Swarm Warble: Brad Henkel & Miako Klein inexhaustible ie-44
https://inexhaustibleeditions.bandcamp.com/album/swarm
Je viens de découvrir la flûtiste « à bec » Miako Klein, la violoniste Biliana Voutschkova et la pianiste Magda Mayas (Jane in Ether : Spoken / Unspoken sur Confront Core) et ai été favorablement ébloui par leur musique surréelle (cfr ma chronique du 10 octobre 21). Et voilà un nouvel album avec la même Miako et le trompettiste U.S. Brad Henkel, tous deux basés à Berlin et officiant sous le nom de Warble ! Mark Wastell de Confront et Laszlo Juhasz d’inexhaustible editions partagent un flair similaire pour nous proposer des groupes aussi audacieux qu’innovants et substantiellement inspirés. Le nom du duo, Warble, signifie gazouillis et celui de l’album, Swarm, signifie essaim. Une piste pour l’écoute de cette œuvre intrigante qui sort vraiment de l’ordinaire. En effet, au fil des deux longues improvisations, l’auditeur semble immergé dans l’univers des bourdonnements, des souffles plus légers que l’air. Frelons, guêpes, libellules, évocations de volière… Miako et Brad agrémentent leurs instruments d’effets et ceux-ci semblent entièrement intégrés à leurs instruments produisant un riche unisson, dilatant une tresse de vibrations touffues ou des envols d’oiseau des îles. Organique n’est pas ici une expression galvaudée. Les timbres oscillent sous la pression d’un vent lointain. La trompette de Brad cultive les graves magnétiques et ses effets de souffle dans les tubes s’immiscent dans les vibrations de l’air sur les arêtes des becs des tenor, basset & paetzold recorders de Miako (flûtes à bec de registre grave ou médium). Tous les deux connectent leurs coups de langue et de lèvres dans des fréquences étonnamment proches mariant leurs timbres, glissements et percussions aériennes comme un seul homme / une seule femme. Gémellité indicible. Leur improvisation se met à dériver quand l’un ou l’une se jette sur une nouvelle idée obligeant l’autre à créer de nouvelles ressources sonores pour revenir en phase. Respiration circulaire aussi. Un étonnant effet d'orgue est obtenu dans le deuxième morceau qui finit par s'éteindre dans des murmures délicatement sifflés. Une capacité innée à créer un univers sonore poétique ouaté à partir de techniques de souffles non conventionnelles que leurs sensibilités transforment en un univers sensoriel, tactile, ludique, mystérieux dicté par autant de bon sens que de fantaisie. Absolument fabuleux !!
Monicker: Arthur Bull Scott Thompson & Roger Turner SPINE Ambiance Magnétique AM 246 cd
https://ambiances-magnetiques.bandcamp.com/album/spine
Un CD publié au Québec pour changer ! Le guitariste Arthur Bull, le tromboniste Scott Thompson et le légendaire percussionniste Roger Turner. Il a beau être légendaire et un des percussionnistes de la free-music les plus réputés … et les plus fins, cet improvisateur a le chic de se commettre avec des musiciens rencontrés sur sa route et de chercher de nouvelles voies à explorer. Il a très largement raison. On a ici l’occasion d’entendre un tromboniste inspiré, Scott Thompson, qui s’il évoque plus qu’agréablement une autre légende irremplaçable, feu Paul Rutherford, se donne à fond dans le sens de l’invention et de la recherche de timbres et de sonorités extrêmes avec la coulisse et l’embouchure. C’est très méritoire et je m’en régale sans arrière-pensée. Le trio est complété par un guitariste électrique qui joue en sourdine comme un pivert furieux le ferait en picotant du bec des branches d’érable, mais pas que, car il se passe beaucoup de choses dans cet album. Roger Turner laisse complètement le champ libre à ses deux partenaires en invoquant le silence et les murmures avec de multiples manipulations d’objets ou frottant et titillant la surface des peaux des tambours. On entend donc le moindre détail des sons joués par Bull et Thompson au travers desquels se distingue clairement le jeu très fin du percussionniste. Thompson détient un remarquable don expressif pour chanter/ vocaliser dans son embouchure qui lui vient sans doute du jazz swing. Le jeu multiforme du guitariste évite de se fixer sur un « style » : il préfère laisser parler et résonner son instrument en lui imposant des techniques non conventionnelles. Trois improvisateurs unis par un profond sens de l’écoute. Six improvisations de durées différentes, du très court Sturgeon de 2 :42 aux 11 :37 de Bookshelves et aux 12 :15 de Window, et qui n’en finissent pas d’explorer toutes les ressources sonores acquises par les trois instrumentistes après de nombreuses années de pratique dans une interactivité spontanée. Un excellent album aussi lucide qu’onirique qui prolonge authentiquement les avancées radicales de la British Free Improvisation. Convaincant.
