Lol Coxhill & Pat Thomas Duos and Solos scätter
https://scatterarchive.bandcamp.com/album/duo-and-solos
https://scatterarchive.bandcamp.com/album/duo-and-solos
N’y aurait-il aucun label prêt à ouvrir ses fenêtres et sa porte à un oiseau rare tel que Lol Coxhill, disparu il y a presque 9 ans ? CD’s, vinyles récents ? Emanem a arrêté ses activités après avoir publié pas moins de dix CD’s de notre inclassable farfadet du soprano sax, aujourd'hui disparu. Pour certains de ses collègues saxophonistes improvisateurs, des promoteurs n’hésitent pas à déployer l’artillerie lourde sur tous les fronts, au point que cette surproduction dépasse nos capacités auditives et temporelles. Ou alors, il n’y a plus de temps et de place pour d’autres musiciens. Il s’agit ici du cinquième ou sixième album en digital à télécharger avec Lol Coxhill à bord et de très solides collègues. J’ai relevé Andrea Centazzo, Franz Koglmann, Olaf Rupp, Lindsay Cooper (le bassiste !) et maintenant ce super concert live de 1991 avec le pianiste Pat Thomas . Je dis pas ça pasque Lol Coxhill était un artiste « connu », mais surtout pasque il était ORIGINAL entre tous. On dira qu’Evan Parker a incarné l’aspect le plus révolutionnaire des nouvelles musiques improvisées au sommet de l’originalité au saxophone, il y a 40-50 ans, c’est indéniable. Mais il faut ajouter que Lol Coxhill est bien aussi original qu’Evan question « style », prouesses saxophonistiques, pensée musicale, dans un registre tout à fait différent, mais aussi, éminemment compatible avec celui d’Evan, improvisationellement, je cause. Bref ! Écoutons ces cinq improvisations en solo et en duo avec Pat Thomas, sans doute un des deux ou trois pianistes britanniques parmi les plus remarquables et originaux actifs aujourd'hui, figurant dans le panthéon historique des pianistes improvisateurs British : Keith Tippett, Howard Riley, John Tilbury, Steve Beresford, Veryan Weston, Gordon Beck, Stan Tracey... Deux solos de Lol Coxhill de 10 et 8 minutes et trois duos avec Pat Thomas de durées un peu plus courtes. Dès les premières notes de son premier solo, nous sommes captivés par les fabuleux glissements de notes coxhilliens, ses accents de canard éberlué et intrépide, sa sonorité unique inimitable, ses sursauts et rengorgements de volatile déglutisseur de pale-ale poivrée, d’acrobate titubant au travers des gammes les plus insolites.Gammes impossibles à jouer - rensignez vous ! Si seulement cet album était publié par tous les Intakt, NotTwo, Fundacja Sluchaj, No Business, Clean Feed ou Relative Pitch du monde ! Le pianiste laisse tomber de la table de brusques avalanches de notes éclatées, fracassées, incendiaires face auxquelles son acolyte oppose toute sa narquoise ingénuité. Ce duo fonctionne comme une rencontre familière et un événement imprévisible. J’arrête de continuer à le décrire pour vous exhorter télécharger les albums du label scätter de Liam Stefani, car et en plus, vous pouvez acquérir le fichier son pour le montant que vous désirez payer, votre contribution étant libre. Quelques pennies suffisent. La musique n’a pas de prix !
Et scätter propose d’autres albums avec LOL COXHILL !!
Zsolt Sörès & Rudi Fischerlehner Attention Span Reset hinge thunder HT-002
https://hingethunder.bandcamp.com/album/attention-span-reset
En lisant le court texte de présentation du duo Zsolt Sörès et Rudi Fischerlehner, je constate qu’il est question de psychogeography sound journey qui n’est rien moins qu’une « psychedelic journey into …. ». il y a aussi le mot « catharsis »… je vous passe le reste de la phrase, on en devinera facilement son contour à l’audition de leur musique. Psychédélique. Ayant été jeune fin des années soixante et début septante, j’ai été fortement attiré par la musique « pop » rock électrique de cette époque avec une soif insatiable pour toutes les sonorités et les incursions guitaristiques et instrumentales audacieuses (Hendrix, Santana, Grateful Dead, Pink Floyd, Jefferson Airplane, King Crimson, Allman Brothers etc…). J’ai aussi entendu répéter le mot psychédélique au début de cette période, sans trop savoir… Mais , je peux dire que si Zsolt décrit sa musique comme étant psychédélique, il a tout à fait raison, en ce qui me concerne. Il y a je ne sais quoi dans la projection, les textures, la dynamique et l’excitation