Richard Duck Baker Plays Monk – solo fingerstyle guitar CD Fulica Records.
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Réédition du rare vinyle Monk publié par Triple Point Records qui rassemble une série de neuf interprétations de compositions de Monk, transcrites pour la guitare six cordes fingerstyle par son interprète Richard Duck Baker, un spécialiste mondial du ragtime, du blues, du jazz swing ou be-bop et du folk joués exclusivement avec les dix doigts des deux mains sur la touche et le cordier. Aussi , Duck est un as de la guitare free improvisée. J’avais précédemment chroniqué cet album en vinyle. Aux neuf morceaux de Thelonious Monk enregistrés pour ce Lp ont été ajoutés 7 morceaux ou versions alternatives. Je cite : Blue Monk, Off Minor, Bemsha Swing, Round Midnight, Light Blue, Straight No Chaser, Jackie Ing, In Walked Bud, Misterioso (contenu du LP Triple Point) et les Bonus Tracks Confirmation, Introlude, Kojo No Tsuki ( Japanese Folk Song), Misterioso (alternate take), Light Blue (alternate take), Straight, No Chaser (alternate take), Blue Monk, 2.
C’est une réussite totale. Comment parvenir à jouer les accords, la mélodie, une partie de basse et y imprimer le swing et le rythme avec de telles compositions écrites pour coïncider au jeu de piano intense, puissant et particulier du plus improbable des pianistes de jazz , réputé « anti-académique », au moyen d’une guitare espagnole avec des cordes nylon et les doigts de la main. Il faut tenir compte des intervalles possibles des doigtés de la main droite avec six cordes et ceux de la main gauche en tenant compte des intervalles entre Mi-La- Ré-Sol-Si-Mi, l’écartement des doigts et du mouvement des mains de haut en bas du manche. Un vrai casse – tête orchestral. Mais la résolution de ce casse-tête technique et musical a un parfum, un charme, une personnalité musicale, une expression qui transcende la musique de Monk. Il suffit d‘écouter ses paraphrases bluesy qui cernent petit à petit le thème de Blue Monk, le swing jubilatoire qui imbibe Jackie-Ing ou Bemsha Swing, titre interprété sur le versant swing proche de Basie. Comment interpréter Misterioso avec une technique de picking folk. Le talent multiforme et savant de Duck Baker se joue des difficultés, des problèmes posés par ces thèmes anguleux et mystérieux en créant son idiome personnel adapté à chacun des angles de vue et des perspectives pour recréer ces standards du jazz moderne. Cet album est une réussite magistral et procure un grand plaisir à l’écoute. Une gâterie pour les nombreux admirateurs du légendaire pianiste et les amateurs de musique instrumentale pour guitare, celle-ci avec une légèreté aux antipodes granitiques et abyssaux du colossal Monk .
Baker a aussi enregistré une série de compositions d’Herbie Nichols (Spinning Song – Avan produit par John Zorn), des morceaux d’Ornette ou de Dollar Brand, des standards swing ou be-bop. Une série de duos avec Roswell Rudd, John Zorn, Eugene Chadbourne, Ben Goldberg, Michael Moore, Derek Bailey et un trio avec Alex Ward et John Edwards ont été publiés. Certains de ces enregistrements le sont par Derek Bailey (deux CD’s de duos pour le label Incus) et par Emanem (Outside en solo & Guitar Trios avec Chadbourne et Randy Hutton. Duck Baker figure dans l’album Fencing de John Zorn (Tzadik). Il est l’auteur de nombreux livres, vidéos d’apprentissage de guitare fingerstyle pour différents styles de musiques : folk irlandais, ragtime, jazz swing et moderne… et d’un grand nombre d’albums de musiques traditionnelles. Artiste unique à découvrir d’urgence.
