Jason Alder Thanos Chrysakis Caroline Kraabel Yoni Silver Music for Baritone Saxophone Bass clarinets and
Electronics. Aural Terrains
Label boss
and electronic improviser / composer Thanos
Chrysakis is often concentrated on that kind of drone music which goes in
fact beyond of the features and the moods inherent to such music. With two
blowers like Yoni Silver, a regular
bass clarinet player of choice on the London scene, and Caroline Kraabel, an avid explorer of the baritone sax aided with
her own voice and very much involved in many collective projects there, you have two
great instrumental voices maintaining a
kind of sonic continuity, although they manage to reach deeply different
dynamics and actions to attract and to revive
our active listening. Jason Alder
not only plays bass clarinet but also contrabass, Eb and Bb clarinets following
the demands of each piece. No one of these crafted improvisers are playing
solos but ensemble playing with quite minute and astute sound variations,
harmonics, subdued voicings to the point you forget and, even, you don’t care who
is playing what. Thanos Chrysakis is playing either laptop computer and
electronics and his noisy, windy sounds are inserting, slotting, meshing around
and inside the instrumental proceedings. You hear also some voices from a sort
of radio waves. The reed players can digress from the main line of the piece
with the more adapted intensity and poise to make it coherent with the whole
sound. So all in all, you have a very
pleasant, well balanced spooky, a bit extraterrestrial, music made by players
who are intense listeners and experienced improvisers. Aural Terrains is issuing serious works !
Daniel Studer Extended For Strings and Piano Harald Kimmig Franz Loriot Alfred
Zimmerlin Daniel Studer Philip Zoubek. EzzThetic 1007
EzzThetic est un tout nouveau sub-label de Hat-Hut (Hat Art,
Hatology etc..) et poursuit leur intérêt manifesté déjà par quelques projets
remarquables autour du contrebassiste Daniel
Studer, dont le fascinant CD Im Hellen du String Trio avec le violoncelliste Alfred Zimmerlin et le violoniste Harald Kimmig). Cette fois, s’ajoutent au String Trio le violiste
(altiste) Franz Loriot et le
pianiste Philip Zoubek. La musique
a été conçue – écrite par Daniel Studer dans le prolongement de leurs pratiques
d’improvisateurs libres. Quelles que soient les moyens (écriture, notation
alternative, conduction, improvisation etc...), c’est bien le résultat musical
qui compte et qui finalement remporte l’assentiment de celui qui écoute et
l’enthousiasme et la concentration des musiciens. De la démarche de Daniel
Studer aidé par ses quatre camarades, on retiendra une remarquable extension
des possibilités sonores, des formes musicales, de la mise en abîme des
timbres, de l’intégration de chaque voix instrumentale dans l’ensemble, … Les
neuf pièces enregistrées évitent radicalement ce qu’on appelle « le
noodling » (péché mignon de la musique improvisée) par la précision du
jeu, la clarté des intentions, et la variété des formes qui se dessinent dans
chaque composition basée dans l’utilisation de techniques étendues ou alternatives.
Le pianiste joue très souvent dans les cordes et la carcasse de son instrument
et il est parfois difficile de distinguer les cordistes entre eux. On ne va pas se casser
la tête pour ranger Extended dans tel ou tel type de démarches de compositeurs en
se référant à X, Y ou Z. La musique d’Extended
vit et existe par elle-même : son déroulement se révèle complexe, peu
prévisible, et la musique complète
par la richesse de son imaginaire et des perspectives nombreuses dans sa
géométrie spatiale, intégrant une foule de traitements sonores et de modes de
jeux acquis par des décennies de travail ardu dans l’acte d’improviser
librement.
