Steve Lacy Three Live Lugano 1984 First Visit avec Jean-Jacques Avenel et Barry Wedgle ezz-thetics 110
https://first-archive-visit.bandcamp.com/album/live-lugano-1984-first-visit
La série First Visit d’ezz-thetics(ex Hat Art – hatology) nous fait découvrir de précieux inédits (Cecil Taylor) ou des rééditions incontournables (Albert Ayler). Au rayon des inédits, ce nouvel album de Steve Lacy Three enregistré en 1984 à Lugano, tranche tout à fait dans la production habituelle du saxophoniste disparu, grand-maître du sax soprano s’il en fût un. Le travail d’édition principal de Lacy s’est concentré d’une part sur ses Quintets et Sextets entre autres avec Steve Potts, Irene Aebi, Oliver Johnson, Bobby Few, Kent Carter et puis Jean-Jacques Avenel qu’on retrouve dans ce S.L. Three et bien sûr ses albums solos. D’autre part, il y eut une ribambelle de rencontres enregistrées en duo avec Derek Bailey, Kent Carter, Andrea Centazzo, Evan Parker, Mal Waldron, Maarten Altena, Masa Kwaté, Michael Smith ou des trios librement improvisés ou interprétant / improvisant sur ses magnifiques nombreuses compositions. Ce Steve Lacy Three est lui tout à fait spécial dans son œuvre par son instrumentation avec le guitariste Barry Wedgle et le contrebassiste J.J. Avenel et pas moins de 6 de ses compositions inconnues ou quasi pas enregistrées à l'exceptions de Flakes et Clichés qui ont fait l’objet de plusieurs enregistrements. L’intérêt pour l’auditeur « habitué » de la musique de Lacy et aussi pour ceux qui connaissent son œuvre partiellement par rapport à sa musique en Quintet et Sextet réside dans le fait que Steve en est le principal soliste et qu’il s’oblige à improviser longuement sur les huit compositions sur de longues durées de plus de 6 , 7, 8, 9 et 16 minutes pour un total de 73’20’’, sans jamais lasser, toujours consistant, ultra précis, lyrique lunaire, dynamique. Spirales, ellipses, articulation complexe d’hiéroglyphes magiques, chaque note ayant sa forme propre, sa densité, son intensité, sa dynamique, son pouvoir de suggestion en déployant de nouveaux sortilèges au fil de chaque improvisation. Comme il n’y a pas de batteur l’intensité rythmique est partagée entre les saccades, staccatos et imprécations du souffleur et l’allant puissant et impétueusement discret de Jean – Jacques Avenel à la contrebasse en pizz et la rage intériorisée à l’archet, le guitariste Barry Wedgle officiant comme électron libre ou comme « accompagnateur atypique. C’est absolument merveilleux si vous voulez acquérir et écouter le grand Steve au sommet de son art dans de longues improvisations et exposés originaux des thèmes de ses compositions. C’est un de ses albums où ses sons et aspects créatifs sont les plus diversifiés que l’on puisse entendre On y entend toujours le côté expressif tragique ou dramatique de son œuvre qui transparaissait dans la sonorité spécifique des années 70’ s avant que celle-ci se soit adoucie et relaxée dans les deux décennies suivantes. Un vrai trésor que Steve avait oublié de publier à l’époque.
Arcada Pendular Carlos Zingaro & João Madeira 4DARecords 4DRCD018
https://joaomadeira.bandcamp.com/album/arcada-pendular
On a entendu à plusieurs reprises le contrebassiste Lisboète João Madeira dans la galaxie des Rodrigues père et fils , Ernesto, l’altiste et Guilherme le violoncelliste comme dans cette superbe perle, Chaos, CD publié par Creative Sources, On le retrouve aussi dans No Strings Attached et Hoya sur le même label, toujours avec Ernesto Rodrigues, mais aussi Hernani Faustino, Daniel Levin … . L’année dernière, 4DARecords, le label de João, avait publié un excellent trio réussi du violoniste Carlos Zingaro et de la percussionniste Sofia Borges avec ce singulier contrebassiste : Trismariz. Convaincus par leurs échanges et partageant toute une philosophie de l’improvisation et un territoire sonore et émotionnel comme un véritable dénominateur commun extensible, Zingaro et Madeira se sont réunis pour nous livrer cette belle rencontre à la hauteur, et même plus, des associations de ce violoniste, pionnier de l’improvisation contemporaine, avec des contrebassistes tels que Joëlle Léandre, Kent Carter, Simon H Fell, … ou avec les violoncellistes Fred Lonberg-Holm et Peggy Lee.
Pour ceux qui ne seraient pas convaincus de l’art de ce violoniste portugais, plongez seulement dans ce fabuleux document d’une extraordinaire performance solo de Carlos Zingaro : Live at Mosteiro De Santa Clara A Velha (Cipsela). C’est le top à l’instar des Phil Wachsmann, Malcolm Goldstein et Harald Kimmig. Et j’aime cette arcade pendulaire, le mouvement de l’archet guidé par un pendule magique, celui de Philémon Cyclône à la recherche de trésors enfouis en travers des cordes, cherchant au milieu d'un terrain lunaire, silicé ou granitique, sec comme une trique à l’ombre lointaine et rasante des Pyramides au soleil couchant. Surfaces recouvertes de micro-champignons et de mousses multicolores comme on peut le voir sur la pochette du digipack, œuvre de Carlos… sous laquelle des attractions magnétiques invisibles guident les pas de danse de ces deux funambules du violon et de la contrebasse, le petit et le gros de cette famille d’instruments des violons qui ne s’associent au plus fin qu’au sein de leur fratrie : violon, alto, cello et contrebasse. Musique de recherches, d’actions instrumentales multiformes et mouvantes qui tiennent de l’exploration, de gestuelles expressives, d’introspections sonores qui se distancent, chacun à son rythme propre, se réunissent en contrepoints anguleux, spiralés, moirés ou fracturés, ou se contredisent, chacun détalant de son côté en feignant de ne pas se soucier des préoccupations de l’autre, mais lui apportant une question subtile, une énergie oblique, ou la conclusion qui se fait attendre. Il ne s’agit pas de déballage technique, mais plutôt d’un étalement en panorama graphique, strié, ondulatoire, abstrait et expressionniste autant que pointilliste ou impressionniste,... cubiste, tachiste, Turner, Delaunay, Kandinsky, Klee, de Kooning, Pollock, Richter, Frankenthaler ou mon ami le dessinateur André Dael et ses paysages imaginaires. C’est profondément sincère tout en utilisant de multiples techniques de frottement d’archets, d’harmoniques, de vibrations cordistes et boisées, dérapages, percussions, diffractions, amalgames, frénésies, extases ou méditations, réflexions, instants télépathiques para-normaux. L’imaginaire suggéré dépasse la faculté d’imagination et la notion de dialogue par la grâce de leur simplicité intérieure ouverte à l’instant présent et à leurs inclinations ludiques rebelles. Au-delà de cette notion de dialogue, on navigue et divague dans l’océan de l’écriture automatique, les limbes du rêve éveillé et de cette curiosité insatiable qui n’est jamais assez satisfaite d’une apparente réussite, lui préférant le risque, le méconnu, la défriche... À mettre dans un rayonnage aux côtés des duos de Barre Phillips et Malcolm Goldstein, de Philipp Wachsmann et Teppo Hauta-Aho ou du String Trio de Harald Kimmig,Alfred Zimmerlin et Daniel Studer.
