Voici une deuxième fournée d'improvisations cordistes enregistrées que les Archives du Rosenberg Museum ont sélectionnées. Cette série de commentaires se focalise sur des ensembles à cordes frottées, mais il y a le violon avec le piano (Soil) et la guitare (Stringtrek).
Malcolm Goldstein & Barre Phillips : Live in Puget-Ville Bab Ili Lef 1
Doux Jésus Rosenberg ! Enfin ! Malcolm Goldstein, le violoniste libre par excellence ! Sa retraite dans une authentique log-cabin perdue parmi les monts sauvages du Vermont l’éloigne de la scène internationale depuis des lustres. J’avais reçu son splendide vinyle « Sounding The Violin » vers 1985 en cadeau d’un copain américain (référence MG1), une somme ! Ensuite, j’ai assisté à un concert solo mémorable en 1986. De temps à autre, on publie un enregistrement de lui par-ci par-là. Par exemple : Live at Fire in The Valley (Eremite) en solo et : Soil (Emanem) avec le pianiste Masashi Harada. Que les amis d’In Situ me pardonnent, je n’ai pas encore écouté leur compact de Goldstein, Hardscrabble Songs. Dans ce Live in Puget-Ville, le duo est remarquable de connivence et de subtilité. Je vous l’accorde, avec Phillips à la barre, le contraire eut été étonnant. C’est, je pense, son premier duo enregistré avec un violoniste. Il ne pouvait pas mieux choisir. Question d’esprit ! On ne présente plus Barre Phillips au lectorat hexagonal. Quant à Goldstein, il partage avec le contrebassiste une très longue expérience de scène avec des danseurs : il travailla longtemps pour le Judson Dance Theater à New York. Aussi, leurs retraites à l’écart du monde. Ornette Coleman (avec qui Barre joua il y a cinquante ans !) et John Cage ont dédié des œuvres au violoniste. Etc… Mais Malcolm est surtout un improvisateur sensible et intransigeant et un pionnier de l’impro libre depuis les années soixante. Chez lui, le bruit et la matière font corps avec les élans et les vibrations. Son attaque à l’archet est à nulle autre pareille : immédiatement reconnaissable ! Ayler a ouvert une autre dimension d’une manière radicale au niveau de l’attaque : le souffle, l’anche et le bec. Il y a plus de trente-cinq ans, Goldstein fut un des premiers à repenser l’attaque de l’archet sur les cordes de façon radicale, en y introduisant une dimension bruitiste. Sans pédales, ni effets (Phil Wachsmann) et en évacuant la « joliesse » du son « violinistique » (toujours présente chez un Carlos Zingaro). Une comparaison au niveau de la radicalité est à établir avec les premiers hymnes noisy du saxophone que sont les Aerobatics d’Evan Parker (Saxophone Solos 1975, Chronoscope 2002 / Psi) et le premier solo de Brötzmann, (Brötzmann /Solo FMP 0360 1976), une démarche dont Daunik Lazro fut le champion de la première heure en France. Rien d’étonnant qu’un des cédés de Goldstein (The Seasons Vermont) fut produit par XI, le label de l’eXperimental Intermédia Foundation de Phill Niblock, le pape du noise (anti) post-académique. Cette approche sonore est alliée à une grande imagination dans la création des formes et à une musicalité à la hauteur de cet artiste exceptionnel qu’est Barre Phillips, lui aussi un pionnier incontournable. Le Journal Violone de ce dernier, (Music Man 1968) réédité par notre ami Gérard Terronès en 1971 (Basse Barre / Futura), est un des témoignages fondateurs de la scène d’improvisation radicale. Le moindre geste de Barre sur le manche, tout simple à première vue, peut concentrer toute l’évidence de son immense talent. Ce superbe album numérique « à deux faces » témoigne des premières rencontres fructueuses de nos deux cordistes essentiels, une face en concert chez Bleu Bœuf dans la banlieue de Toulon (www.mdlc-lef.com) et l’autre dans la chapelle Ste Philomène du contrebassiste. La communication entre eux est excellente et elle ne demande qu’à se renouveler lors de futurs concerts. Ce micro label méridional nous propose ainsi l’art d’improviser avec cordes et archet exclusivement, un genre spécifique que nous aimons encourager. Comme l’écrivit Johannes Rosenberg dans un essai légendaire, c’est entre « eux » que les instruments à cordes frottées révèlent le mieux leur nature profonde et spécifique. Une bonne mention supplémentaire pour l’esthétique de l’emballage – pochette plastique. Plus qu’un document, un objet de pur plaisir !
