Tom Jackson Neil Metcalfe Benedict Taylor Daniel Thompson Hunt at The Brook Again / Hunt at The Brook with Neil Metcalfe
A new wave of jazz nwoj 0061
https://newwaveofjazz.bandcamp.com/album/hunt-at-the-brook-again-hunt-at-the-brook-with-neil-metcalfe
Hunt at the Brook Again / Hunt at the Brook with Neil Metcalfe est la suite de Hunt At The Brook, le premier disque du trio de Tom Jackson (clarinette), Benedict Taylor (alto) et Daniel Thompson (guitare acoustique archtop) publié en 2015 par le label FMR, un trio dans la pure “tradition” de l’improvisation British, la manière du guitariste faisant plus qu’évoquer celles de son ami John Russell ou du Derek Bailey acoustique . Ces trois musiciens ont multiplié les albums en duo avec l’un et l’autre. Daniel Thompson a enregistré t’other en compagnie de Benedict Taylor (Empty Birdcage) et tous deux, Compost avec le clarinettiste Alex Ward (CRAM). On retrouve Thompson et Jackson avec le trompettiste Roland Ramanan dans Zubeneschamali (Leo Records) et dans Nauportus avec le percussionniste Vic Drasler (Creative Sources). Taylor et Jackson ont oublié aussi Songs From Badly-Lit Rooms (Squib Box). Quant au flûtiste Neil Metcalfe qui s’adjoint en quartette dans le CD 2 avec cette fine équipe, on le retrouve dans deux albums en trio et en duo avec Daniel Thompson : Garden Of Water And Light (FMR) et Eight Improvisations (Creative Sources). Ces trois improvisateurs poussent l’art d’improviser aux sommets de leurs facultés et de leurs intuitions avec une authenticité et une sensibilité créative fascinantes.
Tom Jackson est tout en spirales, volutes, sursauts, pépiements avec une qualité de timbre « clarinette classique contemporaine" informée par sa pratique du jazz toutes époques confondues » : admirable ! Ses deux acolytes incarnent le courant improvisationnel libre. Daniel Thompson agite ses doigts et son plectre au travers des cordes et de la touche en créant des simultanéités d’angles aigus, d’harmonies excentrées, de pincements et raclements bruitistes, d’ostinatos discrets, de trilles métalliques et d’harmoniques sauvages en favorisant l’interaction tangentielle ou la digression suggestive. Quant au « violoniste » à l’alto, Benedict Taylor, sa manière de presser l’archet sur ses cordes en étirant ses notes évasives et tendues comme si la touche chantait un appel oriental imaginaire. Taylor crée un univers différent quasi « non-occidental » : violon tzigane hypertrophié, notes étirées, saturées, glissantes, serpentines, striages carnatiques, vièle d’Anatolie murmurante au bord du silence, pizzicati puissants et décalés. Leur réunion au sein d’Hunt at the Brook occasionne une musique en trio (sans batterie) parmi les plus distinctives de l’improvisation libre telle que je l’ai découverte au fil des décennies : Rutherford/ Bailey/ Guy (puis Wachsmann), Butcher/ Durrant/ Russell, Christmann/ Altena/ Lovens, Wachsmann/Beswick/ Wren, etc…
Au fil des secondes et des minutes durant six improvisations, ils élaborent une architecture tridimensionnelle, des mouvements métamorphiques qui s’emboîtent, s’échappent et renaissent sous d’autres formes… sous le signe directeur de l’ébat ludique et le partage de l’espace et des sons/ On a de cesse de voir et entendre où cela les mènent, quand ils retombent sur leurs pieds ou s’envolent dans les sphères.