Eugenio Sanna Lucio Bonaldo Michele Scariot Punti d’Incontro 13 silentes - Stella Nera
http://13.silentes.it/private_sounds/sps2485.htm
Eugenio Sanna , le guitariste pisan a plus d’un tour dans son sac. Non content de jouer et enregistrer dans quelques rencontres de pointe comme celles documentées dans Live In Pisa (avec Edoardo Ricci & Roger Turner/ Burp Productions) ou Water Reflections avec Guy-Frank Pellerin & Matthias Boss (FMR), il se prête à des jeux volatiles et particulièrement bruitistes avec quiconque se présente à lui, très souvent pour le meilleur. Pour notre bonheur, la paire Lucio Bonaldo (batterie préparée et sculpture métallique) et Michele Scariot (walkman & speaker « portatile ») a quasi tout compris en matière de croisements de pulsations et de bruitages dosés et interactifs. C’est superbement bruissant, noisy micro-détaillé, complexe et aéré avec une dynamique exemplaire. Ça gicle, râcle, crisse, croustille, buzze, s'hérisse et s’étale tous azimuts. Le guitariste frictionne la six cordes avec des lames et bandes métalliques , des petits ballons, du cellophane et quelconques objets. Sonorité abrasive, glitcheuse, électricité vagabonde. Et ce joyeux trio est interconnecté sur ces fréquences, bruitages, parasites avec une forme de percussivité ludique assez aléatoire en apparence. On entre ici dans le cœur battant de l’improvisation libre chercheuse, canaille, qui ferait passer certains ténors de cette mouvance comme étant quasiment néo-classique contemporain. Une musique « atomistique », où éclatent et se télescopent étincelles cosmiques, électrons incandescents ou calcinés, neutrons silencieux, shrapnels de métaux rares, scories etc.. traçant des fusées millimétriques, des escarbilles crépitantes sulfureuses ordonnées par une improbable théorie des cribles, une galaxie de lueurs s’évanouissant hors gravitation … Bref, c’est un album réjouissant où trois joyeux inventeurs décalés créent un univers sonore qui se concentre autant sur l’identité de leur trio qu’il s’égare dans les ramifications les plus diversifiées. Points de rencontre (Punti d’incontro) ? Je dirais rhizomes, réseaux volatiles, concassage du mélodique, impertinence du bruit, manipulations improbables d’instruments à côté et au-delà de leur raison d’être. Fuite en avant irrationnelle, mais dialogues réussis et qualité optimale d’imbrications spontanées de sons et bruits à perte de vue… Comme me l’a indiqué Eugenio, cet enregistrement capté à Vittorio Veneto illustre l’état d’esprit de la scène locale du Nord Vénitien ( Brescia, Padova, Treviso etc… ) devenue récemment plus active et plus rebelle.
The Complete Fingers Remember Mingus Dave Green Bruce Turner Lol Coxhill Alan Jackson Michael Garrick Jazz In Britain JIB-55-S-CD.
https://jazzinbritain1.bandcamp.com/album/the-complete-fingers-remember-mingus
J’avais raté le LP de ce Fingers en hommage à Mingus en 1980 faute d'argent disponible (label Spotlite). Mais je me rattrape avec la totale : trois CD’s de standards et morceaux de Mingus, Ornette et Monk à toutes les sauces, parfois « incongrues » et un beau paquet d’unreleased. Vous allez me dire : Ah oui ! Dave Green, le contrebassiste de jazz d’une rock star, feu Charlie Watts, le batteur des Stones. Un jour, j’ai bu un pot dans le pub the Bell à Walthamstow avec le guitariste John Russell qui me logeait dans son quartier lors d’une petite tournée. Il m’a présenté ce pub comme étant le lieu de rencontre de trois étudiants en arts graphiques et apprentis batteurs de jazz dans les années 1956-57 etc… :Terry Day, John Stevens et Charlie Watts. Dave Green est devenu un des piliers incontournables du jazz Londonien et resté en contact proche avec son ami d’enfance Charlie, lequel a produit l’album du People Band de son copain Terry Day en 1968 (pour Transatlantic), sans doute un des groupes les plus craignos du free sauvage et délirant. Mais en fait, Londres était peuplé de zèbres improbables qui déjouent encore les pronostics. Au départ, Dave Green voulait faire un hommage à Charlie Mingus, disparu en 1979 et son panel d’invités est tout aussi curieux (dans tous les sens de l’adjectif) que bien réfléchi. Il faut dire Green a une très solide expérience comme pilier du humphrey Littleton Band 18 ans d'affilée et il a joué avec Sonny Rollins, Roland Kirk et Coleman Hawkins. Le saxophoniste alto Bruce Turner est un unique improvisateur bop européen de « l’école » de Lennie Tristano avec un phrasé sournois étiré mâtiné d’humour british indéchiffrable qui évoque un Lee Konitz égrillard. Il a séjourné à NYC et le studio où Lennie donnait "ses leçons" et répétaient. L’idée géniale, joindre à cette équipe l’improbable Lol Coxhill un des plus grands saxophonistes sopranos de la terre entière (avec Steve et Evan) et un vrai compère amical et jovial envers quiconque croise sa route. Ces deux – là ne se connaissaient pas mais durant ce concert dans la Merlin Cave en 1979 et une enfilade de sessions pour la BBC (1983-84), les deux lascars se sont entendus comme des larrons en foire, avides des trucs et ficelles de leur alter-ego respectif. Dois – je informer que le saxophoniste préféré de Coxhill était Lester Young? Lester était un artiste qu’on doit absolument éviter d’appréhender seulement avec deux ou trois sessions d’époque (Commodore, Keynote ou Signature) mais aussi/ surtout investiguer massivement les sessions Alladin et Clef-Norgran, rééditées par Verve. Lester était en fait un artiste complexe dont le style a évolué drastiquement au fil des ans en conséquence de certaines mauvaises expériences de la vie et d’un désenchantement existentiel .