Stop Time Live at Prince Street 1978 Barry Altschul David Izenson Perry Robinson No Business NBCD 163.
https://nobusinessrecords.bandcamp.com/album/stop-time
Un rare album avec clarinettiste Perry Robinson (1938 - 2018) rarement enregistré en trio depuis le disque d’Henry Grimes pour ESP (The Call), ici dans le loft d’Ornette Coleman dans Prince Street, NYC et en excellent compagnie. En effet, il est secondé par le légendaire bassiste David Izenson(1932-1979) avec qui Ornette a tourné en Europe et enregistré ses concerts de 1965 au Gyllene Cirkel de Stockholm pour Blue Note et à Croydon pour les A.B.P. , les Alan Bates Productions rééditées abondamment par la suite par Arista Freedom et Black Lion, Intercord et cie… enregistrement intitulé An Evening with Ornette Coleman. Ce trio d’O.C. incluait aussi le batteur Charles Moffett et se trouve aussi au catalogue du label ESP (1003) sous le titre the Town Hall Concert, album considéré comme un bootleg par le management d’Ornette.
Avec beaucoup de veine, s’est ajouté pour ce concert d’un soir et sans lendemain, l’incomparable batteur Barry Altschul, un phénomène du rythme et de la batterie, élève de Charlie Persip, lui-même un favori de Dizzy. Une partie du public afro-américain du free-jazz des années septante trouvait injuste qu’un blanc, comme Altschul, puisse truster les nombreux concerts de Sam Rivers et Anthony Braxton, avec le prodigieux contrebassiste Dave Holland. Et pourtant Barry a été le pilier incontournable du quartet de Braxton de 1972/73 jusqu’en 1978 tout en étant le premier choix des trios « libres » de Sam Rivers, qui tous deux écumaient tous les festivals de ces années folles du free-jazz. Quelques années auparavant, Barry fut le batteur titulaire du génial Paul Bley Trio après le passage de Paul Motian auprès du pianiste canadien. Avec Paul, il enregistra sept albums de ce trio magique où le batteur passait d’une rythmique à la fois précise et relâchée avec une extraordinaire élégance vers le foisonnement du free drumming. Leur bassiste fut, entre autres, Gary Peacock. Cette rencontre met en valeur le lyrisme chaleureux et fugace de ce clarinettiste atypique, un fidèle de Jeanne Lee et de Gunther Hampel et un proche des Brubeck. Jouée librement et spontanément, cette musique d’échanges nous fait redécouvrir ce remarquable contrebassiste qu’était David Izenson à l’époque où il tournait (enfin) avec Paul Motian en personne et le saxophoniste Eddie Brackeen, un autre aventurier du free jazz. Ce trio a enregistré le LP Dance pour ECM et Brackeen, un album Strata East avec Don Cherry, Haden et Blackwell. Juste pour vous situez ces illustres inconnus dans le contexte de la scène d'il y a presqu'un demi-siècle. On navigue ici en plein blues, Perry évoquant au début des mélodies ornettiennes en diable en hommage à son hôte bienveillant et souriant. Le chant volubile et spiralé de Perry Robinson s’envole dans tous les azimuts au bout de canevas mélodiques qu’il étire jusqu’à la pointe de leurs aigus, glissants, forcenés. Le charmeur de serpent. Le drive du batteur est ultra-puissant, complexe et parfois infernal. Il y a de l’Elvin Jones chez cet homme : il adore tourner autour des prythmes et des temps en découpant les figures rythmiques foisonnantes et ambiguës, faisant exprès de se perdre dans un dédale entre swing désinvolte et free grandiose. Les formules rythmiques se métamorphosent à l’extrême limite du swing et le jeu de frappes libertaire les envahit un instant pour rebondir impeccablement sur le temps (mais lequel ?) quelques secondes plus tard. C’est à la fois calculé et hasardeux. Notez qu’il est débarrassé de ses ustensiles percussifs habituels pour se concentrer sur la batterie elle-même. Jouant régulièrement dans le contexte du quartet de Braxton avec l’impeccable David Holland et le trompettiste – bugliste virtuose Kenny Wheeler ou le phénomène George Lewis, il avait tendance à respecter les instructions du leader et de brider quelque peu son jeu par comparaison à la liberté spontanée octroyée par Sam Rivers (cfr Cd d'archives chez No Business). Ici, loin des feux de la rampe des festivals, Barry se lâche, jamme comme un malade et malgré un enregistrement de qualité relative (cassette), on l'entend entraîner ce trio dans une aventure épique, un fracas tellurique, une explosion de joie. Des rythmes latins prennent des dimensions inouïes, le chabada be-bop aux balais se révèle fugace au tournant avant que le déluge se déchaîne. Le grand bénéficiaire et le sorcier de la séance est l’extraordinaire Perry Robinson qui nous gratifie d’une performance