Audrey Lauro & Gotis Damianidis Dark Ballads LP SW016. MN007 Mr Nakyasi.
https://mrnakayasi.bandcamp.com/album/dark-ballads
Publiées l’année dernière, ces Dark Ballads, proches d’une atmosphère pesante et insidieuse de films ou romans noirs, sont au nombre de trois étalées entre des véritables diamants d’improvisation, Obsidienne, Almandin et Béryl Rouge dans la laque noire d’un vinyle sulfureux. Audrey Lauro et son saxophone alto échappe aux catégories simplistes du free, de l’improvisation dans ces multiples pratiques, s’agrégeant corps et âme à un ou une partenaire et un territoire commun sonique, électrique, expressionniste et subtil. Dès les premières secondes, les notes de la souffleuse se contorsionnent, chargées d’un cri torturé qui dénature les écarts de tons et demi-tons dans une réalité brûlante. Gotis Damianidis excelle à saturer ses six cordes d’une électricité sauvage, indomptée créant des phrasés mystérieux et novateurs. Ou alors, il intervient dans une manière paysagère et ouverte quand sa collègue oblique sa trajectoire en zig-zag dans des intervalles – harmonies curieuses et très ciblées. Chacun des morceaux contient sa quintessence de noirceur, de rage et exprime autant la lucidité du désespoir et la folie hagarde d’un lendemain redouté. Un ressenti primal, une boule de colère, une lueur d’espoir. Urgence. Cette démarche originale n’est pas une thèse de composition contemporaine qui se travestit en improvisation radicale, mais un déroulement narratif poétique fait de sentiments, d’impressions subites, d’un vécu intense que la musique épouse étroitement. Les deux artistes font appel à une sélection avisée de potentialités guitareuses amplifiées et des aléas volontaires d’un souffle rebelle qui se répondent de manière spontanée coordonnée et naturelle. Musique d’aujourd’hui : crises , dérives, cataclysmes… À écouter, méditer et recommander. Super label Belge Mr Nakayasi !!
The Room : Time and Space Seppe Gebruers Hugo Antunes Paul Lovens el Negocito records troika 3 Po Torch Records
https://elnegocitorecords.com/releases/eNR084+.html
https://elnegocito.bandcamp.com/album/the-room-time-space
Cette Room dans le Temps et l’Espace (Time and Space) a été enregistrée en février 2016 à Malines. J’ai fait l’acquisition d’une copie CD que tout récemment, c’est donc pour cette raison que mon compte rendu ne paraît que trois ans après sa parution. Les courtes notes de Paul Lovens sur la pochette reflètent le sentiment ou la sensation qu’une pièce, un lieu (The Room) a sa propre personnalité qui vous aide à faire silence et écouter intensément. Je crois que cet enregistrement avec le pianiste Seppe Gebruers et le contrebassiste Hugo Antunes, l’instant et le lieu revêtent une grande et profonde signification qu’il a (sans doute) tenu à faire inscrire le titre de son vieux label Po Torch sur la pochette pour bien signaler cela à ses auditeurs fidèles. Il y a longtemps que Po Torch vinyle a cessé ses activités, mais on retrouve ici toute l’acuité créative liée à la pratique de Paul Lovens. On est loin ici de la free – music énergétique du trio avec Schlippenbach et Parker. Seppe Gebruers joue de deux grands pianos accordés un quart de ton l’un par rapport à l’autre et simultanément quand il le faut. Cinq plages rassemblent les différentes « unedited free improvisations », vraisemblablement dans le désordre de la prise de son initiale, car on passe de Room 1 à Room 6/7 puis 3, 5b et 2 , sans doute pour des raisons de dynamique et d’enchaînement logique qui vont de soi pour des improvisateurs expérimentés. Hugo Antunes est crédité contrebasse préparée et non préparée. Son jeu un peu assourdi est oblique, percussif et épuré et se situe au centre créant un point d’ancrage ouvert et attentif entre les frappes millimétrées du batteur sur les peaux amorties (chiffons, gongs, petites cymbales), les bords des tambours et la frange des cymbales. L’archet fait subrepticement grincer les cordes amorties et les doigts bienveillants de Seppe pincent les cordes dans la table d’harmonie comme une harpe irréelle. Il joue quelques notes avec des intervalles secrets, lesquels se révèlent comme les clés de la réussite. Une voix parle dans le tambour, chaque frappe jouant une note – hauteur distincte, indéfinie et sans résonnance. Une musique aussi raffinée que sauvage étalée dans l’espace, l’écoute, sans aucune hâte, lentement pour nous laisser le temps d’entendre chaque son, chaque rebond, chaque résonnance. Le morceau le plus animé et anguleux (en 4 : Room 5b) est encore dans cette retenue, cet élan brisé avec ces frappes isochrones imperturbables sur woodblocks et gongs qui dans leur déraison suscitent des réactions subtilement ludiques avec une précision maniaque. Seppe et Hugo manifestent une maturité remarquable qui rentre complètement en phase avec les exigences esthétiques de ce batteur légendaire. Un trio tout en finesse d’ improvisateurs qui assument leur démarche collective jusqu’au bout des ongles. Pour une écoute individuelle profonde dans le calme de la nuit.
El Negocito est un label gantois (belge) fédérant une multiplicité d’initiatives focalisées sur le jazz contemporain ou free avec une ouverture d’esprit propice à une expression aussi « sérieusement » pointue et lucide jusqu’à l’ascétisme comme celle-ci.
Mirror Unit : Sonic Rivers Georg Wissel – Tim O’Dwyer FMRCD615
https://georgwissel.bandcamp.com/album/sonic-rivers
Ces deux souffleurs de saxophones partagent beaucoup de choses au niveau de la recherche instrumentale et sonore en utilisant de multiples techniques « alternatives » soufflant à l’envers, usant de coups de langues, harmoniques, bruissements, morsures, faux doigtés, sons ténus, effets aériens, aspirations, grincements, articulations hachées menu, motifs sauvages et que sais-je. Sans parler des objets qui vibrent dans le bocal comme ces gobelets plastiques. Mais là, n’est pas le principal. Au centre de leurs préoccupations, comment mettre cela en commun, créer un dialogue original, une imbrication, une constante coordination aussi spontanée qu’étudiée. Mirror Unit joue en complète communion avec son partenaire et la moindre émission sonore, le moindre geste , une disponibilité à toute épreuve. Et donc, Mirror Unit, le duo de Georg Wissel et Tim O’Dwyer s’affirme comme une entité unique, enrichissant le matériau brut et spontané, toutes ces « scories » dans une réflexion partagée, et non mimée, comme s’ils se reflétaient dans un miroir commun. Un miroir imaginaire qui se trouve quelque part entre leurs bouches, leurs embouchures, leurs doigts, les clés et le pavillon de leur instrument, saxophones alto et préparations. Ces préparations contribuent à altérer et déformer le son du souffle dans leurs instruments, leur pratique ludique et leur savoir-faire étendent, dilatent leur sons emboîtés sans que nous nous lassions un instant. On n’en finit pas de découvrir leur univers, chacune des six improvisations apporte de l’eau au moulin créatif, à une réelle diversité de sons tout en maintenant la démarche de manière intelligemment jusqu’au-boutiste avec un réel sens des formes.
Rivières soniques, roman-fleuve, nappes phréatiques débordantes, fuites incongrues, torrents d’une saison, fonte des neiges, lagunes, cascades, geysers, fossés de pluies, musiques de tuyaux, d’air et de vents humides. Un enregistrement d’improvisation contemporaine exceptionnel au niveau des meilleurs outsiders comme Urs Leimgruber, Michel Doneda, John Butcher… dans une rare combinaison duale
Danny Kamins Disruptor Noise Pelican Records
https://dannykamins.bandcamp.com/album/disruptor
Album solo de sax baryton d’un collègue plus que méritant de Daunik Lazro et Simon Rose, lesquels explorent systématiquement ce saxophone grave au son graveleux, propice aux diffractions de la colonne d’air, aux bourdonnements mystérieux, telluriques, harmoniques indécises. Boucles suspendues dans le temps, traversées de déchirures frémissantes, multiphoniques rétives et obstinées, aigus mordants, énergie. Danny Kamins est établi à Houston, Texas et y anime activement la scène locale d’improvisation / free jazz. Il s’est produit avec Damon Smith, Alvin Fiedler, Tatsuya Nakatani, Bob Moses, Jeb Bishop, Sandy Ewen et ses propres groupes D.K. Blow Out, Carl, Etched in the Eye. D.K. Blowout est une affaire free- hardcore électrique furieuse et à l’écoute de ce groupe carrément noise mais intelligemment contrasté, on imagine mal que son trio a interprété Treatise de Cardew et, ici, le feeling pastoral amoureusement acoustique et chercheur de sa performance solo, composée d’un brève intro et de cinq pièces consistantes consacrées au souffle circulaire. Patiemment, Danny Kamins empile les effets de souffle et les harmoniques dans une vibrante tournerie de puissantes sonorités graves où s’agitent les morsures aiguës et vocalisées qui détraque l’aspect répétitif de son jeu en souffle continu. Avec des doigtés factices laissant ouvert un ou deux clapets au-dessus de la note jouée, en dosant son souffle et la pression sur l’anche et y ajoutant des coups de langue assassins, le saxophoniste fait parler et chanter ces notes fantômes auxquelles l’inoubliable Albert Ayler a donné une des expressions les plus convaincantes et authentiques. Un jeu- rêve acoustique et respiratoire qui semble faire éclater la composition de l’air N2-O2 (78-21%) y activant les gaz rares rebelles (1%) qui semblent animer la disruption de l’émission sonore. Une dimension sous-jacente du blues. Magnifique, authentique et bienvenu !
Ilya Belorukov & Lauri Hyvärinen Inverted Canvas Hemisphäre HNK 023
http://belorukov.blogspot.com/2011/06/hyvarinen.html
Enregistré en 2019 à Varsovie et reçu il y a plusieurs mois parmi un monceau de files.
Pas de chance, inexplicablement la connexion Bluetooth entre mon portable et mon ampli ne fonctionne plus : l’existence de mon ampli est oubliée par le système de mon portable. Via le haut-parleur du portable, le son est un peu dur.
Ilya Belorukov est un saxophoniste et artiste électronique russe expérimenté ici crédité synthétiseur modulaire et Lauri Hyvärinen s’affirme comme un guitariste improvisateur de talent. C’est avec un excellent duo guitares de Lauri et Daniel Thompson publié en digital qu’Inexhaustible Editions a initié son super catalogue d’avant-garde improvisée. Par coïncidence Wolkokrot,le premier album d'Inexhaustible Editions (ie-01) documente le duo d'Ilya Belorukov et Miguel A. Garcia, le russe étant crédité electronics, field recordings, samples. Ilya a aussi créé son propre label Intonema et est un des principaux animateurs de la scène expérimentale russe. Les deux musiciens tentent de créer un dialogue – questionnement entre l’acoustique providentielle du jeu d’Hyvärinen et les arcanes soniques du synthé modulaire de Belorukov, instrument « vintage » avec lequel une poignée d’allumés travaillent de manière systématique et très subtile. Il faut mentionner évidemment Thomas Lehn, Richard Scott et Willy Van Buggenhout qui pousse le bouchon très loin. Et fort heureusement, on entend des choses intéressantes, des combinaisons sonores astucieuses, riches voire étonnantes sous les doigts experts d’Ilya Belorukov. Le savoir – faire guitaristique de Lauri Hyvärinen n’est pas en reste. Il lui arrive de créer des phrases et des sons intrigants en jonglant avec les harmoniques. Deux longues improvisations de dix-huit et vingt minutes , Inverted Canvas et Painting in the Dark s’écoulent agréablement entre des pointes surprenantes, des moments suspendus, des trouvailles sonores et des drones minimalistes en dehors d’aucun plan ou trajectoire. Leur démarche s’apparente à une dérive autant sonore que poétique avec un parti-pris d’interaction tangentielle, expérimentale. On appelle cela des chercheurs dans l’inconnu qui documente leurs lubies, plutôt que de présenter des choses évidentes qui fonctionneront sans souci. Peut-être leur enregistrement idéal en duo aurait gagné à être plus concis ou focalisé.
Néanmoins , ce sont deux artistes très valables qui devraient continuer leur collaboration Helsinki n’étant pas si éloigné de St Petersbourg. Des artistes à suivre.
Consacré aux musiques improvisées (libre, radicale,totale, free-jazz), aux productions d'enregistrements indépendants, aux idées et idéaux qui s'inscrivent dans la pratique vivante de ces musiques à l'écart des idéologies. Nouveautés et parutions datées pour souligner qu'il s'agit pour beaucoup du travail d'une vie. Orynx est le 1er album de voix solo de J-M Van Schouwburg. https://orynx.bandcamp.com
30 novembre 2021
25 novembre 2021
A More Attractive Way IST Rhodri Davies Simon H.Fell Mark Wastell on Confront Core (+ Phil Durrant et John Butcher)
A More Attractive Way IST Rhodri Davies Simon H.Fell Mark Wastell Confront core series / core 21
https://confrontrecordings.bandcamp.com/album/a-more-attractive-way
Un coffret qui fera date dans l’histoire de la documentation de la libre improvisation. IST est né de la rencontre fortuite vers 1995 du contrebassiste compositeur Simon H. Fell, un musicien très expérimenté et deux jeunes musiciens relativement débutants en matière d’improvisation, mais extrêmement motivés et enthousiastes, Mark Wastell (violoncelle) et Rhodri Davies (harpe). Dès la première rencontre, un climat de confiance et de compréhension s’est installé dès la toute première rencontre en studio le 5 septembre 1995 et ensuite le 15 décembre de la même année, le groupe s’est trouvé une voie commune et une forte identité. On peut l’entendre dans IST : Anagrams To Avoid, un vinyle publié par le label SIWA # 3. Une musique de chambre improvisée tout en raffinement sonore et une grande dynamique, pleine de détails créés par ces techniques alternatives et exploratoires et basé sur une profonde écoute mutuelle. Dans le sillage des John Russell, Phil Wachsmann, Phil Durrant, John Butcher et aussi Derek Bailey. Il y a aujourd’hui une cinquantaine d’années, les improvisateurs Londoniens les plus radicaux s’en donnaient à cœur joie : introduire les bruits dans la pratique musicale de l’improvisation (libre) en effaçant la frontière entre le son « musical » et le bruit causé par un objet ou des objets, mais aussi moteurs, l’air, le bois , le plastique, le métal etc… En les écoutant aujourd’hui, on ne peut que songer au trio sans batterie et sans sax (tonitruant) Iskra 1903 avec le tromboniste Paul Rutherford (RIP), le contrebassiste Barry Guy et le guitariste Derek Bailey, Iskra faisant allusion à la revue de Lénine quand il était exilé à Londres au début du XXème siècle. Iskra signifie l’étincelle, Spark en anglais. Un autre trio avec une instrumentation voisine, Chamberpot (sic) avait publié par la suite un album live intitulé Sparks of the Desire Magneto : Philipp Wachsmann violon, Richard Beswick, guitare & hautbois et Tony Wren, contrebasse. Je me souviens les avoir entendus à deux reprises en 1977 et 78 au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, assis à proximité des musiciens sur les gradins du légendaire Hall d’Animation, aujourd’hui malheureusement disparu. J’y avais découvert les mystères cette musique improvisée spontanée, faite des sons les plus étonnants dans un climat d’écoute intense. Par la suite, Philipp Wachsmann fit partie d’Iskra 1903 dès 1980 en remplacement de Derek Bailey. Sa participation à Iskra avec Paul et Barry est documentée dans pas moins de 7 Cd’s publiés par Emanem et un CD sur Maya.
Cette histoire de filiation tient sûrement à cœur à Mark Wastell, un des plus grands experts de l’évolution de cette musique en Grande Bretagne et venu progressivement vers elle par sa passion pour le jazz contemporain et le free-jazz. Mais plus récemment, Simon H Fell a publié sa thèse de Doctorat : A More Attractive Way of Getting Things Done : freedom, collaboration, and compositional paradox in British improvised and experimental music 1965 – 1975. Le titre de sa thèse a été utilisé pour celui du présent coffret de cinq CD’s documentant les concerts du 23/4/96 (core 21.1), du 23/5.97 (core 21.2), du 27/11/97 (core 21.3), du 17/02/98 (core 21.4), du 24/11/98 et du 30/05/2000 (core 21.5). Les détails de chaque CD se trouvent sur chacune des cinq pochettes intérieures auxquelles est joint un petit livret retraçant et commentant la trajectoire et l’évolution du trio IST. Leur deuxième album, Ghost Notes, paru sur le label de Simon, Bruce’s Fingers, contenaient plusieurs compositions écrites par divers collaborateurs et eux-mêmes. Rhodri Davies a une solide formation classique et un intérêt vif pour la musique contemporaine innovante, tout comme le contrebassiste, qui lui a aussi une pratique professionnelle dans le jazz qu’il soit traditionnel ou free, même le plus extrême (trio HWF avec le batteur Paul Hession et le saxophoniste Alan Wikinson). Simon, en fait, tient absolument à ne pas dissocier la composition et l’improvisation comme d’ailleurs le jazz de la musique contemporaine « sérieuse » , comme on peut l’entendre dans ses monumentales « Compilations » composées pour (plusieurs) grands orchestres et improvisateurs. L’avènement d’IST se déroula à l’époque heureuse où un nombre considérable de séries de concerts animées par des collègues dans l’ensemble du grand Londres et à proximité proliféra. Leur premier concert eut lieu au Club Orange à Kentish Town, London et est précisément documenté dans ce coffret.
Le trio IST créa un scandale en l’an 2001 au festival Berlinois Total Music Meeting organisé par la coopérative Free Music Production (Brötzmann, Schlippenbach, Peter Kowald, Jost Gebers etc..) dont un extrait figurait dans une compilation, Total Music Meeting 2001: Audiology - 11 Groups Live In Berlin - Punkt und Linie (7.26) /a/l/l 002. Réductionnisme et New Silence. L’ évolution dans le temps entre ces deux pôles d’une part la musique pointilliste similaire à celle des Bailey, Russell, Wachsmann etc… et cette « nouvelle » improvisation basée sur une part plus grande apportée au silence et une approche raréfiée, très épurée voire microscopique, (lower case ou drone) peut être suivie à la trace dans ce magnifique coffret. On y trouve aussi un concert en quartet avec le saxophoniste John Butcher et avec le violoniste Phil Durrant.