Complexe, c’est aussi ce qon peut dire de Lol Coxhill. Mais lui, était un joyeux drille, qui aimait tant se sentir libre de « jouer une mélodie » ou évoquer un standard dans le fil d’improvisations libres. Un enregistrement solo publié récemment par SLAM, Coxhill 1985 enregistré dans un pub de Bristol illustre bien cette tendance. Lol se délecte, entre autres, à disséquer et étendre les lignes mélodiques et les harmonies de I Thought About You de Van Heusen – Mercer et de divaguer sur des fantômes du Real Book au milieu de ses improvisations à tendance plus jazz tout en confondant le public écroulé de rire ou amusé par ces succulents « Dialogues » parlés. Écoutez le précisément, le gars, vous entendrez sa connaissance gargantuesque de l’idiome jazz et des standards qu’il chantait sans effort rien qu’à la vue de la partition qu’on lui fourrait sous le nez à la dernière seconde. Un petit frère d’Ornette (même génération née début des années 30) tout aussi original que lui avec ses notes « pliées » immédiatement reconnaissables. Mais c’est pas fini : il y a le batteur Alan Jackson. Celui-ci enregistra des plaques immémoriales avec le pianiste Howard Riley et le bassiste Barry Guy, des perles sérieuses et audacieuses du free-jazz européen (Angle – The Day Will Come), mais aussi avec Mike Osborne, John Surman, Keith Tippett, Mike Westbrook et Harry Beckett… Un sérieux client rompu à tous les styles. Au piano, Michael Garrick, dont Jackson a été le batteur attitré, connu pour ses performances avec des poètes et son travail avec la paire Don Rendell et Ian Carr, entre autres avec Dave Green. Il faut saisir les interventions de Michael Garrick au piano : du jazz contemporain post Bill Evans avec une toute grande classe dans Remember Mingus (omit Bruce Turner) dont les 18 minutes contiennent aussi une longue intervention digression free de Coxhill. Ces trois CD’s offrent une musique basée dans le bop qui n’hésite pas à déraper, rêver et développer au-delà de l’idiome jazz moderne, s’égarer ce qu’il faut bien au-delà du formatage qui rend cette musique insipide. Chacun s’écoute et intervient alternativement ex-tempore. Il suffit de goûter la faconde d’un solo de basse de Green dans le Alice in Wonderland de Mingus (deux versions). Et encore : les ingénuités et l’expressivité des deux souffleurs dans deux versions du Tears Inside d’Ornette Coleman, le chant irrésistible de Coxhill dans Embraceable You , le duo Garrick et Coxhill dans She ‘s Funny That Way. Les deux compères avaient enregistré en duo deux morceaux dans le LP de Coxhill The Joy Of Paranoia (Ogun). Il y a aussi un Anthroplogy saisissant et un Mood Indigo presque Mingusien avec un Bruce Turnr suave à la clarinette C’est touchant, excellent , plein d’instants de grâce dont l’écoute bon enfant rend le rabâchage du jazz moderne revisité dans les années fin 70, puis 80 et 90, académique, formaté, lassant et sans intérêt. Un paquet de notes sur le triple digipack à rabas et dans un épais livret très détaillé contenant une mine d'informations sur ce projet unique, sans doute le plus curieux hommage à Charles mingus défiant toute logique, idées toutes faites et poncifs. Écoutez les enregistrements de la tournée 1964 de Mingus avec Byard, Dolphy, Jordan et Richmond avec ses versions labyrinthiques de compositions de Mingus et vous comprendrez l'inspiration exercée sur ses impénitents et facétieux British. En plus, Jazz In Britain livre les commandes en Union Européenne depuis la Pologne, vous évitant ces taxes post brexit stupides.
