Evan Parker John Edwards Tony Marsh Medway Blues FMRCD623-0721
https://www.fmr-records.com/releasescurrentyear.asp
Vous me direz sans doute : « Ah ! Encore un trio saxophone basse batterie avec Evan Parker !! On connaît ça … ». La vérité est que le batteur Tony Marsh (1939 - 2012) a joué très souvent avec Evan Parker et John Edwards au Vortex de Dalston sans qu’un seul d’entr’eux n’ait fait l’objet dun album live. Peut-être y a-t-il une session studio qui attend son heure. Il est donc tout à fait légitime de publier l’enregistrement pour tous ceux qui ont écouté et aimé ce trio londonien en concert, surtout en hommage à ce gentleman de la batterie qui fut omniprésent sur la scène free improvisée londonienne après avoir séjourné à Paris de nombreuses années. Le cd live Free Zone Appleby 2006 (Psi) contient le seul enregistrement où on l’entend jouer avec Evan Parker en compagnie de Paul Dunmall, Paul Rogers et John Edwards. Mais sur son label Psi, Evan a produit pas moins de trois albums de ou avec Tony Marsh : Rue Victor Massé avec le saxophoniste Ray Warleigh en duo, Stops en duo avec Veryan Weston à l’orgue d’église et Quartet Improvisations avec Hannah Marshall (cello), Alison Blunt (violon) et Neil Metcalfe (flûte). En trio avec Howard Riley et Marco Castronari (Feathers et Wishing The Moon). Il devient le batteur maison chez Loose Torque, le label du contrebassiste Nick Stephens avec qui il grave Trio Fo avec le flûtiste Neil Metcalfe, The Play’s The Thing, Today’s Paly et Free Play avec le trop méconnu trompettiste Jon Corbett et le September Quartet où Dunmall se joint à eux , The Occasional Quartet avec le saxophoniste Garry Todd et le violoniste Nigel Coombes. On le trouve dans cinq CD’rs des Duns Limited Editions de Paul Dunmall dont un mémorable Live at the Klinker 2001 en duo avec le saxophoniste au ténor et d’autres sessions avec le tromboniste Hillary Jeffreys, le guitariste Phil Gibbs, etc… FMR a publié trois albums dans lesquels Marsh officie avec Dunmall et successivement avec le bassiste Peter Brandt (Deep Well), Phil Gibbs (For The Last Time) et John Edwards (To Be Real). Il fit partie du Quintet de Didier Levallet : Quiet Days où on trouvait aussi le saxophoniste Chris Briscoe son compagnon du Mike Westbrook Orchestra (On Duke’s Birthday) et de Full Monte avec Marcio Mattos et Brian Godding. Il enregistra aussi avec Harry Beckett en trio avec Levallet (Images of Clarity) et en quintet avec encore Briscoe (Before and After). News from the North avec l’extraordinaire saxophoniste Simon Picard et Paul Rogers. Un duo avec la saxophoniste Chefa Alonso pour Emanem. Sans doute, parmi la confrérie des batteurs de la scène free / improvisée londonienne (Oxley et Lytton, les deux expatriés, Stevens, Prévost, Moholo, Levin, Noble, Sanders, Bianco…), un de ses piliers les moins visibles au niveau international, bien qu’il ait travaillé avec Didier Levallet et Harry Beckett. Il aimait à croiser les pulsations en finesse sans surjouer avec un sens minutieux de la dynamique et sans excès. Pour ses collègues comme Dunmall et Parker, mais aussi Neil Metcalfe et Jon Corbett, son jeu à la fois plus discret et mouvementé permettait de travailler plus en nuance et en profondeur, un peu à l’inverse du « rouleau compresseur » surpuissant du batteur Tony Bianco, un abonné des séances les plus intenses de Paul Dunmall et avec qui celui-ci a gravé une quantité impressionnante de morceaux de Coltrane. Tony Marsh s’est révélé un percussionniste indispensable à ces musiciens pour cette première raison et la suivante tient au fait paradoxal que son approche plus « conventionnelle » que celle d’un Lytton en duo avec Parker, d’un Sanders en duo avec