Derek Bailey & Sabu Toyozumi Breath Awareness No Business Records
https://nobusinessrecords.bandcamp.com/album/breath-awareness
Fukuoka city 2 novembre 1987. Derek Bailey et Yoshisaburo « Sabu » Toyozumi sont en concert dans le club IMAI-tei. Sabu était alors devenu un compagnon de tournée habituel de nombreux improvisateurs européens et américains : Peter Brötzmann, Peter Kowald, Evan Parker, Misha Mengelberg, Fred Van Hove, Leo Smith, Joseph Jarman, Paul Rutherford, Fred Frith et même des duos avec Han Bennink et Sunny Murray. C’était un proche compagnon de Kaoru Abe, Motoharu Yoshizawa, Toshinori Kondo et Mototeru Takagi a qui il a survécu grâce à l’extraordinaire dynamisme de sa personnalité et une forme de sagesse spirituelle et physique. Il rencontra de manière improbable Coltrane et Mingus à Tokyo, joua régulièrement à Chicago avec Braxton, Leo Smith, Roscoe Mitchell et Joseph Jarman en qualité de membre de l’AACM (1971). Obsédé par les rythmes et curieux de voyages et d’africanéité, Sabu Toyozumi est une personnalité à la fois simple, fascinant et hors du commun. À cette époque, Derek Bailey est à un tournant. En février de cette année 1987, je l’avais personnellement invité à donner un concert solo à la guitare acoustique à Bruxelles. Je savais qu’il y avait des tensions entre Derek et son alter ego d’Incus, Evan Parker, mais j’ignorais alors que les deux musiciens amis allaient se séparer dans l’année qui suivait. Fin 1986 début 1987, Bailey avait peu de concerts et cette tournée Japonaise a dû lui être providentielle. Quelques années plus tard, Derek Bailey allait devenir incontournable sur la scène internationale : tournées aux USA et dans toute l’Europe, duos avec Cecil Taylor à Berlin, avec Braxton au Canada en 1988, Company devenait une véritable institution, de jeunes musiciens le sollicitaient, John Zorn, Pat Metheny , Bill Laswell , the Ruins Steve Noble, etc… Le plus important en ce qui nous concerne aujourd’hui lorsque nous avons cet album en main ou « downloadé » dans notre portable est que Derek Bailey est alors au sommet de son art. Il a déjà réalisé son grand œuvre, mis au point « son style » et enregistré ses meilleurs albums solos et ses duos fétiches et il ne lui reste plus qu’à improviser avec qui il rencontre. Le fait de se retrouver « sans gig » ou avec peu de concerts à un moment donné aiguise l’appétit. On le sait quoi qu’en dise Derek Bailey, lequel adorait titiller certains collègues à propos de leur cup of tea musicale, la présence à ses côtés d’un musicien dont la personnalité semble être aux antipodes de la sienne l’excitait musicalement, intellectuellement et « énergétiquement » au point que sa créativité, son sens de la déraison excentrique, son imagination à la guitare étaient décuplées. On sait que Bailey était un fervent de Webern, mais ne questionnez pas Sabu Toyozumi au sujet de ce compositeur. Le batteur m’a confié que jouer avec un pianiste (hors du commun) comme Fred Van Hove, c’était « trop » pour lui, c’est à dire "trop sérieux", trop intellectuel, savant, et peut-être pas assez fantaisiste. Mais avec Derek Bailey le courant passe très bien. Le guitariste John Russell, qui a joué très souvent avec Sabu et connaît Bailey comme sa poche, a déclaré à l’écoute de cet enregistrement qu’il « n’avait jamais entendu jouer Derek avec autant d’intensité ». Dans sa discographie, jusqu’alors, on ne l’avait pas entendu déverser autant d’électricité rageuse, torrentielle : sans doute utilisait-il un ampli « rock » contrairement à son amplification « custom made » Londonienne des années 80, quasi hi-fi. Mais revenons au début, Derek Bailey est friand de jouer avec des batteurs de haut vol, car ils aiguisent et lui font sublimer son extraordinaire précision rythmique : Han Bennink et le mystérieux Jamie Muir, avec qui il a développé son « premier style » bruitiste entre 1968 et 1972 au Little Theatre Club. Tous deux des improvisateurs