OM Urs Leimgruber Christy Doran Bobby Burri Fredy Studer OM50 Intakt CD388
https://omintakt.bandcamp.com/album/50
Pochette colorée de Niklaus Troxler à l’occasion du disque anniversaire de 50 années du quartet OM, une valeur sûre des circuits du jazz contemporain des années septante. Composé du saxophoniste Urs Leimgruber, du guitariste électrique Christy Doran, du bassiste Bobby Burri et du batteur Fredy Studer. Mais voici que celui-ci vient à peine de nous quitter que leur intrigant compact « OM50 » est imprimé. Fredy, un élève du grand Pierre Favre, fut, tout comme son professeur, appointé par la société Paiste comme « démonstrateur » consultant, c’est dire le professionnalisme du bonhomme, percussionniste demandé par de nombreux improvisateurs internationaux. La musique d’OM se situait adroitement entre l’Art-Rock, le free-jazz, le mouvement d’improvisation européenne et le contemporain. Ils ont publié quelques albums novateurs à l’époque sur le label ECM – Japo qui était alors le sub-label improvisation – avant-garde « free » de la légendaire marque Munichoise (Globe Unity, Dollar Brand, AMM, Elton Dean, Trevor Watts, Ken Hyder etc…). Il faut citer au moins deux albums : Kirikuki et Rautionaha. Urs Leimgruber est devenu au fil du temps un des saxophonistes improvisateurs « radicaux » parmi les plus remarquables, spécialiste du soprano tout comme Evan Parker, Lol Coxhill et Michel Doneda. Le consensus collectif d’OM fait coïncider les quatre personnalités musicales du groupe dans un ensemble aussi volontairement hybride, presque disparate que profondément cohérent. Le guitariste Christy Doran triture sa guitare électrique comme une source sonore électro-acoustique avec un savant dosage d’effets en extrapolant leurs combinaisons. Il apporte au groupe une tendance « free-rock » acide en cisaillant la matière sonore hérissée par une amplification saturée. Le batteur peut se complaire dans des scansions primales (P-M-F/B signé Burri ou Interholz bei Kiew de Studer) ou effriter et exacerber la tension au sein du groupe en variant et décalant les frappes en rafales, secousses et roulements saccadés. Le deuxième morceau, Fast line écrit par Doran, s’ouvre et se ferme par un thème en spirale brisée, interjections concentrées et enlacées, mues par un tempo hyper-rapide projetant le groupe dans des interactions virulentes et minutieuses. Le bassiste peut très bien pulser avec puissance ou se joindre à la folie ambiante. A Frog Jumps signé Leimgruber, témoigne de son goût pour une recherche sonore épurée dans laquelle chaque musicien insère tour à tour les timbres les plus rares dans une suite très lisible de cadavres exquis, où prédomine la résonance du silence. Cet exercice plus austère est suivi par Diamonds on White Fields de Doran, au rythme binaire légèrement funky tout droit sorti du Silent Way de Miles, avec la contrebasse obstinée de Burri sur une ou deux notes et le jeu pointu aux harmoniques très fines de Leimgruber. Mais cet exercice est mis en suspens par de nouvelles recherches sonores , jusqu’à ce que le jeu des pulsations reprennent ses droits dans une manière rock psyché sonique avec les bidouillages sonores de la paire Burri-Doran et les extrêmes déchirants du sax soprano. Bref, chaque morceau a son identité et son parcours spécifiques, ses colorations et ses intentions de départ aussi précises qu’ouvertes sur l’aventure avec un grand A , ou mieux, un superbe OM. Parmi les groupes cultes du rock d’avant-garde et expérimental, OM tient une place à part aux côtés d’Henry Cow, Univers Zéro, Etron Fou, This Heat, Can, etc… même s’il est connoté plus (free) jazz que « rock ». Bien qu’OM a eu en fait une existence intermittente depuis les années 70, le groupe n’a pas perdu son identité musicale et sa créativité où les univers improvisés radicaux, les sonorités électriques et la pulsation rock s’interpénètrent et s’enrichissent . Et donc si mon évocation rencontre un écho chez vous, leur dernier album pourra très bien vous convaincre.
Neil Metcalfe Phil Wachsmann Ed Karlsen Spaces Unfolding : The Way We Speak Bead Records.
