The art of the duo + 3 Günter Christmann Joker Nies Wolfgang Schliemann Joachim Zoepf Patrick Crossland Elke Schipper Ignaz Schick Joachim Heintz Mats Gustafsson. explico 25
Troisième album du label explico, publié en édition limitée à 150 copies numérotées sans luxe ostentatoire, documentant l’art du duo, mais avec un plus (+). En effet, comme l’explique Christmann, le responsable d’explico dans le court texte de présentation du disque, il faut pouvoir mettre de côté le concept du duo, une formule gagnante, en réunissant deux duos pour jouer en quartet.
Le tromboniste Günter Christmann intervient dans sept des dix improvisations auxquelles il participe en jouant du violoncelle et ne prenant son trombone que dans un seul des deux quartets enregistrés. Les deux pièces restantes sont consacrées curieusement à la cithare. Intelligemment, l’album est divisé en trois parties ou séries, même si ce n’est pas indiqué formellement. Les improvisations de 1 à 4 présentent un groupe de concert enregistré en 2008 et constitué de Günter C., du percussionniste Wolfgang Schliemann, du clarinettiste - saxophoniste Joachim Zoepf et des live electronics de Joker Nies. Pour commencer, le duo percussion et sax - soprano : Schliemann et Zoepf ont enregistré un fantastique album en duo en 2005 (Zweieiige Zwillinge, Nur Nicht Nur) et leur échange présenté ici se situe dans les extrêmes. Les numéros 5, 6 et 7, enregistrés en 2016 réunissent Ignaz Schick (live – electronics), Elke Schipper( voix), Patrick Crossland (trombone) et Christmann. Ensuite et en conclusion, deux improvisations de Günter Christmann à la cithare ''entre autres'' (avec objets, sans doute) en duo avec Joachim Heintz (live electronics) et Elke Schipper. Entre ces deux pièces, un duo de Christmann au violoncelle avec Mats Gustafsson au sax ténor. Il y a toujours des idées bien précises dans les albums explico : chacune des trois séries d’improvisations contient trois improvisateurs différents jouant des live electronics. Je l’ai déjà dit, Christmann délaisse ici son trombone et invite un tromboniste pour qui il a une profonde admiration, l’américain Patrick Crossland, ici en duo avec le violoncelle du maître et un fascinant quartet avec Christmann toujours, Ignaz Schick et Elke Schipper. Très surprenants : les deux duos de Joachim Heintz et d’Elke Schipper avec la cithare dingue de Günther Christmann. Il faudrait le voir en jouer pour comprendre comment il parvient à produire ces sonorités étranges, mouvementées et irrationnelles, vagues houleuses et distordues obtenues en utilisant divers objets non mentionnés dans les notes. Outre cela, j’apprécie ici énormément son travail au violoncelle en duo avec les différents improvisateurs. Successivement Joker Nies, Joachim Zoepf, Patrick Crossland et Mats Gustafsson. Christmann est un improvisateur du court, du bref, du concis et de la volatilité à travers sons, textures, dynamiques, accents, intensité, silences, mouvements, détails. Morceaux entre deux et quatre minutes trente. Son jeu au violoncelle adopte un mode de pensée exprimant la spontanéité au service de la forme musicale. Très remarquable et tout à fait fou, le duo avec Heintz travaillant le son bruitiste de la cithare avec son procédé de transformation électronique du son en temps réel.
