That Irregular Galvanic Twitch BARK! Rex Casswell Phillip Marks Paul Obermayer Sound anatomy SA015.
Un vrai groupe et un grand groupe. Un univers très original, unique même, aux confluences de l’ère punk, du free-jazz free sans concession, de l’improvisation radicale et de l’électronique improvisée haut de gamme. Phillip Marks est une bête de scène de la batterie avec un look et une gestuelle inoubliable. Il ne se commet qu’avec ses potes : Rex Casswell, Richard Scott, David Birchall, Olie Brice, Stephen Grew, Dave Tucker, tous membres à un moment donné de la communauté improvisée de Manchester. Leur scène avait un point d’attache à Bark Walk à Hulme. Ils ont ajouté un point d’exclamation à BARK, synonyme d’urgence. Cfr https://bark-trio.com/bark-walk/ pour plus de détails sur le groupe. Depuis 1999, après le départ du saxophoniste Richard Scott et puis du tubiste Robin Hayward, Casswell, le guitariste, et Marks, le batteur, reçoivent la proposition de Paul Obermayer, de jouer ensemble. Obermayer est l’acolyte du compositeur Richard Barrett dans FURT, un duo phare de l’EAI, Electro – Acoustic Improvisation. Leur trio n’a pas arrêté depuis. Le premier album de BARK! nouvelle formule, SWING, a été publié en 2000 par Matchless, le label d’Eddie Prévost d’AMM. Les deux suivants, Contraption et Fume of Sighs se trouvent au catalogue de Psi, le label d’Evan Parker. Ce qui veut dire beaucoup concernant l’importance et la qualité du travail de BARK!. Ce label Psi a aussi publié deux albums de Grutronic où officient aussi Richard Scott et Stephen Grew à l’électronique, avec Paul Obermayer et ensuite, Evan Parker comme invités. FURT a gravé pas moins de trois opus pour Psi ainsi que les albums du projet fORCH. Depuis que Psi a levé le pied, Richard Scott, devenu un artiste électronique incontournable au Buchla Moog Synthesizer, a lancé le label Sound Anatomy en 2015 pour fédérer leur mouvance. Son Lightning Ensemble réunit Philip Marks et le guitariste acoustique David Birchall (Auslanders et Hyperpunkt) et il vient de publier une rencontre passionnante avec Paul Lytton, Joker Nies, Scott et Georg Wissell, le tout paru chez Sound Anatomy. Richard Scott a eu à peine le temps de mettre That Irregular Galvanic Switch en ligne sur soundanatomy.bandcamp.com, que son stock de copies s’est envolé en quelques jours. Le site indique un Restock imminent. Cela ne fait que conforter mon adage que de nombreux organisateurs méconnaissent les vrais groupes phares au bénéfice des resucées de combinaisons d’artistes notoires omniprésents et qui parfois peinent à se renouveler. Ce nouvel album, That Irregular Galvanic Twitch est explosif, fascinant, tourneboulant et la musique est basée sur un sens du timing fabuleux et insolent (tout comme Scott et FURT). On fera inévitablement l’économie du dernier Schippenbach Trio ou des derniers Brötzmann, Barry Guy ou Mats Gustafsson pour se ruer sur ce viatique fabuleux. Nos trois artistes entendus principalement dans le réseau british de Manchester à Brighton ou Bristol n’ont pas la prétention d’être des génies, MAIS la musique de BARK ! est géniale. J’offre le download aux copains et ils en attendent maintenant impatiemment la copie physique, digipack marqué d’une œuvre graphique d’Annette Süsser-Simpson, qui contient deux longues improvisations de concerts : London 2017 (27 :52) et Manchester 2013 (32:47). Le tryptique de ce digipack contient l’exégèse du concert de Manchester par T.H.F. Drenching, un spécialiste allumé du dictaphone. Obermayer a développé une palette de sons électroniques qui défient l’entendement et qu’il gicle dans les rouages de la paire Marks – Casswell. Rex est un pur guitariste noise dont l’invention sonore et la force expressive est intégralement imbriquée dans les glissements et rebonds du drumming de son collègue. Casswell utilise toutes les parties physiques de sa guitare électrique en dosant avec la plus grande précision ses pédales d’effets. Pas de déflagrations expressionnistes - barrages de décibels infantiles. En jouant, le batteur soulève genoux et coudes d’une étrange façon en fouettant ses peaux avec des gestes asymétriques, le béret éternellement vissé sur le chef impassible et le regard impénétrable derrière sa paire de lunettes caractéristique. Une