électrique des sons et sonorités, drones et bruitages de Attention Span Reset qui justifie pleinement cette appellation (psychédélique), galvaudée ailleurs. Une espèce de cri déchirant, de dérive spasmodique, une approche « industrielle » , scories, harmoniques abrasives sauvages, vibrations vénéneuses, enregistrées live at Aurora, B.P. Et le point fort de la conception de leur duo se situe dans la manière légère, pointilliste, sensible avec laquelle le percussionniste Rudi Fischerlehner manie ses ustensiles (les cymbales) comme un véritable improvisateur libre, nous évitant de supporter le pilonnage – matraquage des fûts qui aurait cassé irrémédiablement l’atmosphère créée par son camarade. Le genre électrique « psyché » noise « danubien » auquel s’adonne ce pilier incontournable de la scène hongroise et est-européenne est un jeu dangereux où beaucoup ne peuvent éviter de sombrer dans la caricature, les effets faciles, la lourdeur et l’ennui au bout de cinq minutes… Cathartique, expressif, Zsolt a une volonté d’acier trempé, un enthousiasme instinctif indestructible et une extraordinaire sixième sens du fignolage organique pour configurer son bric-à-brac de jouets et appareils électroniques, micro-contacts où trône son alto (viola en english) couché et préparé (avec parfois une cymbale !). L’inventif Rudi F. et Zsolt S. se sont trouvés les compères idéaux dans cette démarche : on entend les textures évoluer, flamboyantes, contorsionnées, nasillardes, fulminantes, incendiaires envahir l’air ambiant… Le passage entre les minutes 27’ et 32’ est en soi un morceau d’anthologie « post-rock » assumé. Ça déchire …
Andrea Massaria New Needs Need New Techniques Leo Records CDLR 896
http://www.andreamassaria.com/
https://andreamassaria.bandcamp.com/releases
De nouveaux besoins ont besoin de nouvelles techniques, dit le titre de cet album solo du guitariste italien Andrea Massaria, entendu avec les percussionniste Marcello Magliocchi , Fernando Farao ou Bruce Ditmas, avec Evan Parker et Walter Prati, ainsi qu’avec la violoncelliste Clementine Glasser (The Spring of My Life – Amirani Records). Je dirais aussi le contraire : de nouvelles techniques engendrent de nouveaux besoins et …. de nouvelles formes musicales. Le sujet, l’objet, les intentions et les contours d’une démarche musicale forment finalement un tout indivisible dont chaque élément est interdépendant ; chacun de ses aspects se nourrit d’un autre parmi eux. C’est bien cette impression que donne l’œuvre d’Andrea Massaria, basée sur l’empilement interactif d’effets électroniques et de techniques de guitare amplifiée, d’amplification trafiquée, à la base de sa démarche complexe (contrepoints), laquelle suggère des impressions dynamiques de collages …instantanés et enregistrés sans artifice. On songe au meilleur d’Henry Kaiser ou de Raymond Boni, et de leurs illusions plastiques mouvantes en 3D. L’inclusion de la voix de Francesco Forges récitant un texte sur l’art sur le deuxième morceau ajoute à la gravité de sa démarche. Celle-ci tend à se fondre dans l’esprit et le processus créatif de peintres comme Jackson Pollock, Robert Rauschenberg, Mark Rothko dont des œuvres sont reproduites en des dimensions fort réduites genre mini – timbre-poste et ont inspiré les créations sonores d’Andrea Massaria, ici enregistrées. Les notes de Ettore Grazia, lui-même un fin critique musical, saisissent astucieusement et en quelques lignes l’essentiel de la démarche du guitariste liée à la peinture, à la fois colorée, dense, stratifiée, électronique, insaisissable. Dans son domaine, au croisement de la guitare amplifiée et de l’électronique, Andrea Massaria nous fait découvrir la richesse de son univers sonore et ses capacités techniques et technologiques, dans des constructions musicales convaincantes, réussies et substantielles. Substantiel signifie pour moi qu’on peut plonger et replonger dans l’écoute attentive sans arrière-pensée, car il y a un réel contenu qui évolue ou se distingue clairement au fil des neuf morceaux dédiés alternativement – successivement aux trois peintres précités. PO 1, 2 et 3 pour Pollock, RA 3, 2 et 1 pour Rauschenberg et RO 2, 3 et 1 pour Rothko. On peut s’amuser à deviner lequel des trois artistes chaque morceau s’inspire. Cela me donne même une idée pour mon prochain album solo. Excellent !