Une fois qu’IST a commencé à espacer ses concerts jusqu’au silence, les trois musiciens se sont produit et ont enregistré à Berlin en 2001 (Confront CCS 18), à New-York en 2001 avec John Zorn sur un morceau (Confront CCS 40), à Lodi en 2002 (Confront CCS 5), à Londres au Freedom of The City 2003 (CCS 34). Quelques jours après le décès de Simon, le 28 juin 2020, parut un des premiers concerts de IST : At the Club Room (for Simon H.Fell, enregistré le 18 juin 1996 et publié conjointement par Liam Stefani sur scätter et par Mark Wastell sur Confront.
https://confrontrecordings.bandcamp.com/album/at-the-club-room-for-simon-h-fell.
Il faut noter aussi un autre album enregistré en 1997 : Circonstances of Time and Place (Confront / Front 04) publié en CDr auto-produit et réédité dans la série CCS de Confront (https://confrontrecordings.bandcamp.com/album/consequences-of-time-and-place).
Cette succession sans précédent d’enregistrements (douze albums distincts), l’extrême qualité « improvisée » , sonore et sensible de leurs différents concerts font du trio IST UNE DES MEILLEURS GROUPES dans l’univers réel et l’histoire de cette musique improvisée libre à l’instar du génial duo de Paul Lovens et Paul Lytton entre 1975 et 1985. Un nombre considérable de commentateurs, organisateurs, journalistes considèrent avant tout les personnalités individuelles pour évaluer ou situer un niveau musical, une démarche esthétique jusqu’à secréter une sorte de culte de la personnalité au détriment des groupes constitués dont la magie de la communication interpersonnelle, l’originalité de la combinaison instrumentale et tout ce qui se passe entre les artistes lors d’une performance restent secondaires à leurs yeux face à l’exploit du soliste, à une virtuosité affichée et... l’ego (notoriété, CV, soutien financier du pays d’origine, opportunisme, habillage mercantile etc...)
IST est sûrement le groupe fixe d’improvisation le plus documenté et ce fait précis est un outil indispensable et opérant pour suivre à la trace, analyser, décortiquer, soupeser, sentir et réécouter une évolution détaillée à l’extrême et qui sidère par sa pertinence. Aucune ritournelle, régurgitation, faiblesse d’inspiration, seulement un son d’ensemble unique qui s’étale dans le temps, celui du concert et celui de l’évolution du groupe. D’ailleurs, Derek Bailey était tellement convaincu par ce trio IST qu’il les a conviés tous les trois à participer à sa légendaire Company, son groupe fétiche à géométrie variable et au personnel très mouvant , en compagnie du danseur de claquettes, Will Gaines. Company a vu passer dans ses rangs un nombre extraordinaire d’improvisateurs libres parmi les plus passionnants et signifiants, contribuant ainsi à propager et à faire évoluer la perception et la pratique de cette musique. En ce qui me concerne personnellement, j’ai assisté à trois soirées consécutives avec un Company en 1985 (Lacy, Bailey, Lewis, Wachsmann, Altena et un joueur de cor, Philip Eastop) et ma perception et ma familiarité empathique avec cette musique a fait le bond qualitatif le plus important depuis les concerts de Chamberpot en 77/78. Cette édition de Company featuring IST est sans doute une des plus préméditées de la part de Bailey, qui généralement aimait à confronter des artistes qui n’avaient peu ou pas joué ensemble. Il y avait donc un dessein et aussi une grande admiration de sa part pour Simon H. Fell, lequel est clairement un des « géants » de cette scène british le plus sous-estimé (cfr mon texte en son hommage publié le 6 juillet 2020). Un double CD Company in Marseille a été publié par Incus, l’iconique label du guitariste et Confront a proposé récemment Derek Bailey & Company "Klinker", un double CD sans Davies (bloqué par une tempête de neige), tous deux enregistrés en 2000. En fait, cette édition 2000 de Company,(originalement baptisé Cavacannor, par Bailey d'après l'entertainer Cavan O’Connor,qui fit populaire popular dans les années 1930s et 1940s) était en fait IST + Derek Bailey et le danseur Will Gaines.
Bailey les amenés avec lui à New-York, sans doute parce qu’il jugeait que les trois musiciens apportaient à cette musique improvisée déjà ancienne de plus de trente ans une nouvelle dimension. Je rappelle que Rhodri était impliqué dans un autre trio, Cranc, avec sa sœur Angarhad, violoniste et le violoncelliste grec Nikos Veliotis, avec lequel le guitariste a aussi enregistré. Leur premier album All Angels est une véritable merveille sonore et instrumentale : une musique improvisée « de chambre » détaillée à l’infini qui reflète l’intérêt profond des musiciens pour la musique contemporaine, l’exploration instrumentale radicale et un sens harmonique hyper développé. Cet album a été enregistré en 2000 dans l’église All Angels où Rhodri et Mark animait une série de concerts légendaire dont Emanem a publié des extraits (All Angels Concerts Emanem 4209 2CD) avec Eddie Prévost, Alex Kolkowski, John Russell, Steve Beresford & Roger Turner, Alan Tomlinson, Fabienne Audéoud, Veryan Weston à l’orgue, John Butcher & Matt Hutchinson, Simon Vincent, Oren Marshall & Mark Sanders entre 1999 et 2001. De cette manière, avec ce panel « œucuménique » embrassant la diversité de la scène londonienne, Rhodri et Mark démontraient que s’ils étaient en train de renouveler,radicalement la pratique de l’improvisation, point n’était besoin de créer un « schisme » exclusif comme cela s’est passé de part et d’autre entre improvisateurs libres « pointillistes » ou « free jazz » et les « réductionnistes » ou « post AMM » (lower case , drone, etc…) en France ou en Allemagne. Rhodri et Mark jouaient aussi dans un autre trio, « A Sealed Knot » avec le percussionniste Burkhard Beins, lequel trio a évolué vers la musique « drone ».
Il y a quelques mois, j’ai tenté de faire l’article pour ce coffret A More Attractive Way dans ces colonnes. Mais je me suis contenté de signaler sa sortie car je n’avais pas les CD’s sous la main et que je n’avais pas envie de devoir écouter la musique avec l’acoustique comprimée de mon portable. En fait, il s’est passé à ce moment-là un événement curieux bien embarasssant : l’introduction du Brexit et de l’abaissement à zéro de la franchise douanière en Belgique pour les petits paquets individuels contenant des objets « de valeur » et provenant de pays non UE (USA, Suisse, et … G-B). 15 € de frais de douane et une TVA de x % ( ?) sur la valeur de la marchandise indiquée sur la fiche descriptive obligatoire et sur la valeur des timbre-poste y apposés : il faut donc payer 21 ou 22 € à la poste pour obtenir un unique CD d’une valeur de 10 GBP. Et donc, j’ai attendu février dernier pour que ce coffret et deux ou trois autres albums Confront me parviennent via un autre trajet.
Après m’être étendu sur les circonstances de la création de IST et sa documentation, je voudrais vous faire partager l’extraordinaire expérience d’écoute de ce journal de bord évolutif. Je n’arrive pas à m’en lasser. Voici une page du groupe sur le site de Simon H Fell http://www.brucesfingers.co.uk/publicity/ist/ist.html
CD 1 : 23/04/96 Club Orange Dolly Fosset’s Kentish Town
Vivo Study I (34.05) Vivo Study II (11.36)
Avant ce premier concert au Club Orange, les trois membres d’IST s’étaient préparés par d’intenses répétitions et formalisé une véritable performance lors de leur première véritable session publiée du groupe : Anagrams to Avoid (LP SIWA 3). Pour chacune de leurs nombreuses répétitions, sessions et concerts, Rhodri et Mark , alors résidents londoniens devaient tenir compte de la disponibilité de Simon qui habitait alors à Haverhill près de Cambridge. C’est assez étonnant que ce musicien réputé, titulaire d’un cours à l’Université de Cambridge et qui pouvait prétendre à tourner avec la crème de la crème dans toute l’Europe, s’implique aussi intensément auprès de deux novices inconnus comme si c’était son projet le plus cher.
Départ impressionnant en glissandi à l’archet : percutant. Mais de suite s’installe une démarche introspective et ludique par laquelle les musiciens explorent les ressources sonores de leurs instruments sculptant l’espace et le silence avec la matière fluide et insaisissable de mille vibrations sonores, bruitages délicats, fragments de phrases musicales éclatées ou soyeuses, scintillantes ou ombreuses… Les harmoniques fuyantes ou oscillantes résonnent : les frottements subtils cherchent l’inconnu de la contrebasse et du violoncelle jusqu’au bord du silence (Vivo Study II). Cette musique apparaît à l’époque comme une démarche voisine à celle du trio Butcher / Durrant / Russell.
CD 2 : 23/05/97 Club Unire Billericay Arts Association Billericay.
Restrictive Parallels I (18.11) Restrictive Parallels II (17.22)
Directement, on est plongé dans le mystère : frottements fragiles, vibrations fugaces des cordes de la harpe, sons filés et ténus qui naissent de nulle part, crissements aigus, effets de souffle, nuances subtiles du pianissimo, crescendo d’harmoniques oscillantes, sons saturés et étouffés. De temps à autre, une brève suggestion tonale, l’archet du contrebassiste se tortille en douceur sollicitant des lueurs changeantes, un archet frotte quelques cordes de la harpe assourdie par un objet. On arrive à la septième minute en un clin d’oeil pour assister à une profusion active dans le champ sonore … les grapilles de pizzicati sur le bas du manche animent le débat alors que Rhodri reste imperturbable à frotter les cordes médiums de sa grande harpe. La métamorphose des sons, des timbres, des actions et réactions est permanente et le paysage défile aussi lentement que son évolution est soudaine avec un sens d’une continuité naturelle et interrompue de silences trompeurs qui s’effacent devant une activité fébrile de frottements en glissandi torturés qui démarre dans un crescendo mené de mains de maître. Le deuxième morceau offre un tout autre affect, bigarré, saturé, grinçant et éclairé épisodiquement par les sautillements cristallins des doigts d’elfe de Davies. L’effervescence rejoint le registre grave et zigzague, oscille dans un no man’s land illuminé par les effets digitaux faussement chromatiques de la harpe et rendu effrayant de la sourde détermination de Mark et Simon. Absence de soliste, de narration individuelle, échange compulsif des rôles, amalgamation des timbres, séquences presque silencieuse se heurtant à des mimiques souterraines, col legno rageurs, constats d’échec et reprise en mains simultanées, grincements saturés puis sadiques, sur place assassins, bruitisme outrancier qui laisse la place à l’inconnu, sonorités de l’excès, harmoniques microscopiques, sifflements et battements sauvages étouffés de l’archet. … Sons magiques dans le final coupé net par quelques notes conclusives jouées en sourdines avec le gros pouce à la harpe. Mention exceptionnel au travail du contrebassiste à l’archet à faible volume.
CD 3 : 27/11/1997 Red Rose Theatre Finsbury Park London
IST : 1/ Calm Magnanimity 1 (17.08) 2/ Calm Magnanimity II (07.08)
IST + John Butcher : 3/ Trenchant Observations I (14.56) 4/ Trenchant Observations II (11.13) 5/ Trenchant Observations II (10.48).
Enregistré au légendaire Red Rose, ce concert voit poindre un sens de l’épure de plus en plus aiguisé pour lequel « less is more ». On s’approche progressivement du « réductionnisme ». Grincements assourdis et silences, manipulations quasi secrètes, gestes arrêtés en plein vol, successions coordonnées de traits brefs et glissandi abrégés qui anticipent ou répondent à une impulsion isolée. Aussi, les trois instrumentistes préparent leurs instruments avec des objets pour créer un effet de sourdine et se rapprocher du bruit plutôt que la note résonnante. Après les moments de suspense retenu des 17 minutes de Calm Magnimity à peine césurés de quelques soubresauts aussitôt évanouis dans les murmures, le jeu arachnéen oppressant qui ouvre soudainement Calm Magnanimity II fait l’effet d’une tempête… dans un verre d’eau. Car bien vite, le jeu se résume à un effet de sourdine dont un trait ou l’autre enfle curieusement pour s’imposer un instant. Ce mode de jeu accentue le sentiment que les musiciens jouent dans l’instant présent de manière plus statique atténuant ou oblitérant l’effet de flux, ce mouvement continu, vulgate du tuilage perpétuel, souvent inhérent à l’impro libre. Mais des séquences animées et joyeusement chaotiques surgissent pour s’évanouir et se modifier en dialogue subtil IST invita à plusieurs reprises des musiciens proches. Ici ,John Butcher s’insère avec une pertinence remarquable comme si les sons cotonneux de son saxophone provenaient de l’âme de la contrebasse ou des écoutilles du violoncelle. Parmi les improvisateurs découverts dans les années 70 et 80, John Butcher est un de ceux qui s’intègrent au nouveau mouvement instigué par ses collègues Phil Durrant (Trio Butcher/ Durrant/ Russell) et Jim Denley et les nouveaux venus comme Beins, Davies, Dörner et Wastell. Tout au long des 36 minutes des Trenchant Observations I, II et III, John donne toute son attention sur le jeu épuré et contrasté de ses trois comparses et intervient de manière chirugicale à différents points changeant souvent de registre et de techniques pour coïncider et rencontrer le climax et les sonorités des trois autres. Ceux-ci veillent à surjouer le moins possible afin de créer un espace de jeu pour leur invité (Trenchant Observations). On découvre une grande profondeur et une extrême lucidité dans les intentions, la cohérence du quartet d’un soir. Butcher et Davies ont enregistré en duo deux – trois ans plus tard (Vortices et Angels /Emanem) et en quartet avec Chris Burn et John Edwards (the first two gigs Emanem). Dans le mouvement suivant de Trenchant Observation (II) , le dialogue s'anime et s'intensifie avec le sax soprano de Butcher qui surfe littéralement par dessus les girations des cordes. Le tournoiement s'étale ensuite où chacun s'écarte dans son univers plus distancié vers un presque silence et des murmures clôturé par une harmonique ultra aiguë et saturée du sax soprano, ou est-ce un archet agressif ...
CD 4 : 17/02/1998 Red Rose Theatre Finsbury Park London
IST : 1/ Orthographic Dissonance 1 (23.07) 2/ Orthographic Dissonance II (04.25)
IST + Phil Durrant violon : 3/ Aesthetic Triage 1 (09.35) 4/ Aesthetic Triage II (08.23) 5/ Aesthetic Triage III (04 :47) 6/ Aesthetic Triage IV (05.20)
Il s’agit du deuxième concert IST + , cette fois avec le violiniste Phil Durrant. Un autre concert accueillit le guitariste John Bissett avec qui Rhodri enregistra un peu plus tard l’album Malthouse. Ce trosième concert ne fut malheureusement pas enregistré. Comme l’indique Mark Wastell dans ses notes de pochette, Phil Durrant a joué avec Rhodri et lui au sein du Chris Burn Ensemble et par la suite tous les quatre se sont joints avec le pianiste Chris Burn dans le quartet Assumed Possibilities pour un CD Confront et un autre pour le label italien Rossbin. Ayant suivi les productions de Mark et Rhodri à l’époque c’est avec un vif intérêt que je découvre ce CD 4. IST évolue ici vers une raréfaction d’événements sonores et un jeu plus austère même si une quasi déflagration sadique surgit avant la fin des 23 minutes de Orthographic Dissonance I . Les efflorescences quasi gestuelles des débuts sont souvent freinées tel un arrêt sur image et il est fréquent que des séquences de frottements des surfaces d’instruments, des griffures bruitistes et un jeu en sourdine de sons indifférenciés occupent sensiblement une durée plus substantielle au sein d’une improvisation pour se focaliser sur un travail sur les textures. De brefs passages naturels en solo ou duo sont de plus en plus fréquents sans qu’on s’en aperçoive tant leur musique est organique. Des quasi silences affleurent mettant en évidence une intervention appuyée qui enchaîne immédiatement Un sens inné du crescendo et du decrescendo quasi simultané et une variété de sons qui semble infinie. Au sein de cet assemblage mouvant de textures existent des contrastes variés et intentionnels, glissandi, vibrations, harmoniques très fines, grondements ou sifflements de nature diverse. Il faut noter l’usage d’harmoniques à la contrebasse ou au violoncelle dont la harpe se fait l’écho. Rhodri Davies fotte les cordes de sa harpe en appliquant un objet contre celle-ci, qui fait office de résonateur ou de … métaliseur…Au fil des enregistrements la sensation d’entendre le paysage sonore se renouveler constamment d’un concert à l’autre est bien réelle. Phil Durrant s’intègre et complète superbement le groupe en renforçant encore plus leurs caractéristiques.
CD 5 : 24/11/98 Other Sounds King of Hearts Norwich
1/ Self-reflexive 1 (6.58) 2/ Wstrws (Rhodi Davies (05.35) 3/ Ritmico (Wastell) (03.00)
4/ Self-reflexive II (05.40) 5/ Sowari for IST (Phil Durrant) (06:26)
6/ Intensität (Karlheinz Stockhausen) (05.06) 7/ X-Ist (Guto Pridery Puw) (08.06)
30/05/2000 Cambridge Conference of Contemporary Poetry Trinity College Cambridge
8/ Generating Contexts I (20.33) 9/ Generating Contexts II (05.55)
Lors de leur tournée d’octobre et novembre 1998 sous les auspices d’Arts Council, IST présenta un programme mixte de compositions écrites à leur intention et d’improvisations. On retrouve cet aspect de leur travail dans l’album studio Ghost Notes qui contient pas moins de sept compositions dont seulement trois sont reprises ici. Ces différentes compositions cristallisent l’esthétique du trio. Ritmico de Mark Wastell est dédiée à John Stevens. Il y a une évidente parenté esthétique avec une phase précise dans la musique du Spontaneous Music Ensemble de John Stevens et Trevor Watts comme on peut l’entendre précisément dans Face To Face (1972 CD Emanem). La messe est dite. Maintenant IST a forgé son identité et est prêt à affronter le public des festivals à l’étranger durant les années 2000 avant que Simon H Fell s’établisse en France. Comme on peut s’en rendre compte en écoutant le concert de Berlin https://confrontrecordings.bandcamp.com/album/berlin , leur musique s’est épurée sans pour autant devenir « drone » comme celles de Cranc et d’A Sealed Knot. Lower case ? Une publication exceptionnelle.
