacieuses, cet album documente leurs premiers pas intéressants, surtout pour les chercheurs et les spécialistes. Bruce Cale, un contrebassiste australien quittera assez vite le groupe pour la Berklee School à Boston. Bruce’s Departure y fait allusion. Disons que la direction musicale des débuts sera achevée de manière magistrale dans « Prayer for Peace », l’album d’Amalgam ( 1969 Trevor Watts – Jeff Clyne – John Stevens + Barry Guy sur un morceau) dans lequel figure justement Judy’s Smile. Se dessine ici à la fois le free-jazz typique des années 60 et une volonté d’affiner leurs recherches musicales (cfr Little Red Head). Sur le premier cd, le producteur a intelligemment ajouté un entretien questions et réponses avec le public pour que les musiciens puissent expliquer leur démarche. C’est d’ailleurs Trevor Watts qui joue très bien le rôle de porte-parole. Les notes de pochette présentent le SME comme étant la chose de John Stevens, alors qu’en 1966, il s’agissait d’un groupe essentiellement collectif. John Stevens en a « imposé » - « assumé » la direction musicale dès l’année suivante. J’ai écrit un essai assez long sur l’évolution du groupe et je peux vous dire qu’il n’existe pas d’autres groupes d’improvisation ou free- jazz dont les différentes éditions et avatars improbables tissent un fouillis aussi inextricable au point de vue de ses personnels successifs, de sa direction esthétique et ses orientations musicales. S’il est convenu de dire que Stevens, Watts, Evan Parker, Paul Rutherford, Derek Bailey et Barry Guy en ont fait partie, s’ajoutent aussi les contrebassistes Johny Dyani, Barre Phillips, Dave Holland et Ron Herman, les chanteuses Maggie Nicols et Julie Tippetts, les trompettistes Mongezi Fesa et Kenny Wheeler, le guitariste Roger Smith et le violoniste Nigel Coombes et même John Butcher. C’est tout dire. Mais on dira aussi que le SME s’est polarisé avant tout autour de Stevens et Watts jusqu’à ce que ce dernier quitte le groupe en 1975 et qu'ensuite le SME se résume au trio Stevens- Coombes- Smith jusqu’à la disparition du batteur en 1994.
Donc, même si cet album contient du bon free-jazz pris sur le vif avec un super saxophoniste et un tromboniste qui affirmait déjà une réelle personnalité, si vous n’avez pas encore entendu d’autres albums du SME ou de ses musiciens pris séparément (je pense à Paul Rutheford), passez votre chemin et informez-vous. Car Trevor, Paul et John sont des aventuriers incontournables qui méritent mieux que ces enregistrements d’archives aussi précieux soient-ils. Après la deuxième partie du concert, figurent les quatre morceaux en trio d’août 1966 sans le tromboniste qui recèlent une magnifique sensibilité. Le batteur se fait nettement plus discret , le contrebassiste superbement joue à l’archet, le timbre du saxophone est remarquablement lyrique et l’inventivité mélodique du souffleur est déjà confondante. Stevens joue du glockenspiel dans le dernier morceau et on peut se faire une idée de ce que va devenir son style plus épuré aux cymbales dans les années qui suivent.
Un petit bémol : il est dommage que Trevor Watts, le seul survivant (80 ans) et personnalité phare du groupe n’ait pas été consulté pour cette publication et a même été mis devant le fait accompli. Trevor conserve des archives très fournies du SME et en est sans nul doute la personne la mieux informée qui soit. A-t-on idée ? Concernant un tel groupe, cela aurait été la moindre des choses.
Lakefront Discussions Udo Schindler Jaap Blonk FMRCD592-0920
Le souffleur Udo Schindler, entendu récemment à la clarinette basse et contrebasse avec Ove Volquartz et Sebi Tramontana, a amené ses sax ténor et soprano, son cornet et un euphonium pour cette session peu commune avec l’impressionnant vocaliste et poète sonore Jaap Blonk et son électronique. Si le langage instrumental de Schindler se réfère ici à la lingua franca de la free-music au saxophone et l'utilisation d’harmoniques, le répertoire sonore (et poétique) de Jaap Blonk est unique en son genre : il incarne la poésie sonore, une démarche artistique qui se situe aux confins et englobe à la fois la poésie, la vocalité , le chant et l’improvisation avec une réelle imagination et un sens profond de la recherche sonore. Il challenge la créativité de son acolyte avec des sonorités électroniques subtiles, bruits blancs exacerbés et vibrations électriques bruissantes, volatiles et extrêmes concurremment à la voix. Face à ce phénomène scénique, Udo Schindler explore les timbres, sature la colonne d’air avec des harmoniques et varie les effets, changeant régulièrement la perspective face aux borborygmes, bruits de bouche, glossolalies, inventions vocalo-langagières de Jaap Blonk. Celui-ci décline un arsenal impressionnant d’effets vocaux, de sabirs imaginaires, de growls chargés d’harmoniques, de logorrhées incompréhensibles étonnamment articulées avec une puissante projection de la voix. Certaines de ces interventions sont écrites comme on peut le constater en lisant le poème sonore figurant en texte imprimé dans la pochette. En effet ses « chants » semblent être étudiés dans le moindre détail. On entend, entre autres, des bruitages percussifs réalisés en inspirant l’air amplifié par la gorge et la cavité buccale : il s’agit des battements du clapet du larynx contrôlés comme s’il s’agissait d’un instrument étrangement accordé. Aussi les vocalises de Blonk répondent, alternent ou se superposent à ses propres sonorités électroniques. On a parfois l’impression que l’électronique est le prolongement de la voix. Pour le duo, il s’agit bien de tentatives réussies de discussions, d’essais d’intercompréhension, de parties de plaisir phonologique…. J’apprécie très bien les stratégies utilisées par Udo Schindler avec ses saxophones ténor et soprano et ses autres instruments pour coïncider et rendre sa démarche opérante face à un tel artiste sonore/vocal. Par exemple son jeu au sax soprano dans Lopekkea. C’est un album à la fois attachant, intéressant qui offre un patchwork improbable de cette vocalité alternative, subversive et finalement aussi amusante que dramatique propre à Jaap Blonk. Une mention très bien à Udo Schindler pour sa collaboration en phase et à propos dans ce contexte très particulier que j’adore.