François de Montrose & Joachim Rosenberg
Soil Malcolm Goldstein & Masashi Harada Emanem.
Retiré dans les montagnes du Vermont, Malcolm Goldstein est un improvisateur rare. Et un violoniste prodige pour qui Ornette Coleman et John Cage ont écrit spécialement une œuvre. Avec Phil Durrant et Jon Rose, Malcolm Goldstein est un des ultimes magiciens de l’archet de la planète improvisation. Je dis bien l’archet, car dans le violon , il y a l’archet et le violon. La spécificité du jeu de Goldstein, qu’on retrouve chez Durrant, tient à une sensibilité spéciale dans la pression de l’archet sur les cordes. Elle leur permet d’obtenir des agrégats de notes et de sons injouables. Ces qualités sont aussi partagées par Jon Rose et Carlos Zingaro, mais ceux-ci travaillent avec une vision différente. On pense aussi à la violoniste alto Charlotte Hug (Neuland /Emanem). Masashi Harada, dont on connaît déjà les qualités de conducteur – danseur (condanction) à travers les deux remarquables cds Emanem « Enter the Continent » et « Enterprising Mass of Cilia », a tenu à faire un concert à Boston avec Goldstein avant d’émigrer pour Hiroshima. Ce concert est la matière de ce compact et Harada s’y révèle un excellent improvisateur au piano, même s’il n’est pas le partenaire « parfait » pour Goldstein. En effet, il y a un contraste marqué entre les deux voix instrumentales et cela est dû aux particularités du violon et du piano. La manière du violoniste ne fait qu’accentuer cette différence et cela crée une tension supplémentaire bienvenue. Cette séance nous rappelle le cd Two To Tangle (Emanem) avec Steve Beresford et le violoniste Nigel Coombes ou Ebro (Nurnichtnur) avec le violoniste Christof Irmer et Agusti Fernandez. Malcolm Goldstein a peu de témoignages enregistrés à son actif. Comme son Soundings the Violin (MG 1), vinyle autoproduit au début des 80’s, est impossible à se procurer bien qu’il soit répertorié par la Johannes Rosenberg Foundation dans la nomenclature des Trésors Intangibles du Violon, cet excellent Soil est parfaitement bienvenu. Il fait suite au solo Live at Fire in The Valley (Eremite MTE 16) et au trio avec le percussionniste John Heward et la guitare couchée de Rainer Wiens paru chez Ambiances Magnétiques.
Ici l’état second du violoniste est à son comble alors qu’il dilate démesurément le contact entre les fils de l’archet et les cordes du violon. On est saisi par l’intensité de la musique de Malcolm Goldstein dans ces trois contextes et particulièrement dans Soil. Il y retrouve la pureté de l’écriture automatique originelle des surréalistes. La vie extraordinaire des sons sous la pression de l’archet de Goldstein est une chose inouïe, inénarrable. Après les phrasés déments et microtonaux de Jon Rose avec les Kryonics et Temperaments (cfr cds Emanem), le fameux morceau de Phil Durrant 303 202 101 qui ouvre son cd solo Sowari (Acta), Soil est un autre grand moment de méta-violon. Hautement recommandable.
Joachim Rosenberg et François de Montrose
Floating Bridges String Trek : LaDonna Smith – Misha Feigin transmuseq 17
L’altiste – violoniste de Birmingham, Alabama, ici en duo avec Misha Feigin, un excellent guitariste acoustique d’origine moscovite et résident du Kentucky, est un / une des trois ou quatre phénomènes du violon de la scène improvisée. Des noms comme Malcolm Goldstein, Jon Rose ou Leroy Jenkins nous viennent à l’esprit. Ou aussi l’incroyable violoncelliste Tristan Honsinger. Le son du violon et de l’alto de Ladonna Smith est aux antipodes du classique. Sa projection sonore est assez extraordinaire : on pense aux violonistes tziganes, indiens (du sud) ou country, comme si le bois de son instrument était un organe vivant, doué de vie et gorgé de sève. Misha Feigin lui donne la réplique sur une guitare « cordes nylon » et un balalaïka à trois cordes. Son jeu est très logique et l’articulation de ses lignes forme un excellent contrepoint au jeu enflammé de la violoniste. Pour LaDonna, le duo Stringtrek est un retour aux sources. Il y a dans la musique de ces deux artistes installés au sud de la Dixie Line, une extraordinaire joie de vivre et une vitalité qu’on trouve dans la musique populaire sudiste, qu’elle soit bluegrass, country, blues, cajun, zydéco etc…. Ayant assisté à un concert du duo, je fis inconsciemment un rapprochement évident avec le violon country au point de vue du feeling rythmique et du son. On sait que le violon country est un emprunt aux violonistes immigrés d’origine slave, principalement ukrainiens. La boucle est pour ainsi dire bouclée et Floating Bridges a une saveur, une robustesse, un allant typiquement « Amérique profonde ». Mais au pays des cous rouges, LaDonna et Misha sont les freak ultimes. A leurs brillants échanges, les deux complices ajoutent des histoires et des chansons. Leur auditoire à l’échelon local doit sûrement déborder les cénacles d’impro libre et de musique nouvelle pour rencontrer les faveurs des écoles, des théâtres et de tout ce qui bouge dans l’associatif et le culturel alternatif, voire la scène folk « far-out » en vogue actuellement. Hautement recommandable.
