Sonoris Causa Daunik Lazro Jouk Minor Thierry Madiot David Chiesa Louis-Michel Marion No Business CD 153
http://nobusinessrecords.com/daunik-lazro-sonoris-causa.html
Pour la cause des sonorités et on ne peut pas mieux dire. Ce qui me fatigue dans la scène post free-jazz « qui tourne », c’est la récurrence systématique du triangle souffleur(s) – contrebasse – batterie qui mène trop souvent à une pratique mêlée de clichés, de tics, d’une énergie surjouée et finalement on tourne en rond. Voici qu’un des plus purs saxophonistes explosifs d’une autre ère (années 70 – 80) m’envoie ce CD, une vraie tentative d’improviser en élargissant la palette sonore. La formule est tentante, mais quasi personne ne la propose : un quintet d’instruments graves. « Grave » en français belge signifie un peu fou, décalé ou suggère l’ahurissant. Deux contrebasses « radicales » à cinq cordes aux mains de David Chiesa et de Louis-Michel Marion. Soit dit en passant, je recommande vivement l’écoute des enregistrements du Clinamen trio réunissant Louis-Michel Marion, le violoniste Philippe Berger et le clarinettiste vétéran Jacques Di Donato : le cd Décliné (Creative Sources) a été chroniqué dans ce blog. Un des meilleurs albums d’improvisation Made In France. David Chiesa a enregistré dès 1996 avec Fred Blondy, Jean Luc Guionnet, J-S Mariage, Xavier Charles et Daunik Lazro. Bien sûr, le saxophone baryton de Daunik Lazro qu’il préfère aujourd’hui à son sax alto chauffé à blanc de son époque hyper expressionniste – énergétique. Un revenant de cette lointaine époque, le saxophoniste baryton Jouk Minor, coupable d’avoir enregistré Candles of Vision (Calig CAL 30 609 – 1972) avec le tromboniste suédois Eje Thelin et le batteur Pierre Favre, un rare brûlot hard free. Pour l’occasion de ce rare concert, Jouk Minor a amené un sarrusophone contrebasse, instrument à vent inventé au 19ème siècle pour développer les textures sonores et possibilités du souffle dans les fanfares, histrions et orchestres classiques. Et un artiste improvisateur très engagé qui enregistre peu, mais a une expérience créative très fine, le tromboniste Thierry Madiot, ici aux prises avec un trombone basse et des tubes télescopiques.
Trois longues improvisations collectives qui se bonifient au fil des minutes et des séquences : Sonoris Causa 1 (28:42), 2 (26 :03) et 3 (11 :43) en se rapprochant du but ultime fabriquer de la (très) bonne musique et exprimer / partager sa / ses sensibilités. Ça commence un peu gauchement comme si chacun des cinq attendait un signal. Mais à forces de drones, de vibrations, d’harmoniques et de boucles (Lazro), la sauce prend, la communication s’installe. Et nous voilà allongés dans la clairière d’une forêt mystérieuse les yeux contemplant les étoiles, les orifices auditifs en alerte du moindre détail sonore et vibratile de ce monstre à vingt pattes et cinq bouches. Cette option de cerner l’improvisation de manière organique et continue dans un flux de sonorités qui s’interpénètrent est l’apanage de plusieurs acteurs de la scène improvisée française. Citons en quelques-uns. Michel Doneda et Lê Quan Ninh dans Une Chance pour L’Ombre avec des musiciens japonais. Daunik Lazro et David Chiesa ont à leur actif « Humus » avec Benjamin Bondonneau, Didier Lasserre et Laurent Sassi (Amor Fati). Le groupe Hubbub et pas mal d’autres. Certains de leurs enregistrements valent bien quelques-uns d’AMM. Cet enregistrement est sûrement un excellent exemple de cette pratique qui doit absolument être vécue en public avec une écoute attentive avant que vous fassiez tourner ce CD dans votre installation. Avec un peu d’imagination et en oubliant les contingences du monde qui nous entoure, voilà un merveilleux moment d’écoute totale, créateur d’un besoin de découvertes. Magnifique et indescriptible !!
