Siberia Extreme Chyskyyrai Tim Hodgkinson Ken Hyder Indigenous Life Forms ILR LP 001
https://indigenouslifeforms.bandcamp.com/
Chyskyyrai est une chanteuse yacoute, originaire de la république Sakha en Sibérie du Nord un état de la Féderation de Russie en Extrême Orient. Elle est complètement immergée dans la culture shamanique et a assimilé une variété de techniques vocales traditionnelles basées de chants populaires, imitations d’animaux et surtout l’antique épopée mythologique Olonkho, sous une forme de théâtre ou « opéra » avec une unique chanteuse qui truste tous les rôles. L’Olonkho réunit un faisceau vivant d’expressions vocales et chantées archaïques par un unique acteur – chanteur ,voyageur et raconteur d’histoires qui va d’une communauté à l’autre, de tribu en tribu. On peut faire un parallèle avec le P’ansori coréen où tous les rôles sont tenus par une seule chanteuse qui, accompagnée par un percussionniste, transforme sa voix pour investir physiquement et vocalement chaque personnage de la narration. Elle ou il remplit la même fonction qu’un chaman. Par beaucoup, ces chanteurs chamanes sont considérés comme des guides spirituels, enseignants et détenteurs des valeurs spirituelles de leur peuple. Leurs performances peuvent durer plusieurs jours et ne sont pas seulement des spectacles (entertainment) mais aussi une manière d’éduquer la population au fait que les êtres humains ne sont pas séparés de la nature et s’accordent avec elle.
Tim Hodgkinson et Ken Hyder respectivement clarinettiste / steel – guitariste et percussionniste, effectuent un travail de longue haleine depuis 1978 par leurs voyages en Sibérie (Bouriatie, Touva, Altaï, Yakoutie) afin de découvrir, étudier et participer musicalement en lien direct et vivant avec ces « artistes » chamans traditionnels. Leur duo s’intitule « Shams » et se destine principalement à jouer avec un chanteur ou une chanteuse sibérienne auxquels il se dédient entièrement en créant un véritable écrin pour les mettre en valeur en s'éffaçant devant une expression aussi extraordinaire. Pour rappel, l’album Black Sky avec le chanteur Gendos Chamzyrin avec qui ils forment K-Space (Label Setola di Maiale). Dans ce disque merveilleux qu’est Siberia Extreme, on est médusé par l’intensité profonde avec laquelle ils entrent en symbiose avec cette fabuleuse chanteuse. Chyskyyrai , Valentina Romanova à l’état-civil, chante passionnément dans une esthétique unique avec une voix de transe, puissante et mystérieuse qui revêt une multitude d’états d’âme, s’électrise dans des changements de registre échappant à une quelconque format. Elle semble conter, scander malheurs et moments heureux, guidant ses auditeurs dans les méandres de la condition humaine. La scansion et la métrique de Ken Hyder sur ses instruments de percussions est totalement intégrée à cet art : il trouve spontanément les pulsations et battements rythmiques un peu décalés, un micro- instant à côté du temps, qui sont la marque de cette musique traditionnelle. Le souffle de Tim Hodgkinson en devient happé et hanté par les visions des chamanes, très loin de sa pratique quand il joue des pièces contemporaines dans d’autres projets. Il ajoute des sonorités électriques par petites touches avec sa pedal-steel guitare toute en glissandi. Il s’agit d’une collaboration magique, authentique qui correspond pour Ken et Tim à une motivation et un amour pour cette expérience de vie et de communion spirituelle telle qu’elle est vécue par ces populations sibériennes. Quant à la chanteuse, sa performance est indescriptible, sacrée, imprécations d’une pythie d’un autre monde, celui qui sépare celui des vivants et des morts, les esprits criant par sa bouche et modulant le timbre de sa voix. Le vinyle lui - même est « milky-way » : vous allez être happé par la Voie Lactée et ces voix de la nature issues d’un autre monde, celui qui entoure la mythologie vécue des Sakha…
Un autre album aussi ébouriffant est publié par ce label Indigenous Life Forms : Algys de la chanteuse Stepanida Borisova, elle aussi originaire de Sakha - Yakoutia et du percussionniste Pavel Fajt, connu pour son travail avec la chanteuse Tchèque Iva Bittova. Rendez-vous à la prochaine livraison sur ce blog !