Butcher ou d’un Noble en duo avec Yoni Silver recèle des petites surprises. En croisant pulsations, frappes coordonnées en décalage et figures inversées, Tony Marsh déconstruit le jeu conventionnel tout en le suggérant de manière énigmatique. Son jeu déconditionne ses collègues souffleurs et bassistes du flux polyrythmique foisonnant du free drumming parfois excessif, car son jeu atypique et plus aéré, et donc plus lisible, pose sournoisement des questions et intrigue les souffleurs tels queParker et Dunmall, alimentant discrètement leurs variations spiralées et leurs réflexes dans les méandres infinis de leurs improvisations d’idées lumineuses. Le déniaisement du « free » free-jazz. C’est d’ailleurs avec Howard Riley, un unique pianiste qui brouille les harmonies avec d’imprévisibles décalages rythmiques, qu’il commença vraiment mettre en valeur la spécificité de son jeu (1988 – album Feathers). Faut-il rappeler qu’Howard Riley est un des deux seuls pianistes qui ait jamais enregistré des duos avec le génial Jaki Byard ( l’acrobate chez Mingus, Dolphy, Sam Rivers, Booker Ervin, Roland Kirk) ? L’autre duettiste de Byard n’est rien moins qu’Earl Hines lui – même, l’inventeur du piano jazz, un géant dont vous pouvez écouter tous les albums solos sans vous emmerder un instant. Bref, Tony Marsh restera dans la mémoire des supporters et des praticiens de cette scène britannique à l’esprit collectif et solidaire particulièrement vivace. Que cet enregistrement avec son souffleur sans doute le plus demandé, Medway Blues, soit pour vous une belle introduction à cet indispensable batteur.
Mia Zabelka & Glen Hall The Quantum Violin FMR CD622-0721
https://miazabelka.bandcamp.com/album/the-quantum-violin
Voilà une affaire bien étonnante. La violoniste Mia Zabelka a visiblement un faible pour l’électronique et en s’associant avec Glen Hall, ici , compositeur électronique, elle nous livre une œuvre soniquement inquiétante et fascinante ,dédiée à Pauline Oliveros. Étonnamment, Glen Hall est connu comme saxophoniste et son parcours a évolué du jazz contemporain vers la musique improvisée libre. Sa carrière débute avec Cecil Mc, Bee Joanne Brackeen et Billy Hart en 1979 (The Book of The Heart). Plus d’une décennie plus tard, c’est avec Gil Evans qu’il produit une œuvre orchestrale ambitieuse (The Mother of The Book) sur le label In Respect, lequel avait publié l’album maudit d’Albert Ayler avec l’intégrale du concert au Cellar Café en juin 1964 trio avec Peacock et Murray que je préfère personnellement à Spiritual Unity. Sorry pour la digression, mais celle-là je ne peux m’empêcher de la placer quand l’occasion se présente. Il a enregistré aussi avec Roswell Rudd (the Roswell Incident). Par la suite, il emprunte la pente savonneuse vers l’improvisation « plus » radicale (ou destroy) en compagnie de Lee Ranaldo et de William Hooker (Oasis of Whispers) dans laquelle il joue des sax ténor et soprano , de la flûte, de la flûte basse, de la clarinette basse et des percussions. Il participe aussi aux Postage Paid Duets avec La Donna Smith, David Sait et Gino Robair en 2009. Et donc ce souffleur est passé dans le camp électronique. Mia Zabelka est apparue sur la scène improvisée internationale depuis une dizaine d’années mais travaille depuis les années 80. Ses enregistrements nous la font entendre en solo acoustique (Monday Sessions et Myasmo), en trio avec Maggie Nicols et John Russell (Trio Blurb et W), en duo avec le guitariste Nicolas Hein, mais aussi avec la chanteuse Lydia Lunch et dans des productions ambient, électronique, noise. C’est dans cette direction qu’elle opère en collaboration de Glen Hall de manière endiablée. Je cite le texte explicite de la