Plasmic live at porgy and bess Agnes Heginger Elisabeth Harnik Uli Winter Fredi Proll inexhaustible editions ie-056
https://inexhaustible-editions.com/ie-056/
Quartet voix piano violoncelle et percussion chambriste et exquis à souhait. On ne présente plus la pianiste Elisabeth Harnik, la beauté de son toucher et le raffinement harmonique contemporain de son jeu. Belle surprise, la chanteuse Agnes Heginger dont la voix égrène subtilement vocalises enjouées et phonèmes en sursaut constant avec une grâce rythmique surprenante. En guise de « section rythmique » les efforts conjoints du violoncelliste Uli Winter et du batteur Fredi Proll, entendus il y a quelques années au sein du Trio Now ! avec la saxophoniste Tania Fetchmair. Pour eux, la musique de Plasmic, est une toute autre orientation, à la fois poétique, imbriquée à l’envi, sonique avec une belle part de risque dans le renouvellement des formes et des émotions. Avec ces six improvisations de longueur moyenne oscillant entre sept minutes et le quart d’heure, les quatres musiciennnes – ciens développent un sens de l’écoute, de la recherche en mettant en évidence le collectif et chaque individualité dans ce qu’elle a de plus intime. Du label slovène Inexhaustible Editions, nous viennent de belles surprises et s’ils affichent une démarche résolument radicale « sans concession » (Inexhaustible évoque le titre d’un album phare d’AMM), il proposent aussi des musiques libres moins austères dérivées du jazz contemporain, option pour laquelle ils ont un goût judicieux. Ce magnifique Plasmic dévide sa petite musique en joignant au sérieux contemporain, la qualité des échanges, un savant dosage de l’invention et de l’ubiquité ludique à un superbe raffinement qui cadre admirablement avec la finesse musicale et la vocalité elfique d’Agnes Heginger. Au fur et à mesure que défilent les plages, Agnès se libère et effeuille les nombreuses facettes de son talent entraînant ses trois collègues dans des séquences cascadantes, des dialogues impromptus, des interactions diffuses et éclatements subits de formes volatiles … Uli Winter tiraille et pressure son archet sur les cordes crissantes ou chuintantes, des effets miroitants de harpe folle surgissent de l’âme du piano d’Élisabeth Harnik fertilisant les murmures ombrageux de la vocaliste. Dans une telle compagnie, Fredi Proll , un batteur prolixe quand il le faut, s’est mué avec en bruiteur discret et ponctuel avec beaucoup d’à-propos (ah ! , il y a une batterie ?) et de respect de la liberté collective et individuelle.
Un magnifique album.
Dave Tucker & Pierpaolo Martino Melophobia Confront Core 25
https://confrontrecordings.bandcamp.com/album/melophobia
Melophobia : la phobie de la mélodie ? Dave Tucker est un des guitaristes insignes de la scène londonienne qui gravite autour du London Improvisers Orchestra , de Mopomoso et du Café Oto. Son improbable trio de gloire nous a livré deux albums mémorables en compagnie de collègues trop British pour émoustiller les médias spécialisés : l’extraordinairement subtil et explosif tromboniste Alan Tomlinson et le batteur atypique par excellence, Phil Marks (de Bark !). En compagnie du bassiste Pierpaolo Martino, un natif des Pouilles entendu aux côtés de Steve Beresford et de Valentina Magaletti ou avec Gianni Mimmo, Dave Tucker nous révèle la face noise exacerbée de son travail avec force effets, drones électrogènes, vibrations saturées et occurrences métalloïdes subtilement mises en valeur. Avec ce qu’il faut de noirceur et d’ombres, le contrebassiste met en valeur les paysages sonores et les déflagrations contrôlées du guitariste qui ne dédaigne pas la mélodie ni une dimension ludique. 11 improvisations intitulées Melophobia I à XI nous livrent des pièces d’un seul tenant, arcboutées par l’électricité à saturation , crissante, obsessionnelle, criant gare auxquelles répondent les parties de contrebasse carrément punk de son alter ego. Avec cette électricité saturée agressive, Dave Tucker tisse une trame étirée et acide, fils barbelés soniques hérissés dans les suraigus rendus encore plus implacables et cisaillantes par l’absence de batterie ou de percussion. L’air chargé d’électricité nous fait voir venir un orage magnétique, évité fort heureusement par le découpage modeste des durées de chaque improvisation, la plus longue totalisant plus de neuf dangereuses minutes. Le dosage minutieux et la lisibilité des excès sonores de Dave Tucker ici enregistrés et la sagacité de son compère bassiste, permettent une écoute analytique sans que celle-ci ne faiblit l’exutoire rageur de ce duo magnifiquement noise. Plus on se rapproche de la fin, s'impose le cri primal du rock le plus noir, le plus rebelle.