Drain Mathieu Werchowski violon , Ernesto Rodrigues alto , Guilherme Rodrigues cello Creative Sources 075 -2006.
Graduation, la première plage est un remarquable exercice vibratoire des sons les plus ténus qui mène à un lent glissando expressif. Ce trio, où on distingue clairement les sons de chaque instrument sans trop savoir lequel, est dans le prolongement des albums de l’année 2002 d’Ernesto et Guilherme Rodrigues. Sudden Music (CS 002), Ficta (CS 005), Assemblage (CS 007) et le quartet de cordes de Contre Plongée (CS 011- 2003) mettaient en valeur les attaques très particulières des cordes du violon et du violoncelle jusqu’au bord du silence. Un son sec, toute la gamme des col legno, coll’arco (sous tous les angles), sul ponticello, sul tasto, avec la mèche, saltellato, battuto, des pinçages, piquements, frottages, harmoniques, l’étirement du son vers un aigu inouï, crissant, évocation du travail des boisselleries dans un atelier d’ébénistes sadiques. Le violon est préparé sur la touche, les cordes vibrent peu, l’archet frotte la pique, les clés, le chevalet, les cordes « avant » les doigts sur la touche. Le ventre de l’instrument crie ou murmure. Une approche sonore inspirée de la musique électronique, reproduisant ses nuances spécifiques. Drain, c’est la quintessence de l’art des Rodrigues illuminé par des pointes de lyrisme (Mathieu Werchowski ?). J’ai toujours le sentiment que les instruments à cordes de la famille des violons se révèlent mieux leur nature profonde qu’en restant entre eux. Drain le conforte une fois de plus. Le très beau Light transite depuis les vitesses concurrentes de chacun à travers des frottements ralentis à l’unisson. Dans la galaxie des improvisateurs radicaux éclairés par l’ex-réductionnisme de Berlin (Axel Dörner, Burkhard Beins), l’ex-London New Silence (Rhodri Davies, Mark Wastell, Phil Durrant), la personnalité de Radu Malfatti et la quartertone trumpet de Franz Hautzinger, Ernesto et Guilherme Rodrigues sont des personnalités de choix et cet album en est une excellente illustration. Ernesto a une longue expérience de la musique contemporaine qui l’a mené à l’improvisation totale. Il en découle une véritable réflexion esthétique. Bien qu’ils aient des idées et une approche très pointues, les deux Rodrigues s’adaptent avec une véritable ouverture à la musique d’autres improvisateurs. C’est manifeste dans Drain où leurs manipulations bruitistes s’ouvrent naturellement à la personnalité de Mathieu Werchowski. En considérant l’évolution de la musique d’Ernesto Rodrigues et de sa fratrie à travers les compacts Creative Sources, on peut dire que Drain, leur dernier, est tout à fait bienvenu. Ce serait aussi la meilleure introduction à l’univers de nos deux cordistes portugais pour ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion de les découvrir.