pochette : Atomized, interpolated, reconfigured, mosaiced, cut up, transformed to the sonic territories of quantum interactions, the musical collaboration of Austrian violinist, vocalist and sound artist Mia Zabelka, and Canadian sound artist Glen Hall bends the clock of real time music. It enters in arealm of vibrational implants, phase vocoded reversals, spatialized architectures and unforeseen happenstances imaginations box. Bien que je ne connaisse pas assez la musique électronique pour pouvoir la commenter valablement, j’ai une belle expérience pouravoir travaillé avec Lawrence Casserley. Mon intérêt dans ce domaine se focalise sur Richard Scott, Casserley, Michel Waiszwisz, Richard Barrett, Paul Obermayer, Ulli Bottcher, Thomas Lehn et Willy Van Buggenhout dans l’univers des musiques improvisées. Après avoir écouté attentivement, je peux affirmer sans hésitation que The Quantum Violin est une œuvre remarquable, palpitante, avec des sensations abrasives et électrisantes intenses. Dense, complexe, hypertendue, science fictionnesque dans le meilleur sens du terme, elle utilise l’électronique pour réaliser l’impossible, l’extra-humain avec une belle imagination. Porter un jugement de valeur ou embrasser leur démarche est une autre chose. Mias je peux vous assurer que c’est un travail minutieux très bien réalisé et que votre curiosité ne sera pas déçue, surtout si vous êtes un tant soit peu réceptif à la musique électronique. Chapeau !
In Search of Surprise S.R.L. : Etienne Rolin Luc Lainé Udo Schindler FMRCD 617
Départ avec un xylophone cristallin (Luc Lainé) et cor de basset ( Étienne Rolin ) et ensuite cornet (Udo Schindler). Musique de chambre free – jazz avec questions réponses et empathie.Dans cette Recherche de la Surprise, Udo joue aussi des sax soprano et baryton ici et comme il ne s’agit pas de son premier album chez FMR, on le trouve multi-instrumentiste dans une dizaine d’autres CD’s FMR à la clarinette basse, clarinette en Eb, sax ténor et alto, tuba, alto horn, tubax, euphonium en compagnie de Jaap Blonk, Damon Smith, Wilbert de Joode, Sebi Tramontana, Philipp Kolb, Ove Volquartz, Irene Kepl. Parvenir à maîtriser tous ses instruments n’est pas une sinécure et je dois dire que ses sonorités vocalisées et grasseyantes au cornet ne déparent pas l’élégante articulation du clarinettiste Étienne Rolin, un franco-américain entendu à son grand avantage dans Summer Works 2009 du Rivière Copmposer’s Pool, un triple cd paru chez Emanem. Une magnifique musique de chambre en compagnie de Kent Carter, du violoniste Albrecht Maurer et du clarinettiste Theo Jorgensmann. En 1984, Étienne Rolin avait publié Portraits Quartet et Orchestre chez In&Out avec la participation de JJ Avenel, Kent Carter , Oliver Johnson, Jean-Luc Petit, Didier Colin, Carlos Zingaro dont il avait écrit la musique. In Search of Surprise ? Oui la surprise est totale : Etienne Rolin joue aussi du glissotar, un instrument à anche simple dérivé du taragot et muni d’une languette magnétique qui permet des glissandi impressionnants et un jeu microtonal. Udo s’en donne à cœur joie avec son sax soprano ou son sax baryton quand Luc Laîné , dont c’est une des premières apparitions sur un album de musique improvisée, est un remarquable vibraphoniste, cristallin et aérien qui laisse vibrer et résonner les lamelles dans l’espace. Il y a une belle complémentarité, un sens de la forme et de l’improvisation. Glissandi de part et d’autre, dialogues louvoyants, la vocalité expressive du free-jazz, contrepoints élastiques , lyrisme incisif, travail collectif et un final, quasi fugato, avec des emboîtements et des arabesques qu’on jugerait avoir été écrit par un compositeur qui s’éclate.