Consacré aux musiques improvisées (libre, radicale,totale, free-jazz), aux productions d'enregistrements indépendants, aux idées et idéaux qui s'inscrivent dans la pratique vivante de ces musiques à l'écart des idéologies. Nouveautés et parutions datées pour souligner qu'il s'agit pour beaucoup du travail d'une vie. Orynx est le 1er album de voix solo de J-M Van Schouwburg (1996 - 2005). https://orynx.bandcamp.com
24 juillet 2025
20 juillet 2025
Mark Sanders – Paul Rogers – Larry Stabbins/ Lawrence Casserley & Emil Karlsen/ Kristof K.Roll + Ensemble Dedalus/ Savina Yannatou Floros Floridis Barry Guy Ramon Lopez
SAROST Aurora Mark Sanders – Paul Rogers – Larry Stabbins JazzinBritain
https://jazzinbritain1.bandcamp.com/album/aurora
“Classique” trio saxophone – contrebasse – batterie dans une veine free inspirée, « libre » et aventureuse où chacun des musiciens va jusqu’au bout de ses idées dans le sens de minutieuses explorations sonores spontanées et agencées dans le feu de l’action. Si la paire batterie – contrebasse Mark Sanders et Paul Rogers collabore depuis plus de trois décennies avec plusieurs autres improvisateurs d’envergure comme Evan Parker, Sarah Gail Brand, Elton Dean, Paul Dunmall, c’est sans doute la première fois qu’on les retrouve tous deux aux côtés du saxophoniste Larry Stabbins, un as du ténor aussi doué pour le soprano et habitué du Little Theatre Club fin des années 60 et début années 70. Il semble qu’il soit un des premiers saxophonistes britanniques à jouer des concerts en solo, avant qu’Evan Parker n’enregistre son premier concert solo en 1975 (saxophone solos Incus 19). Larry a été très présent dans la scène britannique et européenne durant la période phare des années 70 et 80 avec une résurgence au début des années 2000. Il fut le saxophoniste de prédilection des groupes de Keith Tippett en succédant à Elton Dean, et des Quartet et Quintet de Tony Oxley. Ses albums les plus appréciés de cette lointaine époque sont Fire Without Bricks en duo avec le percussionniste Roy Ashbury (Bead Records) et TERN en trio avec feu Keith Tippett et Louis Moholo (FMP SAJ). Aussi, Continuum avec Eddie Prévost, Veryan Weston et Marcio Mattos (Matchless). Plus tard, Larry a enregistré un album solo, Monadic et trois CD en quartet avec Sanders le pianiste Howard Riley et le contrebassiste Tony Wren (Four in The Afternoon/ Emanem – St Cyprian’s vol 1 et 2/ FMR). J’ai gardé de lui un souvenir impérissable d’un concert en duo avec Roy Ashbury en 1979, où assis sur le sol à deux mètres de son sax soprano, je pouvais distinguer très clairement la multiplicité des sons, sifflements, harmoniques, strangulations de la colonne d’air dans le moindre détail etc… alors que Roy Ashbury jouait à même le sol en modifiant continuellement l’assemblage de ses percussions tout en frappant, grattant, frottant … son matériel. Fascinant ! Pour ceux qui ont connu et écouté Stabbins auparavant, Aurora sera une aussi belle surprise que pour ceux qui vont le découvrir ici pour la première fois. Non seulement, nous avons ici le batteur Mark Sanders au meilleur de sa forme et son indicible sens des pulsations qui profite à fond de l’ouverture spirituelle et musicale de ce trio dans un parfait équilibre fait autant de tensions électriques que d’empathie créatrice. Multirythmique et coloré, discret et actif, Sanders est un batteur free de rêve auprès de nombreux improvisateurs comme John Edwards, John Butcher, Evan Parker, Gail Brand, Trevor Watts Paul Dunmall… Chaque instrumentiste occupe la même importance dans les interventions individuelles et dans l’espace sonore. La participation du contrebassiste (à sept cordes) Paul Rogers est un bonus magnificent dans cette superbe session. Non seulement son partenariat avec Sanders est incontournable entre autres avec Paul Dunmall ou Elton Dean, il a aussi croisé la route de Stabbins chez Keith Tippett. Paul joue de l’archet comme s’il était un orchestre à cordes à lui tout seul ; le registre de son instrument à sept cordes donne l’illusion d’être à la fois une « piccolo » bass (on songe à Barry Guy), un violoncelle et une viole de gambe. Son jeu à l’archet est complexe, raffiné et strié d’ombres et de moirages boisés teintés d’harmoniques scintillantes. Sa contrebasse (Luthier Alain Leduc - Nîmes) est munie de cordes sympathiques, la vibration desquelles en magnifie la sonorité. Les sonorités aériennes aux cymbales et les frappes pointillistes du batteur se marient avec les interventions du bassiste avec une réelle empathie. Ses improvisations en pizzicato sur la touche apportent la dose de lyrisme charnel qui équilibre l’équipée et donnent du sens au développement mélodique du souffleur. Ses deux acolytes inspirés permettent à cet authentique skipper océanique au long cours qu’est Larry Stabbins d’évoluer aux First Lights de l’Aurora, à 67 North et 67 South jusqu’aux Boreas Curtains, selon les quatre titres de leur remarquable suite. Chacun d’eux assume en alternance l’élément moteur du trio et détermine sa dynamique en assurant une exemplaire lisibilité tout en donnant le meilleur de lui-même sans entraver l’élan de ses camarades. Lançant quelques imprécations modales, le souffleur a tôt fait de faire exploser la colonne d’air de son ténor avec un expressionnisme virulent ou tournoyer irrégulièrement avec la sonorité acide de son soprano au fil des improvisations intenses et subtilement dosées de ce TRIO SAROST, une belle surprise du free-free jazz allumé à l’improvisation libre.
Aspects of Memory Lawrence Casserley & Emil Karlsen Bead Records
https://beadrecords.bandcamp.com/album/aspects-of-memory
Aspects of Memory is the first meeting between Lawrence Casserley (signal-processing instrument) and Emil Karlsen (percussion). "Lawrence Casserley has devoted his professional career to the creation and performance of real-time electroacoustic music, culminating in the development of his own unique device—The Signal Processing Instrument. This instrument allows him to use physical gestures to control the processing and to direct the morphology of the sounds." Casserley writes: “A key element of the Signal Processing Instrument is the manipulation of musical time, and the Signal Processing Instrument might be likened to a kind of musical time machine. Time is at the core of our understanding of the world; and memory is at the core of our understanding of time. Both are fundamental to our perception of music. What happens to this understanding when “artificial memory” interferes with our perceptions ?”