the pursuit of happiness Arc : Sylvia Hallett Danny Kingshill Gus Garside Emanem
Trio à cordes absolument remarquable. Contrebasse (Garside), violoncelle (Kingshill), violon (Hallett), voix et électronique. Un excellent album de bout en bout qui montre combien la scène locale londonienne recèle de groupes exceptionnels. Onze pièces se suivent sans se ressembler et me donnent l’envie de les réécouter. Ce groupe joue ensemble depuis 1992 comme les trois doigts de la main. L'émotion est retenue et l'approche du trio est proche de la musique contemporaine. Un vrai régal ! Emanem est bien quasiment le seul label qui publie des enregistrements de groupes exclusivement cordistes. Après Angel Gate avec Wastell/ Durrant/Wren/Hug, The Kryonics (Jon Rose, Alex Kolkowski et Matthias Bauer) et le trio de Kent Carter, voici le trio ARC qui poursuit le bonheur pour notre plus grand plaisir et le Stellari Quartet chroniqué précédemment. Sous le nouveau pavillon Emanem (pochettes cartonnées soignées et série 5000), la conjonction de personnalités aussi peu notoires est un gage de qualité musicale. Le propos de ce trio n’est pas d’étaler des moments ébouriffants de technique instrumentale, mais de faire vibrer leurs instruments dans une réelle empathie et un esprit de découverte constructive. Avec eux Improvisation rime avec Invention et Imagination. C’est pourquoi je décrète que leur musique est merveilleuse et étrangement belle. J’en fais mon bonheur (happiness) et ce goût me poursuit longtemps après l’écoute. Vive Emanem !!
PS Depuis lors, Martin Davidson a publié le très ludique trio Barrel avec Allison Blunt, Igor Kallinn et Hannah Marshall à la grande joie de Joachim Rosenberg, couvrant ainsi plusieurs affects du tout violon.
Korom Szilard Mezei - Albert Markos Creative Sources CS 123 CD
Ce duo alto-violoncelle hongrois enregistré à Novi Sad est un des joyaux du label Creative Sources. A la fois contemporaine, lyrique, et audacieuse, la musique de ce duo est tour à tour lumineuse, inquiète, délicate ou énergique. Cette région de l’Europe est réputée pour la qualité et l’originalité toute spéciale de ses violonistes, qu’ils soient classiques ou issus de la musique populaire. Le violoncelliste Albert Markos et le violoniste Szilard Mezei proviennent respectivement de Transylvanie en Roumanie et de Vojvodine en Serbie, mais sont tous deux de langue et de culture hongroises. Szilard Mezei vient de faire découvrir sa musique au travers d’enregistrements récents (Draught & Cerkno / Leo) et un beau compact de son Ensemble est paru chez Creative Sources (Sivatag CS 115). Ces deux improvisateurs semblent proches par l’esprit aux Jon Rose, Carlos Zingaro, Marcio Mattos ou Phil Wachsmann. Répartie en une suite de dix-huit Korom improvisés, la musique se développe comme s’il s’agissait d’une grande composition tant la communauté d’intention et d’échange entre les deux musiciens est entière. S’ouvrant par deux pièces de quinze et de neuf minutes, la suite Korom se fragmente en une série de miniatures, de 20 et 40 secondes pour la plupart. L’abondance et la multiplicité des idées, des sons et des couleurs utilisés renforcent paradoxalement l’homogénéité de la musique. Certaines des miniatures (Korom 6 - 9) s’ouvrent sur un silence qui s’allonge vers la pièce suivante. On oublie dès lors qui joue quoi pour se pencher dans la douceur ou se redresser avec un sursaut. Les miniatures ( de Korom 3 à Korom 15) défilent à toute allure alors que les musiciens prennent tout leur temps pour jouer avec une véritable décontraction. L’avant-dernier morceau de neuf minutes qui clôture presque Korom est superbe par l’effusion et la retenue combinées en toute simplicité. Les pizzicatos de la finale effectuent un curieux pas de danse. Des idées donc, sans excès de technicité, et une excellente qualité sonore pour un dialogue vraiment réussi. Creative Sources nous fait découvrir des musiciens des horizons les plus variés et nous avons droit ici au superlatif.