https://beadrecords.bandcamp.com/album/the-way-we-speak
Le légendaire label Bead Records créé au début des seventies par Peter Cusack, Philipp Wachsmann, Richard Beswick et qui documenta les premiers ébats de David Toop , Paul Burwell, Alterations, Larry Stabbins, Peter Cusack et du trio Chamberpot (ça ne s’invente pas !) reprend des couleurs et est disponible via l’aussi légendaire plateforme de distribution No Man’s Land. Le percussionniste Emil Karlsen et le violoniste Phil Wachsmann s’étaient déjà associés avec l’électronicien Martin Hackett pour le premier CD Bead Records new look auquel s’est adjoint le jeune percussionniste norvégien. Le flûtiste Neil Metcalfe souffle dans un vieil instrument en bois noir, baroque semble-t-il, et en ajuste étrangement l’embouchure sur le corps de l’instrument pour en étirer subtilement les intervalles de ses gammes. Un musicien inspiré et unique, très apprécié par des improvisateurs de référence comme Paul Rogers, Paul Dunmall, Evan Parker, Tony Marsh, Adrian Northover et des guitaristes pointus et rares comme Roger Smith, Daniel Thompson, Phil Gibbs… Avec le violoniste Phil Wachsmann , musicien favori et collaborateur incontournable des Barry Guy, Tony Oxley, Derek Bailey, Fred Van Hove, Paul Rutherford, Radu Malfatti etc… se crée un rapport musical de haut niveau et une empathie raffinée dans les tracés mélodiques et des parfums merveilleux qu’ils suscitent dans la perception auditive. Leur parcours est aussi semé d’accidents sonores placés subrepticement entre des développements éthérés minutieux. Le jeu presque et faussement suave du violoniste suggère des intentions insaisissables, mystérieuses. La qualité exceptionnelle de son timbre à l’archet l‘autorise à crédibiliser la consonnance, le dodécaphonisme, l’atonalité ou le sonore pointilliste dans un même élan, au sein de la même improvisation. Un cas ! Et aussi une influence incontournable sur toute une génération d’improvisateurs, même s’il n’a jamais joué le rôle d’un guru comme plusieurs de ses confrères. Un sens de l’écoute et de l’invention. Dans leurs exercices ici enregistrés, Wachsmann joue la partition intérieure la plus parfaite qui se peut pour créer la symbiose ou anticiper les échanges avec son camarade flûtiste, lequel manifeste une belle capacité d’invention lorsque le violoniste lui pose des questions devinettes. Et pour emballer le tout, Emil Karlsen développe une percussion allusive, elliptique, discrète toute en finesse et sens du détail tout en offrant un espace auditif idéal pour qu’éclose cette remarquable musique de chambre aux formes éphémères. Un léger cliquetis ou deux petits coups sur un woodblock ou sur le rebord de la caisse claire suffisent. Ou des roulements rapides et décalés sur ses peaux d’une remarquable variété de frappes, chocs et touchers, chaque son se distinguant clairement des autres avec une superbe précision. Son jeu se diversifie lorsqu’il est confronté aux errements sonores de Neil frictionnant délicatement la colonne d’air. La musique s’étale avantageusement en deux suites : Spaces Unfolding Part 1 & Part 2, chacune introduisant et clôturant l’album autour des Part 1, Part 2 et Part 3 de l’autre suite, The Way We Speak. Et quel flûtiste inspiré aux gammes minutieusement élastiques, déplaçant les intervallses d notes de quelques commas savamment calculés et spontanément maîtrisés, ces écarts s’impriment dans la texture de la flûte, un modèle noir peu courant d’un format plus épais que la flûte classique moderne en alliage et teinte argentée. Sa sonorité est lumineuse, aérienne et son sens du développement zig-zaguant d’entrelacs mélodiques et de notes étranges en suspension, fait une bonne part à un lyrisme mystique, secret, imprimant des accents particuliers et ces détails infimes qui personnalise son jeu limpide. On le reconnaît entre mille, sans qu’il ait à gauchir son timbre avec des effets appuyés et des triples croches rigides. L’équilibre instable entre les trois improvisateurs donne naissance à une multitude de perspectives imbriquées dans une architecture organique en mouvement qui font songer aux mobiles de Calder ou aux rouages dé-cadencés d’une horlogerie utopique. L’improvisation est totale bien que les techniques de jeu utilisées n’appartiennent pas vraiment à la catégorie des techniques dites étendues, texturales ou pointillistes etc… L’inspiration, elle, est d’un calibre rare, celle qui ne rentre pas dans un format apprêté ou une catégorie répertoriée. Une magnifique session hyper-musicale.
Sam Andreae David Birchall Otto Willberg Hair In the Chimney HeavyPetting Time 04 / Vernacular 04
https://heavypettingtime.bandcamp.com/album/hair-in-the-chimney
Vernacular est le label sur lequel j’ai découvert un mémorable album de Richard Scott avec son Lightning Ensemble dans lequel officient le guitariste acoustique – sonique David Birchall et … tiens donc, le saxophoniste Sam Andreae à ses moments perdus dans deux ou trois morceaux. Les revoici avec le contrebassiste Otto Willberg avec qui Birchall et le batteur Phil Marks (de Bark ! groupe-culte fondé par le même Richard Scott il y plus de deux décennies) avaient gravé Spitting Feathers sur Black & White Cat Press. Tout ça pour dire que si votre attention reste figée sur les cinq mêmes labels, vous allez finir par tourner en rond. Esthétique pointilliste détaillée, effets de souffle éthérés et compressions étouffées du saxophoniste, zigzags et griffures pointillistes ou texturales à la guitare acoustique, vrombissements et grincements à la contrebasse. Une cohérence remarquable dans le droit fil de ces groupes de free – music britanniques apparemment imprégnés de Webern, Xenakis, Stockhausen etc … mais en fait complètement impliqués dans le partage collectif et sensible des sons et dynamiques que recèlent leurs instruments une fois qu’on se met à en traquer les secrets, les possibilités dans un équilibre fragile, éclatement des paramètres de la pratique instrumentale en marge de nombreuses convenances. Au cœur des bruitages et de cette ascèse aussi extrêmement détaillée au niveau des sonorités et textures qu’échevelée, l’auditeur à l’oreille affutée décèle bien des correspondances harmoniques, gestuelles, émotionnelles, qui impriment et suggèrent dans notre perception et notre imagination des formes en devenir constant, celles d’une composition instantanée où les efforts ludiques de l’un s’inscrivent comme une sorte de partition pour l’autre. British un jour, British toujours.
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