délirante, ultra-vitaminée, joyeuse et effervescente. Faire face à un batteur aussi intimidant en surfant sur de telles vagues de rythmes, de frappes et de roulements aussi puissantes que synchronisées de manière aussi diabolique, est autant une partie de plaisir charnel intense qu’un challenge redoutable, stressant. il semble infatigable et superbement inspiré, émoustillé, pris à la gorge, virevoltant dans des enchêtrements complexes de modes et de canevas mélodiques abandonnés aussitôt qu'ils surgissent de nulle part. Cette profusion de rythmes libres et de sons se développe au dépens du contrebassiste, le superbe David Izenson, dont on saisi de belles interventions lyriques. À l’époque, David jouait en trio avec Perry Robinson au sein de l’UNI- Trio avecla participation du batteur Randy Kaye, celui-là même qui fit partie du trio de Jimmy Giuffre (Music For Birds, Butterflies and Mosquitoes et The Train and the River / Label Choice) entre 1973 et 75. Ce serait une excellente idée, pour profiter pleinement de la présence de ce bassiste sensible trop tôt disparu, de publier un album d'UNI - Trio, Randy Kaye étant généralement plus discret qu’Altschul ici. Fantastique album dans une autre vie.
DDK : A Right of Silence Jacques Demierre Axel Dörner Jonas Kocher Meenna meenna-952
https://meenna.bandcamp.com/album/a-right-to-silence
Trois compacts contenant “la même musique » provenant de la même session (Les Cabanes, Tarn, France). Chacun des artistes de DDK, le pianiste Jacques Demierre, le trompettiste Axel Dörner et l’accordéoniste Jonas Kocher ont fait publier leur propre choix sélectif tiré de cette session, des pièces en les ordonnant et les éditant individuellement dans chacun des trois compacts sans rien révéler aux deux autres, cela jusqu’au mix final. Le contenu total de la session excède largement la durée d'un seul des CD's. Conséquence : certaines pièces se retrouvent sur chaque CD, d'autres sur deux CD's et certaines sur un seul CD, pour ne pas faire simple. Présent ici, lee principe de non-influence-dans-le-choix-des-autres. Libre à chacun d’insérer des zones de silence dans le déroulement des pièces ainsi rassemblées. The Right To Silence. Le silence est un ingrédient fondamental de la musique du trio DDK et je dois dire que cet aspect des choses semble organique lorsqu’on écoute des trois CD’s 1/ Jacques Demierre ‘s Choice 2/ Axel Dörner’s Choice 3/ Jonas Kocher’s Choice et en lisant le livret accompagnateur contenu dans le coffret blanc. Le recto immaculé indique DDK A Right To Silence. Je ne vais pas épiloguer sur cette démarche d’édition individuelle des mêmes enregistrements en trio sélectionnée indépendamment avec le principe de non-influence-dans-le choix-des-autres. Ce qui compte est la musique que nous écoutons au travers d’un album digital et d’une installation hi-fi, les narratifs envisagés par chacun d’eux. Elle s’isole de notre perception du temps, de la durée et de l’espace et diverge d’interactions constructivistes imbriquées. On parlera plutôt de juxtapositions ou superpositions momentanées d’actions instrumentales éphémèrement homogènes ou hétérogènes dans le chef de chacun des trois musiciens dans leur propre langage – idiome sonore, le silence étant un élément moteur déterminant. Et le sens de la dynamique, un autre. À certains moments, il semble s’échapper et à d’autres, il s’impose. Jonas Kocher faisant souffler un cluster qui s’évanouit assez vite alors que Jacques Demierre égrène des notes scintillantes, joue d’une touche une corde grave assourdie, le doigt appuyé sur les fils torsadés. Le souffle bruissant du trompettiste, l’air qui agite à peine le pavillon et ses succions extrêmes de l’embouchure dans les ultra aigus contrastent avec l’air lancinant colorant les clapets de l’accordéon et le mouvement nonchalant de sa résonance, son bourdonnement intime souligné par une corde vibrante et bloquée du grand piano produisant ce bruit sourd caractéristique. Ailleurs une vague de notes répétées et résonnantes au piano entraîne des oscillations des extrêmes aigus sursautant de la trompette, rejointes ensuite par des notes tenues ou légèrement tremblantes de l’accordéon jusqu’à ce que le piano se taise et que l’accordéoniste esquisse une idée mélodique. Pour finir, sur sa lancée, Axel Dörner déchire seul le silence… Ce morceau ressemble alors plus à une musique « narrative ». Se révèlent imperceptiblement au fil des plages et des silences d’autres types d’occurrences, de congruences, de silences et … une connivence. Une sensibilité partagée. Est-ce le fait d’Axel, de Jonas ou de Jacques ?
