21 avril 2024

Ivo Perelman Tom Rainey Duologues 1: Turning Point and The Truth Seeker with Mark Helias/ Urs Leimgruber Now Alvays - Liner notes.

Ivo Perelman & Tom Rainey Duologues 1 Turning Point Ibeji Records.
https://spotify.link/dzEHnqx6TJb
https://ivoperelmanmusic.bandcamp.com/

Même si le Brésilien Ivo Perelman a toujours plusieurs fers au feu en matière de labels, il n’a de cesse d’alimenter sa propre étiquette personnelle Ibeji Records de superbes témoignages parmi ses très nombreux enregistrements. Voici que trois albums tous récents, dont un en vue de parution quasi-immédiate, nous le font entendre avec le batteur Tom Rainey : The Truth Seeker (avec le contrebassiste Mark Helias) pour le label polonais Fundacja Sluchaj, Water Music pour Rogue Art et où ce trio est augmenté par Matt Shipp,lui-même, fidèle pianiste compagnon d’Ivo. Et puis, Duologues 1, ce touchant, poignant face-à face-avec ce batteur précis, délicat, toujours à l’écoute qu’est Tom Rainey, le premier enregistrement d’une nouvelle série et un Turning Point pour chacun d'eux. Égrenant ses frappes minutieuses, aériennes et grouillantes avec cette pratique de la batterie issue de l’expérience du jazz contemporain de haut vol, Tom Rainey apporte une vie musicale intime, une approche subtile des pulsations rythmiques entrecroisées qui peut autant s’enflammer que suivre les spirales éthérées du saxophoniste ténor à la trace. Apprécié autant pour son exploration maîtrisée de son instrument dans les ultra-aigus en glissandi vocalisés que pour son lyrisme « brésilien » et son sens mélodique inné, Ivo Perelman est littéralement un chercheur - expérimentateur de la sonorité du saxophone, évoluant constamment au fil d’essayages et d’adoptions successives de becs et d’anches pour atteindre une nouvelle plénitude dynamique et (trans)lucide. Ces deux artistes fonctionnent ici comme les cinq doigts de la main dans un gant de velours.
Autant Tom Rainey s’est nourri des expériences de batteurs parmi ses grand aînés comme Roy Haynes ou Paul Motian au niveau de la qualité et de la profusion imaginative de ses frappes qu’Ivo Perelman a puisé dans le répertoire sonore de grand anciens tels Ben Webster, Don Byas, Dexter Gordon Stan Getz, Hank Mobley, John Coltrane (il s’agit des caractéristiques intrinsèques des sonorités de ces artistes) pour créer son identité sonore à la saudade brésilienne. Même s’il est « libre » dans le premier morceau (01) le souffle de Perelman semble sage, tendre, velouté, ondoyant, soulignant un thème imaginaire et joué spontanément, le batteur calibrant soigneusement ses frappes discrètes sur les bords d’une caisse claire inspirée. Le souffleur sollicite-t’il un changement harmonique sous-jacent que le batteur décale subitement son jeu et entrecroise des variations rythmiques comme si la peau de sa caisse était accordée. La toute grande classe dans les détails. Si à bas régime la sonorité d’Ivo semble introvertie, soyeuse, pure de toute scorie, alors qu’on l’a connu d' une virulence hyper expressionniste exacerbée il y a vingt ans(*), une fois sur orbite, elle se métamorphose petit à petit ou soudainement dans des morsures brûlantes de cracheur de feu dans le droit fil des speaking in tongues ayleriennes. Entre les deux, sous la pression des saccades démultipliées du batteur, les spirales en tension du souffleur se désarticulent en ostinatos obstinés chevauchant les gammes du grave à l’aigu avec des coups de langues assassins. Ceux-ci se déchaînent en incantations d’hyper aigus qui crient et chantent à la fois au paroxysme d’une transe intérieure oublieuse de cette métrique spontanée, ce sens des pulsations free, qui fait éclater la colonne d’air surchauffée en brûlures de magnésium incandescent, lave de l’émotion irréfrénée, d’une sensation violemment priapique.