Confront Records, le label incontournable de Mark Wastell a encore frappé.
Suspensão Impromptu Ernesto Rodrigues Nuno Torres Bruno Parrinha Luisa Gonçalves Flak João Madeira Carlos Santos José Oliveira Creative Sources CS 773CD
https://ernestorodrigues.bandcamp.com/album/impromptu
La scène improvisée portugaise est devenue incontournable au fil des années pour sa musique de chambre expérimentale et ses multiples projets rassemblant un énorme pool de musiciennes – musiciens à géométrie variable avec un sens profond du collectif. Ernesto Rodrigues est sans doute un de ses plus remarquables catalyseurs tant par le nombre et la diversité des groupes auquel il participe que par la publication systématique d’enregistrements de qualité via son label Creative Sources. Outre Ernesto au « violon » alto et au crackle box, on note la présence de ses collaborateurs habituels tels que Nuno Torres au sax alto, Bruno Parrinha à la clarinette basse, João Madeira à la contrebasse, Carlos Santos au synthé modulaire et José Oliveira à la percussion. Luisa Gonçalves et Flak complètent cet ensemble Suspensão au piano et à la guitare électrique respectivement. Cet Impromptu sonne comme une œuvre très cohérente d’une grande diversité sonore. L’imbrication des interventions individuelles fonctionne à merveille, chacun se détachant un court moment de l’ensemble ou agit en filigrane. La dynamique et le sens égalitaire du collectif sont les maîtres mots de l’ensemble Suspensão. Miasmes, bourdonnements, notes égarées, interventions isolées, vibrations, hésitations, frétillements de l’archet, coups de bec, fragiles glissandi ou bruissements persistants, micro frappes percussives, toutes ces figures de style et sons spontanés créent une trame, un patchwork mouvant où pointent des directions subites, des changements de cap ou une renouvellement complet de l’ambiance sonore. Une idée émise par l’alto aboutit à une friction de la guitare, des grincements engendrent des clusters au piano qui s’évanouissent au profit d’un léger fracas percussif ou une vibration électronique. Au fil de l’improvisation unique au titre improbable, l’éclairage et la perspective se modifie comme si on pénétrait un autre univers. En sollicitant une myriade de sons possibles au sein de leur instrumentarium, les huit improvisateurs de Suspensão créent un momentum délicat et insaissable tout en focalisant notre écoute. trente-cinq minutes qui s’échappent comme un rêve. Un merveilleux moment de musique improvisée éminemment collective.
