Dawn to Dusk Chamber 4 Theo Ceccaldi Vincent Ceccaldi Marcelo dos Reis Luis Vicente. JACC
https://jaccrecords.bandcamp.com/album/dawn-to-dusk
Excellents musiciens , le violoniste Theo Ceccaldi , le violoncelliste Valentin Ceccaldi, le trompettiste Luis Vicente et le guitariste Marcelo dos Reis, cultivent une voie singulière entre free-jazz et musique de chambre improvisée en suivant un tracé, une trame qu’ils ont devisé au préalable. Chamber 4. La forme composée Dawn To Dusk respire le feeling et la geste de l’improvisation et dans ses trois chapitres (1. Dawn 2. To 3. Dusk) coexistent spontanéité et schémas évolutifs avec un vrai bonheur. Une dimension lyrique. Un travail thématique distendu par la nonchalance méditerranéenne ou compressé par l’urgence physique de l’improvisation. Chamber 4 développe depuis quelques années une démarche originale qui ne fait que s’affiner et bonifier au fil des ans parmi les différents projets de chacun de ses membres. J’ai écouté récemment les albums solos Ossos de Valentin Ceccaldi, Maré de Luis Vicente pour le label Cipsela et Glaciar de Marcelo dos Reis et j’y ai trouvé de très bonnes choses. Mais rien en les écoutant ne laisse attendre un tel sentiment de plénitude créative et d’enthousiasme pour ce très réussi Dawn To Dusk. Le lyrisme des suraigus dans l’embouchure de la trompette de Vicente frisant le bruitisme tout en « chantant » suivi des notes pincées et assourdies de dos Reis, l’elliptique coup d’archet poignant de Ceccaldi au violoncelle, ces subtils crescendi, leurs lentes montées en puissance , tout resplendit de naturel, d’énergie contenue et dilatée avec une belle cohésion qui implique des incartades sonores.
label JACC. Celui-ci cultive un air de famille focalisé sur les cordes : House Full Of Colors avec Carlos Zingaro, Hernani Faustino, Miguel Mira et Marcelo Dos Reis, Timeless de dos Reis et Eve Risser, Turquoise Dream de Marta Warelis, Carlos Zingaro, Helena Espvall et dos Reis (un vrai bijou), sans oublier The Fall de Fail Better !
Lol Coxhill with Paul Rutherford Nick Stephens Roger Turner Live in Cremona 1991 digital album
GRATUIT SUR BANDCAMP !!
https://enzorocco.bandcamp.com/album/lol-coxhill-cremona-1991
Grâce aux bons soins de la veuve de Lol Coxhill, Ulrike, cet enregistrement d’un concert de 1991 à Cremone lors d’un festival de Jazz est parvenu jusqu’à nous. Le guitariste de Cremone, Enzo Rocco, s’est empressé d’améliorer le son de la cassette et de nous mettre cela sur son compte bandcamp personnel à la demande d’Ulrike Coxhill. Une musique joyeuse en diable. Les musiciens s’étaient donnés comme mission de jouer du « jazz » qui swingue tout en conservant leur style « Coxhill » et « Rutherford » à mi-chemin du post-bop, du « polymodal » et du free-bop avec quelques étirements de notes idiosyncratiques et même un standard néo-orléanais. Il faut dire que le bassiste Nick Stephens qui a l’époque jouait régulièrement avec John Stevens est un contrebassiste agile et puissant avec un solide sens du tempo . Quant à Roger Turner, il swingue en sursautant et en faisant tournoyer les frappes. Il n’y a aucun thème ni morceau précis et il arrive que le tandem rythmique laisse les deux souffleurs dialoguer. L’improvisation évolue dans une sorte de pot-pourri imaginaire. Lol Coxhill est un artiste de l’envergure d’Ornette Coleman ou de Steve Lacy. Toutes ses notes jouées à côté des intervalles des gammes sont des joyaux : son style est tellement personnel et inimitable. Joyeux, chaleureux et complètement antiacadémique. Paul Rutherford se montre toujours aussi unique avec un accent, une voix et des recherches de sonorités et d'inflections qui n'appartiennent qu'à lui seul. Un culte !! Il y a une rupture dans l’enregistrement du premier long morceau (38 :57) et, après cette pause, on aboutit dans une phase complètement free, ce qui est vraiment réjouissant. Non seulement Roger Turner est un des percussionnistes d’improvisation radicale parmi les plus fascinants, il nous laisse entendre qu’en batterie, il en connaît un rayon. Il y a un certain nombre d’années, je l’ai entendu avec Charles Gayle et le contrebassiste Juini Booth : on aurait cru entendre Milford Graves en personne. À la fin de ce premier set, on a droit à un superbe morceau swing blues joué dans un esprit voisin de celui de la New Orleans auquel le style nonchalant avec ses fins glissandi vocalisés des souffleurs est parfaitement indiqué. Nick a un talent consommé paor faire gronder sa basse comme dans les boui-boui du jazz des bas fonds. En fait apparaissent médusés deux Dixie warhorses éculés qu’ils font revivre de manière éclatante et joyeuse ! C’est à tomber par terre. Je ne sais pas s’il existe des souffleurs aussi authentiques de nos jours. Merci Ulrike et Enzo !!