L’intérêt de cet album réside aussi dans les différents scénarios évolutifs de chacune des sept improvisations dans les cinq, six, sept ou huit minutes et le 04 qui dépasse les douze minutes et au déroulement peu prévisible. Un art transversal du story-telling poétique. Chacune d’elles transitent dans des séquences variées et assez ou très différentes dans leurs motifs, leurs dynamiques, leurs agencements pour atteindre cet état de « transe » où les suraigus, ces harmoniques déchirantes, ces cris vocalisés de douleurs ou d’extase éclatent au grand jour pour parfois revenir à un aspect plus simplement mélodique. Ces sonorités brûlantes ne sont pas que l’effet d’un quelconque état de transe intérieure, mais aussi, et surtout, l’objet d’une maîtrise phénoménale du saxophone ténor et de la théorie musicale engendrées par une pratique journalière intense et des exercices obsessionnels pour parfaire la technique de l’instrument. En soufflant de cette manière, tel que le fit John Coltrane autrefois, Ivo Perelman met en vibration les « notes fantômes » du saxophone ténor, celles qui existent au-delà de la tessiture normale de l’instrument produites en soufflant (beaucoup) trop fort, en utilisant des doigtés factices, en adaptant son souffle à de nouvelles embouchures et anches jusqu’à décrocher le Graal au bout d’un combat incessant face à la mécanique et ses propres habitudes. Et justement, cette sonorité plus intime, soyeuse et plus diaphane perçue au début de plusieurs parmi les sept improvisations publiés ici, n’était rendue possible par une toute nouvelle embouchure et un travail intense de plus de deux ans pour acquérir graduellement sa nouvelle voix, un « Turning Point » dans sa vie de saxophoniste de jazz libre.
En écoutant déjà des enregistrements récents comme ce fabuleux The Truth Seeker ou ce magique Molten Gold, on sent poindre cet état d’excellence, cette plénitude sonore liée irrévocablement à l’urgence de cri modulé à l’infini, ce scintillement lumineux, cette lave incandescente et tous les états d’âme qui les réunissent d’un seul tenant émotionnel. Étrangement cette sonorité plus pure, plus élégante lui permet aussi d’enflammer ses élans lyriques en en atténuant la virulence agressive pour en augmenter la déflagration organique d’énergies, ces flammes brûlant cette matière inconnue, son émotion la plus intense. Ivo Perelman s’est confié quelques fois en duo avec un batteur (Tenor Hood avec Whit Dickey, mais aussi avec Gerry Hemingway et Brian Wilson) à l’occasion d’un enregistrement, mais ce Duologue N°1, que je me permets d’intituler « The Turning Point », est une occurrence rare dans l’histoire des duos sax ténor - batterie et dans la carrière d’Ivo Perelman. Et il faut absolument souligner l’intense investissement de Tom Rainey, son jeu de batterie extrêmement raffiné, aussi « scientifique » que précisément calculé, seconde nature d’une totale générosité, qui s’envole et tournoie au plus près de la tension montante, élevant le niveau d’énergie avec autant d’élégance que de fougue quand le souffleur traverse le miroir d’Alice. On a droit de sa part à une exceptionnelle partie inventive au niveau des frappes, du drive, des sensations rythmiques, de mille nuances, de détails infimes et de traits en mutation constante sans qu’on puisse s’ennuyer. Alliance de la simplicité et de la complexité qui coule de source. Le fait de jouer avec un seul saxophoniste comme unique partenaire, lui ouvre un très large champ d’action duquel Tom Rainey tire profit à son plus grand avantage tout en fournissant une prestation de rêve pour Ivo Perelman. C’est vraiment providentiel.