Klaus Treuheit with Lou Grassi featuring Georg Wissel New series KTMP 2020 double CD
Prickly Tenacity I-VI Sublime Sensations VII -X
Klaus Treuheit with Lou Grassi Serracapriola live I-V
Rencontre entre un pianiste (préparé), claveciniste (intensifié) et organiste d’obédience musique contemporaine , Klaus Treuheit et d’un percussionniste issu du jazz et élève de Lennie Tristano, Lou Grassi. Concours d’un saxophoniste (préparé) alto et ténor dans les deux premiers cycles de variations (Prickly Tenacity – Sublime Sensations CD1). Le pianiste et le batteur ont déjà commis ensemble un LP en duo chez No Business (Port of Call) et un remarquable compact avait réuni Treuheit et Wissel avec le violoniste Christoph Irmer (Katachi). Dans le premier CD : Une musique aérienne, éthérée, incursion dans le détail avec des cordes grattées, cithare légèrement percutée et finement résonnante, espace sonore étiré par les mailloches allusives effleurant les toms nus. Le souffle sinueux et vibratile du saxophone et son aura cotonneuse tracent une ellipse scalène désenchantée, … Il faut attendre la quatrième et dernière improvisation de la série Prickly Tenacity pour entendre débouler Georg Wissel en zig-zags anguleux, hachés menu ou déchirés et le tandem piano batterie évoluer en montagnes russes percutantes. La série suivante sollicite étrangement un clavecin intensifié. L’intention très précise de Klaus Treuheit aux claviers fait qu’enchanté par le flux musical, on en vient à oublier qu’il s’agit d’un clavecin. Le deuxième CD en duo débouche sur une configuration nettement plus orchestrale, Treuheit jouant remarquablement des effets multiples et toujours surprenants des grands orgues alors que son compagnon mue véritablement en percussionniste d’orchestre. Il faut souligner la classe de ce percussionniste qui trouve naturellement la stratégie idoine dans ces circonstances hasardeuses. On se laisse complètement envoûter par les souffles libérés des tubes d’étain : contrepoints délirants, multiphonie folie, sarcasmes fracassants dans l’espace résonnant de la Neustadte Kirche , Erlangen, sarabande féérique, … c’est toujours la fête des grands vents, des sifflements sournois, des hululements de volière insoumise… quand un maître un peu fou se déchaîne de la sorte.
Andrew Raffo Dewar Anne LeBaron Andrea Centazzo Encantamientos pfMentum cd14
Saxophone soprano (Andrew Raffo Dewar), harpes acoustique et électrique (Anne LeBaron) et percussions -live electronics (Andrea Centazzo). Musique improvisée pointilliste, atmosphérique et chercheuse. Le saxophone soprano vrille l’air et fait trembler la colonne d’air, clapets ouverts ou fermés dans des occurrences sonores stridentes, défiant l’ordre des notes entre celles-ci, les timbres extrêmes oscillant dangereusement entre harmoniques douces et quintoiements douteux. Les intersections sonores combinatoires d’une harpe bruissante et résonnante avec les ustensiles métalliques et boisés de Centazzo, gongs, cloches, crotales, woodblocks et caisses effleurés ou piquetés créent un univers sonore ouvert où s’inscrit remarquablement le silence et l’espace. Musique d’écoute affinée et d’enchantement poétique, elle fait naître vibrations métalliques, glissandi étranges, effervescences éphémères, coïncidences et agrégats de sonorités cousines et de crissements curieux. Les séquences improvisées se succèdent, s’imbriquent et se métamorphosent. Une géographie de bruissements, de timbres secs, de frappes amorties, de résonnances se développe et suscite notre curiosité. Flûte songeuse face aux légères mailloches sur les lames et les notes égrenées avec douceur par Anne Le Baron. Un sens de l’épure et une sélection minutieuse des moyens sonores aiguillent l’activité du trio vers l’essentiel, une pureté d’intention pour créer et renouveler des paysages sonores nouveaux ou peu ouïs. Un trio original d’improvisateurs originaux qui défie les catégories et définitions pour offrir un grouillement sonore et coloré, des arabesques délicates de fleurs tropicales, lequels se développent au ralenti autant à l’émotion abrupte immédiate qu’au travers de réflexions lucides et profondément expérimentées. Magnifique ! On en oublie la contribution individuelle de chaque musicien au niveau instrumental pour se laisser porter par cet improbable inspiration collective « métamusicale ».
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Bonne lecture Good read ! don't hesitate to post commentaries and suggestions or interesting news to this......