excentriques, délirants et souvent farfelus. Bailey a aussi enregistré en duo avec John Stevens et Andrea Centazzo. Avec Sabu Toyozumi, il trouve sur son chemin un lutin bondissant d’une vitalité solaire, démultipliant les rythmes et pulsations, déclinant les frappes à toutes les fréquences et sous tous les angles, parfois rien qu’en entrechoquant deux baguettes, chahutant des rythmiques endiablées avec autant de joie de vivre et de jouer que de férocité démesurée, surtout en regard de sa petite taille, celle d’un enfant. Ses deux personnalités que tout semble opposer, la taille, la culture, la manière de parler, de vivre, les intérêts musicaux, etc… s'accordent par magie dans la fureur de l’instant. Le Japonais est un homme d’un seul tenant, gymnaste spirituel d’une candeur céleste avec de solides pieds sur terre, élevé dans une discipline zen sans concession, détaché des vanités de ce monde. L’autre un « intelligent pragmatique » habile à la négociation, personnalité complexe et changeante, théoricien de l'improvisation qui a le don de la formule pour raconter son histoire. La musique de Bailey semble cérébrale et la pratique de batterie de Sabu Toyozumi est imprégnée d’une africanité immédiate, expressionniste, à fleur de peau. Le contraste est total, mais ces deux-là s’inventent merveilleusement un terrain de jeu , des instants de rencontre, une connivence folle, démesurée et fuyante. Derek est ici fasciné par les facéties rythmiques et la furia ludique de ce minuscule lutin, sorte de divinité primitive aux huit bras magiques, coordonnés par une science aléatoire des croisements – empilements différentiels de rythmes à vitesses variables, en crescendo – decrescendo organiques tant en intensités qu’en cadences et qui peut se révéler follement agressif. Durant deux improvisations de 25 et 27 minutes, plus un rabiot de quatre minutes, Derek Bailey s’écarte sensiblement de la matière musicale de son style « en solo » pour « divaguer » et inventer en jouant avec la fée électricité, fouaillant ses cordes et râclant la touche de sa six cordes, toujours accordée au mili-poil. Il arrive même qu’ils semblent, à un moment complètement délirant, devenir excédés l’un par l’autre. La goguenardise baileyienne ressurgit, ce dont l’autre n’a cure, obnubilé par les rythmes comme la force de la nature qu’il incarne. Dois – je signaler au lecteur que malgré tout ce qu’a pu dire et écrire Derek Bailey au sujet de l’improvisation, il improvise surtout – seulement que lorsqu’il est confronté à un autre improvisateur et pas spécialement quand il joue « en solo » ? D’ailleurs, le morceau joué ici en solitaire par Bailey, alternant harmoniques ultra précises et notes, frettées ou non, en escaliers eschériens durant treize minutes est une sorte de démonstration très précise de son style propre, d’une logique étincelante et en fait une composition structurée d’une succession de motifs qui s’emboîtent et finissent par s’enrouler à toute vitesse avec une précision inhumaine. Alors qu’en compagnie de Sabu, le guitariste brouille spontanément les pistes, dérape plus qu’à son tour et surprend l’auditeur, même le connaisseur assidu. Dans sa musique enregistrée en solo (particulièrement ses albums Lot 74, Aïda et Notes, publiés par Incus), il est avant tout son propre compositeur. J’ai entendu des versions différentes publiées par la suite (en bonus ou inédits) dans une ou deux rééditions où on entend clairement que D.B. rejoue des séquences entières parfois à la note près. Et donc pour de nombreuses raisons, outre le fait qu’il s’agit d’un super album qui réunit deux improvisateurs essentiels, Breath Awareness est une belle surprise et peut / doit même être recommandé à ceux qui veulent découvrir ou réécouter ces deux artistes tant pour leur apport personnel en tant que batteur et guitariste que comme un témoignage convaincant de cette musique improvisée collective à laquelle ces deux personnalités ont dédié leurs vies.