Le percussionniste norvégien et résident de Manchester Emil Karlsen s’est révélé ces dernières années comme un artiste sensible, créatif et chercheur. Il a joué et enregistré avec Philipp Wachsmann et Neil Metcalfe, Phil Durrant, John Butcher & Dominic Lash, Ed Jones, Pierre Yves Tremblay et Alex Bonney et même en duo de percussions avec Mark Sanders. Du point de vue de l’évolution du travail de Lawrence Casserley et de son signal processing, on attendait de sa part un album avec un percussionniste improvisateur qui mette en évidence une preuve supplémentaire de sa créativité en relation avec la raison d’être essentielle de sa démarche de transformation en temps réel des sons musicaux joués par un autre improvisateur. L’interpénétration et le mariage des deux sources sonores, l’une instrumentale, l’autre « processée » font qu’il est souvent difficile de distinguer qui du percussionniste ou du « processeur » émanent les sonorités complexes et curieuses de leurs interactions croisées. On retrouve ici la dynamique des solos de percussions + électroniques du grand Tony Oxley de l’album Incus 8 (jamais réédité) avec une acuité accrue et un raffinement sonore inouï. Emil Karlsen révèle ici toute sa sensibilité dans le moindre détail de son jeu sur les fûts, ustensiles et cymbales. Pour ceux qui ont écouté les albums de Casserley tels que Dividuality (avec Evan Parker et Barry Guy), Garuda (avec Philipp Wachsmann), Integument (avec Adam Linson) ou MouthWind, on retrouvera ici ce qui fait la quintessence de l’art de ce magicien de la transformation sonore par le truchement du live signal processing au travers de plusieurs canaux ( 14 bien souvent) et de rhizomes d’applications successives et enchevêtrées créées dans ce but par L.C., le but de toute une vie d’essais et de recherches élaborées. Un univers fascinant, une technologie organique dont on en oublie la technicité au profit d’une musicalité insoupçonnée. Vagues, tourbillons, accélérations fantômes, agrégats sonores mutants, descentes glissantes dans les graves, étagements de fréquences éphémères, pulsations factices, vibrations percussives, boucles décalées et hésitantes, mystères. Voici une musique qui se découvre au fil de nombreuses écoutes tant les paramètres de l’élaboration des sons sont devenus surréels. Mention spéciale au travail d' Emil Karlsen qui anime activement l'aventure créative du label Bead Records "established in 1974"
Kristof K.Roll Les Ombres de la Nuit
Kristof K.Roll & Dedalus Grande Suite à l’Ombre des Ondes
Mazeto Square Un livre couverture cartonnée. Deux Compact Discs. Textes détaillés des rêves et partitions.
https://www.mazeto-square.com/product-page/les-ombres-de-la-nuit-livre-cd
Voici un magnifique projet du tandem Kristof K.Roll (Carole Rieussec & Christophe Camps) dans le domaine de la musique concrète et de voix enregistrées – témoignages vivants de personnes exprimant leurs expériences de rêves et mises en sons. « La bibliothèque sonore de récits de rêves du monde » et « La Petite Suite à l’Ombre des Ondes » sont contenues dans le CD1. Cet ensemble de témoignages rassemblent de nombreuses personnes qui narrent leurs souvenirs dans des contextes de conflits (comme le Prologue en 1/ enregistré à Bagdad). Les récits ou la relations de ces rêves ont été enregistrés dans de nombreux pays avec des interventions dans de nombreuses langues : français, arabe, italien, pashto, anglais, croate, macédonien etc… Le Livre contient un maximum d’informations sur les circonstances de ces projets et les textes des récits individuels dans la langue de chaque narrateur/ narratrice comme on l’entend dans l’enregistrement et leurs traductions en langue française et anglaise. La Grande Suite à l’Ombre des Ondes est une collaboration de Kristoff K.Roll et de l’Ensemble Dedalus. Il est contenu entièrement dans le CD2. On est plongé dans l’imaginaire du rêve, dans sa narration réaliste et dans une poésie brute , parfois déroutante. La réalisation technique de haut vol intègre les voix à une bande son d’une extrême précision, habillage sonore organique en phase avec la multiplicité des voix, des rêves et des personnalités qui ouvrent leur cœur et leur sensibilité profonde aux micros. Musique concrète de la vie concrète des gens, aventuriers de la vie par le rêve. Le livre lui-même détaille avec cette précision factuelle tous les intervenants, prénoms, lieux, temps, circonstances, paroles sans divulguer la puissance poétique, suggestive, émotionnelle qui émane de l’audition. Aussi, les Kristof K Roll se sont ouverts à plusieurs manifestations du rêve, existentielle, de survie, anecdotique, purement émotionnelle, ou tragique ou « non-sensique ». Ces différentes approches des rêves nous sont livrées sans aucun parti-pris ou une thèse à illustrer. Ce livre se lit dans les deux sens en inversant le recto ou le verso selon que vous suivrez les Suites du CD1 et du CD2. Si le contenu CD1 est focalisé sur la mise en sons électroacoustique à la Kristoff K Roll de la narration des rêves individuels dans l’espace public – fragments de reportage, la Grande Suite à l’Ombre des Ondes s’écoule en 17 compositions successives et 64’. L’ensemble Dedalus rassemble Didier Aschour, guitare, Amelie Berson Maximilien Dazas, percussions, Christian Pruvost, trompette, Deborah Walker, violoncelle. Je cite : « La Grande Suite est un déclinaison de la bibliothèque sonore de rêves du monde. Huit rêveuses et rêveurs dialoguentavec cinq instrumentistes dans un composition sonore mixte, imaginée par le duo Kristoff K. Roll, en dialogue avec les interprètes de l’ensemble Dedalus. » « Le public plonge au cœur de récits de rêves. Voyage onirique collectif qui navigue entre les récits dans une traversée sonore archipélique ». L’œuvre a été enregistrée par Nicolas Brouillard au Théâtre Jean Bart en février 2023. Le montage a été réalisé par Kristoff K. Roll et Nicolas Brouillard s’est joint à eux pour un mixage hyper réussi.
L'oeuvre de Kristoff K. Roll se développe depuis de nombreuses années d'aventures et de travail minutieux : elle atteint ici un niveau de qualité exceptionnelle, l'ambition créatrice et la modestie réunies. Je pense que cette réalisation est aussi cohérente qu’expressivement contemporaine au plus grand service des narrations des rêveuses – rêveurs, les musiciens de l’ensemble Dedalus excellant dans la partie musicale au service du projet. Précise, feutrée, concentrée, suggestive, la musique, les textes et les trouvailles sonores s’imposent en toute simplicité laissant le lyrisme, l’onirisme et la surréalité des voix et des narrations s’imprimer dans nos émotions, perceptions et stimuler notre faculté de recréer l’imaginaire au creux de nous – mêmes. Un travail très touchant, absolument atypique et qui permet à cette expression musicale sonore contemporaine de toucher un public « non averti ».