Music for Trombones, Bass Clarinets & Horn Franco Donatoni, Iannis Xenakis, Xavier Bonfill, Thanos Chrysakis, Tim Hodgkinson Aural Terrains TRRN 1751
https://www.auralterrains.com/releases/51
Le travail de producteur d’enregistrements, d’initiateur de projets et d’organiste (et aussi électronicien) de Thanos Chrysakis se situe dans l’interpénétration des démarches respectives de compositeurs contemporains et d’improvisateurs. Le catalogue très choisi de son label s’étoffe au fil des mois et des années dans cette direction. Cette Musique pour trombones, clarinettes basses et cor rassemble des œuvres de Franco Donatoni ( Ombra – 1984) d’Iannis Xenakis (Keren 1986), Xavier Bonfill (2X2 – 2020), Thanos Chrysakis (Septet – 2020 et Axis Mundi – 2016) et Tim Hodgkinson (Anérithmon – 2020).Ombra, Keren et Axis Mundi sont écrits pour des instruments à vent en solitaire. Jason Alder est aux prises avec les graves graveleux et carbonés de la clarinette contrebasse d’Ombra de Donatoni, un remarquable exercice ludique qui s’étend sur douze minutes suspendues dans l’espace et rend grâce à la densité et aux possibilités sonores de cet énorme instrument. Interprété par le tromboniste Christian Larsen, Keren de Xenakis cultive les résonnances du pavillon et des lents effets de coulisse qui font encore plus de sens quand surgit le duo Alder et Larsen aux prises dans les drones atmosphériques du 2X2 de Xavier Bonfill. Jason Alder (clarinette basse et pédale midi / live electronics) et Christian Larsen (trombone et pédale midi/ live electronics. Pour notre plus grand bonheur, surgit le Septet de Thanos Chrysakis (2020 – 11 :30) interprété par Tim Hodgkinson et Jason Alder (clarinettes), Julian Faultless (horn), Ben Vernon et Ed Lucas (trombones), Yoni Silver et Hannah Shilvock (clarinettes basse) et Leo Geyer (conductor). Cette pièce remarquable aux textures mouvantes suspendues dans l’espace avec ce qu’il faut de glissandi est suivie du superbe Axis Mundi du même écrit pour le cor solitaire de Julian Faultless. Anérithmon de Tim Hodgkinson, autre morceau de consistance de ce recueil nous fait découvrir trois trombones (Vernon- Lucas- Larsen) face à trois clarinettes basses (Silver - Shilvock – Alder). Outre les œuvres spécifiques de chaque compositeur, l’album Music for Trombones, Bass Clarinets & Horn est conçu pour mettre en valeur des conceptions communes à chacun d’eux et devient aussi l’œuvre de son initiateur – producteur, Thanos Chrysakis et une entreprise collective et collaborative pour chacun des instrumentistes au niveau de leur sensibilité propre et de leurs centres d’intérêts. Je vous passe la description musicologique, mais vous recommande expressément ce nouvel album d’Aural Terrains.
M.A.D. Michael Fischer Alessandro Vicard Dieter “Didi” Kern Interstellar Records LP INT056
https://madvienna.bandcamp.com/album/fischer-vicard-kern
Michael Fischer est sans nul doute un des meilleurs représentants Autrichiens du saxophone (ténor) dans l’improvisation radicale, instrument qu’il agrémente d’un analog-no effect feedback quand il ne chante pas (dans Wolizei). Il conduit aussi le Vienna Improvisers Orchestra depuis deux décennies et maintient une solide carrière https://m.fischer.wuk.at/about.htm . Ses partenaires dans le trio M.A.D. sont le contrebassiste Alessandro Vicard et le batteur Dieter « Didi » Kern, entendu aux côtés de Mats Gustafsson, Marshall Allen, Elisabeth Harnik, Juini Booth (R.I.P.) et Marco Eneidi etc…. at aussi une valeur sûre dans la scène rock underground. Rassurez-vous, Didi est un véritable free drummer et il assume aussi cette magnifique liberté de séquences rythmiques décalées lorsque Michael Fischer utilise sa voix ou bruite avec son installation d’analog-no effect feedback saxophone. Le contrebassiste s’infiltre ou s’impose dans l’espace ludique. On songe à la démarche « improv-punk » du batteur Peter Hollinger disparu récemment après avoir été quasiment omniprésent aux côtés de Jon Rose, Dietmar Diesner, Hannes Bauer, Wolfgang Fuchs. On trouve dans cet album des audaces noises radicales, une filiation post punk- no wave, des ambiances mystérieuses ou parfois accrocheuses le tout instillé dans un no-man’s land instable. Comment caractériser le tintinabullement de cymbales entouré de feedbacks et de murmures sonores de schweber en face B. Ou l’improvisation collective noise aiguillée de micro-frappes de percussions, avec ces grésillements électroniques et le saxophone « électronique » torturé de ruff times ruff tones… qui monte en puissance bousculée dans un crescendo de free-drumming. Le morceau court suivant (breathe) est, surprise, une pièce introspective au bord du silence et un brin grinçante, avec une focalisation sur les détails sonores très lisible et apaisée. Un album réjouissant adressé au public friand de noise déjanté et de free punk primal allumé.
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Bonne lecture Good read ! don't hesitate to post commentaries and suggestions or interesting news to this......