Sindrome de Abstinencia Dario Dolci Osvaldo La Porta Omar Grandoso Chap Chap CPCD-009.
https://chapchaprecords.bandcamp.com/album/dario-dolci-osvaldo-la-porta-omar-grandoso-sindrome-de-abstinencia
Venu du Japon, cet album contient la musique raffinée d’un trio Argentin ancré dans la pratique de l’improvisation libre entre « pointillisme », interactivité et une accointance formelle avec musique contemporaine dans le collimateur. Dario Dolci triture l’embouchure de son sax sopranino à l’écart de la doxa saxophonistique et livre des fragments mélodiques étirés au moment le plus opportun. Osvaldo La Porta développe une variété intéressante de phrases et sonorités à la guitare électrique avec très peu d’effets et une approche sonore claire et limpide. Omar Grandoso manie glissandi et vocalisations subtiles avec son trombone qui plane avec délectation par-dessus les interventions appliquées de ses deux compères. Leurs activités instrumentales basées sur des techniques alternatives non conventionnelles sont coordonnées avec un beau sens de l’écoute et un sens aigu de l’architecture et de la lisibilité contribue à ce que Fase I (21 :20 ininterrompues) se déroule d’une traite sans fatiguer l’auditeur, que du contraire. Les échanges s’alimentent et s’échauffent dans un remarquable crescendo soutenu tout au long de cette longue première improvisation jusqu’à la 14ème minute où le guitariste réoriente très lentement les opérations vers une approche linéaire planante, mouvante et mystérieuse avec effets de souffle et bruitages minutieux en soutenant l’intérêt de l’auditeur . Fase II (15 :10) : Osvaldo joue de la guitare électrique sans amplification et Omar du piano avec un contraste certain qui finit par s’évanouir dans la connivence. Et ils font encore preuve d’initiatives face à la découverte de l’inconnu en tentant simultanément plusieurs approches individuelles en en changeant habilement les paramètres et le glissement des intentions dans l’instant. Par exemple : percussivité des cordes de la guitare et du piano, bruissements furtifs, cascade momentanée, sécheresse de la six cordes sans jus et frappée, frictionnée, secouée… cris de canard perturbé au sopranino… C’est, en fait, tout à fait réjouissant. Ce trio pourrait offrir une bonne occasion aux Argentins (et autres) pour découvrir l’univers de la musique improvisée et attiser la curiosité d’auditeurs ouverts et réceptifs, sans agenda. C’est cela qui compte avant tout. Sensibilité et imagination. Un bon album d’improvisation libre dans une région du monde excentrée par rapport aux scènes les plus prolifiques.
Evan Parker Electro-Acoustic Ensemble Warszawa 2019 Fundacja Sluchaj FSR 06/2021
https://sluchaj.bandcamp.com/album/warszawa-2019
Même s’il est publié depuis plus d’un an, je ne peux m’empêcher de vous en faire la revue. Pionnier de premier plan depuis les tous débuts de la scène improvisée libre et du free – jazz rébarbatif aux moindres conventions, Evan Parker est devenu au fil des décennies, un des principaux saxophonistes et « compositeurs instantanés » de la scène internationale au même titre que Steve Lacy, Anthony Braxton et Roscoe Mitchell. Sollicité pour de nombreux concerts plus proches du (free) free-jazz que de l’improvisation radicale de ses débuts dans les années 60 et 70, Evan Parker poursuit ses recherches « d’avant-garde" au sein de son Electro-Acoustic Ensemble où prédomine le traitement du son acoustique des instruments « conventionnels » (sax, trompette, percussions, piano, violon, contrebasse) par le truchement combiné d’installations électroniques de sampling et de signal processing. Pour ce faire, il a réuni au fil des années une confrérie de spécialistes comme Walter Prati, Bill Vecchi, Joel Ryan, Lawrence Casserley auxquels se sont ajoutés Paul Obermayer et Richard Barrett. Son équipe réduite d’instrumentistes (Barry Guy, Paul Lytton et Phil Wachsmann) a vu s’ajouter Peter Evans, Agusti Fernandez, Ned Rothenberg, Ko Ishikawa et parfois Adam Linson ou Peter Van Bergen étoffant ainsi la palette sonore et les soucis techniques ( !) alors que s’amoncelaient les CD’s : Towards the Margins, Drawn Inwards, Memory/ Vision, The Moment’s Energy, The Eleventh Hour chez ECM et Hasselt sur son label Psi. On ne peut pas faire plus simple : une musique interactive électro-acoustique en temps réel gravitant dans un entrelacs ou fouillis de connections, câbles, programmes, machines qui requiert une équipe de génie au niveau technique (Casserley, Ryan, Vecchi, Barrett…) et dont ne sait d’où provient la source sonore et qui fait quoi. La balance et la prise de son nécessite une prudente réflexion et énormément de travail préparatoire. Publier de tels OVNI sonores, une musique difficile et ambitieuse basée sur l’improvisation totale et la complexité digitale et échantilloneuse, sur le label de Keith Jarrett n’est pas une gageure. Mais au fil des ans, Evan Parker a voulu simplifier l’équipage (ils ont été dix-neuf).