Aussi pour notre bonheur, Ivo et Tom sont de toute évidence deux personnalités vraiment différentes avec un mode de fonctionnement sensoriel et émotionnel qui les distingue clairement l’un de l’autre. Ivo Perelman perçoit la musique comme des couleurs, des formes visuelles ( NB : il est un artiste peintre influencé par l’expressionnisme abstrait), il développe sa musique avec une vision poétique qui aboutit à cet expressionnisme exubérant qu’il commence à intérioriser depuis un certain temps, une démarche plus intuitive assez éloignée de structures « logiques » . Chez son alter-ego percussionniste, pas de « folie » déraisonnable, mais une démarche structurée dans l’instant, une science quasi mathématique du drumming au service de ses partenaires, une logique imparable ultra-efficace sans jamais surjouer. Une discrétion à la hauteur d’un savoir faire impressionnant, une constance dans l’invention jamais prise en défaut et un panorama exhaustif des possibilités de la batterie jazz en roue libre. Son jeu se rapproche aussi curieusement des « vibrations rythmiques » de feu Sunny Murray. Dans les échanges, l’auditeur finit par suivre le cheminement du batteur alors que lui-même est ébloui par le saxophoniste. On songe à cette alternance d’harmoniques surchauffées dans les ultra-aigus et la puissance tranquille de sa sonorité « normale » presque suave soufflés dans le même élan dans le n°7 final pour aboutir aux extrêmes morsures crissantes agitées par les frappes profuses grouillantes du batteur jusqu’à ce cri déchirant qui s’affaisse des le silence à la fin de l’album. Le contraste entre les deux artistes est saisissant et renforce l’expressivité du saxophoniste. Ils ne racontent pas la même histoire, mais ont l’art d’enlacer naturellement leurs créativités individuelles dans un esprit collectif où toute forme d’égo s’est évanouie. À quoi cela servirait que Tom se déchaîne outre mesure avec un tel souffleur ?
Celui-ci, un musicien de haute volée, saisit immédiatement toutes les opportunités qui lui sont offertes par un batteur de cette envergure. Même si un prochain concert ou une deuxième session fera crever les plafonds des enchères mentales après cette première session.
Pour ceux qui connaissent le travail de Tom Rainey, au sein de groupes développant un matériel à la fois composé / structuré et très libéré en compagnie d’Ingrid Laubrock, Tim Berne, Craig Taborn, Mark Feldman etc…, ce sera sans doute une surprise, car il faut répéter que l’art d’Ivo Perelman est basé sur l’improvisation totale, d’essence jazz « libre ». D’ailleurs, Ivo démontre ici qu’il cultive ce goût pour les « hésitations » chères à de nombreux improvisateurs libres européens. Toute la musique est donc ici improvisée spontanément dans l’instant avec à l’esprit le but de créer, des narratifs avec un début et une fin, soit une « composition » instantanée dans laquelle le matériau et ses variations sont « multi-facettes » et où surviennent des éléments mélodiques, des pulsations polyrythmiques, des techniques alternatives au service d’une expression émotionnelle, des déchirements et des cris issus de résurgences blues dans le texte et le sentiment de prolonger le continuum Afro-Américain lequel inclut aussi le vécu multiculturel Brésilien. Liner Notes !
* cfr Suite For Helen F. label Boxholder 2002

The Truth Seeker Ivo Perelman Mark Helias Tom Rainey Fundacja Sluchaj
https://sluchaj.bandcamp.com/album/truth-seeker

