Marcelo Dos Reis Luis Vicente (un)prepared pieces for guitar and trumpet Cipsela
https://cipsela.bandcamp.com/album/un-prepared-pieces-for-guitar-and-trumpet
Camarades de groupes et de tournées , le trompettiste Luis Vicente et le guitariste Marcelo Dos Reis ont décidé de mettre en commun le fruit de leurs expériences, leurs idées musicales et leurs émotions pour créer une belle musique en duo. On les a entendu dans Chamber Four avec l’album éponyme, City of Light et Dawn to Dusk en compagnie de Vincent et Théo Ceccaldi. On les retrouve dans le groupe Fail Better! et le Frame Trio. Ces deux improvisateurs proéminents de la riche scène lisboète se connaissent donc bien : leur enregistrement en duo réalisé lors d’une résidence est donc pleinement justifié. Le catalogue Cipsela nous a confié quelques perles et celle-ci est une précieuse addition. Huit compostions distillent de subtils modes de jeux, canevas mélodiques, quelques explorations sonores, trames guitaristiques et ambiances cycliques, lyrisme plastique du trompettiste (dont c’est sans doute l’enregistrement le plus convaincant), et son sens inné de la mélodie. Les quelques gangues et longueurs rencontrées dans les précédents albums précités se sont évanouies face à cette réelle perfection. Les deux musiciens prennent le temps de jouer, de développer leurs idées et les structures de chaque pièce, de flotter dans l’espace en créant eux-mêmes la rythmique alanguie, la cadence de leurs improvisations. On est ébloui par la magnifique sonorité de Luis Vicente, une voix profondément intime, soyeuse, et conquis par les séquences déchirantes des éclats dans l’embouchure. Marcelo Dos Reis construit un superbe écrin pour mettre en valeur toutes les qualités de son comparse. Ce duo est une véritable gâterie musicale et dans un festival il pourra créer un moment idéal de relaxation sonore apaisant et chatoyant pour les auditeurs. Cela dit, il y a aussi des passages remarquables où le trompettiste nous envoie des scories de souffle compressé fragmentant et cisaillant la colonne d’air avec des timbres et des sonorités très recherchées.
Cosmic Listenings Marilza Gouvea Stefania Ladisa Marcio Mattos Marcello Magliocchi Plus Timbre
https://plustimbre.bandcamp.com/album/cosmic-listenings
De l’improvisation collective de haute volée ! Basée sur le principe d’une écoute mutuelle intense d’instant en instant et l’importance prépondérante du moindre geste, du moindre son dans la réactivité et le partage dans le temps et l’espace auditif, ce quartet accomplit des merveilles en prenant le temps de jouer. Registre musique de chambre, invention méticuleuse permanente. La chanteuse Marilza Gouvea s’applique à faire vivre son organe vocal dans de multiples incarnations d’oiseaux siffleurs, de fées des étangs rêveurs et de ces écureuils sautillant entre les branches des arbres. Ici dans les embranchements sonores et vifs des archets et des touches du violon enchanteur de Stefania Ladisa et du violoncelle impavide de Marcio Mattos, mais aussi sagace et visionnaire. À la fois omniprésent et discret, Marcello Magliocchi nous régale par ses commentaires micro-percussifs sur tous les coins et recoins de sa mini – batterie, digne de celle de John Stevens, lequel offrit son premier gig londonien à Marcio quasiment le jour de son arrivée en 1969. Comme contrebassiste, Marcio Mattos fut des équipées de Keith Tippett, Elton Dean, Tony Marsh, Mike Osborne, Ken Hyder aujourd’hui disparus et contrebassiste de confiance d’Eddie Prévost durant des années. Cette pratique de la contrebasse lui a apporté un sens rythmique imparable qui, parmi de nombreuses autres qualités, qui nourrissent la sûreté de ses improvisations au violoncelle, leur cohérence inventive. Dans la scène British, on cite imperturbablement des créateurs de premier plan comme Derek Bailey, Evan Parker, Tony Oxley, Barry Guy, Paul Rutherford, John Stevens, AMM, Lol Coxhill sans voir qu’une personne comme Maggie Nicols est elle aussi une pionnière incontournable. De même, au violoncelle, Marcio Mattos a développé