Udo Schindler & Thomas Stempkowski related unique items FMR cd 624
https://thomas-stempkowski.com/aktuell/
Le souffleur multi – instrumentiste Bavarois Udo Schindler et le contrebassiste Autrichien Thomas Stempkowski avaient enregistré en octobre 2019 et avaient à peine décidé de publier leur rencontre sous le titre related unique items en le dédiant au contrebassiste et compositeur Simon H.Fell (1960 – 2020) que Thomas est décédé inopinément le 28 juin 2021. Udo avait prévu d’inviter Simon H.Fell dans sa série de concerts « low tone studies » à Munich comme il l’avait déjà fait avec les contrebassistes Wilbert de Joode (cfr album Participation & Interplay). Les deux albums MunichSoundStudies vol 1 et vol 2-3 avaient vu débarquer le contrebassiste U.S. Damon Smith, Jaap Blonk et la flûtiste Karina Erhard. Il semble donc qu’Udo Schindler a une affinité avec la contrebasse, instrument qui se marie à merveille avec la clarinette basse et c’est le but de la série de concerts « low tone studies ». Dès le début, on savoure le coup d’archet puissant et granuleux de Thomas Stempkowski et les growls et harmoniques bruissants de Schindler à la clarinette basse dans les 18 minutes de Beauty & Consequence 1.1 B&C_1. L’album – concert est partagé entre deux suites improvisées dénommées Beauty & Consequence et partagées en trois sections de 18 :58 , 3 :11 et 5 :30 et ensuite Autonomy & Commitment qui évolue en quatre sections respectives 2.1 A&C_1 (12 :22) , 2.2 A&C_2 (16 :48), 2.3 A&C_3 (4 :37), 2.4 A&C_4 (4 :33). Udo est crédité saxophones, clarinettes et cuivres (brass). Si un ou deux enregistrements d’Udo Schindler sont moins réussis, je salue vivement ses efforts de multi instrumentiste et d’improvisateur avec ses invités successifs et particulièrement ces related unique items avec le contrebassiste Thomas Stempkowski, musicien dont je n’avais jamais entendu parler ni entrevu son nom. Il a joué avec dieb 13, Franz Hautzinger, Christoph Kurzmann, Mats Gustafsson, Annette Giesrigl, noid, etc... L’aspect « low tone studies » est remarquablement mis en évidence dans les quatre pièces d’Autonomy & Commitment dans lesquelles le contrebassiste explore le registre gravissime de l’instrument avec archet sinueux en glissandi et aussi harmoniques. Udo s’époumone avec son euphonium ou F-tuba ou sa clarinette contrebasse métallique en symbiose avec son camarade. On est ici en plein cœur de la musique improvisée libre où la recherche adroite et sensible de nouvelles sonorités et d’émotions vibratoires évitent les formules d’arrangements consonants et identifiables. Le contrebassiste est très bien et confronté à la difficulté de passer d’un instrument à l’autre, clarinettes, saxophones, tubas, cornets etc… Udo Schindler pousse et dépasse le plus loin qu’il peut ses limites créatives de manière créative et émouvante. Thomas Stempkowski a le talent et les capacités idoines pour créer un momentum en osmose avec son collègue. Il suffit d’écouter les belles notes mystérieuses qui balancent avec élégance et font vibrer l’âme de la contrebasse dans A&C_ 2 et son prolongement dans A&C_3. Ces rencontres fertiles font progresser Udo Schindler dans le développement et l’approfondissement de sa recherche. Simon H Fell et Thomas Spemkowski nous ont quitté, mais il en reste quelque chose qui fermente dans le chef d’Udo Schindler.
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Bonne lecture Good read ! don't hesitate to post commentaries and suggestions or interesting news to this......