Pour cet enregistrement à Varsovie en 2019, on retrouve Evan avec ses fidèles Paul Lytton aux percussions et électronique analogue, Richard Barrett et Paul Obermayer aux « sampling keyboards » et d’autres musiciens avec qui il a collaboré précédemment : Matt Wright (laptop et turntable), Percy Pursglove (trompette), Peter Van Bergen (bass & Ab clarinets), Mark Nauseef (percussion), Sten Sandell (piano & synthesiser) et Adam Linson (contrebasse et electronics). Outre les trois « purs » électroniciens, pas moins de trois instrumentistes jouent et adaptent de l’électronique à leur son instrumental, ce qui permet de complexifier le travail simultané du traitement sonore électro-acoustique. Une longue composition de 58:37 préconçue par Evan Parker avec une série de notations et d’indications précises afin de créer un flux musical cohérent et audacieux. On peut dire qu’Evan Parker fut un innovateur audacieux (et sans doute le plus audacieux après John Coltrane et des personnalités comme Albert Ayler) en faisant exploser les paradigmes du souffle et du jeu au saxophone. Et on retrouve cette audace à l’œuvre avec ce groupe multiforme de dix musiciens et leur instrumentarium « distendu » où toutes les combinaisons sonores peuvent s’agréger dans le fil de cinquante-huit minutes à la fois denses, espacées, texturales, mélodiques du côté de la trompette, graves, intersidérales, éclatées, sensibles. Vouloir décrire cette musique est une gageure, il ne reste plus qu’à l’écouter, à essayer de comprendre ou à s’émerveiller des sons, des éclats subreptices, de la multiplicité des traits, des courbes, de la singularité des interactions (Sten Sandell), des semi-silences (à la 20ème minute) et de l’imagination des percussionnistes (Lytton ou Nauseef). Des agrégats sonores intersidéraux inouïs éclatent ou chutent dans l’espace, crissant comme une explosion silencieuse ou glissant comme une avalanche, alors que des sons d’instruments traités vrillent dans les suraigus d’une autre dimension que la nôtre. On retrouve alors les paysages sonores entrevus il y a un demi-siècle dans Collective Calls et Unity Theatre (les albums Incus précurseurs du duo Parker - Lytton) dans une coexistence d’univers sonores parallèles, contigus ou interpénétrés. Cela devient un tourbillon étourdissant dont la giration ralentit dans un decrescendo remarquablement maîtrisé d’où fusent de brèves interventions – diversions des souffleurs avant une intervention en respiration circulaire qui se fond petit à petit dans la masse instrumentale. Celle-ci disparait alors au bénéfice de curieux sons percussifs isolés et de murmures inconnus. Un faisceau d’intentions diversifiées dans le chef des protagonistes nous empêche de nous lasser, car personne ne sait de quoi le lendemain sera fait. Il faut une écoute minutieuse et répétée pour arriver au bout de l’analyse d’une telle œuvre. Une composition instantanée ouverte inscrite à l’ère des réseaux digitaux et à l’écart de pratiques réductrices et d’idées toutes faites. Moi j’applaudis, car cela ne ressemble à rien d’autre de ce qui se fait aujourd’hui et cet E.P. E-A.E est depuis 1995 toujours aussi enthousiasmant et pertinent par sa dimension extraordinairement collective. En publiant une telle aventure, Fundacja Sluchaj démontre ainsi être un label de premier plan.