Evan Parker Saxophone solos LP Otoroku ROKU (RE) 10
https://www.cafeoto.co.uk/shop/saxophone-solos/
Je tiens à attirer l’attention sur cet enregistrement des Solos de Saxophone (soprano) d’Evan Parker datant de 1975 et publié par Incus (n°19) et réédité successivement par Chronoscope et Psi, le label du saxophoniste. De nombreux amateurs ont sûrement entendus en concert, sur disque ou CD cette musique répétitive mais intense et fascinante d’Evan Parker dans laquelle il crée l’illusion d’une polyphonie avec la respiration circulaire, des doigtés croisés, un contrôle du son hors du commun, des harmoniques irréelles etc… (cfr albums, Lights Burnt in Line, Six of One, The Snakes Decides, Conic Sections) qui partagent des similitudes et des inspirations avec les flûtes du Rajasthan, les launeddas sardes, le pibroch écossais… En 1975, Parker essaie pour la première fois de s’exprimer en solo de saxophone soprano en public (comme Braxton, Lacy, Coxhill) dans le sillage de ses duos avec Derek Bailey et avec Paul Lytton, dont Incus allait oublier deux manifestes incontournables : the London Concert (Incus 16) et Unity Theatre (Incus 14). Avec ce Saxophones Solos de 1975 et la photo de Roberto Masotti prise à l'Akademie der Kunsten à Berlin, la musique improvisée « européenne » issue du free-jazz passe un cap sonore, instrumental, créatif qui la distingue de son homologue Afro-Américain. Bien que contrairement à Derek Bailey, Evan Parker a toujours considéré, dit et redit, que sa musique a été conçue dans le courant du jazz… avec ses conceptions personnelles, conclusions pragmatiques et musicales des découvertes et innovations des créations contemporaines les plus pointues … Bref, cette année – là, le jeu et les possibilités techniques d’Evan Parker n’avait pas encore atteint les sommets qui lui permirent quelques années plus tard de graver Six of One (Incus 39). Il y a dans cette musique, une rage folle, une énergie inouïe, une transgression du rôle de l’instrument et de ses limites, une appétence pour le bruit musical et l’évitement systématique de ce qui ressemble à une musique conventionnelle, même « free-jazz ». L’album commence par une longue note saturée en glissandi ralenti « fausse » obtenue en obstruant progressivement le pavillon du soprano avec le mollet de la jambe gauche. Cet effet sonore était utilisé pour répondre à un effet sonore de Derek Bailey qui en jouant des harmoniques sur plusieurs cordes enfonçait celle-ci derrière le chevalet créant ainsi un glissandi vers l’aigu de cette sonorité fantôme, les deux musiciens rivalisant pour multiplier l’empli d’harmoniques. Le concert est repris dans son intégralité, soit un set d’une demi-heure lors d’une soirée collective à l’Unity Theatre, et divisé en trois parties. Afin d’obtenir deux faces complètes d’un 33 tours, Evan a ajouté un quatrième morceau enregistré au studio FMP à Berlin. Dans la version CD, d’autres morceaux de cette même session ont été ajoutés. Grâce à l’enregistrement en solo, il nous est permis d’entendre l’articulation hallucinante du souffleur dans le moindre détail, explosant complètement le flux, le timbre, avec de rapides coups de langue sur le bord de l’anche, une vocalisation hachant menu les sons dans des spirales brisées à une vitesse étonnante, comme si les sillons d’un disque 33 tours étaient lus par la cellule en vitesse accélérée. À la base de ce jeu, intervient l’utilisation systématique de doigtés fourchus lesquels furent inaugurés par Lester Young pour jouer la même note avec un timbre différent. En ouvrant une clé à un niveau supérieur, entre l’embouchure et la dernière clé fermée avant le trou ouvert qui détermine la vibration note jouée « normalement », le souffleur expérimenté obtient un effet multiphonique, deux notes différentes se concurrencent. Evan fausse aussi les notes en écartant avec précision la pression des lèvres du centre de l’anche (technique habituelle pour un jazzman) ce qui modifie encore le son et le contrôle de celui-ci et de la note fantôme obtenue par les doigtés fourchus. À cela, s’ajoute de rapides coups de langue sur le bord de l’anche qui stoppent l’émission sonore et font curieusement alterner des hauteurs différentes qui se télescopent à cause d’un enchaînement furieux de doigtés fourchus et de changements malicieux de la pression du souffle. La technique du saxophone dépasse ici la limite du possible par la grâce d’un contrôle surhumain de la vibration de la colonne d’air.