présence scénique inoubliable ! Cette musique noise ultra détaillée conjugue une multiplicité d’approches et de couleurs, d’intensités et de densités avec une extrême cohérence et une rythmique sous-jacente. Pas pour rien que le premier album du présent trio s’intitulait Swing. Marks et Casswell sont guidés dans leur démarche par la pratique de l’improvisation du Spontaneous Music Ensemble telle qu’elle est apparue dans le duo de John Stevens et Trevor Watts (Face to Face, Flower, One Two) basée sur le rythme et un sens du timing décalé, et cela sous l’influence initiale de Richard Scott, Londonien biberonné au SME. D’ailleurs, cette esthétique est illustrée avec évidence dans les albums solos de ce dernier, Tales from the Voodoo Box / Soundanatomy SA012 et Several Circles/ Cusp editions. On retrouve cette exigence au sein du duo Furt. L’assemblage avec Paul Obermayer nous semble atypique, mais ces improvisateurs british ont un instinct très sûr pour s’agréger de manière qui serait jugée excentrique sur le continent et comme allant de soi sur leurs îles. L’aspect le plus envoûtant de la musique de Bark ! est sa cohérence au niveau des pulsations et de leurs décalages surprenants au travers d’une extraordinaire variétés de sons, de textures, de ramifications, de dynamiques imbriquées dans un échange à la fois millimétré et organique – anarchique. Il est absolument inutile de vouloir distinguer auditivement l’origine physique des sons et des actions tant les trois musiciens font corps l’un à l’autre. On est happé par leur sens ludique effréné, l’imaginaire pétaradant des ostinatos forcenés, la furia éberluante de ce trio à nul autre pareil. J’ai eu la chance de capter les ondes du duo de Paul Lovens et Paul Lytton sur scène, il y a beaucoup trop longtemps et la perspective de retrouver un jour BARK ! après leur concert mémorable du premier Freedom of The City 2001 (cfr Seventh of May 2001 Matchless Recordings) est pour moi la promesse la plus alléchante depuis ces temps immémoriaux. Stop ! Je me replonge encore dans ce chef d’œuvre. Le titre en exprime toute la saveur et la magie : That Irregular Galvanic Twitch !
Live At Dragon Nicolas Field & Albert Cirera FMR
Duo percussions (Nicolas Field) et saxophone ténor et soprano (Albert Cirera) de pure free-music chercheuse de sons alliée à l’agilité et à l’expressivité du jazz-libre. Improvisation totale de 45 minutes d’une traite partagée en quatre Part : 1, 2, 3 et 4 indiquant un changement de direction perceptible. La Part 2 est introduite par un passage de batterie en solitaire le temps que le souffleur se saisisse de son sax soprano, puis pointe les aigus et les ressasse avant de faire tournoyer les notes. Si le batteur propulse à tout va dans une polyrythmie endiablée, le saxophoniste s’accroche méthodiquement aux notes et à leurs intervalles avec une sonorité chaleureuse. Des changements de régime sont bienvenus évoluant spontanément et organiquement et relançant la raison d’être du duo. Deuxième passage solitaire de la percussion travaillant une autre idée / schéma de pulsations et de rythmes ondoyants en introduction du saxophone ténor au pavillon bouché par un objet ou un chiffon quelconque résumant l’échelle des notes à deux ou trois et à leurs fractions aléatoires : son primitif, growls, grincements expressifs, voix d’outre-tombe, expressionnisme viscéral. Le batteur ne lâche rien. La ferveur de l’instant, l’intensité ardue laissent vite la place à plus de volatilité sur les fûts. Multirythmes croisés et morsures conjointes et on se situe déjà dans la Part 3… Soudain, cela se calme et des trouvailles sonores de Nicolas Field ponctuent le silence. Peaux et cymbales amorties. Flux lunaire et grinçant du souffle dans le tube préparé. Sans doute le moment de choix de ce duo. Les deux artistes avaient prévu de jouer avec le bassiste Rafael Mazur. Son absence – cas de force majeure – les a obligé de repenser leur prestation. Celle-ci est enregistrée à Poznan le 15 juin 2018. Cette formule leur va comme un gant. Partis d’un lieu commun, ils naviguent dans l’improvisation véritable. Celle dont on collectionne les témoignages. Trace d’instants qui se dirigent vers une autre réalité, celle des équilibres instables et du dialogue du cœur.