“ Classique’’ trio jazz libre sax ténor contrebasse batterie dans le sillage du Spiritual Unity des légendaires et disparus Albert Ayler Gary Peacock et Sunny Murray (1964). Mais soixante années plus tard, le concept de départ s’est fortement élargi, approfondi et dépasse même l’imagination. The Truth Seeker démarre en douceur en évoquant le souffle et les sinusoïdes arcanes de Wayne Shorter. Le batteur Tom Rainey s’applique subtilement à jouer « free » frappes multidirectionnelles et vibrations rythmiques à l’écoute du sax ténor. Le contrebassiste Mark Helias ancre solidement cette paire volatile au sol ferme, celui des rafiots qui tangue sous bourrasques ou alizés. Ivo Perelman a récemment métamorphosé sa sonorité, devenue plus tendre et plus suave dans le jeu « mélodique » et plus intensément perçante dans les aigus et ces harmoniques déchirantes. Toujours présente sa marque de fabrique, notes étirées, glissandi minutieux, accents inusités, colloquialité tout à tour intimiste ou expressionniste. Mais aussi un aspect plus introspectif par rapport à ses débuts avec Rashied Ali et William Parker, Jay Rosen et Dominic Duval où il détonnait « à plein gaz » en faisant tout rougeoyer. Il faut saluer l’extrême finesse des frappes multiples et des figures soigneusement et spontanément emboîtées de Tom Rainey qui prodigue ici l’essentiel et le superlatif, sans jamais surjouer, en ouvrant le champ auditif et ludique en faveur de ses deux camarades, ce dont profite largement l’excellence musicienne de Mark Helias toujours prompt à essayer toutes les opportunités qui s’offrent à lui. Quant à Ivo Perelman, il enchaîne habilement des séquences de jeu très variées où s’intègrent autant des éléments mélodiques plus délicats et ouvragés que des ostinatos articulés avec de grand écarts d’intervalle et péremptoires coups de bec, des expectorations intenses d’harmoniques hyper-aiguës expressionnistes, et cette propension à orner ses improvisations de « pliages » – étirements de notes spécifiques qui sont sa marque de fabrique « brésilienne ». Un véritable lyrisme mis en lumière par la grâce de ce tandem fécond , Helias – Rainey. Si Ivo Perelman est un musicien formé dans les grandes écoles (Conservatoire Villa – Lobos à Rio et Berklee Jazz School) avec une profonde connaissance de la théorie musicale, c’est avant tout un musicien poète consacré à la recherche sonore du sax ténor avec infiniment d’exigence dans les détails et à la libre improvisation en une empathie totale avec ses camarades. Pas de chefs, de partitions , rien qu’une musique spontanée et collective. Et surtout, il vit passionnément sa musique comme une expression de couleurs, de formes imagées en mouvement, la peinture expressionniste abstraite et la création graphique étant sa deuxième passion, étant lui-même un peintre qui expose fréquemment sa profuse production. Chacune de ces 7 improvisations en trio est providentielle et est construite différemment de la suivante en interpénétrant différents univers émotionnels, des facettes parfois divergentes que l’art consommé des trois musiciens, chercheurs de vérité (Truth Seeker), assemble et imbrique dans un tout cohérent qui coule de source. Les contrastes sont saisissants et les correspondances intimes lumineuses. La débauche d'énergie est hallucinante dans ses états de transe avec ses cris déchirants et brûlants et la furia du tandem basse batterie. Fabuleux ! À ceux qui se disent (et on les comprend) « J’ai déjà beaucoup d’albums de Perelman et je ne peux pas « tout » acheter » , je leur répondrai : « Mettez de côté quelques-uns de ces albums du passé qui vous semblaient « trop semblable » pour en faire un beau cadeau à une amie ou un ami et munissez-vous de ce Truth Seeker et du futur Turning Point en duo avec Rainey ». En effet d’une part, Ivo a vraiment transformé sa sonorité et renouvelé entièrement son jeu toujours reconnaissable mais avec une dimension à la fois plus introvertie et plus profonde et d’autre part sa rencontre avec Tom Rainey (et Mark Helias) est un des choix les plus heureux de sa carrière. Imaginez un Albert Ayler qui module parfois comme un Stan Getz miraculeux. Un lyrisme inouï pour une équipe de rêve.



