Gerauschhersteller There is nothing we really
need to do that isn’t dangerous. Rewilding John Cage.
Initiative
très originale du collectif britannique Gerauschhersteller
spécialisé dans les œuvres contemporaines d’avant-garde
« dérangeantes » qui ont un rôle phare à une époque lointaine (années
50 – 60) dans le tournant vers l’improvisation libre et les musiques
expérimentales et dont les partitions laissent aux exécutant une grande marge
de liberté, de choix sonores et de créaitivité. Après le Treatise de Cornelius
Cardew publié en 2017 dans un superbe coffret de 5 cd’s à 50 copies en édition
limitée, voici une série de compositions de John Cage, certaines méconnues,
rassemblées dans un nouveau coffret de 5 cd’s. Rewilding John Cage : avec
ce sous-titre, les quatre musiciens de Gerauschhersteller,
Tom Cleverley , Steve Gibson, Adrian Newton et Stuart Riddle font remarquer
que de nombreux interprètes de Cage sont victimes de leurs enseignement,
préjugés et comportements académiques officiels, alors que selon eux (et pas
mal d’autres) l’univers et la philosophie de Cage est tout sauf
conventionnelle, socialement engagée et … anarchiste. Il publie d’ailleurs sa
composition Anarchy en première mondiale. On trouve aussi Electronic Music for
Piano/ Music for Piano, Four 6 et Four 4, Ryoanji, Cartridge Music. En tant
qu’auteur – journaliste, je n’hésite pas à déclarer / j’estime ne pas avoir les
compétences suffisantes pour chroniquer valablement les interprétations de
compositions contemporaines. J’ai écouté de ci de là quelques œuvres de Cage,
mais pas au point de pouvoir écrire un essai à son sujet ou d’exprimer une
pensée cohérente. Je me permets de le faire avec l’improvisation libre parce
que j’en ai beaucoup écouté, rencontré les « maîtres » et croisé des
dizaines de praticiens, organisé des dizaines de concerts, assisté à des
festivals et des concerts historiques durant les années 70 et que j’en suis un
praticien expérimenté. Donc après écoute
je vais vous livrer mes impressions de profane après avoir insisté sur le fait
que cette production de Gerauschhersteller
est superbement soignée et que
ces musiciens font un travail exemplaire. John Cage posait des questions
essentielles sur la vie humaine, la nature et c’est ce message qu’ils veulent
transmettre. Je vous livre ce texte, sans encore y joindre mon analyse d’écoute pour vous informer de cette parution au cas où certains d’entre
vous seraient tentés de commander ce beau coffret.
Duo free basé
sur l’écoute subtile et l’invention sonore entre un jeune guitariste électrique
qui n’a pas froid aux yeux, Anatole Damien, et un saxophoniste sopranino,
Jean-Jacques Duerinckx a/k/a Maurice Charles JJ, qui n’est pas à son coup
d’essai. On entre dans un champ sonore – territoire musical exploratoire dont
Derek Bailey et Evan Parker, Keith Rowe ou Michel Doneda ont ouvert les portes
libres à leurs émules de trouver leurs marques. JJD, est un des principaux
activistes de la scène improvisée et expérimentale Bruxelloise et Wallonne et
un as du sax sopranino avec une maîtrise exceptionnelle de l’instrument. Tous
les grands artistes collègues du sax soprano – sopranino, Evan Parker, Lol
Coxhill, Michel Doneda l’ont sincèrement félicité pour son jeu personnel, sa
maîtrise technique et sa fougue inspirée. Quant à Anatole Damien, c’est un
artiste intelligent à l’aise dans plusieurs domaines musicaux qui se défriche
une démarche de plus en plus originale, étrangement bruissante et cohérente à
la guitare électrique. Après un morceau – carte de visite qui dégage une belle
énergie, le duo se livre à des escapades, musardages, explorations soniques captivantes.
La guitare électrocutée, pédales en sur tension et croisées dangereusement,
pagaille contrôlée, vibrations subaquatiques vénéneuses s’étalent dans un
réseau – canevas anarchique au milieu duquel l’articulation, les coups de
langue, les explosions du bec de JJD font tournoyer des spirales de souffles,
déchiqueter le timbre, le frictionner aussi méthodiquement que frénétiquement,
plier les notes ou entonner une ligne mélodique assaisonnée de quintoiements et
d’harmoniques. Il joue aussi sans bec en soufflant à même le tuyau comme un ney
avec une projection sonore appréciable et va chercher les extrêmes du souffle
dans les moindres recoins de la colonne d’air. Pour les amateurs d’émotions
fortes, il peut aussi balancer la purée comme on l’entend rarement. Bref,
l’improvisation libre dans tous ses états. Anatole Damien est un artiste
prometteur à suivre, sans aucun conteste. JJ Duerinckx mérite d’être soutenu
par un fan – club. Même s’il n’a encore publié que très peu de documentation
sur son travail, sa musique est réellement fascinante. Duo à écouter d’urgence !