Ivo Perelman & Matthew Shipp Magic Incantation CD Soul City Sounds
https://perelmanshipp.bandcamp.com/album/magical-incantation
Après Corpo, Callas, The Art of the Duet, Complementary Colours, Live In Brussels (2CD), Live in Frankfurt, Oneness (3CD) Efflorescence (4CD), Procedural Langage, Amalgam, Fruition, Tryptic I, Tryptich II et Tryptich III, voici Magic Incantation, le vingt et unième CD du duo d’Ivo Perelman et Matthew Shipp. Conçue comme un dialogue complètement improvisé dans l’instant, leur relation musicale est à la recherche de formes qui se singularisent d’une prise à l’autre. Huit improvisations entre quatre et sept minutes et quelques offrent un panorama varié et très cohérent de leur travail. Titres : Prayer, Rituals, Lustihood, Enlightment, Sacred Value, Incarnation, Vibrational Essence, Magical Incantation. Vouloir insérer un pianiste comme Matthew Shipp dans une quelconque boîte esthétique musicale est une tâche impossible, tant son style et son jeu sont hybrides tant par rapport au jazz moderne ou free, le « classique contemporain » et l’avant-garde. Basée sur des structures complexes tant au niveau des harmonies, des formes, des rythmes et de sa dimension orchestrale que des échappées plus improvisées, sa musique est un défi par rapport aux routines du jazz. L’évidence d’une architecture spontanée, faites de cycles, tangentes, surimpositions enchaînées de cadences, motifs et perspectives spatiales, s’exprime avec une formidable intensité, une logique cérébrale imparable. Sa musique a un aspect sérieux, spirituel et réservé et une puissance énorme. Ses émotions n’éclatent pas au grand jour, mais sont immanentes et ressenties avec une forme de distance paradoxale, surtout lorsqu’on écoute son partenaire incontournable, le sax ténor Brésilien Ivo Perelman, un souffleur expressionniste, chaleureux, versé sur les suraigus modulés et l'éclatement des harmoniques, inspiré par sa culture afro-brésilienne. Il délivre un jeu "microtonal" avec une intuition rare, chatoyante. Un illuminé du saxophone ténor explosif et lyrique, doué d'un sens inné pour l'invention mélodique avec une décharge émotionnelle à fleur de peau. Son style est à lui tout seul "une école". Le contraste entre les deux improvisateurs est saisissant : leurs personnalités divergentes s'éclairent mutuellement. Mais une audition attentive démontre ô combien ils s'écoutent mutuellement, se complètent dans un unisson aussi humainement sensible que profondément intentionnel.
Matthew Shipp écrit dans les notes de pochette de Magic Incantation : « This record is a major major statement in jazz history. It is the height of the work I've done with Ivo and the height of what can be done in a duo setting with piano." Comme le duo l’avait déjà déclaré auparavant à propos de leurs albums précédents tels que le triple CD Oneness (Leo) ou Fruition (ESP), ils avaient alors le sentiment d'avoir atteintun point culminant en matière de musicalité et de qualité de performance. Juste après avoir enregistré Oneness, ils s'étaient dit d'en arrêter là et de capitaliser sur cet acquis. Mais peu après, ils enregistrèrent insatiablement et d'une traite le quadruple album Efflorescence et d'autres albums publiés par la suite come Procedural Language (in Perelman - Shipp Special Edition Box) et Amalgam ou encore la série des Tryptich volume I, II et III. Et voici Magic Incantation. Depuis quelques années et l'acquisition d'un nouveau bec, Ivo Perelman a considérablement retravaillé sa sonorité augmentant la qualité de son timbre dans le registre intime "à bas volume" proche des souffleurs de sax ténor du jazz "traditionnel" ou "moderne" tout en maintenant cette nouvelle vocalité en augmentant la puissance, le volume ou la passion du débit jusque dans les harmoniques déchirants, et tous ses glissements "flûtés" qu'il obtient au delà du registre aigu "normal" de son instrument. Cette nouvelle étape sonore de son évolution s'est révélée dans les enregistrements en duo et en trio avec le batteur Tom Rainey (Turning Point - Duologues 1 & The Truth Seeker.