Savina Yannatou Floros Floridis Barry Guy Ramon Lopez Kouarteto Maya Recordings
https://mayarecordings.bandcamp.com/album/kouart-to
Deux artistes Grecs, Savina Yannatou et Floros Floridis, l’une chanteuse, l’autre clarinettiste saxophoniste en Kouarteto avec un batteur Catalan – Français et le contrebassiste Britannique Barry Guy. La musique, ici librement improvisée penche émotionnellement du côté de la Méditerranée. Le timbre « hellénique » de la voix de Savina Yannatou, à la fois lyrique, audacieuse, expressive moëlleuse et puissante a quelque chose de spécifique par rapport aux voix de ses collègues germaniques, anglo-saxonnes, françaises ou italiennes. Elle collabore fréquemment avec Barry Guy et Ramon Lopez. Et quelle idée lumineuse d’avoir invité Floros Floridis aux clarinettes basse et mi-bémol spécialiste du clair-obscur et d’une singulière manière pointilliste et expressionniste alliant retenue et découpage tranchant. Le batteur souligne, répercute des impressions, dose habilement ses frappes avec un vrai souci du détail pour laisser le champ libre à la voix fantastique de sa collègue et aux doigtés décalés du contrebassiste. Ces quatre – là nous démontrent ce qu’écouter, s’entraider et se répondre – suggérer – se compléter signifie dans le moindre instant de jeu et de partage. Enregistré à Ydra, Kouartéto se décline et se renouvelle merveilleusement au fil de 13 Ydra numérotés de 1 à 13 durant 67 minutes de plénitude. Chacun s’impose tour à tour comme un soliste d’avant-plan, comme un infiltrateur dans le maquis sonore, comme duettiste en trio : il faut écouter les détails d Ydra 6 (Greek Lullaby) avec la voix « traditionnelle » grecque, les frappes aléatoires de Ramon et les friselis des doigts de Barry effleurant les cordes de la contrebasse comme si c’était une harpe magique. Des trouvailles, coups de gueule et morsures du souffleur éclatent et s’étalent dans l’espace-temps comme une déflagration puis dans les murmures. On a droit à une multitude d’états d’âme instrumentaux et d’expressions vocales qui coïncident dans l’instant ou un peu plus tard et de morceau n morceau. Un album réussi et disons – le, fabuleux. Et la présence des deux artistes helléniques, Savina Yannatou et Floros Floridis (un vieux compagnon de Peter Kowald, Gunther Sommer ou Okay Temiz) est providentielle tant pour l’art de Barry Guy et la faconde de Ramon Lopez (ici aussi aux tablas indiens !).
https://jazzinbritain1.bandcamp.com/album/aurora
“Classique” trio saxophone – contrebasse – batterie dans une veine free inspirée, « libre » et aventureuse où chacun des musiciens va jusqu’au bout de ses idées dans le sens de minutieuses explorations sonores spontanées et agencées dans le feu de l’action. Si la paire batterie – contrebasse Mark Sanders et Paul Rogers collabore depuis plus de trois décennies avec plusieurs autres improvisateurs d’envergure comme Evan Parker, Sarah Gail Brand, Elton Dean, Paul Dunmall, c’est sans doute la première fois qu’on les retrouve tous deux aux côtés du saxophoniste Larry Stabbins, un as du ténor aussi doué pour le soprano et habitué du Little Theatre Club fin des années 60 et début années 70. Il semble qu’il soit un des premiers saxophonistes britanniques à jouer des concerts en solo, avant qu’Evan Parker n’enregistre son premier concert solo en 1975 (saxophone solos Incus 19). Larry a été très présent dans la scène britannique et européenne durant la période phare des années 70 et 80 avec une résurgence au début des années 2000. Il fut le saxophoniste de prédilection des groupes de Keith Tippett en succédant à Elton Dean, et des Quartet et Quintet de Tony Oxley. Ses albums les plus appréciés de cette lointaine époque sont Fire Without Bricks en duo avec le percussionniste Roy Ashbury (Bead Records) et TERN en trio avec feu Keith Tippett et Louis Moholo (FMP SAJ). Aussi, Continuum avec Eddie Prévost, Veryan Weston et Marcio Mattos (Matchless). Plus tard, Larry a enregistré un album solo, Monadic et trois CD en quartet avec Sanders le pianiste Howard Riley et le contrebassiste Tony Wren (Four in The Afternoon/ Emanem – St Cyprian’s vol 1 et 2/ FMR). J’ai gardé de lui un souvenir impérissable d’un concert en duo avec Roy Ashbury en 1979, où assis sur le sol à deux mètres de son sax soprano, je pouvais distinguer très clairement la multiplicité des sons, sifflements, harmoniques, strangulations de la colonne d’air dans le moindre détail etc… alors que Roy Ashbury jouait à même le sol en modifiant continuellement l’assemblage de ses percussions tout en frappant, grattant, frottant … son matériel. Fascinant ! Pour ceux qui ont connu et écouté Stabbins auparavant, Aurora sera une aussi belle surprise que pour ceux qui vont le découvrir ici pour la première fois. Non seulement, nous avons ici le batteur Mark Sanders au meilleur de sa forme et son indicible sens des pulsations qui profite à fond de l’ouverture spirituelle et musicale de ce trio dans un parfait équilibre fait autant de tensions électriques que d’empathie créatrice. Multirythmique et coloré, discret et actif, Sanders est un batteur free de rêve auprès de nombreux improvisateurs comme John Edwards, John Butcher, Evan Parker, Gail Brand, Trevor Watts Paul Dunmall… Chaque instrumentiste occupe la même importance dans les interventions individuelles et dans l’espace sonore. La participation du contrebassiste (à sept cordes) Paul Rogers est un bonus magnificent dans cette superbe session. Non seulement son partenariat avec Sanders est incontournable entre autres avec Paul Dunmall ou Elton Dean, il a aussi croisé la route de Stabbins chez Keith Tippett. Paul joue de l’archet comme s’il était un orchestre à cordes à lui tout seul ; le registre de son instrument à sept cordes donne l’illusion d’être à la fois une « piccolo » bass (on songe à Barry Guy), un violoncelle et une viole de gambe. Son jeu à l’archet est complexe, raffiné et strié d’ombres et de moirages boisés teintés d’harmoniques scintillantes. Sa contrebasse (Luthier Alain Leduc - Nîmes) est munie de cordes sympathiques, la vibration desquelles en magnifie la sonorité. Les sonorités aériennes aux cymbales et les frappes pointillistes du batteur se marient avec les interventions du bassiste avec une réelle empathie. Ses improvisations en pizzicato sur la touche apportent la dose de lyrisme charnel qui équilibre l’équipée et donnent du sens au développement mélodique du souffleur. Ses deux acolytes inspirés permettent à cet authentique skipper océanique au long cours qu’est Larry Stabbins d’évoluer aux First Lights de l’Aurora, à 67 North et 67 South jusqu’aux Boreas Curtains, selon les quatre titres de leur remarquable suite. Chacun d’eux assume en alternance l’élément moteur du trio et détermine sa dynamique en assurant une exemplaire lisibilité tout en donnant le meilleur de lui-même sans entraver l’élan de ses camarades. Lançant quelques imprécations modales, le souffleur a tôt fait de faire exploser la colonne d’air de son ténor avec un expressionnisme virulent ou tournoyer irrégulièrement avec la sonorité acide de son soprano au fil des improvisations intenses et subtilement dosées de ce TRIO SAROST, une belle surprise du free-free jazz allumé à l’improvisation libre.