Disorder at The Border Plus live at Achteckstadl Daniele D’Agaro Giovanni Maier Zlatko Kaucic + Ewald Oberleitner IZK 126
https://www.klopotec.si/klopotecglasba/cd_disorderplus/
Evan Parker – Zlatko Kaucic - Round About One O’Clock / Not Two
https://www.nottwo.com/mw863
Comme je l’ai déjà signalé il y a quelques mois, le percussionniste slovène Zlatko Kaucic est un improvisateur sur qui il faut vraiment compter. Récemment est paru Jubileum Quartet avec Joëlle Léandre Agusti Fernandez et Evan Parker : en cette compagnie de haut vol, notre homme fait plus qu’assurer. Ce n’est pas un nouveau venu. En 1978, encore « jeune », Zlatko a joué avec le légendaire souffleur Mike Osborne à Madrid et ce fut, raconte-t-il, un très grand moment de sa vie de musicien. Dans les notes de pochette de Round About One O’Clock en duo avec Evan Parker et paru il y a une dizaine d’années, Zlatko mentionne cet instant inoubliable. Car Mike Osborne était un des collègues – copains de ses jeunes années auxquels Evan Parker était fort attaché. Evan lui rendait régulièrement visite dans sa retraite à la limite du Pays de Galles où souffrant d’une affection profonde, il s’était réfugié jusqu’à sa mort en 2007. Ce CD Round About 1 O'Clock lui est dédié. L’organisateur du 50th Jubilee du Jazz festival de Ljubljana a eu la bonne idée d’inviter Evan Parker et Zlatko Kaucic pour l’évident intérêt musical et pour honorer l’engagement sans concession de cet excellent batteur dans la musique vivante. Dans cette première performance, le batteur donne plus que le meilleur de lui-même. Il invente sur le champ une trame percussive, un flux de vibrations qui cadre parfaitement avec son invité dans une merveilleuse empathie. Et auquel, il répond en jonglant avec les cellules rythmiques libérées, contrariées, inversées, frottements légers, vibrations du cœur et de l’écoute entourant les spirales serpentines, tortueuses mais apaisées ou multiphoniques ultra-détaillées et mordantes, cycliques qui peuvent se rapprocher du silence ou de la jubilation des boucles enchevêtrées du souffleur. Grâce à une forme d’attentisme presque zen de Zlatko avec ses métaux et ses associations de timbres (crotales, cymbales, petits gongs), ses frappes délicates instinctives , on entend aussi la face intimiste et raffinée du souffleur au soprano questionnant sa mémoire physique des doigtés et des sinuosités alternant fragments mélodiques et articulation de la colonne d’air « hachée menu » ou contorsionnée. Puis se déploient des temps multiples, croisés à l’infini et des énergies croissantes. Une réussite très convaincante et une véritable sensibilité à l'oeuvre dans les échanges. Deux âmes en communion, une belle capacité narrative … Pour rappel, donc, ce duo publié il y a dix ans...
Le trio Disorder at The Border, soit le saxophoniste Daniele D’Agaro du contrebassiste Giovanni Maier et du batteur Zlatko Kaucic est ici augmenté du contrebassiste Ewald Oberleitner, ce qui nous vaut quelques agiles échanges entre les deux bassistes sous l’œil vigilant du percussionniste. Les membres de Disorder habitent à proximité les uns des autres dans ces Alpes Juliennes qui se partagent sur un territoire autrefois autrichien les régions de Carniole, du Frioul et de Goricka. Une région frontalière où les natifs appartiennent peu ou prou à plusieurs ethnies ou communautés linguistiques, d’origine latine, slave ou germanique. J’avais abordé l’écoute d’un album suscité par Daniele D’Agaro avec Alex von Schlippenbach et Han Bennink qui m’avait laissé mitigé. La sauce ne prenait pas vraiment. C’est vrai que Alex et Han sont des artistes impressionnants. Il faut pouvoir se mettre à l’aise dans de pareilles circonstances et se relâcher complètement pour atteindre son meilleur potentiel. C’est bien justement ce qui se passe dans ce merveilleux trio de jazz improvisé « modal – free » sans prétention peut – être, mais ô combien communicatif, chaleureux et finalement réussi. Un jazz libre de partage, d’émotions sincères et d’ouverture. Propice à l’expression du lyrisme de D’Agaro, que ce soit au sax ténor ou à la clarinette et à la subtile connivence des deux contrebassistes. Le souffleur est ici sous son meilleur jour métamorphosant la lingua franca du souffle free-jazz en une belle histoire. Zlatko ne joue peut être pas de manière « brillante »,ici, mais son drumming fluide, sensible et délicat tout autant que foisonnant, quand cela s’y prête, dit l’essentiel, créant les meilleures conditions de jeu et d’espace sonore pour ses trois collègues. Une qualité dans la sonorité qui me fait soudain songer au son de Roy Haynes, quand il remplaçait Elvin chez Trane. Une belle musique collective qui fait vraiment plaisir à entendre.