Ce qui paraissait à l’époque comme le produit d’une spontanéité rebelle, d’un état de transe chamanique broyant et étirant les sonorités du saxophone au-delà des limites est, en fait, le fruit d’une technique très sophistiquée, scientifique. Paradoxalement, son étalement dans une structure temporelle est minutieusement préparée (« composée »), mais réalisée au moyen de l’improvisation instantanée. Pour l’exprimer autrement, on dira qu’Evan Parker avait tracé son cheminement dans une structure conçue au préalable, laissant à l’improvisateur toute la liberté dans le jeu dans l’instant. Aussi, l’auditeur attentif pourra être médusé d’entendre de très brèves harmoniques suraigües émises à la fin d’interjections accélérées qui semblent jaillir du mouvement rotatif des contorsions extrêmes du phrasé du souffleur. Paradoxalement, cette musique brute avec ses sonorités agressives au vitriol, cette fragmentation excessive du phrasé, expression épidermique d’un sentiment de révolte exacerbé est en fait le résultat d’une réflexion profonde et très informée des processus de la création musicale. Evan Parker s’impose comme un explorateur scientifique des possibilités sonores du saxophone du soprano en utilisant systématiquement toutes ses ressources sonores et la juxtaposition de tous les intervalles entre chaque note de la gamme, l’auditeur ayant l’impression d’écouter avec un microscope l’empilement simultané de techniques de souffle divergentes qu’il parvient à faire coïncider par magie. L’exécution de plusieurs de ces intervalles demandent un travail intense pour réussir à émettre deux notes successives de manière parfaite, quelques soit leurs écarts dans la gamme. Il souffle en usant des positions de clés comme si les doigts d’un pianiste parvenaient à s’écarter les uns des autres comme dans un effet de dessin animé. On n’entend pas la moindre influence des saxophonistes qui l’ont précédé si ce n’est qu’il évoque cet effet sonore de Coltrane lorsque celui-ci s’égare en improvisant sur My Favourite Things, cheval de bataille coltranien et point de départ des recherches de Parker.
Dès ses débuts, Evan Parker s’est engagé à suivre la trace de Coltrane en poussant encore plus loin le cheminement jusqu’à donner l’impression d’une explosion ultime et jusqu’au boutiste des formes musicales et des sonorités consacrant l’intégration des bruits dans la pratique instrumentale. C’est une impression, car derrière cette véritable cacophonie appararente ressentie comme telle par l’auditeur lambda de musiques « idiomatiques » conventionnelles ou traditionnelles, se cache un musicien de très haut niveau et une pensée musicale supérieure. À l’époque, pour la majorité des auditeurs du free-jazz prédominant, il faisait figure d’outsider énigmatique face aux poids lourds des héros du saxophone, disparus (Dolphy, Coltrane et Ayler) ou confirmés et émergents (Shepp, Braxton, Lacy, Rivers, Liebman, Murray), bien que son ami Anthony Braxton déclarait tout le bien qu’il en pensait dans ses interviews. Deux critiques français d’alors ont soutenu son travail avec Bailey et Lytton : Laurent Goddet qui hébergea et aida activement Steve Lacy (The Rent) et l’indéfectible Gérard Rouy qui se fit le chroniqueur privilégié de l’improvisation « européenne » et immortalisa ses musiciens par ses innombrables photos dans Jazz Magazine. À l’époque, la mode était à Jan Garbarek qui enregistra avec Keith Jarrett chez ECM et fort heureusement, Anthony Braxton avait décroché le contrat du siècle avec Arista et Lacy faisait enfin son envol tant en solo qu’avec des albums en duo.