Un coffret qui fera date dans l’histoire de la documentation de la libre improvisation. IST est né de la rencontre fortuite vers 1995 du contrebassiste compositeur Simon H. Fell, un musicien très expérimenté et deux jeunes musiciens relativement débutants en matière d’improvisation, mais extrêmement motivés et enthousiastes, Mark Wastell (violoncelle) et Rhodri Davies (harpe). Dès la première rencontre, un climat de confiance et de compréhension s’est installé dès la toute première rencontre en studio le 5 septembre 1995 et ensuite le 15 décembre de la même année, le groupe s’est trouvé une voie commune et une forte identité. On peut l’entendre dans IST : Anagrams To Avoid, un vinyle publié par le label SIWA # 3. Une musique de chambre improvisée tout en raffinement sonore et une grande dynamique, pleine de détails créés par ces techniques alternatives et exploratoires et basé sur une profonde écoute mutuelle. Dans le sillage des John Russell, Phil Wachsmann, Phil Durrant, John Butcher et aussi Derek Bailey. Il y a aujourd’hui une cinquantaine d’années, les improvisateurs Londoniens les plus radicaux s’en donnaient à cœur joie : introduire les bruits dans la pratique musicale de l’improvisation (libre) en effaçant la frontière entre le son « musical » et le bruit causé par un objet ou des objets, mais aussi moteurs, l’air, le bois , le plastique, le métal etc… En les écoutant aujourd’hui, on ne peut que songer au trio sans batterie et sans sax (tonitruant) Iskra 1903 avec le tromboniste Paul Rutherford (RIP), le contrebassiste Barry Guy et le guitariste Derek Bailey, Iskra faisant allusion à la revue de Lénine quand il était exilé à Londres au début du XXème siècle. Iskra signifie l’étincelle, Spark en anglais. Un autre trio avec une instrumentation voisine, Chamberpot (sic) avait publié par la suite un album live intitulé Sparks of the Desire Magneto : Philipp Wachsmann violon, Richard Beswick, guitare & hautbois et Tony Wren, contrebasse. Je me souviens les avoir entendus à deux reprises en 1977 et 78 au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, assis à proximité des musiciens sur les gradins du légendaire Hall d’Animation, aujourd’hui malheureusement disparu. J’y avais découvert les mystères cette musique improvisée spontanée, faite des sons les plus étonnants dans un climat d’écoute intense. Par la suite, Philipp Wachsmann fit partie d’Iskra 1903 dès 1980 en remplacement de Derek Bailey. Sa participation à Iskra avec Paul et Barry est documentée dans pas moins de 7 Cd’s publiés par Emanem et un CD sur Maya.
Cette histoire de filiation tient sûrement à cœur à Mark Wastell, un des plus grands experts de l’évolution de cette musique en Grande Bretagne et venu progressivement vers elle par sa passion pour le jazz contemporain et le free-jazz. Mais plus récemment, Simon H Fell a publié sa thèse de Doctorat : A More Attractive Way of Getting Things Done : freedom, collaboration, and compositional paradox in British improvised and experimental music 1965 – 1975. Le titre de sa thèse a été utilisé pour celui du présent coffret de cinq CD’s documentant les concerts du 23/4/96 (core 21.1), du 23/5.97 (core 21.2), du 27/11/97 (core 21.3), du 17/02/98 (core 21.4), du 24/11/98 et du 30/05/2000 (core 21.5). Les détails de chaque CD se trouvent sur chacune des cinq pochettes intérieures auxquelles est joint un petit livret retraçant et commentant la trajectoire et l’évolution du trio IST. Leur deuxième album, Ghost Notes, paru sur le label de Simon, Bruce’s Fingers, contenaient plusieurs compositions écrites par divers collaborateurs et eux-mêmes. Rhodri Davies a une solide formation classique et un intérêt vif pour la musique contemporaine innovante, tout comme le contrebassiste, qui lui a aussi une pratique professionnelle dans le jazz qu’il soit traditionnel ou free, même le plus extrême (trio HWF avec le batteur Paul Hession et le saxophoniste Alan Wikinson). Simon, en fait, tient absolument à ne pas dissocier la composition et l’improvisation comme d’ailleurs le jazz de la musique contemporaine « sérieuse » , comme on peut l’entendre dans ses monumentales « Compilations » composées pour (plusieurs) grands orchestres et improvisateurs. L’avènement d’IST se déroula à l’époque heureuse où un nombre considérable de séries de concerts animées par des collègues dans l’ensemble du grand Londres et à proximité proliféra. Leur premier concert eut lieu au Club Orange à Kentish Town, London et est précisément documenté dans ce coffret.
Le trio IST créa un scandale en l’an 2001 au festival Berlinois Total Music Meeting organisé par la coopérative Free Music Production (Brötzmann, Schlippenbach, Peter Kowald, Jost Gebers etc..) dont un extrait figurait dans une compilation, Total Music Meeting 2001: Audiology - 11 Groups Live In Berlin - Punkt und Linie (7.26) /a/l/l 002. Réductionnisme et New Silence. L’ évolution dans le temps entre ces deux pôles d’une part la musique pointilliste similaire à celle des Bailey, Russell, Wachsmann etc… et cette « nouvelle » improvisation basée sur une part plus grande apportée au silence et une approche raréfiée, très épurée voire microscopique, (lower case ou drone) peut être suivie à la trace dans ce magnifique coffret. On y trouve aussi un concert en quartet avec le saxophoniste John Butcher et avec le violoniste Phil Durrant.
Une fois qu’IST a commencé à espacer ses concerts jusqu’au silence, les trois musiciens se sont produit et ont enregistré à Berlin en 2001 (Confront CCS 18), à New-York en 2001 avec John Zorn sur un morceau (Confront CCS 40), à Lodi en 2002 (Confront CCS 5), à Londres au Freedom of The City 2003 (CCS 34). Quelques jours après le décès de Simon, le 28 juin 2020, parut un des premiers concerts de IST : At the Club Room (for Simon H.Fell, enregistré le 18 juin 1996 et publié conjointement par Liam Stefani sur scätter et par Mark Wastell sur Confront.
https://confrontrecordings.bandcamp.com/album/at-the-club-room-for-simon-h-fell.
Il faut noter aussi un autre album enregistré en 1997 : Circonstances of Time and Place (Confront / Front 04) publié en CDr auto-produit et réédité dans la série CCS de Confront (https://confrontrecordings.bandcamp.com/album/consequences-of-time-and-place).
Cette succession sans précédent d’enregistrements (douze albums distincts), l’extrême qualité « improvisée » , sonore et sensible de leurs différents concerts font du trio IST UNE DES MEILLEURS GROUPES dans l’univers réel et l’histoire de cette musique improvisée libre à l’instar du génial duo de Paul Lovens et Paul Lytton entre 1975 et 1985. Un nombre considérable de commentateurs, organisateurs, journalistes considèrent avant tout les personnalités individuelles pour évaluer ou situer un niveau musical, une démarche esthétique jusqu’à secréter une sorte de culte de la personnalité au détriment des groupes constitués dont la magie de la communication interpersonnelle, l’originalité de la combinaison instrumentale et tout ce qui se passe entre les artistes lors d’une performance restent secondaires à leurs yeux face à l’exploit du soliste, à une virtuosité affichée et... l’ego (notoriété, CV, soutien financier du pays d’origine, opportunisme, habillage mercantile etc...)
IST est sûrement le groupe fixe d’improvisation le plus documenté et ce fait précis est un outil indispensable et opérant pour suivre à la trace, analyser, décortiquer, soupeser, sentir et réécouter une évolution détaillée à l’extrême et qui sidère par sa pertinence. Aucune ritournelle, régurgitation, faiblesse d’inspiration, seulement un son d’ensemble unique qui s’étale dans le temps, celui du concert et celui de l’évolution du groupe. D’ailleurs, Derek Bailey était tellement convaincu par ce trio IST qu’il les a conviés tous les trois à participer à sa légendaire Company, son groupe fétiche à géométrie variable et au personnel très mouvant , en compagnie du danseur de claquettes, Will Gaines. Company a vu passer dans ses rangs un nombre extraordinaire d’improvisateurs libres parmi les plus passionnants et signifiants, contribuant ainsi à propager et à faire évoluer la perception et la pratique de cette musique. En ce qui me concerne personnellement, j’ai assisté à trois soirées consécutives avec un Company en 1985 (Lacy, Bailey, Lewis, Wachsmann, Altena et un joueur de cor, Philip Eastop) et ma perception et ma familiarité empathique avec cette musique a fait le bond qualitatif le plus important depuis les concerts de Chamberpot en 77/78. Cette édition de Company featuring IST est sans doute une des plus préméditées de la part de Bailey, qui généralement aimait à confronter des artistes qui n’avaient peu ou pas joué ensemble. Il y avait donc un dessein et aussi une grande admiration de sa part pour Simon H. Fell, lequel est clairement un des « géants » de cette scène british le plus sous-estimé (cfr mon texte en son hommage publié le 6 juillet 2020). Un double CD Company in Marseille a été publié par Incus, l’iconique label du guitariste et Confront a proposé récemment Derek Bailey & Company "Klinker", un double CD sans Davies (bloqué par une tempête de neige), tous deux enregistrés en 2000. En fait, cette édition 2000 de Company,(originalement baptisé Cavacannor, par Bailey d'après l'entertainer Cavan O’Connor,qui fit populaire popular dans les années 1930s et 1940s) était en fait IST + Derek Bailey et le danseur Will Gaines.
Bailey les amenés avec lui à New-York, sans doute parce qu’il jugeait que les trois musiciens apportaient à cette musique improvisée déjà ancienne de plus de trente ans une nouvelle dimension. Je rappelle que Rhodri était impliqué dans un autre trio, Cranc, avec sa sœur Angarhad, violoniste et le violoncelliste grec Nikos Veliotis, avec lequel le guitariste a aussi enregistré. Leur premier album All Angels est une véritable merveille sonore et instrumentale : une musique improvisée « de chambre » détaillée à l’infini qui reflète l’intérêt profond des musiciens pour la musique contemporaine, l’exploration instrumentale radicale et un sens harmonique hyper développé. Cet album a été enregistré en 2000 dans l’église All Angels où Rhodri et Mark animait une série de concerts légendaire dont Emanem a publié des extraits (All Angels Concerts Emanem 4209 2CD) avec Eddie Prévost, Alex Kolkowski, John Russell, Steve Beresford & Roger Turner, Alan Tomlinson, Fabienne Audéoud, Veryan Weston à l’orgue, John Butcher & Matt Hutchinson, Simon Vincent, Oren Marshall & Mark Sanders entre 1999 et 2001. De cette manière, avec ce panel « œucuménique » embrassant la diversité de la scène londonienne, Rhodri et Mark démontraient que s’ils étaient en train de renouveler,radicalement la pratique de l’improvisation, point n’était besoin de créer un « schisme » exclusif comme cela s’est passé de part et d’autre entre improvisateurs libres « pointillistes » ou « free jazz » et les « réductionnistes » ou « post AMM » (lower case , drone, etc…) en France ou en Allemagne. Rhodri et Mark jouaient aussi dans un autre trio, « A Sealed Knot » avec le percussionniste Burkhard Beins, lequel trio a évolué vers la musique « drone ».
Il y a quelques mois, j’ai tenté de faire l’article pour ce coffret A More Attractive Way dans ces colonnes. Mais je me suis contenté de signaler sa sortie car je n’avais pas les CD’s sous la main et que je n’avais pas envie de devoir écouter la musique avec l’acoustique comprimée de mon portable. En fait, il s’est passé à ce moment-là un événement curieux bien embarasssant : l’introduction du Brexit et de l’abaissement à zéro de la franchise douanière en Belgique pour les petits paquets individuels contenant des objets « de valeur » et provenant de pays non UE (USA, Suisse, et … G-B). 15 € de frais de douane et une TVA de x % ( ?) sur la valeur de la marchandise indiquée sur la fiche descriptive obligatoire et sur la valeur des timbre-poste y apposés : il faut donc payer 21 ou 22 € à la poste pour obtenir un unique CD d’une valeur de 10 GBP. Et donc, j’ai attendu février dernier pour que ce coffret et deux ou trois autres albums Confront me parviennent via un autre trajet.
Après m’être étendu sur les circonstances de la création de IST et sa documentation, je voudrais vous faire partager l’extraordinaire expérience d’écoute de ce journal de bord évolutif. Je n’arrive pas à m’en lasser. Voici une page du groupe sur le site de Simon H Fell http://www.brucesfingers.co.uk/publicity/ist/ist.html
CD 1 : 23/04/96 Club Orange Dolly Fosset’s Kentish Town
Vivo Study I (34.05) Vivo Study II (11.36)
Avant ce premier concert au Club Orange, les trois membres d’IST s’étaient préparés par d’intenses répétitions et formalisé une véritable performance lors de leur première véritable session publiée du groupe : Anagrams to Avoid (LP SIWA 3). Pour chacune de leurs nombreuses répétitions, sessions et concerts, Rhodri et Mark , alors résidents londoniens devaient tenir compte de la disponibilité de Simon qui habitait alors à Haverhill près de Cambridge. C’est assez étonnant que ce musicien réputé, titulaire d’un cours à l’Université de Cambridge et qui pouvait prétendre à tourner avec la crème de la crème dans toute l’Europe, s’implique aussi intensément auprès de deux novices inconnus comme si c’était son projet le plus cher.
Départ impressionnant en glissandi à l’archet : percutant. Mais de suite s’installe une démarche introspective et ludique par laquelle les musiciens explorent les ressources sonores de leurs instruments sculptant l’espace et le silence avec la matière fluide et insaisissable de mille vibrations sonores, bruitages délicats, fragments de phrases musicales éclatées ou soyeuses, scintillantes ou ombreuses… Les harmoniques fuyantes ou oscillantes résonnent : les frottements subtils cherchent l’inconnu de la contrebasse et du violoncelle jusqu’au bord du silence (Vivo Study II). Cette musique apparaît à l’époque comme une démarche voisine à celle du trio Butcher / Durrant / Russell.
CD 2 : 23/05/97 Club Unire Billericay Arts Association Billericay.
Restrictive Parallels I (18.11) Restrictive Parallels II (17.22)
Directement, on est plongé dans le mystère : frottements fragiles, vibrations fugaces des cordes de la harpe, sons filés et ténus qui naissent de nulle part, crissements aigus, effets de souffle, nuances subtiles du pianissimo, crescendo d’harmoniques oscillantes, sons saturés et étouffés. De temps à autre, une brève suggestion tonale, l’archet du contrebassiste se tortille en douceur sollicitant des lueurs changeantes, un archet frotte quelques cordes de la harpe assourdie par un objet. On arrive à la septième minute en un clin d’oeil pour assister à une profusion active dans le champ sonore … les grapilles de pizzicati sur le bas du manche animent le débat alors que Rhodri reste imperturbable à frotter les cordes médiums de sa grande harpe. La métamorphose des sons, des timbres, des actions et réactions est permanente et le paysage défile aussi lentement que son évolution est soudaine avec un sens d’une continuité naturelle et interrompue de silences trompeurs qui s’effacent devant une activité fébrile de frottements en glissandi torturés qui démarre dans un crescendo mené de mains de maître. Le deuxième morceau offre un tout autre affect, bigarré, saturé, grinçant et éclairé épisodiquement par les sautillements cristallins des doigts d’elfe de Davies. L’effervescence rejoint le registre grave et zigzague, oscille dans un no man’s land illuminé par les effets digitaux faussement chromatiques de la harpe et rendu effrayant de la sourde détermination de Mark et Simon. Absence de soliste, de narration individuelle, échange compulsif des rôles, amalgamation des timbres, séquences presque silencieuse se heurtant à des mimiques souterraines, col legno rageurs, constats d’échec et reprise en mains simultanées, grincements saturés puis sadiques, sur place assassins, bruitisme outrancier qui laisse la place à l’inconnu, sonorités de l’excès, harmoniques microscopiques, sifflements et battements sauvages étouffés de l’archet. … Sons magiques dans le final coupé net par quelques notes conclusives jouées en sourdines avec le gros pouce à la harpe. Mention exceptionnel au travail du contrebassiste à l’archet à faible volume.
CD 3 : 27/11/1997 Red Rose Theatre Finsbury Park London
IST : 1/ Calm Magnanimity 1 (17.08) 2/ Calm Magnanimity II (07.08)
IST + John Butcher : 3/ Trenchant Observations I (14.56) 4/ Trenchant Observations II (11.13) 5/ Trenchant Observations II (10.48).
Enregistré au légendaire Red Rose, ce concert voit poindre un sens de l’épure de plus en plus aiguisé pour lequel « less is more ». On s’approche progressivement du « réductionnisme ». Grincements assourdis et silences, manipulations quasi secrètes, gestes arrêtés en plein vol, successions coordonnées de traits brefs et glissandi abrégés qui anticipent ou répondent à une impulsion isolée. Aussi, les trois instrumentistes préparent leurs instruments avec des objets pour créer un effet de sourdine et se rapprocher du bruit plutôt que la note résonnante. Après les moments de suspense retenu des 17 minutes de Calm Magnimity à peine césurés de quelques soubresauts aussitôt évanouis dans les murmures, le jeu arachnéen oppressant qui ouvre soudainement Calm Magnanimity II fait l’effet d’une tempête… dans un verre d’eau. Car bien vite, le jeu se résume à un effet de sourdine dont un trait ou l’autre enfle curieusement pour s’imposer un instant. Ce mode de jeu accentue le sentiment que les musiciens jouent dans l’instant présent de manière plus statique atténuant ou oblitérant l’effet de flux, ce mouvement continu, vulgate du tuilage perpétuel, souvent inhérent à l’impro libre. Mais des séquences animées et joyeusement chaotiques surgissent pour s’évanouir et se modifier en dialogue subtil IST invita à plusieurs reprises des musiciens proches. Ici ,John Butcher s’insère avec une pertinence remarquable comme si les sons cotonneux de son saxophone provenaient de l’âme de la contrebasse ou des écoutilles du violoncelle. Parmi les improvisateurs découverts dans les années 70 et 80, John Butcher est un de ceux qui s’intègrent au nouveau mouvement instigué par ses collègues Phil Durrant (Trio Butcher/ Durrant/ Russell) et Jim Denley et les nouveaux venus comme Beins, Davies, Dörner et Wastell. Tout au long des 36 minutes des Trenchant Observations I, II et III, John donne toute son attention sur le jeu épuré et contrasté de ses trois comparses et intervient de manière chirugicale à différents points changeant souvent de registre et de techniques pour coïncider et rencontrer le climax et les sonorités des trois autres. Ceux-ci veillent à surjouer le moins possible afin de créer un espace de jeu pour leur invité (Trenchant Observations). On découvre une grande profondeur et une extrême lucidité dans les intentions, la cohérence du quartet d’un soir. Butcher et Davies ont enregistré en duo deux – trois ans plus tard (Vortices et Angels /Emanem) et en quartet avec Chris Burn et John Edwards (the first two gigs Emanem). Dans le mouvement suivant de Trenchant Observation (II) , le dialogue s'anime et s'intensifie avec le sax soprano de Butcher qui surfe littéralement par dessus les girations des cordes. Le tournoiement s'étale ensuite où chacun s'écarte dans son univers plus distancié vers un presque silence et des murmures clôturé par une harmonique ultra aiguë et saturée du sax soprano, ou est-ce un archet agressif ...