Bise Improvisations aux flûtes traversières Isophone : Rosa Parlato - Claire Marchal Setola di Maiale SM4040.
Quatre-cent-quatrième album du label italien Setola di Maiale. La Bise est un vent du Nord mordant et les huit improvisations d’Isophone sont intitulées aux noms de vents de toutes origines : Alizé, Suroît, Grain Blanc, Simoun, etc… chacun avec leurs caractéristiques géographiques, physiques, saisonnières et dans le cadre du duo des flûtistes Rosa Parlato et Claire Marchal, sonores et musicales. Leur entente est si profonde qu’elles semblent évoluer dans le même souffle, la même respiration – inspiration. Leur travail privilégie les motifs mélodiques aux contours distendus, spiralés, vibrations aériennes concentrées sur l’écart subtil et partagé des tonalités dans l’esprit de la blue note sans aucune référence – écho aux / des flûtistes de jazz (libre) ou contemporains. Pas beaucoup de techniques alternatives extrêmes, mais une alternative à la morosité et à la créativité formatée. C’est vivace, sensible, serein mais questionneur, méthodique mais poétique. Une manière de folklore imaginaire, la géographie d’un jardin secret ouvert aux vents du monde sans la pollution et le bruit. Une écoute-talisman qui transcende le dialogue car l’évidence d’un texte écrit à quatre mains et par deux orifices buccaux. Leur méthode précieuse incarne au plus haut point l’esprit de l’improvisation collective dans ses multiples manifestations. À l’heure où le goût dans les musiques improvisées est dicté aussi par des prédicteurs formatés réduisant la créativité à une poignée de cénacles exclusifs et omniprésents, ces deux amies incarnent la diversité, le lyrisme sans arrière-pensée, l’ingéniosité personnelle véritable. Une Bise de satisfaction reconnaissante à nos deux protagonistes.
Live at Arch 1 Phil Durrant Pascal Marzan Martin Vishnick oem records
https://oemrecords.bandcamp.com/album/live-at-arch-1-3
En ces temps troublés par la crise sanitaire Covid 19, les propositions d’enregistrements téléchargeables se multiplient autant par appétit musical que par besoin d’en vivre. Cet étonnant trio – donation en faveur de Arch 1 rassemble trois guitaristes, ou plus exactement, un joueur improbable de mandoline, Phil Durrant, autre fois violoniste, un « vrai » guitariste, Martin Vishnick et un guitariste « déguisé », Pascal Marzan à la main droite hallucinante qui a transformé une guitare dix cordes (à la Narciso Yepes) en un hybride de la harpe et de la cithare en chamboulant l’ordonnancement des notes et de l’accord des différentes cordes en sixième de ton. Soit trente-cinq intervalles dans une octave. Je ne vous explique pas comment les intervalles sont distribués entre chaque corde, seulement je fais remarquer que les écarts de notes d’une corde à l’autre sont minimes (un tiers de ton) et qu’il est donc impossible d’obtenir des accords mais seulement des clusters. Deux longues improvisations de 21:56 et 10:05. Je me suis déjà extasié sur the Unit of Crystal du duo Durrant - Marzan publié récemment par Roam Records. Il témoigne de la première rencontre de Phil Durrant et Pascal Marzan, fort convaincante. Ce nouvel enregistrement du tandem Durrant - Marzan où s’est ajouté le très intéressant guitariste Martin Vishnick pousse encore le bouchon plus loin. Se développe une passionnante constellation de sonorités étranges obtenues par l’usage naturel et systématique de techniques alternatives et leurs interactions subtiles avec un sens effarant du timing. Polyphonies sauvages d’harmoniques, de grattages, de vibrations éthérées à la main droite, de frappes délicates, d’intervalles distordus, d’arabesques sauvages en échos ou en tuilage, effets se répercutant d’un instrument ou d’une main à l’autre. Chaque instrument a sa résonance propre et complète les deux autres de manière organique, fascinante au point où on oublie l’effort individuel pour se concentrer sur les coïncidences, les affinités et les correspondances poétiques que cette musique de chambrette fantomatique suggère à notre imagination. La deuxième improvisation est une merveilleuse fable. Hautement recommandable.