Un autre aspect de leur musique enregistrée ici est la place de chaque instrumentiste dans l’espace face aux micros. Cette situation physique doit sans doute avoir une conséquence sur leur choix personnel à la base de chacun des trois CD’s, leur perception de la musique jouée au moment-même étant tributaire de leur expérience auditive et active dans ce trio. L’un à gauche, l’autre à droite et le troisième au milieu. On peut écouter chacun des trois CD’s à la file sans s’apercevoir que les morceaux se répètent ou même s’enchaînent. Les sons se répandent sans solution de continuité et de discontinuité même lorsqu’ un tutti paisible ou plus intense s’immisce ou surgit. Sur chacune des pochettes individuelles, on peut lire les mêmes titres de morceaux avec leurs minutages différents dans trois ordres différents de 1 à 8 ou de 1 à 10. Enfin peu importe, au lieu de réécouter le même unique disque qui aurait contenu une seule sélection de cette session, nous avons le loisir de nous pencher sur ces trois versions et découvrir une musique différente à chaque CD écouté. Et la perception de la durée change perceptiblement d’un disque à l’autre. L’intérêt de cet album à trois est qu’il s’échappe d’une « catégorie » d’improvisation libre, d’une démarche bien définie pour une tentative de recherche multiple, complémentaire ou en parallèles désunis et dont on se passe de vouloir exprimer précisément sa ou ses définitions. J’apprécie beaucoup, entre autres parce que le définitionnisme et sa vulgate me font rire. Dans quel tiroir mental caser la musique de DDK ? Un genre de musique à lui tout seul à la fois défini par l’enregistrement, qui leur rend ici un grand service, et insaisissable.
PS. Veuillez m’excuser si je n’atteins pas ce qui est requis pour commenter et expliquer cette œuvre. Je suis un critique autodidacte avec une expérience d’écoute exercée au bout de quelques décennies. Je n’ai pas fait d’études de musicologie, de composition, ni même de stage d’improvisation, et aucun cours de chant, étant quand même vocaliste sur scène depuis plus de vingt ans. Mais je peux vous assurer que l’écoute de ce coffret de DDK offre un réel intérêt.
L’île aux Trésors Jean-Marc Foussat & Jean-Jacques Duerinckx FOU Records FRCD56
https://www.fourecords.com/FR-CD56.htm
https://astateofmutation.bandcamp.com/album/lile-des-tr-sors
Première rencontre, premier concert et premier disque. Un phénomène de la musique électronique (DIY : fais-le toi-même) et preneur de sons attitré des musiques libres : Jean-Marc Foussat et un phénomène des anches extrême et du souffle au sax sopranino et baryton : Jean-Jacques Duerinckx. Le son du sax est souvent traité et transformé par l’électronicien tout au long des deux parties de ce concert mémorable (Bruxelles, Haekem Théâtre le 16 mai 2023 26’30’’ et 25’33’’). Les titres : Le trésor d’Il et Elle aux trésors. Contrairement aux albums de Marteau Rouge avec Evan Parker ou des albums de Jean-Marc Foussat avec Evan Parker, Jean-Luc Petit, Urs Leimgruber, Sylvain Guérineau, tous souffleurs, le souffle brûlant de Jean-Jacques est largement incorporé au travail électronique du musicien qui s’en sert comme d’une matière, une source de sons qu’il exploite, trafique et module au sein de son dispositif – pandemonium. Strates, drones, superpositions de fréquences, vibrations de moteurs, résonances, bruitages, échos de voix folles, grésillements, boucles décalées, tumultueuses ou happées par un tourbillon ou aspirées dans un siphon. Laminage, broyage, interférences et parasitages de fréquences et de vibrations…Au début de la performance, on entend clairement le sax sopranino de JJD (le trésor d’il) chercher et explorer la colonne d’air et… ensuite tournoyer avec sa sonorité « normale » chargée d’intensité comme un souffleur de ghaïta du Maghreb…. Cette