Sa démarche personnifie la pure improvisation libre à l’opposé de la régularité (un peu conformiste) du flux et de la récurrence des phrasés, monomanie de la vitesse et de l’énergie linéaires qui est devenue le lieu commun de trop d’albums de free-music, quand ce n’est pas du remplissage. Bien sûr, j’ai du plaisir à écouter de très bons musiciens improvisateurs qui maîtrisent leur art dans le genre trio sax et batterie avec basse, piano ou guitare, une combinaison omniprésente. Mais de mon point de vue, il n’y a pas de doute. Un album comme cet art of the duo + 3 conçu et produit par Günter Christmann et composé de duos et de deux quartets offrent un résumé vivant et requérant d’échanges – partages improvisés qui se suffisent à eux-mêmes et me pousse à le réécouter deux fois entièrement plusieurs soirs de suite. Alors que d’autres albums chroniqués ici, tout – à fait méritoires, sont rangés après l’écoute attentive durant laquelle je rédige ma chronique, et parfois ad vitam aeternam. Dans art of the duo + 3, Il y a tellement d’idées, de signes, d’événements sonores, de cas de figures mélangeant coups de griffe, filets d’harmoniques, zigzags fugaces, une variété impressionnante de coups d’archets d’une grande diversité, une expression gestuelle dans le son d’une grâce infinie, un sens de la forme instantanée d’une grande précision… Il faut aussi souligner l’excellence d’Elke Schipper, poétesse sonore – chanteuse affolante d’une grande lucidité. Ce disque permet d’entendre des artistes peu connus hors d’Allemagne comme Zoepf, Schliemann, Nies, Schick et il est à espérer que cela mettra certains sur leurs traces... La succession des dix pièces enregistrées ici (entre 2 et un peu plus de quatre minutes) et la suite de des deux séries de duos – quartet forment des enchaînements qui mettent en valeur réciproquement les trouvailles de chaque improvisation, se complètent ou offrent un contraste idéal par rapport à d’autres. Un sens du résumé, de la synthèse, une puissance de la forme à plusieurs niveaux concentrés en quelques minutes. On est très loin de la documentation compulsive entretenue par certains producteurs qui entretiennent une sorte d’élitisme / culte de la personnalité où souvent l’aspect musical est secondaire. Avec explico, vous en avez pour votre argent et pour votre temps d’écoute disponibles. Comptant parmi les pionniers les plus fameux apparus dans les années 70 (Stevens, Bailey, Mengelberg, Parker, Bennink, Lovens, Rutherford, Van Hove, Kowald), Günter Christmann continue sa quête insatiable de vérité et d’émerveillement sans se reposer sur ses acquits et sa carrière, comme peu sont encore tentés à le faire. Et ce n° 25 de la collection en est une belle preuve.
À commander chez l’artiste qui réalise lui-même les pochettes artisanales. Editions Explico D-30851 Langenhagen Weserweg 38 Deutschland.
Solution n° 5 Jean Marc Foussat Matthias Mahler Nicolas Souchal Le Fondeur de Sons LFDS 006
Matthias Mahler, trombone et Nicolas Souchal, trompette bugle se révèlent être des improvisateurs subtils issus du jazz avec une grande capacité pour l’improvisation mélodique hors des barres de mesures, cohérente et pleine d’allant. Plongé dans l’univers analogique mouvant des synthés vintage de Jean-Marc Foussat, ils poursuivent un cheminement propre fait de pulsations, de secousses mélodiques vif-éclair, de lueurs sombres, d’éclats irisés, de bourdonnements d’embouchure libérés des poncifs et bienséances. Un remarquable équilibre s’établit avec les inventions sonores de Jean-Marc Foussat, nappes volatiles, glissements de terrains, bourdons intergalactiques, boucle de bruissements percussifs, atterrissages vaisseaux intersidéraux, message morse alien, voix de l’au-delà, pédales cinglées, grands orgues venteux et tordus, sifflements de grottes perdues au fond la croûte terrestre, échantillons de sons maritimes…. Au fil des albums, son travail a évolué, s’est raffiné, et sa démarche électronique en collaboration avec des improvisateurs acquiert une belle pertinence avec cette Solution n°5. Nicolas Souchal réalise ici une remarquable performance en allant chercher les sons extrêmes de son embouchure avec une maîtrise incontestable et un lyrisme surréel. On songe à la qualité du travail de Leo Smith quand celui-ci improvisait librement dans la Company de Derek Bailey. Il est remarquablement secondé par Matthias Mahler qui tout en outrances et errances de la colonne d’air, trouve le ton juste vis-à-vis du sillon tracé par son intrépide collègue. Ces deux souffleurs sont des improvisateurs à suivre. Cette séance est marquée avant tout du sceau du continuum sonore de Jean-Marc Foussat qui nous offre avec cette Solution N°5, une magnifique réponse aux problèmes formels posés par son dispositif électro-acoustique lorsqu’il est confronté avec des instrumentistes. Et c’est pourquoi je recommande vivement cet album, une belle réussite
José Lencastre Nau Quartet Eudamonia FMR