Readings : Gileya Revisited
Jaap Blonk, Simon Nabatov, Frank
Gratkowski, Marcus Schmickler & Gerry Hemingway. Leo Records. CD LR 856
Leo Records,
le label insigne de la free music russe / ex-soviétique, publie simultanément
deux albums dirigés par le brillant pianiste Simon Nabatov, un exilé et
dont la musique est conçue autour de textes littéraires critiques liés à l’après Révolution Russe et au
lendemains qui chantent. Les textes d’Isaac Babel (Red Cavalry) utilisés dans
leur précédent album chroniqué par moi-même étaient dits, chantés etc… par Phil
Minton avec la même équipe d’instrumentistes. Pour Gileya Revisited, on a
droit au vocaliste – poète sonore Néerlandais Jaap Blonk, lui-même duettiste occasionnel avec Phil Minton. Les
quatre instrumentistes , Nabatov, le saxophoniste Frank Gratkowski, le percussionniste Gerry Hemingway et l’électronicien Marcus Schmickler tissent une
bande sonore – contrepoint – paysage en liaison étroite avec des textes et
surtout avec le ton, la gouaille, les bruissements vocaux de Jaap Blonk,
particulièrement en verve ici. Gileya est un collectif de poètes
russes irrévérencieux qui à partir de 1910 fit parler de lui en tant que
précurseur de Dada, du Futurisme et du Surréalisme avec leur manifeste
« Une Claque sur la face du goût public ». Des textes des différents
poètes de Gileya (dont Alexander Kruchenyk, Vladimir Maiakovsky, Victor
Khlebnikov et le peintre David Burluk) ont été traduits en anglais et insérés
dans la trame musicale. Le talent extraordinaire de Jaap Blonk rend la violence
moqueuse, l’humour absurde et la folle déraison de ces révolutionnaires d’un
autre temps, qui exprimaient les conflits et contradictions criantes du bon
goût et de la société Russe de leur époque au travers de leur art de manière
totale. L’intense liberté d’expression de ses artistes fut par la suite balayée
par le pouvoir « rouge ». Simon Nabatov, le concepteur du projet dont la famille (ukrainenne)
a quitté l’URSS en 1979 quand il était enfant, remonte aux sources de la
liberté artistique telle qu’elle a été vécue dans son pays d’origine. Avec de tels musiciens improvisateurs et un
tel vocaliste, l’auditeur fera à la fois un voyage dans le temps et rejoindra
notre actualité brûlante. Une véritable cohérence et de nombreuses audaces
sonores alimentent une œuvre originale qui a tout à gagner si vous entendez –
comprenez l’anglais avec l’accent et les intonations facétieuses et expressives
de Jaap Blonk. Une vraie réussite.
Puncture Cycle Benedict Taylor & Dirk
Serries nwja 0018 new wave of jazz
Improvisation
radicale en duo entre un guitariste acoustique, le belge Dirk Serries et un
altiste (violon alto), le britannique Benedict Taylor. Exploration sonore
au-delà des conventions instrumentales, bruissantes, crissantes, pointillistes,
abstraites… Une forme de lyrisme pointe très en avant des glissandi éthérés de Benedict Taylor quand il ne frictionne
pas la touche et l’archet, tandis que la guitare de Dirk Serries est traitée comme une source sonore, caisse de
résonnance tendues de cordes qui résonne en staccato, griffouillages éclair,
frottements extrêmes. Une forme de dialogue basé sur l’énergie, des juxtapositions
de motifs contradictoires, parallèles et sortis d’une imagination fertile et
une déroutante jubilation ludique avec une bonne dose de réflexion sur l’acte
et l’art d’improviser librement (cfr Derek Bailey). La musique peut contourner
le silence et se faire discrète, presqu’attentiste mais toujours concentrée sur
une écoute active. Elle évite d’exprimer les évidences pour chercher / trouver la
surprise, le non connoté, la richesse sonore, un dépassement de ce que l’auditeur pensait surprendre ou reconnaître. Et cela va assez loin, parfois en
frôlant le silence, créant au fil des morceaux, le sentiment profond que ce duo
prolonge, renouvelle, vivifie les acquits de cette scène londonienne marquée
par les John Russell et Phil Durrant (compagnons de John Butcher dans les
années 80-90), Phil Wachsmann et Richard Beswick (du trio Chamberpot de sinistre mémoire quand j’avais à peine passé la
vingtaine), Roger Smith et Nigel Coombes (du « string » Spontaneous
Music Ensemble de feu John Stevens). Face à ses musiciens, violonistes et guitaristes, reconnus et déjà d’un
autre temps, Serries et Taylor s’affirment comme des instrumentistes
improvisateurs tout aussi originaux qui auraient sans doute joué de la sorte
même s’ils avaient ignoré l'existence de leurs excellents prédécesseurs. D’ailleurs en
conversant avec Dirk Serries, celui-ci m’a dit être intrigué et très admiratif
de Derek Bailey, mais semble n’avoir jamais entendu in vivo ou via des enregistrements
les Russell, Smith et consorts. D’ailleurs, son style n’a rien à voir avec
celui de Bailey. Quant à Benedict Taylor, c’est un des princes de la
microtonalité assumée à l’alto (Jon Rose, Mat Maneri, LaDonna Smith, Szilard Mezei). Malgré
tout, si vous ne connaissez pas ou peu les artistes cités, je vous promets une
très belle découverte qui vous ouvrira les horizons d’une new wave of jazz, label
administré de main de maître par Dirk Serries.