An established color and cunning Tender Buttons : Tania Chen Tom Djll & Gino Robair Rastascan CD BRD 072
https://tenderbuttons.bandcamp.com/album/an-established-color-and-cunning
Rastascan, le label du percussionniste « électronicien » Californien Gino Robair a un sacré pedigree datant déjà d’une époque lointaine. Au catalogue de Rastascan, le trio Evan Parker Barry Guy Paul Lytton (Breaths and Hearbeats), Peter Brötzmann / William Parker / Gregg Bendian (Sacred Scape), John Butcher solo (London & Cologne), Hans Reichel (Lower Lurium), Derek Bailey / Evan Parker (Arch Duo) les solos de Gianni Gebbia ( H Portraits et Arcana Major)ou encore Peter Kowald, Miya Masaoka ou Wolfgang Fuchs : Rastascan était le premier label US à s’ouvrir largement aux improvisateurs européens. Mais aussi Eugene Chadbourne en solo, ses collaborations avec Anthony Braxton (Duets 1987, Six Compositions 2001), John Butcher (New Oakland Burr), Birgit Ulher (Blips and Ifs), sans parler de l’ énorme DVD Nine Compositions (DVD) 2003 de Braxton comportant plusieurs heures de musique. Depuis cette glorieuse époque, son activité s’est ralentie. Mais nous avons quand même eu droit à l’excellent trio réunissant Phil Minton, John Butcher et Gino Robair en 2019 (Blasphemious Fragments). En cette année 2021, le trio Tender Buttons, nous livre son deuxième opus excellemment enregistré en 2018 au studio Fantasy. Tania Chen est créditée piano et percussion, Tom Djll électronique / trompette et Gino Robair électronique et percussion. Ces trois-là distille un brouet fumant, une concoction improbable de sonorités fantomatiques, résonances métalliques, ondulations électroacoustiques suspendues dans l’espace et le temps, errances métamorphiques du troisième type. Le fil conducteur de leurs improvisations est absolument imprévisible s’échappant dans de multiples directions. Le titre mystérieux : An established color and cunning … quoi d’autre ? Les deux artistes crédités « électronique » adhèrent à ce club des incontournables créatifs de l’EAI, les Richard Scott, Thomas Lehn, Joker Nies, Richard Barrett, Paul Obermayer, Ulli Böttcher ou mes potes Lawrence Casserley et Willy Van Buggenhout. La présence active et insidieuse de la pianiste Tania Chen les attache encore aux réalités de ce bas monde et aiguillonne leur dimension pointilliste, leurs spasmes erratiques vite résorbés avec cette qualité d’écoute mutuelle intense et aussi contrôlée qu’ils sont irrévocablement spontanés et superbement imaginatifs. Ils ne suivent pas à probablement un chemin , une logique, mais s’ouvrent avec le plus grand bonheur ce que leur suggèrent presqu’inconsciemment l’instant présent et ce qu’il peut advenir la seconde suivante… On croise la trompette hasardeuse de Tom Djll afflubée de je sais quel appendice, sourdine étrangement résonnante. Le piano tout à tour gratté et grincé dans ses tréfonds ou quelques touches consonantes pressées délicatement quand résonnent les percussions métalliques à la volée dans un espace libéré. Plutôt qu’une œuvre , c’est un état d’esprit poétique exacerbé qui nous fait oublier toutes les contingences. Un vrai délice de bruissements et d’ondes sonores sans solution ni fin, mais initiant et titillant notre plaisir immédiat.