CD 4 : 17/02/1998 Red Rose Theatre Finsbury Park London
IST : 1/ Orthographic Dissonance 1 (23.07) 2/ Orthographic Dissonance II (04.25)
IST + Phil Durrant violon : 3/ Aesthetic Triage 1 (09.35) 4/ Aesthetic Triage II (08.23) 5/ Aesthetic Triage III (04 :47) 6/ Aesthetic Triage IV (05.20)
Il s’agit du deuxième concert IST + , cette fois avec le violiniste Phil Durrant. Un autre concert accueillit le guitariste John Bissett avec qui Rhodri enregistra un peu plus tard l’album Malthouse. Ce trosième concert ne fut malheureusement pas enregistré. Comme l’indique Mark Wastell dans ses notes de pochette, Phil Durrant a joué avec Rhodri et lui au sein du Chris Burn Ensemble et par la suite tous les quatre se sont joints avec le pianiste Chris Burn dans le quartet Assumed Possibilities pour un CD Confront et un autre pour le label italien Rossbin. Ayant suivi les productions de Mark et Rhodri à l’époque c’est avec un vif intérêt que je découvre ce CD 4. IST évolue ici vers une raréfaction d’événements sonores et un jeu plus austère même si une quasi déflagration sadique surgit avant la fin des 23 minutes de Orthographic Dissonance I . Les efflorescences quasi gestuelles des débuts sont souvent freinées tel un arrêt sur image et il est fréquent que des séquences de frottements des surfaces d’instruments, des griffures bruitistes et un jeu en sourdine de sons indifférenciés occupent sensiblement une durée plus substantielle au sein d’une improvisation pour se focaliser sur un travail sur les textures. De brefs passages naturels en solo ou duo sont de plus en plus fréquents sans qu’on s’en aperçoive tant leur musique est organique. Des quasi silences affleurent mettant en évidence une intervention appuyée qui enchaîne immédiatement Un sens inné du crescendo et du decrescendo quasi simultané et une variété de sons qui semble infinie. Au sein de cet assemblage mouvant de textures existent des contrastes variés et intentionnels, glissandi, vibrations, harmoniques très fines, grondements ou sifflements de nature diverse. Il faut noter l’usage d’harmoniques à la contrebasse ou au violoncelle dont la harpe se fait l’écho. Rhodri Davies fotte les cordes de sa harpe en appliquant un objet contre celle-ci, qui fait office de résonateur ou de … métaliseur…Au fil des enregistrements la sensation d’entendre le paysage sonore se renouveler constamment d’un concert à l’autre est bien réelle. Phil Durrant s’intègre et complète superbement le groupe en renforçant encore plus leurs caractéristiques.
CD 5 : 24/11/98 Other Sounds King of Hearts Norwich
1/ Self-reflexive 1 (6.58) 2/ Wstrws (Rhodi Davies (05.35) 3/ Ritmico (Wastell) (03.00)
4/ Self-reflexive II (05.40) 5/ Sowari for IST (Phil Durrant) (06:26)
6/ Intensität (Karlheinz Stockhausen) (05.06) 7/ X-Ist (Guto Pridery Puw) (08.06)
30/05/2000 Cambridge Conference of Contemporary Poetry Trinity College Cambridge
8/ Generating Contexts I (20.33) 9/ Generating Contexts II (05.55)
Lors de leur tournée d’octobre et novembre 1998 sous les auspices d’Arts Council, IST présenta un programme mixte de compositions écrites à leur intention et d’improvisations. On retrouve cet aspect de leur travail dans l’album studio Ghost Notes qui contient pas moins de sept compositions dont seulement trois sont reprises ici. Ces différentes compositions cristallisent l’esthétique du trio. Ritmico de Mark Wastell est dédiée à John Stevens. Il y a une évidente parenté esthétique avec une phase précise dans la musique du Spontaneous Music Ensemble de John Stevens et Trevor Watts comme on peut l’entendre précisément dans Face To Face (1972 CD Emanem). La messe est dite. Maintenant IST a forgé son identité et est prêt à affronter le public des festivals à l’étranger durant les années 2000 avant que Simon H Fell s’établisse en France. Comme on peut s’en rendre compte en écoutant le concert de Berlin https://confrontrecordings.bandcamp.com/album/berlin , leur musique s’est épurée sans pour autant devenir « drone » comme celles de Cranc et d’A Sealed Knot. Lower case ? Une publication exceptionnelle.
23 novembre 2021
Solos, Duos, Trios , Quartets and Quintet Albums of 2021
SOLOS :
Solo Steve Noble Empty Birdcage Records EBR004
https://emptybirdcagerecords.bandcamp.com/album/solo
Simao Costa piano Beat With Out Byte (un) learning machine Cipsela cip 010
https://cipsela.bandcamp.com/album/beat-with-out-byte
This is Where I Find Myself Paul Rogers audiosemantics digital
https://audiosemantics.bandcamp.com/album/this-is-where-i-find-myself
Lol Coxhill '85 Slam SLAMCD2114
https://music.apple.com/gb/album/coxhill-85-live/1564741298
Mitragyina Metro Zsolt Sörès Hinge Thunder HT 003
https://hingethunder.bandcamp.com/album/mitragyna-metro
"john" Daniel Thompson Empty Birdcage Records EBR003
https://emptybirdcagerecords.bandcamp.com/album/john
DUOS:
An alphabet of fluctuation Gerard Lebik – Burkhard Beins inexhaustible editions ie-042
https://inexhaustibleeditions.bandcamp.com/album/an-alphabet-of-fluctuation
Ivo Perelman & Matthew Shipp - Fruition (ESP Disk 5070)
Album due to be issued in September 2022.
Schallschatten Birgit Ulher Petr Vrba inexhaustible editions ie – 043
https://inexhaustibleeditions.bandcamp.com/album/schallschatten
Urs Leimgruber Jacques Demierre it forgets about the snow 2CD Creative Works CW 1067/1068.
https://www.creativeworks.ch/home/cd-shop/cw1067ccd/#cc-m-product-14612847032
Warble Swarm : Brad Henkel & Miako Klein inexhaustible ie-44
https://inexhaustibleeditions.bandcamp.com/album/swarm
Tom Jackson & Vid Drasler At The Cultural Home Zavod Sploh ZAS CD 23
https://sploh.bandcamp.com/album/at-the-cultural-home
Impermanence Violeta Garcia & Émilie Girard-Charest tour de bras / inexhaustible editions tdb90049 / ie-041
https://inexhaustibleeditions.bandcamp.com/album/impermanence
The Lincoln Stretch Bike Carrier Kasuhisa Uchihashi – Roger Turner scätter digital
https://scatterarchive.bandcamp.com/album/the-lincoln-stretch-bike-carrier
IVO PERELMAN - BRASS & IVORY TALES duos with pianists Dave Burrell Sylvie Courvoisier Marylin Crispell, Angelica Sanchez, Craig Taborn, Agusti Fernandez, Aruan Ortiz, Aaron Parks and Vijay Iyer Fundacja Sluchaj
https://sluchaj.bandcamp.com/album/brass-ivory-tales
Paul Lovens & Florian Stoffner Tetratne ezz-thetics 1026
https://www.nrwvertrieb.de/products/0752156102625
Mirror Unit : Sonic Rivers Tim O'Dwyer Georg Wissel FMRCD 615
https://georgwissel.bandcamp.com/album/sonic-rivers
Damon Smith Bass Duos 2000-2007 with Peter Kowald / Joëlle Léandre / Bertram Turetsky
https://balancepointacoustics.bandcamp.com/album/bpa3cd1-bass-duos-2000-2007
Tony Oxley & Alan Davie Elaboration of Particulars Confront records core 20
https://www.confrontrecordings.com/tony-oxley-alan-davie
https://confrontrecordings.bandcamp.com/album/elaboration-of-particulars
Audrey Lauro & Gotis Diamandis Dark Ballads Mr Nakayasi
https://mrnakayasi.bandcamp.com/album/dark-ballads
Hints of Monk Duo Libertaire Pascal Bréchet & Thierry Waziniak Intrication
https://labelintrication.wixsite.com/label/duo-libertaire
Tales about Exploding Trees and Other Absurdities Udo Schlinder & Ove Volquartz FMRCD0598
Evan Parker - Richard Barrett 2001 digital
https://evanparkerrichardbarrett.bandcamp.com/
The Universal Veil That Hangs Together Like a Skin Lee Patterson & Samo Kutin Editions FriForma eff-007
https://inexhaustibleeditions.bandcamp.com/album/the-universal-veil-that-hangs-together-like-a-skin
TRIOS :
IST : A More Attractive Way Rhodri Davies Simon H Fell Mark Wastell Confront Core Series / Core 21
https://confrontrecordings.bandcamp.com/album/a-more-attractive-way
The Croaks : One of the Best Bears Martin Küchen Martin Klapper Roger Turner Fundacja Sluchaj FSR08 2020
https://sluchaj.bandcamp.com/album/one-of-the-best-bears
Jane in Ether : Spoken / Unspoken Miako Klein Magda Mayas Biliana Voutschkova confront core series core 22
https://www.confrontrecordings.com/jane-in-ether
Guy-Frank Pellerin Matthias Boss Eugenio Sanna Water Reflections FMRCD604-0221
https://www.squidco.com/miva/merchant.mvc?Screen=PROD&Product_Code=30333&Store_Code=S&search=pellerin&offset=&filter_cat=0&PowerSearch_Begin_Only=0&sort=&range_low=&range_high=
Spring Road 16 Michel Doneda Frédéric Blondy Tetsu Saitoh Relative Pitch RPR 1121
https://relativepitchrecords.bandcamp.com/album/spring-road-16
Last Dream of the Morning / Crucial Anatomy John Butcher John Edwards Mark Sanders Trost
https://trostrecords.bandcamp.com/album/crucial-anatomy
The Lenox Brothers Township Nocturne Gianni Mimmo Pierpaolo Martino Francesco Cusa Amirani records AMRN 067
https://www.giannimimmo.com/en/node/625
https://www.amiranirecords.com/editions/townshipnocturne
QUARTETS :
Jennifer Allum John Butcher Ute Kanngiesser Eddie Prévost Sounds of Assembly Meenna-964
https://matchlessrecordings.com/music/sounds-assembly
Evan Parker Electro Acoustic Quartet Live in Iwaki – Evan Parker Lawrence Casserley Joel Ryan Paul Lytton Uchimizu Records.
https://hsppico.official.ec/items/49592777
Discernment John Butcher Dominic Lash John Russell Mark Sanders Spoonhunt SHCD003
https://dominiclash.bandcamp.com/album/discernment
XPACT II Stefan Keune Erhard Hirt Hans Schneider Paul Lytton FMR CD601-0221
https://stefankeune.com/concerts/xpact/
https://handaxe.org/album/xpact-ii
Roscoe Michell Sandy Ewen Damon Smith Weasel Walter A Railroad Spike Forms the Voice. Balance Point Acoustics CD bpaltd130132
https://sandyewen.bandcamp.com/album/a-railroad-spike-forms-the-voice
Nicolas Souchal Michael Nick Daunik Lazro Jean-Luc Capozzo Neigen Ayler records AYLLCD-162
https://ayler-records.bandcamp.com/album/neigen
QUINTETS :
Five Shards Sue Lynch Adrian Northover Dawid Frydryk Ed Lucas Thanos Chrysakis Aural Terrains ARN 46
https://auralterrains.com/releases/46
Solo Steve Noble Empty Birdcage Records EBR004
https://emptybirdcagerecords.bandcamp.com/album/solo
Simao Costa piano Beat With Out Byte (un) learning machine Cipsela cip 010
https://cipsela.bandcamp.com/album/beat-with-out-byte
This is Where I Find Myself Paul Rogers audiosemantics digital
https://audiosemantics.bandcamp.com/album/this-is-where-i-find-myself
Lol Coxhill '85 Slam SLAMCD2114
https://music.apple.com/gb/album/coxhill-85-live/1564741298
Mitragyina Metro Zsolt Sörès Hinge Thunder HT 003
https://hingethunder.bandcamp.com/album/mitragyna-metro
"john" Daniel Thompson Empty Birdcage Records EBR003
https://emptybirdcagerecords.bandcamp.com/album/john
DUOS:
An alphabet of fluctuation Gerard Lebik – Burkhard Beins inexhaustible editions ie-042
https://inexhaustibleeditions.bandcamp.com/album/an-alphabet-of-fluctuation
Ivo Perelman & Matthew Shipp - Fruition (ESP Disk 5070)
Album due to be issued in September 2022.
Schallschatten Birgit Ulher Petr Vrba inexhaustible editions ie – 043
https://inexhaustibleeditions.bandcamp.com/album/schallschatten
Urs Leimgruber Jacques Demierre it forgets about the snow 2CD Creative Works CW 1067/1068.
https://www.creativeworks.ch/home/cd-shop/cw1067ccd/#cc-m-product-14612847032
Warble Swarm : Brad Henkel & Miako Klein inexhaustible ie-44
https://inexhaustibleeditions.bandcamp.com/album/swarm
Tom Jackson & Vid Drasler At The Cultural Home Zavod Sploh ZAS CD 23
https://sploh.bandcamp.com/album/at-the-cultural-home
Impermanence Violeta Garcia & Émilie Girard-Charest tour de bras / inexhaustible editions tdb90049 / ie-041
https://inexhaustibleeditions.bandcamp.com/album/impermanence
The Lincoln Stretch Bike Carrier Kasuhisa Uchihashi – Roger Turner scätter digital
https://scatterarchive.bandcamp.com/album/the-lincoln-stretch-bike-carrier
IVO PERELMAN - BRASS & IVORY TALES duos with pianists Dave Burrell Sylvie Courvoisier Marylin Crispell, Angelica Sanchez, Craig Taborn, Agusti Fernandez, Aruan Ortiz, Aaron Parks and Vijay Iyer Fundacja Sluchaj
https://sluchaj.bandcamp.com/album/brass-ivory-tales
Paul Lovens & Florian Stoffner Tetratne ezz-thetics 1026
https://www.nrwvertrieb.de/products/0752156102625
Mirror Unit : Sonic Rivers Tim O'Dwyer Georg Wissel FMRCD 615
https://georgwissel.bandcamp.com/album/sonic-rivers
Damon Smith Bass Duos 2000-2007 with Peter Kowald / Joëlle Léandre / Bertram Turetsky
https://balancepointacoustics.bandcamp.com/album/bpa3cd1-bass-duos-2000-2007
Tony Oxley & Alan Davie Elaboration of Particulars Confront records core 20
https://www.confrontrecordings.com/tony-oxley-alan-davie
https://confrontrecordings.bandcamp.com/album/elaboration-of-particulars
Audrey Lauro & Gotis Diamandis Dark Ballads Mr Nakayasi
https://mrnakayasi.bandcamp.com/album/dark-ballads
Hints of Monk Duo Libertaire Pascal Bréchet & Thierry Waziniak Intrication
https://labelintrication.wixsite.com/label/duo-libertaire
Tales about Exploding Trees and Other Absurdities Udo Schlinder & Ove Volquartz FMRCD0598
Evan Parker - Richard Barrett 2001 digital
https://evanparkerrichardbarrett.bandcamp.com/
The Universal Veil That Hangs Together Like a Skin Lee Patterson & Samo Kutin Editions FriForma eff-007
https://inexhaustibleeditions.bandcamp.com/album/the-universal-veil-that-hangs-together-like-a-skin
TRIOS :
IST : A More Attractive Way Rhodri Davies Simon H Fell Mark Wastell Confront Core Series / Core 21
https://confrontrecordings.bandcamp.com/album/a-more-attractive-way
The Croaks : One of the Best Bears Martin Küchen Martin Klapper Roger Turner Fundacja Sluchaj FSR08 2020
https://sluchaj.bandcamp.com/album/one-of-the-best-bears
Jane in Ether : Spoken / Unspoken Miako Klein Magda Mayas Biliana Voutschkova confront core series core 22
https://www.confrontrecordings.com/jane-in-ether
Guy-Frank Pellerin Matthias Boss Eugenio Sanna Water Reflections FMRCD604-0221
https://www.squidco.com/miva/merchant.mvc?Screen=PROD&Product_Code=30333&Store_Code=S&search=pellerin&offset=&filter_cat=0&PowerSearch_Begin_Only=0&sort=&range_low=&range_high=
Spring Road 16 Michel Doneda Frédéric Blondy Tetsu Saitoh Relative Pitch RPR 1121
https://relativepitchrecords.bandcamp.com/album/spring-road-16
Last Dream of the Morning / Crucial Anatomy John Butcher John Edwards Mark Sanders Trost
https://trostrecords.bandcamp.com/album/crucial-anatomy
The Lenox Brothers Township Nocturne Gianni Mimmo Pierpaolo Martino Francesco Cusa Amirani records AMRN 067
https://www.giannimimmo.com/en/node/625
https://www.amiranirecords.com/editions/townshipnocturne
QUARTETS :
Jennifer Allum John Butcher Ute Kanngiesser Eddie Prévost Sounds of Assembly Meenna-964
https://matchlessrecordings.com/music/sounds-assembly
Evan Parker Electro Acoustic Quartet Live in Iwaki – Evan Parker Lawrence Casserley Joel Ryan Paul Lytton Uchimizu Records.