Pat Thomas et Dominic Lash New Oxford Brevity spoonhunt SHCD004
https://dominiclash.bandcamp.com/album/new-oxford-brevity
C’est avec une guitare électrique que le contrebassiste Dominic Lash aborde cette session d’enregistrement avec ce pianiste avec qui il partage une belle amitié, Pat Thomas, lui-même pianiste et musicien prodige de la scène britannique d’improvisation, un de ces phénomènes inclassables comme ses collègues Simon H.Fell (R.I.P.) et Alex Ward. Pat et Dominic ont fait partie de la scène d’Oxford et ont contribué à créer le collectif Oxford Improvisers, très actif dans cette ville. À la grande surprise de Dominic Lash, Pat Thomas l’invita un jour à partager la scène pour son premier concert de musique improvisée alors qu’il commençait à peine à apprendre la contrebasse. Il n’eut pas tort, car son protégé s’est révélé par la suite très talentueux auprès de Phil Wachsmann, Chris Cundy, John Butcher, John Russell, Steve Noble, Stefan Keune, Taylor Ho Bynum, Alex Hawkins, Rhodri Davies, Alex Ward, Denman Maroney etc… Tout comme le clarinettiste Alex Ward, Dominic s’est entiché de jouer de la guitare électrique en concert et doit donc réapprendre à improviser avec ce nouvel instrument auquel il confère une intensité électrique saturée brute et presque abrasive. Pat Thomas n’a donc pas hésité à lui proposer de jouer en duo. Mais marier la guitare électrique et le piano en duo n’est pas une chose aisée. Si vous investiguez les listes et catalogues d’albums de musique improvisée radicale depuis l’origine de ce courant musical, vous conviendrez que cette formule est extrêmement rare au niveau des enregistrements. Il y a bien l’antécédent occasionnel de Cecil Taylor et Derek Bailey en 1988 (Pleistoszaen mit Wasser/ FMP) enregistré lors de la résidence légendaire de Cecil à Berlin cette année-là, deux plages réunissant Eugene Chadbourne et Casey Sokol sur un LP Parachute (les deux autres étant des pièces en solo), le LP de Siegfried Kessler et J-F Pauvros pour Le Chant du Monde (1979), les collaborations fréquentes de Matt Shipp et Joe Morris qui ont donné un seul CD en duo à la fois très bien joué, mais pas entièrement convaincant (Thesis/Hatology). Et bien sûr, Duos For Doris (Erstwhile) dans lesquels le pianiste John Tilbury délivre son jeu perlé et aérien avec des préparations cagiennes, suspendu dans les vibrations bruissantes de la guitare couchée, préparée avec objets et effets de Keith Rowe. Il s’agit de 2/3 d’AMM, en fait.
Et donc voici une tentative de duo piano-guitare qui mérite d’être écoutée, révélant une musique énergétique au vitriol, hargneuse et explorative au niveau des sonorités et des phases de jeu. Une remarque préliminaire. La guitare et le piano sont des instruments « harmoniques » qui se font concurrence : le clavier autorise l’usage des dix doigts simultanément sur l’étendue du clavier, alors que les six cordes de la guitare et les positions des quatre doigts de la main gauche sont limitées par l’écartement de ceux-ci. Pour essayer de faire jeu égal avec le piano, il faut pouvoir tirer parti des doigtés possibles des cinq doigts de la main droite sur ces six cordes. En jouant avec les étendues variables d’intervalles et de leurs implications harmoniques, on a un grand risque de redondance de « l’information musicale », chacun des deux instruments pouvant « bouffer » l’espace sonore de l’autre. Cette combinaison instrumentale est donc un ressentie comme un casse-tête à éviter, surtout en musique improvisée libre.
Dans ce duo, les deux musiciens jouent en contraste, la guitare étant volontairement saturée, et le pianiste arc-bouté avec toute sa puissance sur le clavier. L’ intensité rythmique de leurs jeux respectifs et un sens de l’urgence contribuent intensément à distinguer auditivement leurs interventions respectives dans le champ sonore . Ce n’est peut-être pas le duo guitare - piano le plus « optimal », mais c’est une belle réussite et une occasion rare d’entendre ce pianiste original aux prises avec un duettiste qui en veut comme Dominic Lash. En effet, on entend trop peu souvent un pianiste aussi singulier et aussi puissant que Pat Thomas, trop peu visible. Pour vous convaincre, je peux vous recommander un rare album LP solo : The Elephant Clock of Al Jazari (Otoroku) et son remarquable CD « Nur» enregistré en 1999 pour Emanem. Ses racines musicales plongent autant dans le jazz moderne des Bud Powell, Thelonious Monk, Lennie Tristano, que dans le classique contemporain (Bartok, Stockhausen etc…), mais aussi dans les musiques africaines. Son toucher percussif et ses articulations de notes, sa capacité à faire frémir et trembler la carcasse de la « bête » le situent dans une dimension différente que celle de la majorité des pianistes issus du jazz ou du classique. C’est intense, musclé, avec un forte absolu jusqu’au-boutiste et il en obtient des résonnances uniques même quand il joue « piano » (en italien), pas éloigné de la furia de Cecil Taylor ou de Schlippenbach. Pat Thomas ne doit d’ailleurs pas être comparé à un autre pianiste, c’est un phénomène.