Aspects of Memory Lawrence Casserley & Emil Karlsen Bead Records
https://beadrecords.bandcamp.com/album/aspects-of-memory
Aspects of Memory is the first meeting between Lawrence Casserley (signal-processing instrument) and Emil Karlsen (percussion). "Lawrence Casserley has devoted his professional career to the creation and performance of real-time electroacoustic music, culminating in the development of his own unique device—The Signal Processing Instrument. This instrument allows him to use physical gestures to control the processing and to direct the morphology of the sounds." Casserley writes: “A key element of the Signal Processing Instrument is the manipulation of musical time, and the Signal Processing Instrument might be likened to a kind of musical time machine. Time is at the core of our understanding of the world; and memory is at the core of our understanding of time. Both are fundamental to our perception of music. What happens to this understanding when “artificial memory” interferes with our perceptions ?”
Le percussionniste norvégien et résident de Manchester Emil Karlsen s’est révélé ces dernières années comme un artiste sensible, créatif et chercheur. Il a joué et enregistré avec Philipp Wachsmann et Neil Metcalfe, Phil Durrant, John Butcher & Dominic Lash, Ed Jones, Pierre Yves Tremblay et Alex Bonney et même en duo de percussions avec Mark Sanders. Du point de vue de l’évolution du travail de Lawrence Casserley et de son signal processing, on attendait de sa part un album avec un percussionniste improvisateur qui mette en évidence une preuve supplémentaire de sa créativité en relation avec la raison d’être essentielle de sa démarche de transformation en temps réel des sons musicaux joués par un autre improvisateur. L’interpénétration et le mariage des deux sources sonores, l’une instrumentale, l’autre « processée » font qu’il est souvent difficile de distinguer qui du percussionniste ou du « processeur » émanent les sonorités complexes et curieuses de leurs interactions croisées. On retrouve ici la dynamique des solos de percussions + électroniques du grand Tony Oxley de l’album Incus 8 (jamais réédité) avec une acuité accrue et un raffinement sonore inouï. Emil Karlsen révèle ici toute sa sensibilité dans le moindre détail de son jeu sur les fûts, ustensiles et cymbales. Pour ceux qui ont écouté les albums de Casserley tels que Dividuality (avec Evan Parker et Barry Guy), Garuda (avec Philipp Wachsmann), Integument (avec Adam Linson) ou MouthWind, on retrouvera ici ce qui fait la quintessence de l’art de ce magicien de la transformation sonore par le truchement du live signal processing au travers de plusieurs canaux ( 14 bien souvent) et de rhizomes d’applications successives et enchevêtrées créées dans ce but par L.C., le but de toute une vie d’essais et de recherches élaborées. Un univers fascinant, une technologie organique dont on en oublie la technicité au profit d’une musicalité insoupçonnée. Vagues, tourbillons, accélérations fantômes, agrégats sonores mutants, descentes glissantes dans les graves, étagements de fréquences éphémères, pulsations factices, vibrations percussives, boucles décalées et hésitantes, mystères. Voici une musique qui se découvre au fil de nombreuses écoutes tant les paramètres de l’élaboration des sons sont devenus surréels. Mention spéciale au travail d' Emil Karlsen qui anime activement l'aventure créative du label Bead Records "established in 1974"
Kristof K.Roll Les Ombres de la Nuit
Kristof K.Roll & Dedalus Grande Suite à l’Ombre des Ondes
Mazeto Square Un livre couverture cartonnée. Deux Compact Discs. Textes détaillés des rêves et partitions.