https://hsppico.official.ec/items/49592777
Discernment John Butcher Dominic Lash John Russell Mark Sanders Spoonhunt SHCD003
https://dominiclash.bandcamp.com/album/discernment
XPACT II Stefan Keune Erhard Hirt Hans Schneider Paul Lytton FMR CD601-0221
https://stefankeune.com/concerts/xpact/
https://handaxe.org/album/xpact-ii
Roscoe Michell Sandy Ewen Damon Smith Weasel Walter A Railroad Spike Forms the Voice. Balance Point Acoustics CD bpaltd130132
https://sandyewen.bandcamp.com/album/a-railroad-spike-forms-the-voice
Nicolas Souchal Michael Nick Daunik Lazro Jean-Luc Capozzo Neigen Ayler records AYLLCD-162
https://ayler-records.bandcamp.com/album/neigen
QUINTETS :
Five Shards Sue Lynch Adrian Northover Dawid Frydryk Ed Lucas Thanos Chrysakis Aural Terrains ARN 46
https://auralterrains.com/releases/46
21 novembre 2021
Splinters: Kenny Wheeler Tubby Hayes Trevor Watts Stan Tracey Jeff Clyne Phil Seamen & John Stevens/ El Pricto Pawel Doskocz Hubert Koskiewicz Diego Caicedo Michael Sember Jasper Stadhouders/ Zlatko Kaučič & Tomaž Grom/ Udo Schindler & Wilbert De Joode
Inclusivity Splinters: Kenny Wheeler Tubby Hayes Trevor Watts Stan Tracey Jeff Clyne Phil Seamen & John Stevens. Jazz in Britain Coffret illustré 3CD. 1972
https://jazzinbritain.co.uk/album/inclusivity
Une absolument extraordinaire production discographique en hommage à l’inclusivité de cette scène jazz - improvisée londonienne pas comme les autres. Oui l’extraordinaire inclusivité qui reliait activement les musiciens de jazz Londoniens dès la fin des années soixante et durant les années septante est restée une valeur fondamentale dans la scène improvisée britannique jusqu’à ce jour. Splinters est un des nombreux groupes collectifs suscités par l’infatigable John Stevens, son alter ego Trevor Watts et leurs nombreux camarades avec une idée créative ou l’autre en tête. Celle – ci consistait à trouver un point d’ancrage musical entre le hard bop, représenté ici par l’iconique saxophoniste ténor Tubby Hayes, LE pianiste Stan Tracey et le légendaire batteur Phil Seamen, le jazz rock expérimental (Jeff Clyne dans Nucleus) et les partisans du free jazz et membres du Spontaneous Music Ensemble, le batteur John Stevens, le trompettiste Kenny Wheeler et le saxophoniste alto Trevor Watts. La réalisation de cet album est époustouflante et luxueuse : un livre cartonné avec de nombreuses photos des musiciens lors du premier concert du 22 mai 1972 au 100 Club dans Oxford Street, un club iconique toujours en activité. Trois cédés !! Les photos ont toutes été prises par le légendaire Jak Kilby, un ami proche de John Stevens et Trevor Watts, qui leur servait aussi de chauffeur et qui a couvert systématiquement des centaines de concerts. Simon Spillett a concocté un long texte passionnant et très circonstancié/ documenté, plongeant le lecteur dans le vif du sujet en décrivant la scène jazz londonienne de l’époque. Le label Jazz In Britain a déjà publié une série d'enregistrements inédits quelques pans cruciaux de l'évolution du jazz britannique : le trompettiste Ian Carr, le saxophoniste Joe Harriott grâce au travail méticuleux d'une équipe soudée autour du collectionneur John Thurlow, producteur exécutif d'Inclusivity
Le concert avait été organisé à l’initiative de Martin Davidson et est documenté dans les deux premiers CD’s grâce aux enregistrements sur une cassette C120 réalisés par Trevor Watts. Les plus âgés d’entre nous se souviennent que ces cassettes de 120 minutes (60 par face) étaient très fragiles et leur bobinage menaçait de transformer la bande en un zig-zag catastrophique et de casser net, sans parler de son épaisseur trop ténue pour résister à l’usure du temps et aux chocs. C’est donc un véritable miracle que ces enregistrements soient venus jusqu’à nous, chaque face de 60 minutes (A et B) permettent un enregistrement d'un set complet sans interruption, surtout que la musique est continue. La musique du troisième cd a été enregistré de la même manière lors de la série Grass Roots au pub The Swan en septembre 1972 à Stockwell dans le même quartier où John Stevens établira son quartier général « free-jazz » au pub the Plough. Cet ensemble Splinters est une sorte de groupe œucuménique dans lequel des musiciens « hard-bop » (Tracey, Seamen et Hayes) de classe internationale, deux improvisateurs radicaux free (John Stevens et Trevor Watts) et deux pointures se situant à mi-chemin des deux mondes et tentent d’improviser librement sans aucune préparation tout en créant une musique de groupe distinctive où chacun trouve sa place et puisse s’exprimer. Sous-jacent à ce nouveau groupe, baptisé Splinters par Tracey, il y a la volonté commune de nombreux musiciens de créer une sorte de cause commune pour améliorer leurs conditions de travail et réunir sous la même plateforme des musiciens de diverses obédiences sur la base d’un respect mutuel et de relations amicales. Cette espèce de super-groupe, inhérent à la scène rock (Cream, CSNY, ELP, etc…), se justifiait artistiquement : Stan Tracey avait largué le système des accords et des standards et jouait régulièrement avec le formidable saxophoniste alto Mike Osborne et le bassiste Harry Miller. Il lui arrivait aussi de jouer avec Stevens et Watts, entre autres dans une pièce de théâtre The Connection ou dans son propre Open Circle ou encore dans Amalgam, le projet de Watts . Il enregistrera aussi en duo avec Keith Tippett. Stevens avait joué avec Tubby Hayes vers 1964, juste avant la fondation du Spontaneous Music Ensemble avec Watts et Paul Rutherford. Kenny Wheeler avait lui activement participé au Spontaneous Music Ensemble figurant dans une demi-douzaine d’enregistrements du groupe dont les légendaires Karyobin (1968), Oliv (69) et So What do You Think We Are (71). Il fut aussi impliqué à 100% dans le quartet d’Anthony Braxton entre 1973 et 1977, lequel fut publié par une major sur l’étiquette Arista et tourna dans un grand nombre de festivals. Quant au bassiste Jeff Clyne, il figure dans le premier album d’Amalgam en 1969 avec Trevor et John lesquels font assez souvent appel à lui. Comme l’aire musicale de Splinters peut être décrite comme étant du « Free-Bop », je signale l’existence d’un album extraordinaire du John Stevens Quintet, Chemistry, en compagnie de Watts, Wheeler, Clyne et Stevens et le fabuleux saxophoniste alto Ray Warleigh, un musicien de studio très demandé (View et réédité par Konnex). Aussi cette démarche inclusive qui est à la base du jazz afro-américain (Lester Young, Buck Clayton et cie) est le leitmotiv de Stevens et Watts dans de nombreux projets musicaux impliquant un nombre exponentiel de musiciens et musiciennes de tout bord et d’expériences diverses au Little Theatre Club, dans leur Spontaneous Music Orchestra et les ateliers permanents qu’ils animaient alors.
Malheureusement, Phil Seamen, le héros de John Stevens, décéda un mois plus tard. Peu avant, il avait partagé avec John Stevens ses secrets de batteur. Tubby Hayes s’en alla l’année suivante. Et le projet Splinters fut abandonné la même année, bien que le saxophoniste alto Pete King remplaça le fabuleux ténor pour plusieurs concerts au Ronnie’s Scott durant lesquels Art Blakey, engagé au même programme ne tarissait pas d’éloges à Trevor Watts. Dois- je encore répéter ici-même, que Trevor Watts a une projection sonore et une aisance (très) peu commune au saxophone alto et une connaissance supérieure de la musique et des rythmes ? C’est un saxophoniste exceptionnel. Aujourd’hui, Trevor Watts reste l’unique survivant de l’aventure. Malgré quelques soucis de balance, la musique est très impressionnante quand on pense que ce premier concert avait été présenté comme une « Jam – Session ». Les enregistrements sont répartis chronologiquement et intégralement en quinze phases de jeu entre les sept et les quinze minutes dont deux sont reproduites en vidéo. Spontanément, les sept musiciens ont créé un univers musical collectif à tendance polytonale et basé sur des modes, les improvisations individuelles soutenues par les échanges entre les deux batteurs, sont relayées les unes aux autres par des voicings des trois souffleurs ou des duos de batterie. Au fil du concert, des audaces surgissent dans une atmosphère d’écoute mutuelle, avec une coordination aussi spontanée que précise. Kenny Wheeler atteint des hauteurs stratosphériques. Le jeu de Tubby Hayes y est plus profond et moins virtuose que sur ses enregistrements précédents. Il avait subi une opération douloureuse et refaisait son come-back. Le bassiste Jeff Clyne est le pivot central … et audacieux de l’ensemble dans lequel le pianiste Stan Tracey a du mal à se faire entendre car le piano connaissait de sérieux soucis de pédales défectueuses. Quand aux deux batteurs, si l’enregistrement reproduit leurs sons de manière, disons, tronquée voire défigurante, les grosses caisses au premier plan, on entend bien qu’ils s’entendent comme des larrons en foire. Durant le concert (CD2), Tubby Hayes dut quitter la scène pour assurer un concert programmé ailleurs. En résumé, leur musique est à la fois une aventure de quelques concerts, mais symbolise les facteurs humains et la capacité instinctive et rationnelle des improvisateurs British à collaborer et à s’apprécier au-delà des étiquettes, cup of tea et orientations musicales, en tentant parfois l’impossible. Inclusivity n’est pas un vain mot et ces trois cédés en sont une preuve tangible.
Spontaneous Live Series 007 El Pricto Electric Guitar Quintet Live at the Spontaneous Music Festival El Pricto Pawel Doskocz Hubert Koskiewicz Diego Caicedo Michael Sember Jasper Stadhouders http://spontaneousmusictribune.blogspot.com/
Cinq guitaristes électriques radicalement noise interprètent la partition du Electric Guitar Quintet « 2020 » écrite par le saxophoniste et compositeur-improvisateur El Pricto à l’occasion du 4th Spontaneous Music Festival 2020 au Social Club Dragon de Poznan, dont de nombreux extraits sont publiés dans les Spontaneous Music Series. L’écoute de la suite en quatre mouvements, le troisième ‘RIP Van HALEN’ me fait songer à la stupeur qui me saisit il y a quarante ans lorsque je mis les Guitar Trios d’Henry Kaiser, Eugene Chadbourne et Owen Maercks (Parachute 003) sur la platine. Particulièrement énergétique et variée dans les aspects ludiques, sonores, dynamiques, cette œuvre bien enregistrée nous fait découvrir une utilisation intelligente et bien organisée de l’amplification électrique, des nombreux effets électroniques et techniques alternatives bruitistes dans un bel équilibre de saturations, fourmillements et résonances au niveau de l’écoute et de maëlstrom – patchwork constructif au niveau des formes et de leur multiplication, tuilages, contrastes et imbrications. Le vif intérêt réside dans la primauté du collectif et l’alternance des interventions individuelles qui s’enrichissent mutuellement et relancent l’intérêt. Rondement mené. Je ne pense pas avoir entendu un quintet de guitares électrique qui fonctionnent aussi bien pour une performance ponctuelle dans un festival truffé de moments intéressants ou passionnants (CFR les Live Series 006 et 008). Chapeau à l’équipe Spontaneous, c’est du beau travail !!
Zlatko Kaučič Tomaž Grom Torn Memories of Folklore Zavod Sploh ZASCD26
https://sploh.bandcamp.com/album/torn-memories-of-folklore-raztrgana-folklora-spomina
Zavod Sploh a encore frappé ! Le jeu physique (sadique) du contrebassiste Tomaž Grom et la frappe aérienne du percussionniste Zlatko Kaučič , superbement enregistrées, se combinent dans un dialogue expressif et nuancé tout au long de dix vignettes rassemblées sous le titre Torn Memories of Folklore. Si folklore il y a, c’est surtout un folklore imaginaire et une allusion à une technique spécifique à Kaučič , consistant à secouer subrepticement de très fins accessoires métalliques qui s’entrechoquent comme le feraient un bracelet de coquillages attaché aux chevilles de danseurs. Aussi la puissance du jeu des doigts sur les cordes à la Charlie Haden de la contrebasse de Tomaž Grom, lequel utilise de temps en temps un « cacophonator », soit un boîtier électronique bruissant ( ?). Le jeu particulier et free de Zlatko Kaučič suggère le rythme et un sens rare du swing tout en ne marquant pas le temps. La qualité de l’enregistrement mettant la percussion au premier plan, le savoir – faire très précis du batteur et sa sensibilité font que cet album est sûrement un document remarquable pour les amateurs de percussions per se. Par rapport à leur album précédent, The Ear is the Shadow of the Eye, les intentions musicales et le résultat sonore sont remarquablement différents. Autant quelque chose de viscéralement organique et touffu émanait de ce premier essai, fort réussi, alors que nous avons affaire dans cette nouvelle mouture de leur très attachante collaboration, à un aspect plus ludique et une acoustique aérienne, axée sur la clarté et la lisibilité des deux musiciens par rapport à l’autre. Dans ces Torn Memories règne une bienfaisante diversité des frappes, chocs, caresses, frottements et une efficacité sans défaut à faire passer un message différent. Musicalement, j’aime autant leur premier que cet album suivant. De même, les informations détaillées sur la pochette de the Ear is The Shadow dans un style graffiti déstructuré et multicolore sont quasi illisibles, celles de Torn Memories sont imprimées de manière rationnelles noir sur blanc. Bien sûr, comme très souvent avec ce label, les pochettes (graphic design Matej Stupica) et ses collègues successifs, sont remarquables avec un insert très graphique en format A3 plié en douze dans la pochette en carton laminé. Un label Slovène à suivre qui fait le pari d’une musique pointue, radicale avec l’ouverture nécessaire
Udo Schindler & Wilbert De Joode Participation and Interplay Low Tone Studies FMR
https://arch-musik.de/project/udo-schindler-und-wilbert-de-joode/
Enregistré lors de deux événements Munichois en Février 2020, cette Participation et Interplay publiée par FMR, illustre une des nombreuses rencontres du multi instrumentiste Udo Schindler ici crédités clarinette basse, sax soprano, f-tuba et tubax avec des improvisateurs de passage dans sa région. FMR a publié pas mal de choses dont de superbes duos avec le clarinettiste basse Ove Volquartz, la violoniste Irene Kepl et les vocaliste Jaap Blonk et Franziska Baumann, et des sessions avec Sebi Tramontana, Damon Smith, Korhan Erel, Etienne Rolin, Xu Feng Xia, Ute Völker etc… une discographie impressionnante. Se situant au niveau de ses productions les plus achevées, ce duo avec le contrebassiste néerlandais Wilbert De Joode, un instrumentiste fort demandé, joue à fond la carte de la recherche, de l’embrassade sans réserve du challenge de l’improvisation instantanée et du parti-pris d’Udo pour la diversité instrumentale avec ses instruments contrastés. Quoi de plus différents qu’un sax soprano ou un tuba ou que les textures respectives de la clarinette basse et du tubax. Son acolyte de deux soirs explore toute la tessiture des graves, de leurs grondements, leur richesse de timbre, leur majesté, un panorama d’harmoniques étudiées, la diffraction des sonorités boisées sous la pression de l’archet, frottements à la limite du murmure ou saturé en force, pizz baladeurs ou inquiets. Il est confronté à la poésie d’un souffle examinateur de bribes de mélodie et d’intervalles hésitants, à un art du conte sonore. Le courant passe bien entre les deux artistes qui livre ici une partie en plusieurs manches basée sur la méditation, la réflexion et, progressivement un esprit de dérive, s’installe vers le silence. Quand soudain, apparaît le tuba en fa qui change la perspective.
https://jazzinbritain.co.uk/album/inclusivity
Une absolument extraordinaire production discographique en hommage à l’inclusivité de cette scène jazz - improvisée londonienne pas comme les autres. Oui l’extraordinaire inclusivité qui reliait activement les musiciens de jazz Londoniens dès la fin des années soixante et durant les années septante est restée une valeur fondamentale dans la scène improvisée britannique jusqu’à ce jour. Splinters est un des nombreux groupes collectifs suscités par l’infatigable John Stevens, son alter ego Trevor Watts et leurs nombreux camarades avec une idée créative ou l’autre en tête. Celle – ci consistait à trouver un point d’ancrage musical entre le hard bop, représenté ici par l’iconique saxophoniste ténor Tubby Hayes, LE pianiste Stan Tracey et le légendaire batteur Phil Seamen, le jazz rock expérimental (Jeff Clyne dans Nucleus) et les partisans du free jazz et membres du Spontaneous Music Ensemble, le batteur John Stevens, le trompettiste Kenny Wheeler et le saxophoniste alto Trevor Watts. La réalisation de cet album est époustouflante et luxueuse : un livre cartonné avec de nombreuses photos des musiciens lors du premier concert du 22 mai 1972 au 100 Club dans Oxford Street, un club iconique toujours en activité. Trois cédés !! Les photos ont toutes été prises par le légendaire Jak Kilby, un ami proche de John Stevens et Trevor Watts, qui leur servait aussi de chauffeur et qui a couvert systématiquement des centaines de concerts. Simon Spillett a concocté un long texte passionnant et très circonstancié/ documenté, plongeant le lecteur dans le vif du sujet en décrivant la scène jazz londonienne de l’époque. Le label Jazz In Britain a déjà publié une série d'enregistrements inédits quelques pans cruciaux de l'évolution du jazz britannique : le trompettiste Ian Carr, le saxophoniste Joe Harriott grâce au travail méticuleux d'une équipe soudée autour du collectionneur John Thurlow, producteur exécutif d'Inclusivity
Le concert avait été organisé à l’initiative de Martin Davidson et est documenté dans les deux premiers CD’s grâce aux enregistrements sur une cassette C120 réalisés par Trevor Watts. Les plus âgés d’entre nous se souviennent que ces cassettes de 120 minutes (60 par face) étaient très fragiles et leur bobinage menaçait de transformer la bande en un zig-zag catastrophique et de casser net, sans parler de son épaisseur trop ténue pour résister à l’usure du temps et aux chocs. C’est donc un véritable miracle que ces enregistrements soient venus jusqu’à nous, chaque face de 60 minutes (A et B) permettent un enregistrement d'un set complet sans interruption, surtout que la musique est continue. La musique du troisième cd a été enregistré de la même manière lors de la série Grass Roots au pub The Swan en septembre 1972 à Stockwell dans le même quartier où John Stevens établira son quartier général « free-jazz » au pub the Plough. Cet ensemble Splinters est une sorte de groupe œucuménique dans lequel des musiciens « hard-bop » (Tracey, Seamen et Hayes) de classe internationale, deux improvisateurs radicaux free (John Stevens et Trevor Watts) et deux pointures se situant à mi-chemin des deux mondes et tentent d’improviser librement sans aucune préparation tout en créant une musique de groupe distinctive où chacun trouve sa place et puisse s’exprimer. Sous-jacent à ce nouveau groupe, baptisé Splinters par Tracey, il y a la volonté commune de nombreux musiciens de créer une sorte de cause commune pour améliorer leurs conditions de travail et réunir sous la même plateforme des musiciens de diverses obédiences sur la base d’un respect mutuel et de relations amicales. Cette espèce de super-groupe, inhérent à la scène rock (Cream, CSNY, ELP, etc…), se justifiait artistiquement : Stan Tracey avait largué le système des accords et des standards et jouait régulièrement avec le formidable saxophoniste alto Mike Osborne et le bassiste Harry Miller. Il lui arrivait aussi de jouer avec Stevens et Watts, entre autres dans une pièce de théâtre The Connection ou dans son propre Open Circle ou encore dans Amalgam, le projet de Watts . Il enregistrera aussi en duo avec Keith Tippett. Stevens avait joué avec Tubby Hayes vers 1964, juste avant la fondation du Spontaneous Music Ensemble avec Watts et Paul Rutherford. Kenny Wheeler avait lui activement participé au Spontaneous Music Ensemble figurant dans une demi-douzaine d’enregistrements du groupe dont les légendaires Karyobin (1968), Oliv (69) et So What do You Think We Are (71). Il fut aussi impliqué à 100% dans le quartet d’Anthony Braxton entre 1973 et 1977, lequel fut publié par une major sur l’étiquette Arista et tourna dans un grand nombre de festivals. Quant au bassiste Jeff Clyne, il figure dans le premier album d’Amalgam en 1969 avec Trevor et John lesquels font assez souvent appel à lui. Comme l’aire musicale de Splinters peut être décrite comme étant du « Free-Bop », je signale l’existence d’un album extraordinaire du John Stevens Quintet, Chemistry, en compagnie de Watts, Wheeler, Clyne et Stevens et le fabuleux saxophoniste alto Ray Warleigh, un musicien de studio très demandé (View et réédité par Konnex). Aussi cette démarche inclusive qui est à la base du jazz afro-américain (Lester Young, Buck Clayton et cie) est le leitmotiv de Stevens et Watts dans de nombreux projets musicaux impliquant un nombre exponentiel de musiciens et musiciennes de tout bord et d’expériences diverses au Little Theatre Club, dans leur Spontaneous Music Orchestra et les ateliers permanents qu’ils animaient alors.