Avec l’inclusion du flûtiste vétéran Neil Metcalfe, on est au-devant d’une surprise. Neil Metcalfe a joué et enregistré aux côtés de John Stevens, Roger Smith, Nick Stephens, Tony Marsh, Paul Dunmall, Paul Rogers, Phil Gibbs, Adrian Northover, Daniel Thompson, Phil Wachsmann, Emil Karlsen. Il est apprécié pour son approche minutieuse et maniaque dans les infimes déplacements – glissements de la note « juste » en adaptant subtilement l’embouchure de son épaisse flûte noire. Tous ses collègues qui ont (acquis) une oreille musicale « absolue » se régalent. Lol Coxhill adorait Metcalfe tout comme Paul Dunmall. En quartet dans le CD 2 , le quartet commence à petits pas émaillés de silences, de frottements lents et nuancés, la clarinette lunaire et la guitare pincée égrenant deux ou trois notes répétées discrètement. La musique se fait petit à petit cascadante, Daniel Thompson accroche les intervalles les plus outrés percutant les cordes assourdies ou en harmoniques de sa six cordes, ravageant la conception du jeu de guitare « atonal ». Tom Jackson spirale avec une articulation magistrale. Entre ces deux pôles, gazouille la flûte oblique de Neil Metcalfe comme s’il s’envolait de l’Empty Birdcage du label de Thompson. Les séquences s’enchaînent comme les mouvements d’une œuvre pensée et délimitée dont ils n’ont pas à suivre la partition, inventant la musique immédiatement sachant précisément comment jouer et inventer au moment opportun et à celui qui surgit sans crier gare. Et sans mimique ni clin d’œil appuyé, le savant dosage étant le maître-mot. Entre les deux souffleurs , on note aussi une empathie profonde et une connivence tant au niveau des sonorités que des légers étirements de notes, infimes glissandi évanescents ou tourbillons de notes évoquant les gazouillis de joyeux volatiles échappés de la volière (Empty Birdcage). La présence active de Neil Metcalfe renforce encore l’excellence du trio devenu quartet et la sagacité collective. La simultanéité de propositions de jeu, de timbres, de lignes, les contrastes les plus suaves ou les plus forcenés, la variété des affects et des suggestions accouche d’un kaléidoscope de l’infini et d’une poésie en écriture automatique, celle des surréalistes. Il en résulte une magnifique expérience d’écoute.
Ears are For Ringing MRM Trio Marina Dzukljev Richie Herbst Miodrag Gladovic. Interstellar Records Cassette INT055.
https://mrmtrio.bandcamp.com/album/ears-are-for-ringing
Trio Serbo-Austro-Croate, MRM est composé de Marina Džukljev Eco Tiger organ), Richie Herbst (modular synthesizer) and Miodrag Gladović (electric guitar, electronics). Leur but est de rechercher et trouver des sons cachés dans l’assemblage de leurs intruments, des fusions et interférences : drones tout en densités et intensités, sounds processing jusqu’à ce que des courants vibratoires centrifuges ou obliques se lovent dans d’amples mouvements giratoires ou hélicoïdaux. Rencontre imprévue et imprévisible au départ lors d’u festival 5th Improcon Congress of Free Thought and Music in Bistrica ob Sotli en 2019, MRM a acquis une véritable identité dès le départ et au fils des ans. Je rappelle que Marina Džukljev est aussi pianiste et a enregistré le remarquable album Still Now (FMR) avec le percussionniste Vasco Trilla et le violoniste alto Szilard Mezei, lequel est un excellent point de référence sur son travail. La musique électrique – électroacoustique du MRM Trio mérite vraiment l’intérêt pour son processus aussi complexe que (faussement) minimaliste, « auto générant » subtilement des couches torsadées qui s’insinuent et se détachent des drones initiaux toute en en complétant leurs textures, leurs dynamiques, etc.., de manière à la fois distinctives et opaques. Les options sonores et stratégies font monter leur musique en puissance, avec un certain étonnement. Un excellent travail dans l’instant, appréhendé dans la durée de la performance et dans sa construction et par chacun de ses moments qui défilent insensiblement à notre grande surprise.
Thanos Chrysakis Chris Cundy, Peer Schlechta Ove Volquartz Archangel Aural Terrains TRRN1752
https://www.auralterrains.com/releases/52
Une belle et intrigante suite à leur album précédent « Music for Two Organs & Two Bass clarinets », Archangel réunit le travail conjoint des clarinettistes Chris Cundy (Bass & Contra Bass Clarinet, Soprano Ocarina) et Ove Volquartz (Bass, Contra Alto et Contra Bass Clarinets) Thanos Chrysakis (Chamber Organ / Voix) et Peer Schlechta(Church Organ). Mentionnons que Peer Schlechta est un expert en orgues qui a joué sur de nombreux instruments historiques et est Président de l’Association Internationale pour la Documentation de l’Orgue. Comme le précédent, cet enregistrement a été réalisé dans la Neustädter Kirche à Hofgeismar. Le label Aural Terrains de Thanos Chrysakis documente des ensembles instrumentaux ( clarinettes, trombones, électroniques , instr. À vent, etc…) exécutant des œuvres de multiples compositeurs contemporains, certains parmi les plus réputés, ou improvisant librement, ce qui est le cas d’Archangel. Au fil des années son excellent catalogue est devenu impressionnant et sa démarche passionnante. À noter, Cundy et Volquartz ont aussi souvent collaboré ensemble et Peer Schlechta travaille régulièrement avec ce dernier.