Blue Sonic Vibrations Franziska Baumann & Udo Schindler Creative Sources
Sous-titré The Improx #3 Concert, un album avec le souffleur multi-instrumentise Udo Schindler dont ce n’est pas le premier que je décris ici. Et pour cause ! La vocaliste Franziska Baumann est à mon avis irrésistible, surtout si comme moi, on adore la voix humaine et la libre improvisation. En sept tableaux soniques de durées différentes – maximum : 11’36’’ , minimum 3’26’’ avec affects variés et changements d’instruments dans le chef de Schindler, les deux artistes dépeignent des instants subtils, expressifs, intenses, chatoyants, chamaniques…. L’engagement intense et sans concession de la chanteuse convoque de multiples techniques vocales avec une grande pureté et une inventivité spontanée qui transcende tous les registres dont elle dispose dans une unité d’intention. C’est le miracle de la voix humaine personnifié comme on le trouve chez Maggie Nicols, Ute Wassermann, Guyslaine Cosseron. Elle y ajoute quelques live electronics. Udo Schindler sollicite les harmoniques de son sax soprano, les soubresauts de la colonne d’air et les éclats de son cornet. Au fil des plages se dessine un échange non idiomatique. Cette qualité « non-idiomatique » de cette musique tant décrite provient avant tout des interférences non prévisibles d’une rencontre. Et celle-ci défie assez bien le sens commun par la pluralité de ses formes et des envies qu’elle suscite. On y raconte des histoires, des filets de voix, babils et tocades se succèdent, jodels et fractals cosmiques de soprano d’une aisance sidérante, phonèmes audacieux à bouche semi fermée ou hululements suraigus à gorge déployée. Un no (wo)man’s land imaginaire propice à toutes les mues occupent le temps suspendu. Des changements de registre impromptus font éclater le sens de la forme pour ouvrir les fenêtres et les portes des sens à une catharsis impalpable. Des sifflements ténus entre les lèvres et des borborygmes improbables de l’embouchure, des effets respiratoires, des bruissements électrogènes prolongent encore plus cet état leur méta-conscience onirique. Et le final est encore à venir. Qu’augure t-il ? Cela grogne, maugrée, vaporise, séduit, le 6 contient une belle démonstration de cornet extrême et « vocalisé ». Et encore …
Si tu me lis , mon cher Pierre – Michel Z. (un super vocaliste), n’hésite pas à me réclamer ce magnifique album, il est pour toi. Cadeau !!
Roberto Miranda Home Music Ensemble Live at Bing Theatre Los Angeles 1985 Dark Tree DT (RS)14.
https://www.darktree-records.com/roberto-mirandas-home-music-ensemble-%E2%80%93-live-at-bing-theatre-los-angeles-1985-%E2%80%93-dtrs14
Il faut vraiment louer le remarquable est scrupuleux travail d’édition du label Dark Tree autour de la scène « free-jazz » sud californienne. Bobby Bradford et John Carter, Horace Tapscott, Vinny Golia, dans des enregistrements soignés et quasi incontournables. Roberto Miranda est un contrebassiste qu’on a découvert il y a longtemps au sein des premiers groupes de Vinny Golia (label Nine Winds en vinyle) et qui joue aussi dans ce magnifique chef d’œuvre de Bradford et Carter publié par Dark Tree : NO U TURN, un album incontournable. Et voici son Home Music Ensemble qui n’avait jamais transpiré dans les médias jazz internationaux même les plus futés. Outre les légendaires John Carter à la clarinette, Bobby Bradford au cornet, James Newton à la flûte, Horace Tapscott au piano et un saxophoniste – clarinettiste basse inconnu, Thom David Mason, il y a une équipe « rythmique » bien étoffée : Louis Miranda Jr, batterie, David Bottenbley , guitare, basse électrique, percussion et voix, Elias Buddy Toscano batterie et timbales, Cliff Brooks, timbales, congas, bongos. À ce beau monde s’ajoute Luis R. Miranda Sr, crédité voix et percussion : sur l’envers de la pochette un respectable septuagénaire face à un micro avec un tambourin. La musique a une inspiration latino avec ses rythmes caractéristiques et nous distille une série de solos de James Newton (aisance infinie) et de John Carter (sinueux à l’extrême). Un remarquable Agony in the Garden où Tapscott et les percussionnistes échangent brièvement de soudaines imprécations. On a droit à une excellente musique "à programme" enjouée, grave et joyeuse à la fois dont les remous sont puisés dans l’expérience « Mexicali », celle des Chicanos d’origine Mexicaine dont nombre de leurs ancêtres sont installés en Californie bien avant que cet état américain ne fasse partie de l’Union. La superbe performance des invités de marque, Bradford, Carter , Newton et Tapscott fait honneur à la cohésion de l’Home Music Ensemble, les compositions de Roberto Miranda et ses cadences polyrythmiques guidée de main de maître par le pianiste d’ensemble essentiel qu’était Horace Tapscott. Il suffit d’entendre Bobby Bradford à la fin de Prayer ou dans Deborah Tasmin pour être convaincu. Un cornet afro-américain, c’est une chose rare ( !) : ce n’est pas une "vulgaire" trompette. La rythmique fluctue entre des tempos stricts, des déhanchements typiquement latino et des séquences relâchées dans lesquels se déchaînent congas et timbales. C’est donc, un excellent document, vivant et souvent incisif, plein de moments ensoleillés et d’instants surprenants qui lève le voile sur cette mouvance mexicaine SoCal quasi-inconnue. Tout au long du concert, le narratif de Miranda se développe avantageusement dans des scènes colorées, des cascades de rythmes, des échanges de plus en plus chaleureux, une réelle inventivité de l’Ensemble… et un ensemble vocal de la-la-la touchant... Le livret inclus dans la pochette nous relate les circonstances exactes de ce superbe concert en 1985. Encore un bon point pour Dark Tree !!
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