Malheureusement, Phil Seamen, le héros de John Stevens, décéda un mois plus tard. Peu avant, il avait partagé avec John Stevens ses secrets de batteur. Tubby Hayes s’en alla l’année suivante. Et le projet Splinters fut abandonné la même année, bien que le saxophoniste alto Pete King remplaça le fabuleux ténor pour plusieurs concerts au Ronnie’s Scott durant lesquels Art Blakey, engagé au même programme ne tarissait pas d’éloges à Trevor Watts. Dois- je encore répéter ici-même, que Trevor Watts a une projection sonore et une aisance (très) peu commune au saxophone alto et une connaissance supérieure de la musique et des rythmes ? C’est un saxophoniste exceptionnel. Aujourd’hui, Trevor Watts reste l’unique survivant de l’aventure. Malgré quelques soucis de balance, la musique est très impressionnante quand on pense que ce premier concert avait été présenté comme une « Jam – Session ». Les enregistrements sont répartis chronologiquement et intégralement en quinze phases de jeu entre les sept et les quinze minutes dont deux sont reproduites en vidéo. Spontanément, les sept musiciens ont créé un univers musical collectif à tendance polytonale et basé sur des modes, les improvisations individuelles soutenues par les échanges entre les deux batteurs, sont relayées les unes aux autres par des voicings des trois souffleurs ou des duos de batterie. Au fil du concert, des audaces surgissent dans une atmosphère d’écoute mutuelle, avec une coordination aussi spontanée que précise. Kenny Wheeler atteint des hauteurs stratosphériques. Le jeu de Tubby Hayes y est plus profond et moins virtuose que sur ses enregistrements précédents. Il avait subi une opération douloureuse et refaisait son come-back. Le bassiste Jeff Clyne est le pivot central … et audacieux de l’ensemble dans lequel le pianiste Stan Tracey a du mal à se faire entendre car le piano connaissait de sérieux soucis de pédales défectueuses. Quand aux deux batteurs, si l’enregistrement reproduit leurs sons de manière, disons, tronquée voire défigurante, les grosses caisses au premier plan, on entend bien qu’ils s’entendent comme des larrons en foire. Durant le concert (CD2), Tubby Hayes dut quitter la scène pour assurer un concert programmé ailleurs. En résumé, leur musique est à la fois une aventure de quelques concerts, mais symbolise les facteurs humains et la capacité instinctive et rationnelle des improvisateurs British à collaborer et à s’apprécier au-delà des étiquettes, cup of tea et orientations musicales, en tentant parfois l’impossible. Inclusivity n’est pas un vain mot et ces trois cédés en sont une preuve tangible.
Spontaneous Live Series 007 El Pricto Electric Guitar Quintet Live at the Spontaneous Music Festival El Pricto Pawel Doskocz Hubert Koskiewicz Diego Caicedo Michael Sember Jasper Stadhouders http://spontaneousmusictribune.blogspot.com/
Cinq guitaristes électriques radicalement noise interprètent la partition du Electric Guitar Quintet « 2020 » écrite par le saxophoniste et compositeur-improvisateur El Pricto à l’occasion du 4th Spontaneous Music Festival 2020 au Social Club Dragon de Poznan, dont de nombreux extraits sont publiés dans les Spontaneous Music Series. L’écoute de la suite en quatre mouvements, le troisième ‘RIP Van HALEN’ me fait songer à la stupeur qui me saisit il y a quarante ans lorsque je mis les Guitar Trios d’Henry Kaiser, Eugene Chadbourne et Owen Maercks (Parachute 003) sur la platine. Particulièrement énergétique et variée dans les aspects ludiques, sonores, dynamiques, cette œuvre bien enregistrée nous fait découvrir une utilisation intelligente et bien organisée de l’amplification électrique, des nombreux effets électroniques et techniques alternatives bruitistes dans un bel équilibre de saturations, fourmillements et résonances au niveau de l’écoute et de maëlstrom – patchwork constructif au niveau des formes et de leur multiplication, tuilages, contrastes et imbrications. Le vif intérêt réside dans la primauté du collectif et l’alternance des interventions individuelles qui s’enrichissent mutuellement et relancent l’intérêt. Rondement mené. Je ne pense pas avoir entendu un quintet de guitares électrique qui fonctionnent aussi bien pour une performance ponctuelle dans un festival truffé de moments intéressants ou passionnants (CFR les Live Series 006 et 008). Chapeau à l’équipe Spontaneous, c’est du beau travail !!
Zlatko Kaučič Tomaž Grom Torn Memories of Folklore Zavod Sploh ZASCD26
https://sploh.bandcamp.com/album/torn-memories-of-folklore-raztrgana-folklora-spomina
Zavod Sploh a encore frappé ! Le jeu physique (sadique) du contrebassiste Tomaž Grom et la frappe aérienne du percussionniste Zlatko Kaučič , superbement enregistrées, se combinent dans un dialogue expressif et nuancé tout au long de dix vignettes rassemblées sous le titre Torn Memories of Folklore. Si folklore il y a, c’est surtout un folklore imaginaire et une allusion à une technique spécifique à Kaučič , consistant à secouer subrepticement de très fins accessoires métalliques qui s’entrechoquent comme le feraient un bracelet de coquillages attaché aux chevilles de danseurs. Aussi la puissance du jeu des doigts sur les cordes à la Charlie Haden de la contrebasse de Tomaž Grom, lequel utilise de temps en temps un « cacophonator », soit un boîtier électronique bruissant ( ?). Le jeu particulier et free de Zlatko Kaučič suggère le rythme et un sens rare du swing tout en ne marquant pas le temps. La qualité de l’enregistrement mettant la percussion au premier plan, le savoir – faire très précis du batteur et sa sensibilité font que cet album est sûrement un document remarquable pour les amateurs de percussions per se. Par rapport à leur album précédent, The Ear is the Shadow of the Eye, les intentions musicales et le résultat sonore sont remarquablement différents. Autant quelque chose de viscéralement organique et touffu émanait de ce premier essai, fort réussi, alors que nous avons affaire dans cette nouvelle mouture de leur très attachante collaboration, à un aspect plus ludique et une acoustique aérienne, axée sur la clarté et la lisibilité des deux musiciens par rapport à l’autre. Dans ces Torn Memories règne une bienfaisante diversité des frappes, chocs, caresses, frottements et une efficacité sans défaut à faire passer un message différent. Musicalement, j’aime autant leur premier que cet album suivant. De même, les informations détaillées sur la pochette de the Ear is The Shadow dans un style graffiti déstructuré et multicolore sont quasi illisibles, celles de Torn Memories sont imprimées de manière rationnelles noir sur blanc. Bien sûr, comme très souvent avec ce label, les pochettes (graphic design Matej Stupica) et ses collègues successifs, sont remarquables avec un insert très graphique en format A3 plié en douze dans la pochette en carton laminé. Un label Slovène à suivre qui fait le pari d’une musique pointue, radicale avec l’ouverture nécessaire
Udo Schindler & Wilbert De Joode Participation and Interplay Low Tone Studies FMR
https://arch-musik.de/project/udo-schindler-und-wilbert-de-joode/
Enregistré lors de deux événements Munichois en Février 2020, cette Participation et Interplay publiée par FMR, illustre une des nombreuses rencontres du multi instrumentiste Udo Schindler ici crédités clarinette basse, sax soprano, f-tuba et tubax avec des improvisateurs de passage dans sa région. FMR a publié pas mal de choses dont de superbes duos avec le clarinettiste basse Ove Volquartz, la violoniste Irene Kepl et les vocaliste Jaap Blonk et Franziska Baumann, et des sessions avec Sebi Tramontana, Damon Smith, Korhan Erel, Etienne Rolin, Xu Feng Xia, Ute Völker etc… une discographie impressionnante. Se situant au niveau de ses productions les plus achevées, ce duo avec le contrebassiste néerlandais Wilbert De Joode, un instrumentiste fort demandé, joue à fond la carte de la recherche, de l’embrassade sans réserve du challenge de l’improvisation instantanée et du parti-pris d’Udo pour la diversité instrumentale avec ses instruments contrastés. Quoi de plus différents qu’un sax soprano ou un tuba ou que les textures respectives de la clarinette basse et du tubax. Son acolyte de deux soirs explore toute la tessiture des graves, de leurs grondements, leur richesse de timbre, leur majesté, un panorama d’harmoniques étudiées, la diffraction des sonorités boisées sous la pression de l’archet, frottements à la limite du murmure ou saturé en force, pizz baladeurs ou inquiets. Il est confronté à la poésie d’un souffle examinateur de bribes de mélodie et d’intervalles hésitants, à un art du conte sonore. Le courant passe bien entre les deux artistes qui livre ici une partie en plusieurs manches basée sur la méditation, la réflexion et, progressivement un esprit de dérive, s’installe vers le silence. Quand soudain, apparaît le tuba en fa qui change la perspective.
13 novembre 2021
Brad Henkel & Miako Klein/ Arthur Bull Scott Thompson & Roger Turner/ Tania Chen Tom Djll & Gino Robair/Matthias Müller with El Pricto Vasco Trilla Wojtek Kurek Witold Oleszak & Jasper Stadhouders
Swarm Warble: Brad Henkel & Miako Klein inexhaustible ie-44
https://inexhaustibleeditions.bandcamp.com/album/swarm
Je viens de découvrir la flûtiste « à bec » Miako Klein, la violoniste Biliana Voutschkova et la pianiste Magda Mayas (Jane in Ether : Spoken / Unspoken sur Confront Core) et ai été favorablement ébloui par leur musique surréelle (cfr ma chronique du 10 octobre 21). Et voilà un nouvel album avec la même Miako et le trompettiste U.S. Brad Henkel, tous deux basés à Berlin et officiant sous le nom de Warble ! Mark Wastell de Confront et Laszlo Juhasz d’inexhaustible editions partagent un flair similaire pour nous proposer des groupes aussi audacieux qu’innovants et substantiellement inspirés. Le nom du duo, Warble, signifie gazouillis et celui de l’album, Swarm, signifie essaim. Une piste pour l’écoute de cette œuvre intrigante qui sort vraiment de l’ordinaire. En effet, au fil des deux longues improvisations, l’auditeur semble immergé dans l’univers des bourdonnements, des souffles plus légers que l’air. Frelons, guêpes, libellules, évocations de volière… Miako et Brad agrémentent leurs instruments d’effets et ceux-ci semblent entièrement intégrés à leurs instruments produisant un riche unisson, dilatant une tresse de vibrations touffues ou des envols d’oiseau des îles. Organique n’est pas ici une expression galvaudée. Les timbres oscillent sous la pression d’un vent lointain. La trompette de Brad cultive les graves magnétiques et ses effets de souffle dans les tubes s’immiscent dans les vibrations de l’air sur les arêtes des becs des tenor, basset & paetzold recorders de Miako (flûtes à bec de registre grave ou médium). Tous les deux connectent leurs coups de langue et de lèvres dans des fréquences étonnamment proches mariant leurs timbres, glissements et percussions aériennes comme un seul homme / une seule femme. Gémellité indicible. Leur improvisation se met à dériver quand l’un ou l’une se jette sur une nouvelle idée obligeant l’autre à créer de nouvelles ressources sonores pour revenir en phase. Respiration circulaire aussi. Un étonnant effet d'orgue est obtenu dans le deuxième morceau qui finit par s'éteindre dans des murmures délicatement sifflés. Une capacité innée à créer un univers sonore poétique ouaté à partir de techniques de souffles non conventionnelles que leurs sensibilités transforment en un univers sensoriel, tactile, ludique, mystérieux dicté par autant de bon sens que de fantaisie. Absolument fabuleux !!
Monicker: Arthur Bull Scott Thompson & Roger Turner SPINE Ambiance Magnétique AM 246 cd
https://ambiances-magnetiques.bandcamp.com/album/spine
Un CD publié au Québec pour changer ! Le guitariste Arthur Bull, le tromboniste Scott Thompson et le légendaire percussionniste Roger Turner. Il a beau être légendaire et un des percussionnistes de la free-music les plus réputés … et les plus fins, cet improvisateur a le chic de se commettre avec des musiciens rencontrés sur sa route et de chercher de nouvelles voies à explorer. Il a très largement raison. On a ici l’occasion d’entendre un tromboniste inspiré, Scott Thompson, qui s’il évoque plus qu’agréablement une autre légende irremplaçable, feu Paul Rutherford, se donne à fond dans le sens de l’invention et de la recherche de timbres et de sonorités extrêmes avec la coulisse et l’embouchure. C’est très méritoire et je m’en régale sans arrière-pensée. Le trio est complété par un guitariste électrique qui joue en sourdine comme un pivert furieux le ferait en picotant du bec des branches d’érable, mais pas que, car il se passe beaucoup de choses dans cet album. Roger Turner laisse complètement le champ libre à ses deux partenaires en invoquant le silence et les murmures avec de multiples manipulations d’objets ou frottant et titillant la surface des peaux des tambours. On entend donc le moindre détail des sons joués par Bull et Thompson au travers desquels se distingue clairement le jeu très fin du percussionniste. Thompson détient un remarquable don expressif pour chanter/ vocaliser dans son embouchure qui lui vient sans doute du jazz swing. Le jeu multiforme du guitariste évite de se fixer sur un « style » : il préfère laisser parler et résonner son instrument en lui imposant des techniques non conventionnelles. Trois improvisateurs unis par un profond sens de l’écoute. Six improvisations de durées différentes, du très court Sturgeon de 2 :42 aux 11 :37 de Bookshelves et aux 12 :15 de Window, et qui n’en finissent pas d’explorer toutes les ressources sonores acquises par les trois instrumentistes après de nombreuses années de pratique dans une interactivité spontanée. Un excellent album aussi lucide qu’onirique qui prolonge authentiquement les avancées radicales de la British Free Improvisation. Convaincant.
An established color and cunning Tender Buttons : Tania Chen Tom Djll & Gino Robair Rastascan CD BRD 072
https://tenderbuttons.bandcamp.com/album/an-established-color-and-cunning
Rastascan, le label du percussionniste « électronicien » Californien Gino Robair a un sacré pedigree datant déjà d’une époque lointaine. Au catalogue de Rastascan, le trio Evan Parker Barry Guy Paul Lytton (Breaths and Hearbeats), Peter Brötzmann / William Parker / Gregg Bendian (Sacred Scape), John Butcher solo (London & Cologne), Hans Reichel (Lower Lurium), Derek Bailey / Evan Parker (Arch Duo) les solos de Gianni Gebbia ( H Portraits et Arcana Major)ou encore Peter Kowald, Miya Masaoka ou Wolfgang Fuchs : Rastascan était le premier label US à s’ouvrir largement aux improvisateurs européens. Mais aussi Eugene Chadbourne en solo, ses collaborations avec Anthony Braxton (Duets 1987, Six Compositions 2001), John Butcher (New Oakland Burr), Birgit Ulher (Blips and Ifs), sans parler de l’ énorme DVD Nine Compositions (DVD) 2003 de Braxton comportant plusieurs heures de musique. Depuis cette glorieuse époque, son activité s’est ralentie. Mais nous avons quand même eu droit à l’excellent trio réunissant Phil Minton, John Butcher et Gino Robair en 2019 (Blasphemious Fragments). En cette année 2021, le trio Tender Buttons, nous livre son deuxième opus excellemment enregistré en 2018 au studio Fantasy. Tania Chen est créditée piano et percussion, Tom Djll électronique / trompette et Gino Robair électronique et percussion. Ces trois-là distille un brouet fumant, une concoction improbable de sonorités fantomatiques, résonances métalliques, ondulations électroacoustiques suspendues dans l’espace et le temps, errances métamorphiques du troisième type. Le fil conducteur de leurs improvisations est absolument imprévisible s’échappant dans de multiples directions. Le titre mystérieux : An established color and cunning … quoi d’autre ? Les deux artistes crédités « électronique » adhèrent à ce club des incontournables créatifs de l’EAI, les Richard Scott, Thomas Lehn, Joker Nies, Richard Barrett, Paul Obermayer, Ulli Böttcher ou mes potes Lawrence Casserley et Willy Van Buggenhout. La présence active et insidieuse de la pianiste Tania Chen les attache encore aux réalités de ce bas monde et aiguillonne leur dimension pointilliste, leurs spasmes erratiques vite résorbés avec cette qualité d’écoute mutuelle intense et aussi contrôlée qu’ils sont irrévocablement spontanés et superbement imaginatifs. Ils ne suivent pas à probablement un chemin , une logique, mais s’ouvrent avec le plus grand bonheur ce que leur suggèrent presqu’inconsciemment l’instant présent et ce qu’il peut advenir la seconde suivante… On croise la trompette hasardeuse de Tom Djll afflubée de je sais quel appendice, sourdine étrangement résonnante. Le piano tout à tour gratté et grincé dans ses tréfonds ou quelques touches consonantes pressées délicatement quand résonnent les percussions métalliques à la volée dans un espace libéré. Plutôt qu’une œuvre , c’est un état d’esprit poétique exacerbé qui nous fait oublier toutes les contingences. Un vrai délice de bruissements et d’ondes sonores sans solution ni fin, mais initiant et titillant notre plaisir immédiat.