La combinatoire sonore des clarinettes basses et des deux orgues (chamber organ : orgue positif en français car déposé à même le sol) et la résonance particulière de l’église nous livrent une musique fantomatique et même, fantasmagorique. La richesse des timbres et des registres de deux orgues se répandent dans l’espace sonore suspendant ses bourdons, drones, grondements et souffleries nasillardes entre les parois réverbérantes de l’église et son sol dallé. Ces sonorités s’interpénètrent, roulent, vibrent, tanguent, aiguillonnées par les souffles graveleux, mordants ou ombrageux des clarinettes graves. Se développe une musique de mystère, distante et intensément acoustique, faite de vents, d’air et de vibrations des multiples tuyaux , orgues et clarinettes ou mêlés ou en contraste. Il semble que l’orgue « de chambre » ou les tuyaux du grand orgue fait/font osciller des drones tapissant d’une seule couche aérienne vibrante l’espace auditif. (2. Part II – III). Ailleurs, les clarinettistes initient les échanges en articulant des gammes dans l’ultra-grave de la clarinette contrebasse (Cundy) et dans le registre moyen de la contra-alto (Volquarz) (Part IV). Cette manière de dialogue induit les deux organistes à opérer en demi-teinte associant des timbres ténus oscillant dans la résonance des graves. L’intervention à l’ocarina de Cundy est providentielle et apporte une touche « chant d’oiseau » qui se marie superbement bien avec les jeux de l’orgue dans une manière plus intimiste et avec un brin de folie. La musique, si elle est improvisée collectivement, semble accoucher d’une œuvre préconçue avec un matériau prédéfini et de la suite dans les idées. Elle se meut avec lenteur, patience tendant vers un but ultime qui se dévoile peu à peu. Voilà une musique bien originale.
Jaka Berger Cornelius Cardew Treatise Editions Friforma eff-012.
https://inexhaustible-editions.com/eff-012/
La célébrissime et très longue composition avec partition graphique pour improvisateurs de Cornelius Cardew, compositeur d’avant-garde des années 60 et membre pour quelques années du légendaire groupe AMM avec Keith Rowe, Lou Gare et Eddie Prévost, est interprétée – jouée par le percussionniste Slovène Jaka Berger. Je vous passe les commentaires politiques sur l’engagement « marxiste – léniniste » (d’inspiration mao- stalinienne) et sa musique « réaliste socialiste » de C.C. une fois "converti.
Treatise, écrite entre 1963 et 1967, a été joué et enregistré par AMM, Guilherme Gregorio, Petr Kotik et le S.E.M Ensemble. En voici une version « écourtée» en solo de percussions par un percussionniste à suivre : Jaka Berger dont j’ai chroniqué plusieurs enregistrements dont Shoe and Shoelace en duo avec le saxophoniste Jure Borsic avec une pochette délirante et une musique étonnante. Jaka Berger a enregistré des extraits de la partition graphique figurant sur une ou plusieurs pages : 1/ 192, 193 ; 2/ 100, 155 ; 3/ 135 ; 4/ 168,169, 171, 173 ; 5/ 148 ; 6/ 15 ; etc… du 19 au 22 novembre 2022. J’insiste pour que l’on comprenne que l’interprétation des instructions dessinées par Cornelius Cardew est une affaire subjective à chaque individu. Il y a des choses intéressantes qui sont ici jouées comme le ferait un percussionniste de formation classique et ou jazz et d’autres qui font appel à des techniques proches de celles d’Eddie Prévost, l’un des dédicataires de Treatise (9/ 10,11, 12, 13, 14 et 10/ 183). Il est aussi permis au musicien de changer éventuellement d’orientation dans sa manière d’aborder cette partition graphique. On l’entend dans le 7/ 85, 101, 116 et 8/ 178, où la polyrythmie free est au menu (les paramètres issus de la pratique de Milford Graves et Han Bennink). Jaka Berger est un excellent percussionniste et ses sélections au sein de Treatise , l’œuvre phare de Cardew, et leur « interprétation » lui offrent une magnifique occasion de faire entendre les facettes de son travail. Il y a quelques perles dans cet album d'un magnifique niveau musical. Remarquable.
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Bonne lecture Good read ! don't hesitate to post commentaries and suggestions or interesting news to this......