Comme il est souvent sollicité pour jouer de l’électronique, médium avec lequel il excelle, sa discographie se partage entre les deux options ou les associe. Par exemple, dans son duo avec Lol Coxhill (scätter) au sein du Tony Oxley Quartet (avec Matt Wand, Derek Bailey ou Phil Wachmann) et de WTTF (avec Roger Turner, Alex Frangenheim et Phil Wachsmann) ou dans Wazifa avec Clayton Thomas et Ray Strid, il joue simultanément du piano et de l’électronique. Cela contribue à brouiller les pistes, mais il est fidèle à sa démarche radicale et chercheuse. Certains de ses projets sont imprévisibles. On pense à son album Pat Thomas Plays the Music of Derek Bailey and Thelonious Monk (FMR) ou Play the Music of Anthony Braxton de The Locals, un combo improbable et électrique d’Oxfordiens, dont Alex Ward, Dom Lash, son frère Evan Thomas à la guitare et le batteur Darren Hassoon-Davis, qui ensauvage la musique braxtonienne à la boogaloo - punk, si je peux m’exprimer ainsi (Discus). Tout cela ne contribue pas à rendre visible son travail de pianiste proprement dit, dont on ne retrouve aucune trace chez les labels européens qui comptent (Intakt, Not Two, Fudacja Sluchaj, No Business, FMP, Inexhaustible editions, Trost, klanggalerie etc…). On imagine bien que les gens « sensés » ne vont pas parier sur un pianiste Jamaïcain d’Oxford, intellectuel musulman progressiste et artiste électronique genre Richard Barrett, Paul Obermayer ou Richard Scott. Un peu par hasard, un récent album, Descent en compagnie de Paul Dunmall et Mark Sanders pour FMR permet de se faire une bonne idée de son potentiel de pianiste dans un trio de première bourre.
Mais, il suffit d’écouter les trois minutes vingt-cinq secondes de Slide 28 please pour se sentir confondu par l’humour sardonique et obstiné de sa frappe hargneuse des cordes graves « bloquées » et la réaction de son acolyte guitariste « muet » qui s’amuse à l’imiter en le contrariant. C’est aussi dingue que les mimiques de Maarten Altena ou Han Bennink avec Derek Bailey à la grande époque. Avec un titre pareil « New Oxford Brevity », ils se paient la tête des gens « sérieux » tout comme leurs aînés. Chacune des six improvisations enregistrées dans cette New Oxford Brevity nous font entendre Pat Thomas s’engager avec des intentions et un état d’esprit différents d’un morceau à l’autre. Question harmonies et structures musicales, le panorama des possibilités s'affirme large et sophistiqué, sans ostentation. Son compère adapte alors son jeu à la guitare en fonction de l’orientation de chaque pièce en flagellant sa guitare, fouaillant à proximité du chevalet ou inventant des accords foutraques face aux montagnes russes, cascades d’arpèges fracturés de clusters frénétiques ou pincées des cordes. L’art du soubresaut, de l’imbrication sarcastique, d’une concurrence ludique avec de soudains changements de régime sonore où pointe la subtilité et un bruitisme bienvenu pour quelques instants. Car cet instant présent leur dicte d'autres inspirations ou de subits changements de décor. Coupant le souffle de la résonance des deux instruments avec une succession quasi ininterrompue d’attaques abruptes, hérissant nos nerfs, le duo Lash-Thomas remet les pendules à l’heure au niveau de l’expressivité de la free-music totalement improvisée qui confine parfois au théâtre de l’absurde, ce dialogue indicible des douleurs humaines traduites collectivement et spontanément en musique avec une bonne dose d’humour subreptice.
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Bonne lecture Good read ! don't hesitate to post commentaries and suggestions or interesting news to this......