En ces temps troublés par la crise sanitaire Covid 19, les propositions d’enregistrements téléchargeables se multiplient autant par appétit musical que par besoin d’en vivre. Cet étonnant trio – donation en faveur de Arch 1 rassemble trois guitaristes, ou plus exactement, un joueur improbable de mandoline, Phil Durrant, autre fois violoniste, un « vrai » guitariste, Martin Vishnick et un guitariste « déguisé », Pascal Marzan à la main droite hallucinante qui a transformé une guitare dix cordes (à la Narciso Yepes) en un hybride de la harpe et de la cithare en chamboulant l’ordonnancement des notes et de l’accord des différentes cordes en sixième de ton. Soit trente-cinq intervalles dans une octave. Je ne vous explique pas comment les intervalles sont distribués entre chaque corde, seulement je fais remarquer que les écarts de notes d’une corde à l’autre sont minimes (un tiers de ton) et qu’il est donc impossible d’obtenir des accords mais seulement des clusters. Deux longues improvisations de 21:56 et 10:05. Je me suis déjà extasié sur the Unit of Crystal du duo Durrant - Marzan publié récemment par Roam Records. Il témoigne de la première rencontre de Phil Durrant et Pascal Marzan, fort convaincante. Ce nouvel enregistrement du tandem Durrant - Marzan où s’est ajouté le très intéressant guitariste Martin Vishnick pousse encore le bouchon plus loin. Se développe une passionnante constellation de sonorités étranges obtenues par l’usage naturel et systématique de techniques alternatives et leurs interactions subtiles avec un sens effarant du timing. Polyphonies sauvages d’harmoniques, de grattages, de vibrations éthérées à la main droite, de frappes délicates, d’intervalles distordus, d’arabesques sauvages en échos ou en tuilage, effets se répercutant d’un instrument ou d’une main à l’autre. Chaque instrument a sa résonance propre et complète les deux autres de manière organique, fascinante au point où on oublie l’effort individuel pour se concentrer sur les coïncidences, les affinités et les correspondances poétiques que cette musique de chambrette fantomatique suggère à notre imagination. La deuxième improvisation est une merveilleuse fable. Hautement recommandable.
Dial Sue Lynch Dawid Frydryk Dave Fowler John Edwards FMR CD
Dial Tone I (9’46”) et Dial Tone II (38’10”) enregistrés respectivement à I’Klectic les 14/06/2017 et 09/05/2018. Sue Lynch joue des sax ténor, clarinette et flûte, Dawid Frydryk de la trompette, John Edwards à la contrebasse et Dave Fowler à la batterie. Une musique communale de dialogues et de complémentarités à la recherche d’un univers sonore en perpétuelle expansion et métamorphose. Cette formule instrumentale a connu beaucoup d’avatars : Sonny Rollins Don Cherry Henry Grimes Billy Higgins, Albert Ayler Don Cherry Gary Peacock Sunny Murray, Pharoah Sanders Don Cherry Henry Grimes Edward Blackwell, Gerry Gold Geoff Hawkins Marcio Mattos Eddie Prévost, Lawrence Butch Morris Frank Lowe Didier Levallet George Brown ou Sture Ericsson Axel Dörner Ingebrigt Håker Flaten Raymond Strid. Le Quartet de Dial a le mérite de transcender le format et de nous conduire vers des échanges fructueux sans esbroufe. Le challenge de la longueur d’une improvisation collective de 38 minutes est superbement bien relevé par l’apparition successive d’événements sonores subtils ou intenses et d’atmosphères recueillies, fragiles ou profondes exprimant un vécu et une communauté d’intentions et d’émotions partagées qui vont finalement au-delà du genre. Bien plus que d’étaler leur talent individuel, ces quatre musiciens font preuve d’une profonde qualité d’écoute et d’une empathie constructive. Le contrebassiste puissant fait vibrer l’édifice et le batteur commente et relance le quartet, le trompettiste séduit par son lyrisme et son articulation cascadante alors que les morsures du saxophone ténor de la multi-instrumentiste s’insinuent en clair-obscur. Les idées fusent, circulent et conduisent à des configurations renouvelées des énergies dans l’espace sonore. Les traces de ces moments partagés sont précieusement contenues dans ce Dial où rien n’est téléphoné, mais plutôt, ressenti intérieurement.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Bonne lecture Good read ! don't hesitate to post commentaries and suggestions or interesting news to this......