R.I.P. ALAN TOMLINSON
Baggage & Boating Alan Tomlinson Steve Beresford and Steve Noble scätterarchives
https://scatterarchive.bandcamp.com/album/baggage-and-boating
Fine équipe et combinaison instrumentale riche. Au trombone, le superlatif et surprenant Alan Tomlinson qui vient de disparaître il y a quelques jours. À la batterie, l’inventif Steve Noble au don d’ubiquité à part égale avec son sens de l’invention prodigieux. Aux objets et à l’électronique low-fi, le pianiste Steve Beresford aux prises avec une table recouverte d’artefacts bruiteurs, des instruments électroniques « bon marché » comme le Casio et toute une panoplie d’objets sonores électriques/ amplifiés étalée devant lui (mélodica, jouets, mégaphone, cassette, dictaphone, bruiteurs divers…), instruments qu’il utilise à défaut d’avoir un piano à sa disposition. Cette pratique remonte aux années 70 dans les clubs londoniens et fait aujourd’hui partie intégrante de sa personnalité musicale. Leur trio a publié Trap Street avec Roger Turner pour le label Emanem. Quelque soit l’abattage scénique des collègues d’Alan Tomlinson qui peuvent compter pour des artistes incontournables de première grandeur, c’est bien le tromboniste qui s’affirme au centre de toutes les attentions du public. Sa présence scénique, son énergie, sa dégaine de comédien (comedy en anglais désigne l’art humoriste pince sans rire et excentrique délirant de Chaplin à Rowan Atkinson) et son jeu au trombone attire les regards fascinés des auditeurs. Derrière ses éruptions expressionnistes et tous ses dérapages sonores se cache un contrôle extraordinaire du trombone, une puissance phénoménale et une subtilité soigneusement camouflée. Certaines de ces facéties sont injouables : imaginez-vous d’un seul souffle transité du pianissimo ténu au fortissimo éléphantesque émis d’une seule traite. Alan Tomlinson avait toujours du travail dans le secteur du classique et du contemporain par la grâce d’un professionnalisme instrumental époustouflant, sa capacité à outrepasser allègrement les limites de son difficile instrument pour lequel il est requis de CHANTER les différentes notes avec leur bémol et dièse sur tout la gamme dans l’embouchure dans tous les registres sans mouvoir la coulisse et de faire coïncider les mouvements de celle-ci avec l’intonation précise des lèvres pincées dans les différentes embouchures utilisées. En son jeune temps, quand Alan fit ses débuts dans la scène improvisée internationale, il fut engagé sur le champ par Brötzmann himself (Alarm FMP 1030) aux côtés de Louis Moholo, Harry Miller, Toshinori Kondo, Alex von Schlippenbach, Frank Wright et Wim Breuker en 1981 et fut un membre permanent du London Jazz Composers Orchestra de Barry Guy (Stringer, Harmos, Theoria etc…) durant des années. À cette époque, il enregistra ses œuvres en solo tout à fait intéressantes pour le label Bead Records, dans un album inititulé Still Outside aux trombones (préparés !) alto, ténor et basse. On l’entendit aussi dans un LP en compagnie de Phil Minton, Hugh Davies et Roger Turner , Ruffff… by the Ferals (Leo Records). Sans se tromper, on peut déclarer qu’Alan Tomlinson est un des grands improvisateurs parmi les plus méconnus, toujours actif jusqu’à son décès survenu il y a quelques jours. Une solide perte pour la scène londonienne (et le London Improvisor’s Orchestra). Heureusement, Liam Stefani vient de publier une série d’enregistrements live sur son label digital scatterarchive. Et il y a de quoi se régaler. Je vous passe le détail de concert au Boat Ting (qui vient de couler dans la Tamise, malheureusement)avec un surprenant Steve Noble qu'il faut découvrir dans son jus londonien pour se faire une idée du sensationnel registre qui est le sien ! Jetez-vous dessus immédiatement en payant ce que bon vous semble, car telle est la stratégie « commerciale » de scätter. On y trouve aussi un album solo au Red Rose, son trio avec Philipp Marks et Dave Tucker "live at the Klinker" et un autre avec Roger Turner et Rhodri Davies "at Ryan's Bar".
Incomparable ! R.I.P. Alan Tomlinson.