Last Train from Narskaya Alexey Kruglov Caroline Hume Paul May Oleg Yudanov CD LR 879
Une série d’improvisations enregistrées d’une traite lors du Festival Leo records à St Petersburg, le label spécialisé ayant très largement documenté la free-music Russe et ex Soviétique. Ce groupe est une collaboration de deux « duos » dont les albums ont paru chez Leo. Le saxophoniste alto Alexey Kruglov et le percussionniste Oleg Yudanov, côté russe et le batteur Paul May et la pianiste Caroline Hume, côté britannique.
Se consacrant successivement à souffler dans son embouchure d’alto comme un oiseau surpris, dans son bec « normal » en zig zags classieux avec intervalles étudiés et très articulés, growls rêveurs et aussi dans son instrument préparé ( ?) . Les percussions se font menues les premières quinze minutes , le piano égrenant quelques notes points de repère un long silence et voilà le sax pépiant devant des grattages de … le souffleur s’époumone dans son tuyau sans anche entraînant une vague sombre du clavier . Une atmosphère de recherche d’écoute, de mystère augurant un événement, une surprise. Démarche radicale contenue, petits sons ténus … On se croirait dans un atelier d’improvisation où les musiciens osent, cherchent l’impossible avec une claire conscience de s’échapper d’une doxa , du convenu. Petit à petit la musique s’élance avec précautions , le sax marquant son territoire en invention mélodique subtile avec harmonies distendues, la pianiste faisant résonner sa table d’harmonie. Le silence renaît. À nouveau le bec seul miaule et le piano sollicite un mode une harmonie ouverte. Les percussions minimalistes interviennent en filigrane ou en support discret avec peu de mouvements, ostinati de frappes ou balais légers. On a l’air de faire de la musique avec pas grand-chose et quand survient un beau geste , il s’inscrit dans la mémoire. La demi-heure est presque passée et on est au troisième morceau ou digit. Le free oui , mais le free – jazz est loin . Le souffle est suggestif le piano fantomatique et les percussions microscopiques. Un lambeau mélodique flotte dans l’espace, comme un souvenir qui revient. Couleur lumineuse dans l’ascétisme ambiant. La démarche est assumée, parcimonieuse mais achevée. Une question est posée à votre mental , à vos habitudes à vos croyances. Quasiment une heure à ce régime et on tient là une performance en apparence gratuite, mais qui porte un sens, une raison d’être. Le son de l’alto se fait plus mordant esquissant un dialogue fugace un instant avec le clavier. Les métaux sont grattés avec une finesse à peine audible… Questionnement du silence au début du quatrième morceau et puis voracité ultra-free un instant. On découvre petit à petit la vraie nature de Kruglov articulant morsure sur morsure et le free glouton prend forme efficace une ou deux minutes… embardée … puis retour sur l’atmosphère précédente avec une impatience légèrement martelée par Yudanov et May, toujours aussi discrets. Leur coup est bien monté, on est en fait dans la surprise. Pour un batteur entendu avec Brötzmann, on est un peu surpris. La recherche continuer avec des interjections variées et maîtrisées. Une narration décousue prend forme , une comptine s’élance et puis s’égare … Silence à mi-morceau et puis … La fin approche et le suspense est maintenu.Une ballade cosmique avec la belle sonorité de Yudanov et les trois autres en mode économique jusqu'au final quasi aylerien avant un dernier morceau qui s'ouvre en mode "phonésie" ou poésie sonore. Articulations petites percussions - clavier .. ostinati ... bec en mode sifflet, danse ...
Cette musique a le mérite d’exister. On évite le plein ou le trop plein … le futile pour l’inconnu … l'intangible.
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Bonne lecture Good read ! don't hesitate to post commentaries and suggestions or interesting news to this......