L’esprit et l’aspect sonore de ce premier concert solo est très voisin de celui qu’on découvre lorsqu’il joue en duo avec son partenaire préféré d’alors, le percussionniste Paul Lytton, duo initié en 1969 (Collective Calls et Unity Theatre publiés par Incus). Il faut quand même signaler que Paul et Evan travaillèrent intensément quasi deux années avant de faire leur premier concert en duo en 1971. Ce concert solo intervient l’année même du départ de Lytton pour la région frontalière Belge proche d’Aix la Chapelle où habitait alors Paul Lovens avec qui il créa un autre duo légendaire. C’est aussi l’année qui précède les premiers concerts de la Company de Derek Bailey et des rencontres avec Braxton, Lacy et Coxhill au sein de celle-ci. Evan est alors à un tournant de sa carrière où il se sent devenir un compositeur au moyen de l’improvisation « totale ». L’enregistrement solo suivant et publié en vinyle par Otoroku, Monoceros, date de 1978 et est très différent, inaugure magistralement ses performances solos tournoyantes où l’effet répétitif et « polyphonique » enrichissent l’aspect minimaliste d’une profusion de prouesses sonores. Et donc il s’agit d’un enregistrement unique qui permet de comprendre et d’expliquer sa démarche et de déniaiser l’auditeur comme ce le fut à l’époque. Comparer Saxophones Solos (1975), Monoceros (1978) et Six of One (1980), permet d’appréhender avec justesse le virage d’Evan Parker du bruitisme pur et dur issu des recherches de la M.I.C. vers une sorte de lyrisme inédit où se chevauchent différents aspects esthétiques. Otoroku publie ces trois albums en vinyle et aussi un boîtier qui rassemble les quatre albums solos de Parker en LP’s : Collected Solos https://www.cafeoto.co.uk/shop/evan-parker-collected-solos/ . Les précédentes éditions de Saxophone Solos se sont épuisées au bout de quelques années, la première ayant déjà été repressée par Incus en 1980 avec une qualité supérieure, il ne faut pas tarder à acquérir cette version vinyle si vous voulez découvrir assez vite cet album incontournable qui fit l’effet d’une bombe à l’époque. John Zorn et Michel Doneda, Mats Gustafsson et Stefan Keune vinrent y puiser une inspiration décisive. Brötzmann publia son premier album solo un peu avant (FMP 0360) et j’écoutais l’un et l’autre successivement. On trouve dans la discographie de Braxton solitaire une ou deux improvisations qui offrent des similarités évidentes au niveau des sonorités : dans ses Saxophone Improvisations Series F, je pense à ce morceau qui occupe toute la face B du double album publié par America. Mais aucun autre album solo de saxophone n’a laissé un tel souvenir à ses auditeurs médusés, rite d’initiation fascinant à la free-music radicale.
PS : s'il est devenu Sold Out chez Otoroku, vous le trouverez encore neuf chez de nombreux vendeurs via le web et discogs.
Makoto Sato Michel Kristof Julien Palomo Heaven of Discontent pas de label
https://othermatter.bandcamp.com/album/heaven-of-discontent
Album autoproduit par le guitariste noise Michel Kristof, le boss du label Improvising Beings Julien Palomo aux synthétiseurs et le fidèle percussionniste du free intégral parisien, Makoto Sato et enregistré à Aulnay sous Bois le 24 janvier 2021. Pochette et musique en forme de bilan momentané de la situation confuse et opaque de notre société. Photo au recto : micro nuages blancs de gaz lacrymogène au ras du bitume en noir et blanc, le titre heaven of discontent commenté « if hell is full of good meanings ». Après la crise des gillets jaunes, au vif de la pandémie et de sa gestion difficile, l’incompréhension mutuelle aidant, leur musique électrique dressée sur ses ergots, échappée free dosée en cinq pièces bien distinctes, dont une se souvient d’(Itaru) Oki, délivre un message d’urgence, de réflexions, de sonorités brutes ou très recherchées, des atmosphères tumultueuses (Prélude to a slap 6 :21) ou ouvertes à une forme d’introspection (I Remember Oki 12 :59). La guitare singulière, acide, tranchante comme les dents d’une tronçonneuse ou métamorphique, spasmes d’une harangue intérieure face aux adversités. Précarités, violences, hausse exorbitante des loyers, murs d’incompréhensions, péril sur le climat, dénis, soubresauts logistiques continentaux, extrême-droite galopante, déglingue dans les rapports humains, afflux de réfugiés, capitaux exorbitants. Le sentiment d’oppression est exprimé crûment dans les photos de pochette : panneau de manif : À qui profite le calme … ou imprimé à la bombe sur un mur métallique : Demain est annulé avec des manifestants masqués et émergeant d'un nuage de gaz. Lucidité et ressenti. Le batteur fait tournoyer la sauce sur ses fûts, le synthé oscille entre l’orgue cosmique ou un trombone métempsychosé éructant comme à la genèse du free radical européen. Les doigts du guitariste se crispe sur le manche, le plectre sautillant comme un écureuil dans les branches un soir de tempête. Mais It started to snow (9 :08) présente une autre perspective et pas la moins intéressante de cet album, avec un beau sens de l’espace. Chacun occupe son territoire et suit son chemin sonore tout en formant une unité soudée par l’élan ludique et la recherche confluente de sonorités dont le batteur souligne les scories par des frappes dosées en métrique libre sur ses peaux. Et une volonté de ne pas surjouer laissant chacun des deux autres en pleine lumière. Là où le "free" free-jazz rencontre le noise post-rock rétif à toute récupération - assimilation. Une excellente initiative réalisée avec soin et réflexion dans l’urgence.