Spontaneous Live Series 006 Matthias Müller with El Pricto / Vasco Trilla / Wojtek Kurek / Witold Oleszak / Jasper Stadhouders Spontaneous Music Tribune
https://matthiasmueller.bandcamp.com/album/spontaneous-live-series-006 http://spontaneousmusictribune.blogspot.com/
Les Spontaneous Live Series produites par Andrzej Nowak, sont des témoignages enregistrés et sélectionnés parmi les concerts successifs du Spontaneous Music Festival qui se déroule chaque année au Dragon Social Club à Poznan. Le n° 006 (et les 007 et 008) documente le Degenerative 4th Spontaneous Music Festival le 10 octobre 2020, plus précisément. Rassurez-vous tous les artistes indiqués ne jouent pas en même temps ! Deux groupes, comprenant à chaque fois le tromboniste Matthias Müller, avec le saxophoniste El Pricto ( ??), les percussionnistes Vasco Trilla et Wojtek Kurek pour les trois premiers morceaux plus courts (sans titre ni durée indiquée) et dans le dernier morceau (plus long) avec le guitariste acoustique Jasper Stadhouders qui joue aussi de la mandoline et le pianiste Witold Oleszak. Celui-ci est crédité pour le mixage et la mastérisation du compact, publié à 200 copies. Si le premier numéro du quartet Müller/ Trilla/ Kurek / El Pricto démarre dans une veine hard free tournoyante dans un crescendo rondement mené, les deux autres improvisations consistent en une belle tentative d’échanges et de dérives improvisées qui témoignent de la sensibilité collective pour l’exploration sonore faisant feu de tout bois. Le soldat inconnu « El Pricto » est un solide client et les deux percussionnistes font corps l’un à l’autre dans une belle complicité. Si dans la première improvisation Matthias Müller évoquait tant soit peu l’expressionnisme de son aîné Günter Christmann dans ses premiers enregistrements FMP, son jeu évolue par la suite dans tous ces nombreux et variés effets de souffle via l’embouchure et l’implosion de la colonne d’air, harmoniques, vocalisations, percussions des lèvres sur le métal, la coulisse en bataille. La longue suite improvisée du n°4 confronte le souffle délirant de Matthias et les jeux précis et pointillistes d’un Stadhouders ludique à la guitare et d’un Witold Olezsak plongé dans la table d’harmonie du piano dont il frappe tous les éléments et les recoins de mille manières. Si vous l’ignorez encore, Witold a trois super albums en duo avec le feu follet imprévisible de la percussion libérée, Mr Roger Turner himself, dont le dernier figure dans cette Spontaneous Live Serie, le n° 003, enregistré durant la deuxième édition. Cette improvisation en trio est vraiment réussie, les deux cordistes s’accordant de manière imaginative avec le tromboniste Matthias Müller. Celui-ci a le chic de faire évoluer la session avec des intéressants changements de registre, inspirant ainsi Witold Oleszak qui se mue ici quasiment en percussionniste (digne de Roger T.) et Jasper Stadhouders, joyeux drille avec sa partie de mandoline enjouée. Les incartades de l’un et de l’autre inspirent toujours plus les trois acolytes dans leurs trouvailles sonores improbables dignes des British les plus excentriques. Final imprévisible !
https://inexhaustibleeditions.bandcamp.com/album/swarm
Je viens de découvrir la flûtiste « à bec » Miako Klein, la violoniste Biliana Voutschkova et la pianiste Magda Mayas (Jane in Ether : Spoken / Unspoken sur Confront Core) et ai été favorablement ébloui par leur musique surréelle (cfr ma chronique du 10 octobre 21). Et voilà un nouvel album avec la même Miako et le trompettiste U.S. Brad Henkel, tous deux basés à Berlin et officiant sous le nom de Warble ! Mark Wastell de Confront et Laszlo Juhasz d’inexhaustible editions partagent un flair similaire pour nous proposer des groupes aussi audacieux qu’innovants et substantiellement inspirés. Le nom du duo, Warble, signifie gazouillis et celui de l’album, Swarm, signifie essaim. Une piste pour l’écoute de cette œuvre intrigante qui sort vraiment de l’ordinaire. En effet, au fil des deux longues improvisations, l’auditeur semble immergé dans l’univers des bourdonnements, des souffles plus légers que l’air. Frelons, guêpes, libellules, évocations de volière… Miako et Brad agrémentent leurs instruments d’effets et ceux-ci semblent entièrement intégrés à leurs instruments produisant un riche unisson, dilatant une tresse de vibrations touffues ou des envols d’oiseau des îles. Organique n’est pas ici une expression galvaudée. Les timbres oscillent sous la pression d’un vent lointain. La trompette de Brad cultive les graves magnétiques et ses effets de souffle dans les tubes s’immiscent dans les vibrations de l’air sur les arêtes des becs des tenor, basset & paetzold recorders de Miako (flûtes à bec de registre grave ou médium). Tous les deux connectent leurs coups de langue et de lèvres dans des fréquences étonnamment proches mariant leurs timbres, glissements et percussions aériennes comme un seul homme / une seule femme. Gémellité indicible. Leur improvisation se met à dériver quand l’un ou l’une se jette sur une nouvelle idée obligeant l’autre à créer de nouvelles ressources sonores pour revenir en phase. Respiration circulaire aussi. Un étonnant effet d'orgue est obtenu dans le deuxième morceau qui finit par s'éteindre dans des murmures délicatement sifflés. Une capacité innée à créer un univers sonore poétique ouaté à partir de techniques de souffles non conventionnelles que leurs sensibilités transforment en un univers sensoriel, tactile, ludique, mystérieux dicté par autant de bon sens que de fantaisie. Absolument fabuleux !!
Monicker: Arthur Bull Scott Thompson & Roger Turner SPINE Ambiance Magnétique AM 246 cd
https://ambiances-magnetiques.bandcamp.com/album/spine
Un CD publié au Québec pour changer ! Le guitariste Arthur Bull, le tromboniste Scott Thompson et le légendaire percussionniste Roger Turner. Il a beau être légendaire et un des percussionnistes de la free-music les plus réputés … et les plus fins, cet improvisateur a le chic de se commettre avec des musiciens rencontrés sur sa route et de chercher de nouvelles voies à explorer. Il a très largement raison. On a ici l’occasion d’entendre un tromboniste inspiré, Scott Thompson, qui s’il évoque plus qu’agréablement une autre légende irremplaçable, feu Paul Rutherford, se donne à fond dans le sens de l’invention et de la recherche de timbres et de sonorités extrêmes avec la coulisse et l’embouchure. C’est très méritoire et je m’en régale sans arrière-pensée. Le trio est complété par un guitariste électrique qui joue en sourdine comme un pivert furieux le ferait en picotant du bec des branches d’érable, mais pas que, car il se passe beaucoup de choses dans cet album. Roger Turner laisse complètement le champ libre à ses deux partenaires en invoquant le silence et les murmures avec de multiples manipulations d’objets ou frottant et titillant la surface des peaux des tambours. On entend donc le moindre détail des sons joués par Bull et Thompson au travers desquels se distingue clairement le jeu très fin du percussionniste. Thompson détient un remarquable don expressif pour chanter/ vocaliser dans son embouchure qui lui vient sans doute du jazz swing. Le jeu multiforme du guitariste évite de se fixer sur un « style » : il préfère laisser parler et résonner son instrument en lui imposant des techniques non conventionnelles. Trois improvisateurs unis par un profond sens de l’écoute. Six improvisations de durées différentes, du très court Sturgeon de 2 :42 aux 11 :37 de Bookshelves et aux 12 :15 de Window, et qui n’en finissent pas d’explorer toutes les ressources sonores acquises par les trois instrumentistes après de nombreuses années de pratique dans une interactivité spontanée. Un excellent album aussi lucide qu’onirique qui prolonge authentiquement les avancées radicales de la British Free Improvisation. Convaincant.
An established color and cunning Tender Buttons : Tania Chen Tom Djll & Gino Robair Rastascan CD BRD 072
https://tenderbuttons.bandcamp.com/album/an-established-color-and-cunning
Rastascan, le label du percussionniste « électronicien » Californien Gino Robair a un sacré pedigree datant déjà d’une époque lointaine. Au catalogue de Rastascan, le trio Evan Parker Barry Guy Paul Lytton (Breaths and Hearbeats), Peter Brötzmann / William Parker / Gregg Bendian (Sacred Scape), John Butcher solo (London & Cologne), Hans Reichel (Lower Lurium), Derek Bailey / Evan Parker (Arch Duo) les solos de Gianni Gebbia ( H Portraits et Arcana Major)ou encore Peter Kowald, Miya Masaoka ou Wolfgang Fuchs : Rastascan était le premier label US à s’ouvrir largement aux improvisateurs européens. Mais aussi Eugene Chadbourne en solo, ses collaborations avec Anthony Braxton (Duets 1987, Six Compositions 2001), John Butcher (New Oakland Burr), Birgit Ulher (Blips and Ifs), sans parler de l’ énorme DVD Nine Compositions (DVD) 2003 de Braxton comportant plusieurs heures de musique. Depuis cette glorieuse époque, son activité s’est ralentie. Mais nous avons quand même eu droit à l’excellent trio réunissant Phil Minton, John Butcher et Gino Robair en 2019 (Blasphemious Fragments). En cette année 2021, le trio Tender Buttons, nous livre son deuxième opus excellemment enregistré en 2018 au studio Fantasy. Tania Chen est créditée piano et percussion, Tom Djll électronique / trompette et Gino Robair électronique et percussion. Ces trois-là distille un brouet fumant, une concoction improbable de sonorités fantomatiques, résonances métalliques, ondulations électroacoustiques suspendues dans l’espace et le temps, errances métamorphiques du troisième type. Le fil conducteur de leurs improvisations est absolument imprévisible s’échappant dans de multiples directions. Le titre mystérieux : An established color and cunning … quoi d’autre ? Les deux artistes crédités « électronique » adhèrent à ce club des incontournables créatifs de l’EAI, les Richard Scott, Thomas Lehn, Joker Nies, Richard Barrett, Paul Obermayer, Ulli Böttcher ou mes potes Lawrence Casserley et Willy Van Buggenhout. La présence active et insidieuse de la pianiste Tania Chen les attache encore aux réalités de ce bas monde et aiguillonne leur dimension pointilliste, leurs spasmes erratiques vite résorbés avec cette qualité d’écoute mutuelle intense et aussi contrôlée qu’ils sont irrévocablement spontanés et superbement imaginatifs. Ils ne suivent pas à probablement un chemin , une logique, mais s’ouvrent avec le plus grand bonheur ce que leur suggèrent presqu’inconsciemment l’instant présent et ce qu’il peut advenir la seconde suivante… On croise la trompette hasardeuse de Tom Djll afflubée de je sais quel appendice, sourdine étrangement résonnante. Le piano tout à tour gratté et grincé dans ses tréfonds ou quelques touches consonantes pressées délicatement quand résonnent les percussions métalliques à la volée dans un espace libéré. Plutôt qu’une œuvre , c’est un état d’esprit poétique exacerbé qui nous fait oublier toutes les contingences. Un vrai délice de bruissements et d’ondes sonores sans solution ni fin, mais initiant et titillant notre plaisir immédiat.
Spontaneous Live Series 006 Matthias Müller with El Pricto / Vasco Trilla / Wojtek Kurek / Witold Oleszak / Jasper Stadhouders Spontaneous Music Tribune
https://matthiasmueller.bandcamp.com/album/spontaneous-live-series-006 http://spontaneousmusictribune.blogspot.com/
Les Spontaneous Live Series produites par Andrzej Nowak, sont des témoignages enregistrés et sélectionnés parmi les concerts successifs du Spontaneous Music Festival qui se déroule chaque année au Dragon Social Club à Poznan. Le n° 006 (et les 007 et 008) documente le Degenerative 4th Spontaneous Music Festival le 10 octobre 2020, plus précisément. Rassurez-vous tous les artistes indiqués ne jouent pas en même temps ! Deux groupes, comprenant à chaque fois le tromboniste Matthias Müller, avec le saxophoniste El Pricto ( ??), les percussionnistes Vasco Trilla et Wojtek Kurek pour les trois premiers morceaux plus courts (sans titre ni durée indiquée) et dans le dernier morceau (plus long) avec le guitariste acoustique Jasper Stadhouders qui joue aussi de la mandoline et le pianiste Witold Oleszak. Celui-ci est crédité pour le mixage et la mastérisation du compact, publié à 200 copies. Si le premier numéro du quartet Müller/ Trilla/ Kurek / El Pricto démarre dans une veine hard free tournoyante dans un crescendo rondement mené, les deux autres improvisations consistent en une belle tentative d’échanges et de dérives improvisées qui témoignent de la sensibilité collective pour l’exploration sonore faisant feu de tout bois. Le soldat inconnu « El Pricto » est un solide client et les deux percussionnistes font corps l’un à l’autre dans une belle complicité. Si dans la première improvisation Matthias Müller évoquait tant soit peu l’expressionnisme de son aîné Günter Christmann dans ses premiers enregistrements FMP, son jeu évolue par la suite dans tous ces nombreux et variés effets de souffle via l’embouchure et l’implosion de la colonne d’air, harmoniques, vocalisations, percussions des lèvres sur le métal, la coulisse en bataille. La longue suite improvisée du n°4 confronte le souffle délirant de Matthias et les jeux précis et pointillistes d’un Stadhouders ludique à la guitare et d’un Witold Olezsak plongé dans la table d’harmonie du piano dont il frappe tous les éléments et les recoins de mille manières. Si vous l’ignorez encore, Witold a trois super albums en duo avec le feu follet imprévisible de la percussion libérée, Mr Roger Turner himself, dont le dernier figure dans cette Spontaneous Live Serie, le n° 003, enregistré durant la deuxième édition. Cette improvisation en trio est vraiment réussie, les deux cordistes s’accordant de manière imaginative avec le tromboniste Matthias Müller. Celui-ci a le chic de faire évoluer la session avec des intéressants changements de registre, inspirant ainsi Witold Oleszak qui se mue ici quasiment en percussionniste (digne de Roger T.) et Jasper Stadhouders, joyeux drille avec sa partie de mandoline enjouée. Les incartades de l’un et de l’autre inspirent toujours plus les trois acolytes dans leurs trouvailles sonores improbables dignes des British les plus excentriques. Final imprévisible !
9 novembre 2021
Gianni Mimmo Pierpaolo Martino Francesco Cusa/ Annette Krebs/ Gerard Lebik & Burkhard Beins / Daniel Thompson & Colin Webster
The Lenox Brothers Township Nocturne Gianni Mimmo Pierpaolo Martino Francesco Cusa Amirani records AMRN 067
https://www.giannimimmo.com/en/node/625
https://www.amiranirecords.com/editions/townshipnocturne
Trio sax soprano, contrebasse et batterie. Au fil de tournées incessantes et de nombreux enregistrements sur son label Amirani, le saxophoniste italien Gianni Mimmo s’est révélé auprès de nombreux musiciens passionnants. Avec les pianistes Gianni Lenoci (R.I.P.), Sakoto Fuji,Nicola Guazzaloca, Silvia Corda et Yoko Miura, les souffleurs Harri Sjöström, Ove Volquartz et Vinny Golia, le signal processing de Lawrence Casserley, le tromboniste Angelo Contini, les violoncellistes Hannah Marshall et Daniel Levin, la violoniste Alison Blunt, les guitaristes disparus John Russell et Garrison Fewell, Gianni Mimmo s’est créé un magnifique parcours durant lequel son jeu de saxophone soprano hérité de Steve Lacy (il ne s’en cache pas) s’est bonifié, approfondi, affirmant un appétit curieux pour des formes nouvelles. Depuis son trio avec percussion (Francesco Cusa) et violoncelle en lieu de contrebasse (Andrea Serrapiglio), l’excellent A Watched Pot (AMRN 006 – 2007), Gianni Mimmo n’avait plus joué ou enregistré avec une « section rythmique » basse – batterie, préférant élargir son horizon et sa pratique avec d’autres configurations instrumentales. Il faudrait aussi mentionner ses projets Tidal ou Sestetto Internazionale. Le trio des Lenox Brothers avec les excellents bassiste Pierpaolo Martino et batteur Francesco Cusa plonge dans le courant rythmique du jazz et les effluves de la Blue Note. Cet enregistrement eut lieu le lendemain du décès de Gianni Lenoci dans le studio Wave Ahead à Monopoli en hommage à celui-ci. Gianni Lenoci avait une prédilection pour les séries TV comme Columbo et les romans noirs de Siménon et c’est cette atmosphère et ses références qui nourrissent ce Township Nocturne. Pierpaolo Martino vient de se distinguer phonographiquement avec Steve Beresford et Valentina Ma (Frequency Disasters / Confront Records – si vous n’avez aucun album avec Beresford, c’est le maître achat !) et avec Vladimir Miller Adrian Northover dans the Dinner Party (FMR). Solide client. Son jeu racé est l’ossature souple et mouvante de ce brillant trio, animé aux fûts par ce batteur original qu’est Francesco Cusa. Cusa est un percussionniste complet et un compositeur qui développe depuis une vingtaine une série incessante de projets jazz décoiffants sur son label improvvisatore involontario avec une imagination débordante. J’avoue n’avoir jamais eu l’énergie et le bagout pour vous en rendre compte. Un phénomène ! D’ailleurs, certains de ses enregistrements les plus saisissants n’apparaissent même plus dans le site de son label et dans discogs…
Au point de vue musical, ces Lenox Bothers nous livrent une parfaite réussite ressuscitant la magie des trios avec basse et batterie de Steve Lacy avec une belle ouverture et une manière assez rêveuse. Gianni Mimmo est peut-être / peut figurer comme un poids léger face au grand Steve. Mais ce magnifique Township Nocturne témoigne d’une maturité, d’une qualité sonore et d’une entente véritable qui distinguent indubitablement leur musique du tout venant jazz (free) contemporain.