séquence montre à souhait l’esprit d’à propos de Foussat : des pulsations affleurent naturellement dans le flux électro-acoustique. Le souffle du baryton surgit dans Elle aux trésors après que J-MF récite le texte poétique de Laure où il est question de ville – poulpe, quasi vers la fin. La pochette arbore un détail d’une peinture de Félix Valotton (Marée Basse à Villerville) : plage, flaque d’eau, mer, barques de pêcheurs et nuages bas… Si Jean-Marc Foussat est un preneur de son très expérimenté (il suffit d’écouter les albums publiés par FOU Records pour s’en convaincre) avec de solides connaissances techniques et une belle intuition, il s’affirme comme un total autodidacte, un poète libertaire de l’électronique analogique avec l’aide de sa voix, d’objets, de cloches, d’un piano, ouvert aux échanges libres avec des improvisateurs quellles que soient leur orientation esthétique au sein de la mouvance improvisée « libre » radicale. Son modus vivendi est attaché principalement à la personne, à l’être humain avec qui il partage la scène ou le studio sans idées préconçues. De même, JJ Duerinckx est un artiste inclassable aussi à l'aise dans le free-rock psyché, l'improvisation radicale, la musique écrite, l'électronique et le solo absolu
Une démarche d’ouverture pour une musique à la fois compacte et détaillée, monolithique et inexorablement évolutive.
Flight rvw2349 Georg Wissel Guilherme Rodrigues Michael Vorfeld
https://guilhermerodrigues.bandcamp.com/album/flight-rvw2349
Michael Vorfeld étant un percussionniste sonoriste radical, ses conceptions trouvent un écho dans la contribution de ses deux acolytes, comme on peut l’entendre dans l’introduction de cet album d’un seul élan exploratoire de 32 minutes enregistré le 29 avril 2023 au Petersburg Art Space. Des séquences improvisées s’enchaînent où chacun propose un narratif, une manière de jouer qui s’éloigne ou se rapproche de celles de l’un ou des deux autres, sans pour autant évoluer comme l’habituel trio sax, basse (ou violoncelle) post free-jazz. Le souffle féroce et ultra incisif au sax alto de Georg Wissell peut se retrouver au centre un moment avec les cadences décalées de l’archet puissant de Guilherme Rodrigues alors que Michael Vorfeld secoue ses cymbales ou simplement une pulsation distraite sur une ou deux cordes assourdie. L’instant d’après le jeu du souffleur se fait à peine entendre entre les murmures, frottements et grincements du trio. Ça percute, vibre, flotte, grince à l'unisson, siffle, frotte, harmoniques sauvages, crisse désespérément, occulte, glisse, croasse, étire, intercale des accents, dialogue, sursaute, puis s'étale au bord du silence. On passe inexorablement d'une séquence à l'autre sans crier gare, croisant des figures et des sons contradictoires, on bruite,frictionne, les égosillements du sax se détache, on vocalise de rage et l'archet frictionne des clusters. C'est rondement mené : une traversée d'une multitude d'occurences sonores ... Plus tard, harmoniques d'un tube soufflé, sax lunaire, frottements, mystère, introversion plongée dans les sonorités manipulées sans répit mais en douceur. L'art de la transition, du passage de témoin collectif, de l'arrivée d'un silence révélant des timbres métalliques irréels (Vorfeld !). Une belle réussite digitale en terrain inconnu, finalement ! Cet album est une expression convaincante de cette scène germanique pointue, foncièrement originale qui s’est développée à travers les divers Länder allemands entre Cologne, Mûnster, Brême, Hambourg, Hannovre etc et parmi de petites villes de province. Basée sur l’exploration sonore, l’écoute mutuelle et une intransigeance esthétique couplée avec un profond esprit d’ouverture et de partage. Art spontané autant que profondément réfléchi.
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