Brothers In Music Paul Dunmall Simon Thoumire John Edwards Phillip Gibbs FMR CD615-0721
Fraîchement produit par FMR, cet enregistrement du 25/08/2004 avait été publié par Paul Dunmall sur son label Duns Limited Edition à un nombre très restreint de copies. Dans sa trajectoire musicale et les deux ou trois différentes directions suivies par ses groupes en constante mutation, Brothers in Music s’inscrit dans le sillage de la rencontre avec le guitariste Phillip Gibbs matérialisée par le CD Master Musicians Of Mu (SLAM) où le duo multiplie les approches sonores dans une espèce de musique de chambre fourmillante poussant Dunmall à ajouter flûtes et d’autres instruments de souffle. Ce duo s’est étendu au contrebassiste Paul Rogers, partenaire habituel de PD et qui inaugurait alors sa contrebasse à sept cordes et cordes sympathiques et une avalanche d’enregistrements en trio (Moksha Trio), auquel d’adjoignirent des invités, fut publiée par Duns Limited Edition au début des années 2000. Parmi les invités, le joueur de concertina et bagpipes Simon Thoumire et votre serviteur. Brothers In Music se situe parmi les plus belles réussites de cette époque délirante de l’évolution de Paul Dunmall. Si l’effet enivrant - microtonal de la contrebasse à sept cordes de Rogers a disparu, il est agréablement remplacé par l’énergie à la fois brute et sophistiquée de John Edwards sur un instrument plus conventionnel à quatre cordes dont il sait subvertir les codes. Imparable, le jeu fébrile, subaquatique et à peine amplifié (voire assourdi) de Phil Gibbs qui apporte des couleurs très particulières et contribue à la dynamique du quartet en créant un espace de jeu pour ses camarades. Simon Thoumire obtient des effet sonores qui se marient à merveille avec la guitare alors que les doigts du contrebassiste font résonner le gros son puissant du gros violon comme lui seul peut le faire. C’est surtout un son collectif, une sorte de folklore imaginaire, une circulation d’idées musicales, d’impressions et d’échanges subtils de propositions sonores expressives qui se complètent, se distancient, se distinguent tout en convergeant dans une réelle écoute. Sept improvisations collectives au modus vivendi en mutation, dialogues imaginatifs free … grappes de notes arrachées à la touche des instruments à corde, interactions multiformes… Dans le n°2 (Don’t Lie To Me), l’usage de courtes pauses instille le dialogue qui au fil des minutes s’intensifie de manière éminemment ludique avec des contrastes où chacun prend l’avantage quelques dizaines de secondes pour passer le relai alors que le bassiste assène des coups puissants à faire décoller le manche du corps de la contrebasse. N° 3 (Charles Wharles) : on se rend compte alors que le concertina provient effectivement d’un instrument oriental, l’orgue à bouche (khène au Laos, shô en Chine), tant Simon Thoumire sait insuffler de curieuses inflexions aux intervalles. Dans cette session, Paul Dunmall laisse jouer avant tout ses invités qui créent ici des paysages sonores mouvementés et distendus, son sax soprano s’insinuant seulement pour y ajouter la touche adéquate à l’équilibre. Avec les bagpipes de Simon Thoumire, on atteint une autre dimension, extatique, Dunmall soufflant hasardeusement avec une des pipes. Quand l’improvisation libre rencontre l’esprit du « folklore imaginaire » dans sa plus grande splendeur avec pas mal d’imprévus. Si vous êtes des amateurs ou des inconditionnels de Dunmall et que vous vous limitez aux albums avec batteurs dans une veine, disons plus « free – jazz », ce serait l’occasion de découvrir un autre univers musical, inédit.
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