Avec ce Magic Incantation, le duo atteint un niveau d'empathie musicale à la fois suave, terrien, subtil, aérien et déchirant.
Eternal Triangle Gravity Trevor Watts Veryan Weston Jamie Harris CD Jazz Now LTD 2024
https://jazznow.bandcamp.com/album/gravity
Trio saxophone alto et soprano – Trevor Watts , Nord keyboard – Veryan Weston , percussions - Jamie Harris. Dans le sillage de ses anciens groupes tels que « Trevor Watts’ Moiré Music Orchestra » ou « Trevor Watts Drum Orchestra », Trevor Watts, le compositeur d’Eternal Triangle, perpétue cette musique polyrythmique et modale inspirée des rythmes africains, des musiques latinos, du funk soul électrique, et de musiques d’autres régions du monde. Il adapte ses mélodies circulaires et ondoyantes, axées sur les pulsations et concoctées avec un don inné pour la création mélodique instantanée. Veryan Weston au clavier « Nord » et Jamie Harris aux congas – tambours battus aux deux mains s’imbriquent et entremêlent rythmes, frappes, accords et motifs mélodico-rythmiques dans un continuum giratoire, rebondissant ou virevoltant par-dessus lequel le souffleur s’appuie avec autant de précision que de liberté. Il ondule et danse comme un dauphin sur les vagues à l’approche d’un littoral qui recule inexorablement. Une fois le morceau lancé, le trio joue inlassablement sans le moindre break ou refrain ou la moindre césure dans un mouvement perpétuel faits de changements graduels, subtils, élastiques, chacun se faisant l’écho des deux autres. Le clavier joué par Veryan est autant un instrument de percussion « accordé » qu’un pourvoyeur d’harmonies tronquées, le jeu de ce dernier étant en phase avec son délire pentatonique. On songe à ses Tessellations formées de 105 compositions emboîtées et créées avec l’imbrication de 53 modes pentatoniques successifs…
On ressent l’impression que leur musique ne finit jamais, alors qu’il y a bien dix morceaux différents qui se distinguent individuellement autant qu’ils se fondent dans le flux de cette musique rythmique. Trevor Watts et Veryan Weston commencèrent à travailler ensemble avec Moiré Music dans les années 80 avant d’improviser en duo dans les années 2000 avec plusieurs magnifiques enregistrements à la clé : Six Dialogues, 5 More Dialogues, Dialogues in Two Places, Dialogues For Ornette ». De même, Jamie Harris, au départ un rythmicien élève de Watts, a fini par s’inscrire dans une belle démarche en duo sax – percussions avec le maestro documentée par plusieurs CD’s remarquables (Ancestry, Live in Sao Paulo, Tribal). En réunissant ses deux complices dans cet Eternal Triangle, Trevor s’assure aussi leurs compétences avec quelques tournées européennes. Dans le cas de Harris, il ya une dimension de groove polyrythmique circulaire souvent hypnotique. En effet, si le matériau thématique est composé par Trevor Watts, ses deux amis en génèrent les arrangements spécifiques à leur instrument avec une étonnante cohésion. Le souffle de Trevor Watts se fait tour à tour suave, joyeux, mordant, intense ou pointu, avec une magnifique sonorité limpide, généreuse tant au sax alto qu’au soprano. De son souffle se dégage une expressivité unique, une qualité de timbre d'une grande beauté qui rivalise avec celles d'altistes comme Art Pepper, Cannonball Adderley ou Ernie Henry qui fut son modèle jusqu'au moment où Trevor découvrit Dolphy et Ornette. Faut - il signaler aussi l'enregistrement phare de Veryan Weston au clavier Nord dans l'album Crossings avec Mark Sanders et Hannah Marshall ? Cet enregistrement permet de comprendre son étonnante démarche au clavier Nord. Son adaptation discrète et avisée dans ce projet est un vrai plus. Au fil des morceaux de Gravity, l’auditeur devient ensorcelé par l’invention mélodique, la fascination rythmique, les décalages free de Trevor Watts et le lyrisme authentique que leur musique dégage. Une musique de danse métissée et syncrétique aux mouvements infinis.