une présence incontournable (discrète, mais essentielle) avec ce violoniste exceptionnel qu’est Philipp Wachsmann, avec Phil Minton et l’équipe bourgeonnante de Chris Burn, John Butcher et Jim Denley (il y a longtemps). La présence de ce maestro conduit ses compagnes et compagnons à donner le meilleur d’eux – mêmes, à se focaliser sur l’essentiel et à dépasser leurs limites en créant un réseau de correspondances intimes, un rhizome de connivences et ce dosage infiniment précis et mesuré des interventions individuelles dans une démesure intériorisée et assumée. Ils créent ainsi une magnifique mosaïque en quatre dimensions. La présence de Marcio suffit, sa gestuelle au violoncelle communique un bon sens collectif car lui-même ne fait que servir la cause commune. Pas le moindre solo individuel dans sa / leur musique, mais une inébranlable construction collective. Et cette auto-discipline qui pourrait sembler austère dans l’univers souvent expansif du « free-jazz » n’empêche pas Marilza Gouvea de complètement se lâcher comme une furie , rengorgeant imprécations coléreuses et glossolalies quasi- hystériques, quand le besoin se fait sentir. Alors qu’ailleurs, elle se focalise sur un matériau ciselé. Stefania Ladisa choisit inconsciemment le moment adéquat pour insérer ses sinueux mélismes qui enchantent ce quartet drivé par le pizzicato dynamique et décalé de Marcio Mattos. Quasi invisible, le lutin des percussions injecte ce qu’il faut de cliquetis, picotages, frappes et résonnances pour activer l’édifice sans jamais imposer le moindre faux pas percutant qui maculerait cette tapisserie multicolore chatoyante. Ah Marcello Magliocchi ! Il y a autant de convergences d’énergies et de consensus qu’il y a d’échappées centrifuges dans leur musique et on est à nouveau surpris par ce qui avait échappé à nos premières écoutes lorsqu'on se replonge dans leur superbe musique.
Zen Widow : Gianni Gebbia Matthew Goodheart Garth Powell IV (from the dark age to another) Objet - a LP- 2023001
https://objet-a.bandcamp.com/album/iv-from-one-dark-age-to-another
Super-production vinyle sur le label objet-a de Gianni Gebbia, le saxophoniste sicilien inspiré ici au sax soprano avec le pianiste Matthew Goodheart et le batteur Garth Powell, tous les trois membres du rare trio ZEN WIDOW, lequel trio a commis un album hyper rare avec le trompettiste Leo Smith : Screaming in Daytime (Makes Men Forget ) label pfMentum. Lisez seulement : ultraquiet 180 grams vinyl pressed at RTI (Record Technology Incorporated) Recorded Live-to-2-track-Analog Tape at Capitol Studios “A”! Produced by Joe Harley Engineered by Mike Ross and Steve Genewick Analog Mastered and Lacquers Cut by Kevin Gray (Coherent Audio). Je ne vous dis que ça : on ne se moque pas de vous ! Le prix (!) en vaut la chandelle : ma hi-fi n’est pas encore assez bonne pour un tel vinyle de qualité supersonique. Pour la petite histoire, le batteur Garth Powell qui avait enregistré People in Motion avec Gianni Gebbia et Damon Smith (CD Rastascan BRD 044 1998) travaille dans le fabuleux studio Capitol « A » à Hollywood, mais il a aussi enregistré avec Mats Gustafsson et le plus inquiétant des pianistes underground, le mystérieux Greg Goodman, « They were gentle and pretty pigs » (Beak Doctor). Matthew Goodheart a lui enregistré un super duo avec Leo Smith pour Cadence Records à la même époque. Cette connexion californienne de Gianni Gebbia l’a amené à y jouer et à publier ses deux fabuleux albums solos au sax alto (H Portraits et Arcana Major /Sonic Tarot Sessions) auprès du label californien Rastascan du percussionniste Gino Robair, un proche de John Butcher et de Birgit Ulher. Rien que pour ses deux albums solos (trois, car il y a aussi Body Limit sur Splasc’h !) et ses compositions à la fois « simples » mais très complexes à articuler (rythmes de guingois, respiration circulaire, lyrisme, emboîtement sophistiqué des éléments mélodiques, segmentation du phrasé, largeur des intervalles et ces tarentelles obsédantes), Gianni Gebbia mérite de figurer au firmament (Panthéon ?) des saxophonistes uniques dans leur genre pas loin de Roscoe Mitchell et de Steve Lacy. Ici au soprano, il délivre le son du miel, une qualité vocale irrésistible, même dans les phrasés méandreux. Le but de ce trio est une œuvre collective: le pianiste et le batteur créent un parfait véhicule pour rêver en symbiose avec le lyrisme de Gebbia. Une triangulation équilibrée et en phase pour une musique songeuse, méditative, aérienne et relativement épurée. Un super chanteur afro-américain, Dwight Tribble, confie sa merveilleuse voix au dernier morceau, chantant free comme un prince venu d’Afrique. Un peu avant le trio évoque une musique orientale avec Powell au daf, le très classieux Matthew Goodheart imitant le qanoun avec les doigts dans les cordes du piano. Gebbia souffle ce qu’il faut de lyrisme avec sa sonorité limpide. Et cela après que Garth Powell s’est fait entendre aux tam-tam (gongs suspendus si vous voulez) avec une fantastique qualité de son rarement entendue ailleurs. Une belle face B à la hauteur des espérances de la face A. Plutôt qu’un album free « d’avant-garde », ce IV (from the dark age to another) est une somptuosité attachante et généreuse à écouter au coin du feu sans doute pas loin du sapin de Noël.
Impetus group Density Dots Tom Jackson Dirk Serries Teun Verbruggen Martina Verhoeven Colin Webster Klanggalerie CD
https://dirkserries.bandcamp.com/album/density-dots
Avec des titres comme Unitary Mark, Subfield, Inflow, Linguistic Fortune, Swampy, Region Mash, Density Dots et les deux photos de la mer agitée face à la grève sauvage, on se dit, qu’à travers ces images et ces mots, il y a bien une stratégie et une tactique dans les emportements musicaux de cette fine équipe. Aux vagues tempêtueuses se succèdent des accalmies pointillistes. Deux paires et un joker. Le tandem de souffleurs fait corps l’un à l’autre : le saxophoniste Colin Webster et le clarinettiste Tom Jackson déroulent leurs spirales endiablées en concomitance entraîné par une houle implacable. On a parfois peine à les distinguer l’un de l’autre tant leurs intensités s’interpénètrent. Comme deux soutiers aux machines , le guitariste Dirk Serries (archtop amplifiée) et le percussionniste Teun Verbruggen s’activent à créer des équilibres instables, un ressac puissant qui relance des vagues multi-rythmiques tourbillonnantes sur lequel le pilonnage kinesthésique du clavier par Martina Verhoeven évoque une armada de dauphins hyperactifs à la poursuite des vents furieux et extatiques … des deux souffleurs. Excusez cette imagerie un peu facile, votre serviteur n’a pas toujours la Linguistic Fortune. Ces Density Dots créent des points de tension dans de lents crescendos à peine palpables et des points de chute qui semblent avoir été orchestrés subitement. Où se situe l’improvisation instantanée ? Où se dessine une forme de planification des éléments ? Dans le domaine de la free-music, il y a toujours une direction et des idées à partager, mettre au point, un challenge à relever. C’est tout l’intérêt de leur démarche collective où personne n’est un soliste, mais chacun est solidaire des autres. Une machinerie humaine qui dégage une énergie marémotrice.
Teun Verbruggen est un des percussionnistes les plus engagés de la scène belge dans un pays enclavé entre des territoires monolithes de la scène improvisée (Pays – Bas, Allemagne, France) où un improvisateur du cru a bien du mal à s’exporter. Lui et ses collègues Dirk Serries et Martina Verhoeven (le label a new wave of jazz – n°1 du plat pays, c’est eux !) s’échinent à créer un espace, un projet musical en comptant sur leurs propres forces et de celles d’enthousiastes inconditionnels tels l’explosif soufflant Colin Webster et le vibrionnant clarinettiste Tom Jackson. Une génération d’intrépides "Impétueux" qui renouvellent cette lingua franca du « free-jazz » improvisé en l’enrichissant indubitablement !
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Bonne lecture Good read ! don't hesitate to post commentaries and suggestions or interesting news to this......