Ivo Perelman Mat Maneri Hank Roberts Ned Rothenberg Strings 2 Leo
records LR CD 851
Ivo Perelman est un de ces
saxophonistes de haut vol qui ne cesse de documenter sa démarche musicale et
ses nombreuses rencontres avec une réelle suite dans les idées. On déplore
presque la surproduction digitale et vinylique des ténors de la profession (qui
squatte aussi le réseau des clubs et des festivals rémunérateurs) ;
Brötzmann, Gustafsson, Vandermark, Gjerstad, McPhee qui finissent par lasser
les auditeurs expérimentés. Evan Parker, au moins est un vrai génie du
saxophone et il a pris de nombreux risques esthétiques, par exemple avec son Electro Acoustic Ensemble publié à cinq
reprises chez ECM. Ivo Perelman n’est pas en reste : son magistral duo
avec le pianiste Matt Shipp a été publié tous azimuts sur Leo : une
dizaine d’albums en duo, d’innombrables trios ou quartets avec batteurs,
bassistes, etc... Mais aussi des choses subtiles en duo et trio avec l’altiste Mat Maneri à faire pâlir un Coxhill-
o-lâtre tout en quittant sa posture de cracheur de feu aylérien (qui lui
réussissait si bien) pour une démarche plus introspective, librement improvisée
et profondément réfléchie. Son projet musical actuel s’intitule Strings
dont sept enregistrements ont déjà été mis en boîte et est basé sur sa profonde
relation musicale avec Mat Maneri et incluant différents violinistes ou
violoncellistes, ici, Hank Roberts
et le saxophoniste Ned Rothenberg.
Perelman ne court pas après des collaborateurs qui pourraient lui assurer de
meilleures perspectives de travail et des assemblages de bric de broc. Ses
formations naissent d’une profonde réflexion musicale portée par son goût de la
microtonalité et du dialogue intime dans les arcanes des sons, des cordes dans
le cas précis. Et après ce remarquable Strings
1 où il cohabitait avec trois violonistes,
cet ensemble sax ténor et violon alto
augmenté selon les plages de la clarinette basse et/ou du violoncelle se
déploie dans de fascinantes courbes, spirales, croisements, tangentes
construites dans un jeu infini de miroirs scintillants. Une musique intime,
étirée, où la hauteur de chaque note est décalée de la gamme occidentale par de
subtils partiels de tons qui eux-mêmes s’intègrent dans
un mode imaginaire, créé sur le champ par les musiciens,
principalement Mat Maneri dont c’est la marotte. En parcourant cet album, on notera des modes de
jeux variés et évolutifs, la cohérence dans les échanges collectifs et l’intensité
de l’écoute. Ivo Perelman module la dynamique de son sax ténor et l’intensité
de ses improvisations au niveau idéal pour se fondre avec les cordes. Cette
approche musicale me semble aussi forte et originale que celle d’artistes aussi
singuliers que Steve Lacy, Leo Smith, Roscoe Mitchell ou Lol Coxhill. Il s’agit
d’une tentative en studio, finalement très aboutie et dont la profonde qualité se
dévoile au fil des écoutes successives.
Edoardo
Marraffa Solo Diciotto
Aut Records
Un album d’un saxophoniste en solo, on se
croirait dans les années 74 – 82, lors du déferlement de la free music radicale
quand Steve Lacy, Anthony Braxton, Evan Parker, Peter Brötzmann, Oliver Lake,
Joe McPhee, David Murray publiait des albums solos, suivis en cela par les
trombonistes (Mangelsdorff, Rutherford), les trompettistes (Leo Smith, Baikida
EJ Carroll), les guitaristes (Bailey, Frith, Reichel, Boni), les
contrebassistes (Phillips, Guy, Altena, Holland, H. Miller) etc….
Saxophoniste ténor de Bologne, Edoardo Marraffa a développé une
démarche à la fois expressionniste au niveau de la sonorité et construite
méthodiquement. Accessoirement, il joue aussi du sax sopranino pour ajouter une
couleur en soufflant simultanément dans les embouchures des deux saxophones. Il
fait plus qu’évoquer Albert Ayler avec ses harmoniques extrêmes, ses
vocalisations, les grincements et son souffle puissant et brut. Parmi les pièces (composées) où ses sons
perçants et joyeusement agressifs, ses glissandos accentués et ses staccattos primitifs à la Albert Ayler
(qui s’en plaindrait ?), ses pointes d’harmoniques exacerbées font
merveille, on entend poindre de ci de là une tendresse mélodique suave et un
brin paresseuse. J’aime aussi sa manière d’introduire des grincements vocalisés
en ressassant un riff décalé. Au sopranino dans un morceau, il faussoie et
siffle ouvertement avec un vibrato d’un autre temps, utilisant cet instrument
ingrat pour illustrer son
expressionisme. Certains diront que c’est du déjà entendu, mais en réalité, sa
sonorité ne court pas les rues et à mon humble avis, c’est plus original que
pas mal de ses collègues au don d’ubiquité prononcé. Un excellent album
réjouissant.
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Bonne lecture Good read ! don't hesitate to post commentaries and suggestions or interesting news to this......