Christoph Gallio & Roger Turner You Can Blackmail Me Later Ezz-Thetics
https://now-ezz-thetics.bandcamp.com/album/you-can-blackmail-me-later-2
Si Roger Turner est un des percussionnistes ultimes de la libre improvisation coupable de s'être commis pour le meilleur avec des "poètes" de l'improvisation incontournables tels Phil Minton, Lol Coxhill, John Russell, Michel Doneda,Alan Tomlinson, Steve Beresford, Thomas Lehn, Tim Hodgkinson et un kyrielle d'activistes "locaux" comme Kazuo Imai, Eugenio Sanna, Edoardo Ricci, Michael Keith, Witold Oleszak, Ulli Bötcher. En suivant son parcours, on ne peut que constater que Roger Turner n'a pas d'agenda de carrière ni de préjugé. Il prend au sérieux le moindre de ses engagements en donnnat toujours le meilleur de lui-même. Il y a chez lui une flexibilité dans le jeu et la qualité émotionnelle qui se rapproche avec fluidité de l'esprit et de la sensibilité sonore de ses partenaires qu'ils soient habituels ou d'un soir. Il m'a un jour déclaré que c'était dommage que il n'avait quasi jamais l'occasion de jouer avec des musiciens plus jazz ou "free-jazz". Lors d'un concert, j'ai pu l'entendre jouer au pied levé avec Charles Gayle et le contrebassiste Juni Booth, aujourd'hui décédé. J'avais plus que l'impression d'entendre Milford Graves lui-même avec ses figures rythmiques qui accélèrent et décélèrent, ses frappes et ses roulements qui se croisent sans arrêt dans un déluge de pulsations qui s'écartent et se ratrappent les unes aux autres comme par magie. Unique ! Avec le saxophoniste Suisse, Christoph Gallio, on perçoit la filiation de Sunny Murray, mais aussi une puissance alliée à une délicatesse infinie. Christoph Gallio, explore sans relâche les registres secrets de ses saxophones alto, soprano et C Melody: murmures subsoniques, coups de bec assourdis, feulements, scories, vocalisations, détachés équivoques, faux doigtés, sursauts hérissés, fragments mélodiques, canarderies, spirales incertaines avec une forme de lyrisme lunatique. N.B. Christoph a joué récemment avec Gerry Hemingway et son label Per Caso publie ses projets depuis des décennies. Il semble que Roger Turner essaie d'abord la batterie, avec vibrations, divers roulements de caisse claire pour en suite s'échapper sur les rebords des fûts en modifiant sensiblement le calibre de ses frappes, leurs intensités. Le silence intervient et des coups coordonnés césurent celui-ci. Petit à petit, une poésie s'installe, un dialogue précis et incertain se fait jour. Les deux prennnent le temps de jouer , de trouver des échappées, faire venir lueurs ou assombrissements, sursautent et pressent les tempi imaginaires, élastiques. Une séquence animée s'enchaîne avec une recherche introspective, le souffle lunaire et vaporeux d'un moment. Les duettistes nous promènent dans tous les états gazeux, liquides ou granuleux de leurs dérives. On pourrait peut être dire que le duo de Roger avec Urs Leimgruber se révèle plus "décisif" (cfr The Pancake Tour ou The Spirit Guide). Mais ce ne serait pas rendre justice à leur formidable expressivité, à leur disposition d'esprit et surtout le sens de la recherche instantanée expressive de Christoph Gallio, lequel sublime ses capacités de souffleur pour donner le meilleur de lui-même autant qu'il est humainement possible. Tout du long, c'est un véritable feu intérieur qui se livre, rougeoie, sature, explose et métamorphose la saxophonitude free. Dans les moments d'emportement convulsifs, Roger Turner exulte, chahute, virevolte comme un diable et Christoph Gallio, ici volatile picorant dans la jungle là époumonnant sa rage, sublime l'idée qu'on se fait de la libération du free-jazz. Vous vivrez ici tous les registres de la déraison. Une musique d'improvisation free authentique, ludique et salvatrice. Please mail me later !! Vachement réussi !!
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Bonne lecture Good read ! don't hesitate to post commentaries and suggestions or interesting news to this......