Urs Leimgruber Solo Now & Always Creative Works
https://www.creativeworks.ch/home/cd-shop/cw1075ccd/

Un album solo d’improvisations au saxophone soprano remonte à l’époque où, plus de cinquante ans en arrière, Steve Lacy s’est mis à jouer et enregistrer en solo ses compositions (Lapis / Saravah et Solo Théâtre du Chêne Noir/ Emanem 1972) suivant l’exemple d’Anthony Braxton (For Alto / Delmark 1968). Cet instrument, le sax soprano, est difficile à manipuler, à en contrôler le timbre, sa justesse et la dynamique du souffle. Certains intervalles dans les gammes sont quasi injouables. Il y a moyen d’insuffler potentiellement un éventail sonore très large au niveau du timbre et des caractéristiques sonores en jouant «conventionnellement », mais très peu de saxophonistes y parviennent tant ce saxophone droit est rétif. Cela demande énormément de travail et une pratique journalière constante : il faut se dédier exclusivement à l'instrument. Et donc, en jouer sur scène en « solo absolu » durant une heure en fascinant le public relève de l’exploit. À cette époque, Lol Coxhill cultivait l’art du solo dans la rue afin de récolter de quoi faire vivre sa famille. Son premier gig en solo fit bien rire l’auditoire de l’Unity Theatre face à un pot-pourri de faux départs et une mise en scène spontanée délirante. En 1975, Evan Parker donna son premier concert solo (Saxophone solos « Aerobatics » Incus 19) en effaçant la limite entre les bruits et l’aspect musical avec ses paramètres harmoniques, mélodiques et structurels par l’usage inconsidéré de techniques alternatives inouïes. Il faut noter qu’ Evan Parker considère cette œuvre enregistrée en concert comme une composition, le dernier morceau enregistré à Berlin étant plutôt un exemple radical d’investigation sonore des caprices de la colonne d’air, de l’anche, du bec, des clés et leurs combinaisons de doigtés avec une articulation des sons démentielle. On retrouve ces aspects dans le travail solitaire d’Urs Leimgruber : exploration sonore exacerbée, sens de la composition instantanée au départ de sonorités les plus curieuses et les plus variées qu’il est quasiment impossible d’énumérer ici. Sifflements, saturations, vocalisations, harmoniques extrêmes, hyper aigus, « faussoiements », bruitages : l’aléatoire initial transformé en une science d’une précision maniaque. Now and Always documente élégamment un véritable tournant par rapport à ses enregistrements solos antérieurs comme «Solo 13 # Pieces for saxophone » / Leo Records 2007.
Vu son âge (il est né en 1952) et comme nombre de ses collègues de sa génération, Urs Leimgruber aurait pu se contenter de cultiver son jardin musical sans trop se préoccuper de faire évoluer sa conception de sa musique. Saluons donc son intransigeance artistique, son esprit de recherche et la foi immense qu’il insuffle dans son art. Vous entendrez ici, une multitude d’approches d’émission du son, tant au point de vue technique qu’émotionnel, agencées dans un narratif poétique et sensible, une forme d’introspection expressionniste par instants ou des pépiements d’oisillons transis, des bruits buccaux associés aux bruitages de l’anche ou des clés, des interjections lucides et hérissées, des sons saturés à l’extrême ou des vibrations fantomatiques. Avec cela, il construit instantanément une forme, une histoire, alternant divers procédés comme des dialogues entre des créatures fantastiques. Urs Leimgruber est un improvisateur unique par la perception de ce qu’il suggère : il fait appel à l’imagination de celui qui l’écoute en défiant la logique du jeu comme on l’entend chez d’autres saxophonistes. Une musique organique où il démantèle implacablement l’armature harmonique des intervalles « naturels » qui sous-tend les improvisations de la très grande majorité des improvisateurs libres saxophonistes.
On oublie l’exploit technique du contrôle de l’émission des sons, son ressenti, au profit d’une poésie sauvage qui semble aussi surnaturelle … qu’elle est ancrée dans sa vie de musicien et la pratique journalière et exigeante du saxophone soprano. Son choix délibéré d’enregistrer dans un studio avec la proximité des micros, plutôt que de devoir « projeter » le son dans l’espace d’une salle de concert face à un public dans une véritable bataille acoustique devant la masse des corps des auditeurs assis à distance respectable et recouverts de vêtements qui absorbent le son, est judicieux. Cette situation « live » peut se révéler compromettante tant à l’écoute immédiate qu’à l' enregistrement, car la puissance de projection du souffle oblitère la relaxation nécessaire, l’ouverture totale de son jeu qui lui permet de faire passer son message esthétique et ses infinies nuances dans l’intimité que requiert sa démarche. En effet, en écoutant ces douze solos via l'enregistrement, nous sommes plongés au cœur des phénomènes acoustiques, l’oreille le plus près possible de son souffle et des vibrations du saxophone. Cela permet à l’auditeur de pénétrer les secrets de sa démarche et de se laisser envahir par ces sonorités vivantes et mystérieuses, Now and Always.

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