Foussat Lazro Trente Cinq Minutes et Vingt-Trois Secondes : Jean-Marc Foussat & Daunik Lazro FOU Records FR-CD 62
https://fourecords.com/FR-CD62.htm
https://foussat.bandcamp.com/album/trente-cinq-minutes-vingt-trois-secondes
Ce n’est pas la première fois que le saxophoniste Français pionnier du « free » Daunik Lazro apparaît dans des albums parus chez FOU Records, le label du preneur de sons (insatiable) Jean-Marc Foussat, lequel s’affirme comme un artiste sonore (et « électronique ») de premier plan. Des enregistrements datant de plusieurs lustres dont l’urgence se fait toujours sentir à l’écoute : Instants Chavirés avec Annick Nozati et Peter Kowald, Enfances avec Georges Lewis et Joëlle Léandre, Ecstatic Jazz avec Siegfried Kessler et Jean-Jacques Avenel sont des témoignages saisissants de la rage obstinée sans concession de Lazro et sa superbe capacité à improviser collectivement (Peripheria, même label)). Ou plus récemment, Marguerite d’Or Pâle dans lequel Daunik étrenne son sax ténor avec Sophie Agnel. On trouve aussi une collaboration qui le réunit avec Jean-Marc Foussat lui-même : Café OTO 2020 un double CD avec Evan Parker, J-MF et Daunik. Voici enfin les deux amis en duo. Crédités chacun mécanisme instinctif et résonnant (J-M F) et kaléidophone ténor (DL) pour trois morceaux dont les titres énoncent leurs durées en français tout comme le titre de l’album Trente-Cinq Minutes et Vingt-Trois Secondes. C’est un (des) album(s) de Foussat où l’aspect dialogue avec son comparse est le plus sensible et le plus intériorisé. Il change de direction et de sonorités en fonction de l’humeur et des détails sonores du jeu du saxophoniste, mordant, rauque, crachant des bribes, éructant sans crier des timbres rares, des morsures venimeuses ou simplement lyrique un instant… La difficulté de ces machines électroniques est d’en scinder, découper et doser les interventions pour que le souffleur puisse faire respirer son jeu sans être emporté par un flux constant. Et cela, afin de créer un dialogue, des imbrications, des questions réponses et d’éviter cette sensation de drones alors que la démarche de Lazro est quelque peu pointilliste, rêveuse, en harmoniques sifflantes ou carrément déchiquetée. Foussat incorpore aussi le souffle du saxophoniste dans son installation se mêlant aux oscillations électroniques émises avec un excellent sens de la dynamique, des variations d’intensité, gouttes d’eau digitales, murmures, de crescendo-decrescendo jusqu’au silence. Tout au long de cet enregistrement précis, se développe une musique – rage-à-froid aussi engagée que distanciée, un univers original qui sert égalitairement autant le talent de l’un que celui de l’autre. Un beau travail collectif.
Abattage jean-marc foussat (1983-2003) FOU Records FR-CD 50
https://fourecords.com/FR-CD50.htm
https://foussat.bandcamp.com/album/abattage
Réédition 40 ème anniversaire d’une parution datant de 1983 publiée alors sans son complément graphique. Je cite l’auteur : « Ré-édition de Luxe à l’occasion du 40ème anniversaire de la sortie du vinyle en octobre 1983 ! Version CD remasterisée, enfin accompagnée du livret de 32 pages originellement rêvé mais abandonné à l’époque faute de moyens phynanciers ».
La pochette contient un livret / partie graphique où figurent photos, textes, dessins et collages d’une époque lointaine. Ce livret est inséré dans la tranche de la pochette légèrement cartonnée d’où on a le loisir de le retirer aisément afin de le contempler et d’en lire les poèmes graphiques qui font songer à ceux d’Apollinaire. Si Jean-Marc Foussat est crédité Compositions, Prises de son & appeaux, guitares, piano, voix, objets, radio, synthétiseurs EMS, on trouve aussi Jean-François Ballèvre au piano dans Ruines, les Employés Municipaux de la ville de Manosque avec une benne à ordures ménagères et Alfredo Morgado Peralta, un marteau piqueur. Et le « rire de Chine » !
Abattage réunit six compositions numérotées 1, 2, 6, 7, 8, 11 avec des durées 1’06’’ 14 (Grillage), 9’36’’ 05 (Images & Jalousies), 4’30’’ 10 (Ruines), 1’48’’ 08 (Petit Paysage), 2’42’’ 09 (Hontes, Inquiétude & Quevœjotto), 13’12’’ 20 (Abattage) et 1’00’’ 45 (--) . Notez, je ne comprends pas tout des indications (numéros après les secondes … centièmes de seconde ?) , sur le CD il y a bien les digits 1, 2, 3, 4, 5 qui correspondent aux morceaux précités.