Spontaneous Live Series 006 Matthias Müller with El Pricto / Vasco Trilla / Wojtek Kurek / Witold Oleszak / Jasper Stadhouders Spontaneous Music Tribune
https://matthiasmueller.bandcamp.com/album/spontaneous-live-series-006
http://spontaneousmusictribune.blogspot.com/
Les Spontaneous Live Series produites par Andrzej Nowak, sont des témoignages enregistrés et sélectionnés parmi les concerts successifs du Spontaneous Music Festival qui se déroule chaque année au Dragon Social Club à Poznan. Le n° 006 (et les 007 et 008) documente le Degenerative 4th Spontaneous Music Festival le 10 octobre 2020, plus précisément. Rassurez-vous tous les artistes indiqués ne jouent pas en même temps ! Deux groupes, comprenant à chaque fois le tromboniste Matthias Müller, avec le saxophoniste El Pricto ( ??), les percussionnistes Vasco Trilla et Wojtek Kurek pour les trois premiers morceaux plus courts (sans titre ni durée indiquée) et dans le dernier morceau (plus long) avec le guitariste acoustique Jasper Stadhouders qui joue aussi de la mandoline et le pianiste Witold Oleszak. Celui-ci est crédité pour le mixage et la mastérisation du compact, publié à 200 copies. Si le premier numéro du quartet Müller/ Trilla/ Kurek / El Pricto démarre dans une veine hard free tournoyante dans un crescendo rondement mené, les deux autres improvisations consistent en une belle tentative d’échanges et de dérives improvisées qui témoignent de la sensibilité collective pour l’exploration sonore faisant feu de tout bois. Le soldat inconnu « El Pricto » est un solide client et les deux percussionnistes font corps l’un à l’autre dans une belle complicité. Si dans la première improvisation Matthias Müller évoquait tant soit peu l’expressionnisme de son aîné Günter Christmann dans ses premiers enregistrements FMP, son jeu évolue par la suite dans tous ces nombreux et variés effets de souffle via l’embouchure et l’implosion de la colonne d’air, harmoniques, vocalisations, percussions des lèvres sur le métal, la coulisse en bataille. La longue suite improvisée du n°4 confronte le souffle délirant de Matthias et les jeux précis et pointillistes d’un Stadhouders ludique à la guitare et d’un Witold Olezsak plongé dans la table d’harmonie du piano dont il frappe tous les éléments et les recoins de mille manières. Si vous l’ignorez encore, Witold a trois super albums en duo avec le feu follet imprévisible de la percussion libérée, Mr Roger Turner himself, dont le dernier figure dans cette Spontaneous Live Serie, le n° 003, enregistré durant la deuxième édition. Cette improvisation en trio est vraiment réussie, les deux cordistes s’accordant de manière imaginative avec le tromboniste Matthias Müller. Celui-ci a le chic de faire évoluer la session avec des intéressants changements de registre, inspirant ainsi Witold Oleszak qui se mue ici quasiment en percussionniste (digne de Roger T.) et Jasper Stadhouders, joyeux drille avec sa partie de mandoline enjouée. Les incartades de l’un et de l’autre inspirent toujours plus les trois acolytes dans leurs trouvailles sonores improbables dignes des British les plus excentriques. Final imprévisible !
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Bonne lecture Good read ! don't hesitate to post commentaries and suggestions or interesting news to this......