Ce duo alto-violoncelle hongrois enregistré à Novi Sad est un des joyaux du label Creative Sources. A la fois contemporaine, lyrique, et audacieuse, la musique de ce duo est tour à tour lumineuse, inquiète, délicate ou énergique. Cette région de l’Europe est réputée pour la qualité et l’originalité toute spéciale de ses violonistes, qu’ils soient classiques ou issus de la musique populaire. Le violoncelliste Albert Markos et le violoniste Szilard Mezei proviennent respectivement de Transylvanie en Roumanie et de Vojvodine en Serbie, mais sont tous deux de langue et de culture hongroises. Szilard Mezei vient de faire découvrir sa musique au travers d’enregistrements récents (Draught & Cerkno / Leo) et un beau compact de son Ensemble est paru chez Creative Sources (Sivatag CS 115). Ces deux improvisateurs semblent proches par l’esprit aux Jon Rose, Carlos Zingaro, Marcio Mattos ou Phil Wachsmann. Répartie en une suite de dix-huit Korom improvisés, la musique se développe comme s’il s’agissait d’une grande composition tant la communauté d’intention et d’échange entre les deux musiciens est entière. S’ouvrant par deux pièces de quinze et de neuf minutes, la suite Korom se fragmente en une série de miniatures, de 20 et 40 secondes pour la plupart. L’abondance et la multiplicité des idées, des sons et des couleurs utilisés renforcent paradoxalement l’homogénéité de la musique. Certaines des miniatures (Korom 6 - 9) s’ouvrent sur un silence qui s’allonge vers la pièce suivante. On oublie dès lors qui joue quoi pour se pencher dans la douceur ou se redresser avec un sursaut. Les miniatures ( de Korom 3 à Korom 15) défilent à toute allure alors que les musiciens prennent tout leur temps pour jouer avec une véritable décontraction. L’avant-dernier morceau de neuf minutes qui clôture presque Korom est superbe par l’effusion et la retenue combinées en toute simplicité. Les pizzicatos de la finale effectuent un curieux pas de danse. Des idées donc, sans excès de technicité, et une excellente qualité sonore pour un dialogue vraiment réussi. Creative Sources nous fait découvrir des musiciens des horizons les plus variés et nous avons droit ici au superlatif.
Baggerboot Gunda Gottschalck Peter Jacquemyn Ute Völker Henceforth 102
Ce nouveau label californien du sud , Henceforth (San Diego), nous présente la musique du trio où officie une vieille connaissance pour qui est un peu familier avec la scène improvisée belge. Le contrebassiste Peter Jacquemyn est un gars bâti comme un roc et détenteur d’une énergie physique phénoménale qu’il traduit à travers son instrument dans un jeu particulièrement vitaminé. Tout comme Gunda Gottschalck et Ute Völker, respectivement violoniste et accordéoniste basées à Wuppertal (oui vous y êtes !), il est un peu orphelin de feu Peter Kowald, musicien de la rencontre et du partage ( comme Doneda, Lê Quan, Eddie Prévost, John Stevens, John Russell, Veryan Weston, Paul Lovens). Ce trio donc, a enregistré au village de Flobecq (en Wallonie, un région récalcitrante à l’impro radicale bien que chaleureuse et surréaliste) une suite intitulée Cascade 1, Cascade 2 et Cascade 3. En ce qui me concerne, les cascades ont coulé depuis longtemps lorsque cette rivière impétueuse franchit gorges et collines et contourne méandres et bancs de pierre. Elle finit par s’éclater sur les rocs où se posent les arches du pont duquel on contemple le déferlement ininterrompu qui charie branches et feuillages arrachés, pierres en quantité et d’éternels lambeaux d’écume blanche. Une fois déroulée, on devine l’élargissement de la vallée et le parcours plane et libre d’accidents dans Cascade 2. Malgré l’absence d’obstacles, le flux en apprence assagi et ralenti du cours d’eau recèle quelques surprises. Il se métamophose en étangs cachés, canaux d’épandage et jeux d’eau. Nous sommes surpris par l’eau s’engouffrant dans des précipices invisibles. De temps en temps, l’élément liquide déborde les berges, déposant le limon et les matières organiques sur les étendues cultivées. Nos trois apôtres s’arrosent aussi à satiété, se rafraîchissant à l’occasion, le besoin se faisant sentir ! Avec une telle dépense d’énergies, ils doivent être en nage. Baggerboot est une aventure du son et des gestes, délibérée et assumée par trois artistes de haut vol. Malgré la rudesse des éléments et son parcours imprévisible, ils maintiennent leur canot dans la direction voulue avec force coups de rame. J’aime particulièrement la Cascade 2, quand le soleil se lève, il y a de beaux arc – en ciel. Bravo, c’est vraiment épatant et c’est aussi l’avis de Pauline Oliveiros, accordéoniste et compositrice légendaire qui signe les notes de pochette.
J-M VS
textes parus dans la revue Improjazz http://improjazz.pagesperso-orange.fr/mag/magazine.html
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Bonne lecture Good read ! don't hesitate to post commentaries and suggestions or interesting news to this......