Sur la page bandcamp de l’album, on trouve quatre plages intitulées Abattage 1 (5’33’’), Abattage 2a (01’26’’), Abattage 2b (6’10’’) et Abattage 3 (1’00’’), soit l’entièreté du disque original paru en 1983.
Ensuite, sur le CD, il y a / aurait des morceaux ajoutés assez courts … et les digits se suivent : 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13 … sur le tableau du lecteur CD. Mais il y a des choses intéressantes dans une démarche expérimentale, bruiteuse, excentrique, naïve. Mais on n’est pas obligé de comprendre, (je vais percer ce qui me semble mystérieux). Pour le moment, il suffit de se laisser aller à écouter cette musique extravagante qui n’a aucune prétention, autre que celle d’essayer, d’explorer, subvertir, avec ses collages – montages ahuris, cet univers parfois foutraque, grinçant, gargouillant, absurde … On y entend aussi plusieurs échantillons réussis de musique électronique sauvage dont on reconnaît aisément la paternité (ou filiation) Foussattienne.
Une curiosité « ancienne » qui vaut le détour et qui ne ressemble à rien d’autre qu’à elle-même.
J’ajoute encore qu’improvising beings avait publié un quadruple CD anthologique de la saga Foussatteuse (comme sulfateuse) dont certains morceaux sont encore plus précoces : Alternative Oblique.
Anaïs Tuerlinckx Jonas Gerigk Burkhard Beins Au Crépuscule Confront Recordings CORE 39.
https://confrontrecordings.bandcamp.com/album/au-cr-puscule
Limited Edition CD pour cette musique rare proche de la démarche d’AMM, originale et authentique.Surtout sensiblement différente. À l’heure où je vous écris, il reste cinq copies sur le compte bandcamp du label. Sorry, de ne pas en avoir écrit plus tôt un compte rendu, bien que je m’étais plongé avec le plus grand ravissement dans cette musique fascinante, radicale et bien ressentie – vécue – partagée, mais il faut du temps pour concevoir une chronique. Deux Chimères I et II (19 :54 et 20 :05) durant lesquelles les trois improvisateurs interpénètrent leurs curieuses sonorités au travers de celles des autres, dans une recherche de l’indicible, exploration méticuleuse et introvertie de leurs instruments respectifs. Anaïs Tuerlinckx plonge des deux mains dans les entrailles du grand piano en faisant vibrer, crisser et bruiter, les cordes tendues, les mécanismes, l’armature métallique et la caisse de résonance de son instrument. Jonas Gerigk fait imploser la résonance de sa contrebasse et des cordes contre la touche avec un chevalet investigateur. Le "méta-percussionniste" Burkhard Beins actionne archet, toms et baguette sur une sorte de batterie préparée avec des ustensiles de percussions et des cordes tendues sur les peaux : cymbales et métaux scintillants ou grondants. La pianiste Anaïs Tuerlinckx évoque la percussion spécifique de Beins sur les touches ... et l'archet tournoie un bon moment comme un derviche. Un foisonnement sonore inextricable envahit notre perception sans que nous parvenions à distinguer « qui joue quoi ». Alors que les frottements sonores de cymbale ou de tam-tam d’Eddie Prévost d’AMM et sa caisse claire résonnante se détachent toujours du flux sonore par rapport aux autres instruments (piano de John Tilbury ou sax de John Butcher), les ébats méta-instrumentaux de Beins-Gerigk-Tuerlinckx cultivent l’intrication forcenée avec un calme olympien. On rêve face à cette précision sonore alliée à une varitété de timbres, d'intensités et de textures plus que remarquables. Leur tension intense focalise notre attention sans jamais trahir un quelconque empressement ou la moindre excitation. Avec cette expression abstraite ultra fignolée et radicale, les trois artistes tiennent la distance et occupent le champ auditif de manière très convaincante sans surjouer. Méritoire. Approfondissement musical réussi des années "réductionnistes" soft-noise.
Publié par Confront, le label de Mark Wastell avec qui Burkhard Beins avait défrayé les annales il y a plus de 20 ans en compagnie de Rhodri Davies au sein de Sealed Knot, un de mes trios favoris de cette époque.
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