Le travail exemplaire du saxophoniste a consisté à décortiquer la grammaire complexe et le lyrisme secret de Lacy en en recréant le lexique, les allusions, les suggestions, les couleurs pour raconter son histoire personnelle, intime et créer son propre univers fait d’intervalles distendus et de timbres amoureusement précis, délectables. C’est une démarche difficile et même ingrate, croyez-moi. Avec le concours amoureux et talentueux de ses deux comparses, Mimmo nous livre ce qu’il a sur le cœur et dans les étoiles : le sens du merveilleux. Le talent conjugué de Pierpaolo Martino et de Francesco Cusa, contrebasse charnelle et inventive et jeu de batterie chaloupé et ouvert à de nombreuses influences font de cette session un véritable modèle du genre. La routine du trio sax-basse-batterie est sublimée par une heureuse inventivité et une grande inspiration collective. Superbe !!
Annette Krebs Konstruktion 1 & 2 Sah solo pieces by Annette Krebs (2014-18) Graphit /GR01
https://annettekrebs.bandcamp.com/album/konstruktion-1-2-sah
Annette Krebs est apparue dans la scène improvisée Berlinoise il y a une vingtaine d’années au sein de la nouvelle mouvance « réductionniste » - minimaliste proche de musiciens/ ciennes tels que Burkhard Beins, Andrea Neumann, Taku Sugimoto, Alessandro Bosetti, Rhodri Davies, etc... Guitariste au départ, elle évolue vers l’électronique et, comme on peut l’entendre ici, se met à jouer avec des plaques métalliques suspendues et percutées dont elle transforme la sonorité via des sine waves. Dans les deux Construction #1 et #2 elle utilise aussi deux voix échantillonnées, des microphones, un ordinateur avec l’application Max/MSP/ Jitter, des tablettes, une corde de guitare, du bois frotté à l’archet , Midi Controllers…. Ces deux enregistrements sont séparés dans le déroulement du CD par Sah : Three live-perfomed audio portraits, décrit ainsi : Solo for Three sampled interviews, carbon pencil on paper, foil, parchment paper, plastic animals, microphones, computer (Max/MSP/jitter), tablet (TouchOSC) et Midi controllers. Comme elle l’explique, ses trois solos on été développés au fil de plusieurs années lors de répétitions et concerts. Ils contiennent des éléments de composition et d’improvisation. Des assemblages sonores spécifiques incluant interface et programmation furent customisés pour chaque composition.
Il s’agit vraiment d’un travail très précis, minutieusement préparé et très intéressant à écouter. On y trouve cet esprit d’invention propre à la free – music improvisée radicale tendance musique expérimentales. Ses plaques métalliques suspendues peuvent être assimilées à des instruments de percussion et son dispositif métamorphose leurs sonorités de façon intrigante, fantomatique et surréelle avec des ponctuations électroniques ou silencieuses. Ce silence subreptice qui est ressenti comme une part intégrante du développement musical. En remontant dans le passé, son travail évoque le concept des pièces en solo de Tony Oxley dans l’album Tony Oxley Incus 8. Sah est un œuvre hybride où s’immisce le langage parlé sous forme d’interviews échantillonnées. Une démarche intéressante avec des aspects fascinants ou même mystérieux qu’on a plaisir à réécouter. Une excellente artiste à la croisée de plusieurs courants contemporains pointus avec une vision originale sans concession qui échappe à l’idéologie normative des processus « majoritaires » de création musicale.
An alphabet of fluctuation Gerard Lebik – Burkhard Beins inexhaustible editions ie-042
https://inexhaustibleeditions.bandcamp.com/album/an-alphabet-of-fluctuation
C’est le deuxième album de Gerard Lebik pour inexhaustible editions après Psephite (ie-020) avec le violoncelliste Noid, album pour lequel je n’ai pas trouvé l’énergie suffisante de rédiger un compte-rendu. Lebik y était crédité « sound objects ». Pour cet alphabet of fluctuation, on le retrouve maniant « pd, ppooll, zopan generator » face à la cymbale ride amplifiée de Burkhard Beins, instrument auquel Beins ajoute une sine wave et un synthé pour les morceaux III et IV, respectivement 20 :29 et 14 :56, sur la plus grande durée de l’album. Dans I (12 :29) et II (8:50) durant lesquels Beins est crédité uniquement de sa cymbale amplifiée, les deux artistes produisent un seul son soutenu qui évolue imperceptiblement et se reflète dans un soupçon de vibration électronique qui effectue simultanément un crescendo et un glissando intangible vers une harmonique imaginaire. La qualité du son enregistré est plus qu’excellente et l’aspect « étude de timbres » de leur travail est sublimé. Ce type de musique minimaliste, baptisée « réductionniste » il y a une vingtaine d’années peut se révéler être une posture. Mais avec des artistes comme Burkhard Beins et Gerard Lebik, cela devient une révélation de l’indicible de la vie irréelle et sensitive des sons générés pour le plaisir de les entendre évoluer et planer dans l’espace auditif. Une expression signifiante des propriétés sonores intrinsèques de fréquences et de textures sélectionnées de manière très étudiée et hyper scrupuleuse et l’expérience de toute une vie. Incarnation d’une effective sculpture sonore plutôt qu’un « morceau » de musique ou une improvisation dans l’instant.
À lui seul, I est un véritable manifeste qui va se métamorphoser dans les trois autres morceaux procurant un sentiment de merveilleux et les caractéristiques d’une logique imparable. Variation d’un feeling dans l’infini, inouïes ondulations, réverbérations mourant dans un étonnant silence, parfois intersidéral. Au risque d’être barbants, nos deux acolytes nous posent des questions esthétiques et y répondent avec une conviction désarmante, fascinante. Se révèle ici, un des éléments constitutifs de la musique observé de mains de maître à la loupe. Comme toujours chez inexhaustible, production très soignée.
Hakons ea Daniel Thompson & Colin Webster Empty Birdcage Records EBR 006
https://emptybirdcagerecords.bandcamp.com/album/hakons-ea
Le guitariste Daniel Thompson étend sa palette collaborative et le catalogue de son nouveau label Empty Birdcage Records inauguré l’année dernière avec le fabuleux ‘other où le guitariste était confronté avec l’altiste Benedict Taylor, un de ses plus proches collaborateurs. Hakons ea nous le fait entendre avec l’astucieux saxophoniste Colin Webster, musicien très actif (Kodian Trio avec Andrew Lisle et Dirk Serries, John Edwards, Otto Wilberg). Trois longues pièces de 23, 13 et 32 minutes serpentines, interactives dans lesquelles chacun développe ses idées créatives dans des formes anguleuses et pointillistes en perpétuels mouvements et transformations en les faisant coïncider avec les intentions et le menu détail du jeu de son partenaire. À force d’avoir joué et enregistré avec un grand nombre de collègues et non des moindres (Thompson avec Tom Jackson, Neil Metcalfe, Adrian Northover, Steve Noble), ces deux musiciens ont acquis un sixième sens, celui de l’empathie maximale et de l’invention immédiate, de la poursuite obstinée et des trouvailles incessantes en restant fidèle à une identité musicale bien affirmée. Colin Webster aime les effets de souffle et les intervalles zig-zaguant ou slalomant dans des harmonies complexes et des motifs mélodiques imbriqués à l’infini, alors que Daniel Thompson est à la recherche abrupte de l’accord imparfait. Hakons ea est donc un album riche en événements sonores et intrications impromptues qui traversent tensions et relâchements. Il contient de superbes constructions dans la durée, développements étirés dans les menus détails au départ d’un jet de dés, sortilège de l’absurde marié au bon sens élémentaire. Voici deux valeureux improvisateurs dont on a grand plaisir à suivre le fil instantané de leurs aventures .
https://www.giannimimmo.com/en/node/625
https://www.amiranirecords.com/editions/townshipnocturne
Trio sax soprano, contrebasse et batterie. Au fil de tournées incessantes et de nombreux enregistrements sur son label Amirani, le saxophoniste italien Gianni Mimmo s’est révélé auprès de nombreux musiciens passionnants. Avec les pianistes Gianni Lenoci (R.I.P.), Sakoto Fuji,Nicola Guazzaloca, Silvia Corda et Yoko Miura, les souffleurs Harri Sjöström, Ove Volquartz et Vinny Golia, le signal processing de Lawrence Casserley, le tromboniste Angelo Contini, les violoncellistes Hannah Marshall et Daniel Levin, la violoniste Alison Blunt, les guitaristes disparus John Russell et Garrison Fewell, Gianni Mimmo s’est créé un magnifique parcours durant lequel son jeu de saxophone soprano hérité de Steve Lacy (il ne s’en cache pas) s’est bonifié, approfondi, affirmant un appétit curieux pour des formes nouvelles. Depuis son trio avec percussion (Francesco Cusa) et violoncelle en lieu de contrebasse (Andrea Serrapiglio), l’excellent A Watched Pot (AMRN 006 – 2007), Gianni Mimmo n’avait plus joué ou enregistré avec une « section rythmique » basse – batterie, préférant élargir son horizon et sa pratique avec d’autres configurations instrumentales. Il faudrait aussi mentionner ses projets Tidal ou Sestetto Internazionale. Le trio des Lenox Brothers avec les excellents bassiste Pierpaolo Martino et batteur Francesco Cusa plonge dans le courant rythmique du jazz et les effluves de la Blue Note. Cet enregistrement eut lieu le lendemain du décès de Gianni Lenoci dans le studio Wave Ahead à Monopoli en hommage à celui-ci. Gianni Lenoci avait une prédilection pour les séries TV comme Columbo et les romans noirs de Siménon et c’est cette atmosphère et ses références qui nourrissent ce Township Nocturne. Pierpaolo Martino vient de se distinguer phonographiquement avec Steve Beresford et Valentina Ma (Frequency Disasters / Confront Records – si vous n’avez aucun album avec Beresford, c’est le maître achat !) et avec Vladimir Miller Adrian Northover dans the Dinner Party (FMR). Solide client. Son jeu racé est l’ossature souple et mouvante de ce brillant trio, animé aux fûts par ce batteur original qu’est Francesco Cusa. Cusa est un percussionniste complet et un compositeur qui développe depuis une vingtaine une série incessante de projets jazz décoiffants sur son label improvvisatore involontario avec une imagination débordante. J’avoue n’avoir jamais eu l’énergie et le bagout pour vous en rendre compte. Un phénomène ! D’ailleurs, certains de ses enregistrements les plus saisissants n’apparaissent même plus dans le site de son label et dans discogs…
Au point de vue musical, ces Lenox Bothers nous livrent une parfaite réussite ressuscitant la magie des trios avec basse et batterie de Steve Lacy avec une belle ouverture et une manière assez rêveuse. Gianni Mimmo est peut-être / peut figurer comme un poids léger face au grand Steve. Mais ce magnifique Township Nocturne témoigne d’une maturité, d’une qualité sonore et d’une entente véritable qui distinguent indubitablement leur musique du tout venant jazz (free) contemporain.
Le travail exemplaire du saxophoniste a consisté à décortiquer la grammaire complexe et le lyrisme secret de Lacy en en recréant le lexique, les allusions, les suggestions, les couleurs pour raconter son histoire personnelle, intime et créer son propre univers fait d’intervalles distendus et de timbres amoureusement précis, délectables. C’est une démarche difficile et même ingrate, croyez-moi. Avec le concours amoureux et talentueux de ses deux comparses, Mimmo nous livre ce qu’il a sur le cœur et dans les étoiles : le sens du merveilleux. Le talent conjugué de Pierpaolo Martino et de Francesco Cusa, contrebasse charnelle et inventive et jeu de batterie chaloupé et ouvert à de nombreuses influences font de cette session un véritable modèle du genre. La routine du trio sax-basse-batterie est sublimée par une heureuse inventivité et une grande inspiration collective. Superbe !!
Annette Krebs Konstruktion 1 & 2 Sah solo pieces by Annette Krebs (2014-18) Graphit /GR01
https://annettekrebs.bandcamp.com/album/konstruktion-1-2-sah
Annette Krebs est apparue dans la scène improvisée Berlinoise il y a une vingtaine d’années au sein de la nouvelle mouvance « réductionniste » - minimaliste proche de musiciens/ ciennes tels que Burkhard Beins, Andrea Neumann, Taku Sugimoto, Alessandro Bosetti, Rhodri Davies, etc... Guitariste au départ, elle évolue vers l’électronique et, comme on peut l’entendre ici, se met à jouer avec des plaques métalliques suspendues et percutées dont elle transforme la sonorité via des sine waves. Dans les deux Construction #1 et #2 elle utilise aussi deux voix échantillonnées, des microphones, un ordinateur avec l’application Max/MSP/ Jitter, des tablettes, une corde de guitare, du bois frotté à l’archet , Midi Controllers…. Ces deux enregistrements sont séparés dans le déroulement du CD par Sah : Three live-perfomed audio portraits, décrit ainsi : Solo for Three sampled interviews, carbon pencil on paper, foil, parchment paper, plastic animals, microphones, computer (Max/MSP/jitter), tablet (TouchOSC) et Midi controllers. Comme elle l’explique, ses trois solos on été développés au fil de plusieurs années lors de répétitions et concerts. Ils contiennent des éléments de composition et d’improvisation. Des assemblages sonores spécifiques incluant interface et programmation furent customisés pour chaque composition.
Il s’agit vraiment d’un travail très précis, minutieusement préparé et très intéressant à écouter. On y trouve cet esprit d’invention propre à la free – music improvisée radicale tendance musique expérimentales. Ses plaques métalliques suspendues peuvent être assimilées à des instruments de percussion et son dispositif métamorphose leurs sonorités de façon intrigante, fantomatique et surréelle avec des ponctuations électroniques ou silencieuses. Ce silence subreptice qui est ressenti comme une part intégrante du développement musical. En remontant dans le passé, son travail évoque le concept des pièces en solo de Tony Oxley dans l’album Tony Oxley Incus 8. Sah est un œuvre hybride où s’immisce le langage parlé sous forme d’interviews échantillonnées. Une démarche intéressante avec des aspects fascinants ou même mystérieux qu’on a plaisir à réécouter. Une excellente artiste à la croisée de plusieurs courants contemporains pointus avec une vision originale sans concession qui échappe à l’idéologie normative des processus « majoritaires » de création musicale.
An alphabet of fluctuation Gerard Lebik – Burkhard Beins inexhaustible editions ie-042
https://inexhaustibleeditions.bandcamp.com/album/an-alphabet-of-fluctuation
C’est le deuxième album de Gerard Lebik pour inexhaustible editions après Psephite (ie-020) avec le violoncelliste Noid, album pour lequel je n’ai pas trouvé l’énergie suffisante de rédiger un compte-rendu. Lebik y était crédité « sound objects ». Pour cet alphabet of fluctuation, on le retrouve maniant « pd, ppooll, zopan generator » face à la cymbale ride amplifiée de Burkhard Beins, instrument auquel Beins ajoute une sine wave et un synthé pour les morceaux III et IV, respectivement 20 :29 et 14 :56, sur la plus grande durée de l’album. Dans I (12 :29) et II (8:50) durant lesquels Beins est crédité uniquement de sa cymbale amplifiée, les deux artistes produisent un seul son soutenu qui évolue imperceptiblement et se reflète dans un soupçon de vibration électronique qui effectue simultanément un crescendo et un glissando intangible vers une harmonique imaginaire. La qualité du son enregistré est plus qu’excellente et l’aspect « étude de timbres » de leur travail est sublimé. Ce type de musique minimaliste, baptisée « réductionniste » il y a une vingtaine d’années peut se révéler être une posture. Mais avec des artistes comme Burkhard Beins et Gerard Lebik, cela devient une révélation de l’indicible de la vie irréelle et sensitive des sons générés pour le plaisir de les entendre évoluer et planer dans l’espace auditif. Une expression signifiante des propriétés sonores intrinsèques de fréquences et de textures sélectionnées de manière très étudiée et hyper scrupuleuse et l’expérience de toute une vie. Incarnation d’une effective sculpture sonore plutôt qu’un « morceau » de musique ou une improvisation dans l’instant.
À lui seul, I est un véritable manifeste qui va se métamorphoser dans les trois autres morceaux procurant un sentiment de merveilleux et les caractéristiques d’une logique imparable. Variation d’un feeling dans l’infini, inouïes ondulations, réverbérations mourant dans un étonnant silence, parfois intersidéral. Au risque d’être barbants, nos deux acolytes nous posent des questions esthétiques et y répondent avec une conviction désarmante, fascinante. Se révèle ici, un des éléments constitutifs de la musique observé de mains de maître à la loupe. Comme toujours chez inexhaustible, production très soignée.
Hakons ea Daniel Thompson & Colin Webster Empty Birdcage Records EBR 006
https://emptybirdcagerecords.bandcamp.com/album/hakons-ea
Le guitariste Daniel Thompson étend sa palette collaborative et le catalogue de son nouveau label Empty Birdcage Records inauguré l’année dernière avec le fabuleux ‘other où le guitariste était confronté avec l’altiste Benedict Taylor, un de ses plus proches collaborateurs. Hakons ea nous le fait entendre avec l’astucieux saxophoniste Colin Webster, musicien très actif (Kodian Trio avec Andrew Lisle et Dirk Serries, John Edwards, Otto Wilberg). Trois longues pièces de 23, 13 et 32 minutes serpentines, interactives dans lesquelles chacun développe ses idées créatives dans des formes anguleuses et pointillistes en perpétuels mouvements et transformations en les faisant coïncider avec les intentions et le menu détail du jeu de son partenaire. À force d’avoir joué et enregistré avec un grand nombre de collègues et non des moindres (Thompson avec Tom Jackson, Neil Metcalfe, Adrian Northover, Steve Noble), ces deux musiciens ont acquis un sixième sens, celui de l’empathie maximale et de l’invention immédiate, de la poursuite obstinée et des trouvailles incessantes en restant fidèle à une identité musicale bien affirmée. Colin Webster aime les effets de souffle et les intervalles zig-zaguant ou slalomant dans des harmonies complexes et des motifs mélodiques imbriqués à l’infini, alors que Daniel Thompson est à la recherche abrupte de l’accord imparfait. Hakons ea est donc un album riche en événements sonores et intrications impromptues qui traversent tensions et relâchements. Il contient de superbes constructions dans la durée, développements étirés dans les menus détails au départ d’un jet de dés, sortilège de l’absurde marié au bon sens élémentaire. Voici deux valeureux improvisateurs dont on a grand plaisir à suivre le fil instantané de leurs aventures .