https://www.mazeto-square.com/product-page/les-ombres-de-la-nuit-livre-cd
Voici un magnifique projet du tandem Kristof K.Roll (Carole Rieussec & Christophe Camps) dans le domaine de la musique concrète et de voix enregistrées – témoignages vivants de personnes exprimant leurs expériences de rêves et mises en sons. « La bibliothèque sonore de récits de rêves du monde » et « La Petite Suite à l’Ombre des Ondes » sont contenues dans le CD1. Cet ensemble de témoignages rassemblent de nombreuses personnes qui narrent leurs souvenirs dans des contextes de conflits (comme le Prologue en 1/ enregistré à Bagdad). Les récits ou la relations de ces rêves ont été enregistrés dans de nombreux pays avec des interventions dans de nombreuses langues : français, arabe, italien, pashto, anglais, croate, macédonien etc… Le Livre contient un maximum d’informations sur les circonstances de ces projets et les textes des récits individuels dans la langue de chaque narrateur/ narratrice comme on l’entend dans l’enregistrement et leurs traductions en langue française et anglaise. La Grande Suite à l’Ombre des Ondes est une collaboration de Kristoff K.Roll et de l’Ensemble Dedalus. Il est contenu entièrement dans le CD2. On est plongé dans l’imaginaire du rêve, dans sa narration réaliste et dans une poésie brute , parfois déroutante. La réalisation technique de haut vol intègre les voix à une bande son d’une extrême précision, habillage sonore organique en phase avec la multiplicité des voix, des rêves et des personnalités qui ouvrent leur cœur et leur sensibilité profonde aux micros. Musique concrète de la vie concrète des gens, aventuriers de la vie par le rêve. Le livre lui-même détaille avec cette précision factuelle tous les intervenants, prénoms, lieux, temps, circonstances, paroles sans divulguer la puissance poétique, suggestive, émotionnelle qui émane de l’audition. Aussi, les Kristof K Roll se sont ouverts à plusieurs manifestations du rêve, existentielle, de survie, anecdotique, purement émotionnelle, ou tragique ou « non-sensique ». Ces différentes approches des rêves nous sont livrées sans aucun parti-pris ou une thèse à illustrer. Ce livre se lit dans les deux sens en inversant le recto ou le verso selon que vous suivrez les Suites du CD1 et du CD2. Si le contenu CD1 est focalisé sur la mise en sons électroacoustique à la Kristoff K Roll de la narration des rêves individuels dans l’espace public – fragments de reportage, la Grande Suite à l’Ombre des Ondes s’écoule en 17 compositions successives et 64’. L’ensemble Dedalus rassemble Didier Aschour, guitare, Amelie Berson Maximilien Dazas, percussions, Christian Pruvost, trompette, Deborah Walker, violoncelle. Je cite : « La Grande Suite est un déclinaison de la bibliothèque sonore de rêves du monde. Huit rêveuses et rêveurs dialoguentavec cinq instrumentistes dans un composition sonore mixte, imaginée par le duo Kristoff K. Roll, en dialogue avec les interprètes de l’ensemble Dedalus. » « Le public plonge au cœur de récits de rêves. Voyage onirique collectif qui navigue entre les récits dans une traversée sonore archipélique ». L’œuvre a été enregistrée par Nicolas Brouillard au Théâtre Jean Bart en février 2023. Le montage a été réalisé par Kristoff K. Roll et Nicolas Brouillard s’est joint à eux pour un mixage hyper réussi.
L'oeuvre de Kristoff K. Roll se développe depuis de nombreuses années d'aventures et de travail minutieux : elle atteint ici un niveau de qualité exceptionnelle, l'ambition créatrice et la modestie réunies. Je pense que cette réalisation est aussi cohérente qu’expressivement contemporaine au plus grand service des narrations des rêveuses – rêveurs, les musiciens de l’ensemble Dedalus excellant dans la partie musicale au service du projet. Précise, feutrée, concentrée, suggestive, la musique, les textes et les trouvailles sonores s’imposent en toute simplicité laissant le lyrisme, l’onirisme et la surréalité des voix et des narrations s’imprimer dans nos émotions, perceptions et stimuler notre faculté de recréer l’imaginaire au creux de nous – mêmes. Un travail très touchant, absolument atypique et qui permet à cette expression musicale sonore contemporaine de toucher un public « non averti ».
Savina Yannatou Floros Floridis Barry Guy Ramon Lopez Kouarteto Maya Recordings
https://mayarecordings.bandcamp.com/album/kouart-to
Deux artistes Grecs, Savina Yannatou et Floros Floridis, l’une chanteuse, l’autre clarinettiste saxophoniste en Kouarteto avec un batteur Catalan – Français et le contrebassiste Britannique Barry Guy. La musique, ici librement improvisée penche émotionnellement du côté de la Méditerranée. Le timbre « hellénique » de la voix de Savina Yannatou, à la fois lyrique, audacieuse, expressive moëlleuse et puissante a quelque chose de spécifique par rapport aux voix de ses collègues germaniques, anglo-saxonnes, françaises ou italiennes. Elle collabore fréquemment avec Barry Guy et Ramon Lopez. Et quelle idée lumineuse d’avoir invité Floros Floridis aux clarinettes basse et mi-bémol spécialiste du clair-obscur et d’une singulière manière pointilliste et expressionniste alliant retenue et découpage tranchant. Le batteur souligne, répercute des impressions, dose habilement ses frappes avec un vrai souci du détail pour laisser le champ libre à la voix fantastique de sa collègue et aux doigtés décalés du contrebassiste. Ces quatre – là nous démontrent ce qu’écouter, s’entraider et se répondre – suggérer – se compléter signifie dans le moindre instant de jeu et de partage. Enregistré à Ydra, Kouartéto se décline et se renouvelle merveilleusement au fil de 13 Ydra numérotés de 1 à 13 durant 67 minutes de plénitude. Chacun s’impose tour à tour comme un soliste d’avant-plan, comme un infiltrateur dans le maquis sonore, comme duettiste en trio : il faut écouter les détails d Ydra 6 (Greek Lullaby) avec la voix « traditionnelle » grecque, les frappes aléatoires de Ramon et les friselis des doigts de Barry effleurant les cordes de la contrebasse comme si c’était une harpe magique. Des trouvailles, coups de gueule et morsures du souffleur éclatent et s’étalent dans l’espace-temps comme une déflagration puis dans les murmures. On a droit à une multitude d’états d’âme instrumentaux et d’expressions vocales qui coïncident dans l’instant ou un peu plus tard et de morceau n morceau. Un album réussi et disons – le, fabuleux. Et la présence des deux artistes helléniques, Savina Yannatou et Floros Floridis (un vieux compagnon de Peter Kowald, Gunther Sommer ou Okay Temiz) est providentielle tant pour l’art de Barry Guy et la faconde de Ramon Lopez (ici aussi aux tablas indiens !).
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