Un exemple valable de quartet de free improvised free-jazz(avec quand même / peut être une idée de plan au départ). Free jazz car il s’agit d’un quartet sax alto – Jose Lencastre, piano – Rodrigo Pinheiro, contrebasse – Hernani Faustino, batterie - Joao Lencastre, tous portugais et excellemment soudés comme se doit de l’être une basse et une batterie, le piano avec le tandem basse-batterie et le sax alto qui s’envole par-dessus. Free improvised d’une certaine manière, car il n’y a pas de compositions et de thèmes reconnaissables, peut-être une vague idée de développement. Les quatre instruments sont joués en assumant leur fonctionnalité respective dans un tel quartet jazz dans le cadre d’une très grande liberté. Une forme de hiérarchie secouée par les libertés du jeu individuel et collectif. Sons et pulsations plutôt que structures rythmiques, moments en apesanteur où la basse marque une forme de temps libre et où le piano propose une improvisation lyrique marquée par la lingua franca du jazz contemporain et le batteur mouvant les balais et ensuite les baguettes de plus en plus vivement jusqu’à la fin du solo du pianiste. C’est à ce moment là qu’intervient le saxophoniste qui assez vite emporte le quartet dans un maëlstrom en sautant et rebondissant dans les intervalles et les aigus déchirants encouragés par la batterie hyperactive, les tournoiements méthodiques de Pineiro sur le clavier et les doigtés puissants de Faustino, une solide pointure. L’intérêt de ce quartet énergétique (leur précédent album était plus contenu niveau énergie) repose sur la cohérence de leurs improvisations collectives. Les pointus en jazz de ces quarante dernières années trouveraient que le batteur pêche peut-être par la précision, malgré la profusion de son jeu surtout aux cymbales et le fait qu’il sache faire passer un haut niveau d’énergie avec une belle sensibilité. Pineiro et Hernani sont de très solides musiciens avec un sérieux background musical et un savoir faire imposant. Sous les doigts de Jose Lencastre, les gammes et les motifs se croisent et se chevauchent dans l’ordre et son inverse avec un esprit ludique et un beau mordant au sax alto. Les fins abruptes de chaque improvisation témoignent de la fine empathie qui règne dans le Nau Quartet. La pochette indique seulement le titre de l’album, mais ne précise pas titres et durées de ces quarante minutes de musique dans laquelle les quatre improvisateurs essaient sincèrement de vivifier avec un beau résultat une formule instrumentale et une démarche habituelle dans l’univers du free jazz – free music.
Mizu Sakoto Fuji - Joe Fonda Long Song Records
Un duo piano contrebasse de haute volée entre une pianiste sensationnelle de maîtrise et d’intensité, Sakoto Fuji et un contrebassiste activiste à la puissance Mingusienne, Joe Fonda. Deux longues improvisations enregistrées au club De Singer le 14 octobre 2017 à la mémoire de Rik Bevernage, le responsable du club De Werf à Bruges, dont le titre du premier morceau porte le nom. Un troisième morceau provient du concert de la veille à Munich organisé par Offene Ohren. Après un départ intense mettant en valeur la puissance et l’extrême précision de la pianiste poussé par la furia du contrebassiste et un intermède élégiaque, on a droit à une superbe improvisation de contrebasse en pizzicato atypique et ensuite archet boisé grinçant de plaisir – multiphoniques mouvantes. Sakoto Fuji rentre dans le flux de Fonda en resassant des accords libres quelle finit par secouer et faire tournoyer d’une manière enthousiamante qui nous raconte une belle histoire. Dans les vagues de ces notes se cache une ligne mélodique secrète, un canevas invisible que souligne son compagnon avec une puissance hadenienne. Ce qui est remarquable dans leurs improvisations se lit comme des enchaînements spontanés de motifs qui s’échangent avec une belle liberté, une assurance infaillible et se transforment au fil des minutes dont nous ne ressentons pas la durée mais seulement le plaisir de partager leur joie de jouer et de communiquer l’un à l’autre, sons, rythmes insensés, fragments mélodiques, pulsations, idées, senteurs… Au début de Long Journey, Sakoto énonce et enjolive un modeste accord qui sert de base aux palpitations du gros violon sous les doigts complices et enchanteurs de Joe. Ils recherchent l’accord, la construction, la main de la pianiste bloquant les cordes lorsque vibre la touche de la basse. Après quelques tâtonnements feints, le groove est atteint dans des sonorités sombres et une forme ritournelle folk, prétexte d’un solo dégingandé du contrebassiste. Lorsqu’il se plie à un ostinato vif, c’est au tour de Sakoto Fuji de faire chanter le clavier avec une puissance giratoire jusqu'au relâchement final de la contrebasse. Troisième partie en mode improvisé avec le clavier préparé et des frappes légères dans les cordes de la table d’harmonie, son de cloches extrême-orientales commenté par le frottement intime et chuchotant de la contrebasse et des glissements aigus sur une corde du piano. Cette occurrence sonore presque méditative est le point de départ d’une improvisation qui part vers l’inconnu percussif, aventureux avec un point d’orgue d’une belle intensité.Ce n’est pas le moindre des caractères distinctifs de la musique de ce superbe duo. Un vrai bonheur !
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Bonne lecture Good read ! don't hesitate to post commentaries and suggestions or interesting news to this......