12 mai 2014

Sonny Simmons Other Matter Bruno Grégoire Anton Mobin Aka Bondage nobodisoundz

Sonny Simmons Other Matter Bruno Grégoire Anton Mobin Aka Bondage nobodisoundz
Leaving Knowledge Wisdom and Brilliance / Chasing the Bird ?  
8 CD Improvising Beings ib 25-26   
http://julienpalomo.bandcamp.com/album/leaving-knowledge-wisdom-and-brilliance-chasing-the-bird




Chronique premier jet dès le premier téléchargement.

Sonny Simmons
, sax alto légendaire rescapé de l’ère free-jazz et compagnon de route d’Eric Dolphy, Clifford Jordan, Charles Moffett, Elvin Jones, Prince Lasha etc.. avait disparu des écrans radar durant les années 80/90 jusqu’à ce qu’on retrouve sa trace avec Michael Marcus et Jay Rosen dans les Cosmosamatics qu’on a entendu sur le Vieux Continent avec quelques belles traces discographiques. Les labels Bleu Regard, CIMP, Soul Note, Boxholder, NotTwo ont livré neuf beaux témoignages de cette belle collaboration. Julien Palomo, le responsable du label improvising beings, et Roy Morris (Homeboy) avaient exhumé un extraordinaire témoignage de ses années de purgatoire en Californie du Nord. Live at Olympia and Cheshire Cat Club (Hello the World 2-3 /Homeboy) est un véritable brûlot tournoyant, une véritable musique de transe … comme peu des petits frères et cousins des McLean, Ornette et Dolphy auraient pu graver dans le … digital ou le vinyle… . Cet engouement transcendantal pour la spirale infinie fait de Sonny Simmons un être à part. Il avait co-dirigé un quintette très actif avec sa compagne Barbara Donald entre la fin des années 60 jusqu’en 1980 et collaboré avec Juma Sultan, leader de l’Aboriginal Music Society, ces deux groupes ayant été laissé pour compte par les critiques-organisateurs de poids en Europe. On le retrouve avec Brandon Evans à San Francisco et les deux compères enregistrent des gigs extraordinaires qu’Evans, élève émérite d’Anthony Braxton, publiera sur son label maison Parallactic, entre autres avec Anthony Braxton et un musicien indien.
Sentant son ami vieillir, Julien Palomo crée son label improvising beings pour produire de nouveaux enregistrements de Simmons et d’artistes « historiques » écartés des circuits en Europe et ailleurs. Outre Simmons, il y a au catalogue François Tusquès, Itaru Oki et Alan Silva, de véritables pionniers du jazz libre et même de l’improvisation libre. Alan Silva et Burton Greene avaient co-dirigé un groupe avant-coureur dès 1963 et les idées d’Alan ont eu une influence prépondérante sur l’évolution de Cecil Taylor (cfr enreg. tournée européenne du Cecil Taylor Unit de 1966). De même, Palomo est un inconditionnel de Sabu Toyozumi, le percussionniste « free » le plus demandé au Japon et le seul batteur non afro-américain qui a fait réellement partie de l’AACM vers 1971-72. S’ il semble assez compliqué de s’y retrouver dans la masse des enregistrements de Toyozumi, afin d’en extraire d’autres albums révélateurs (avec Brötzmann, John Russell …), Palomo a veillé à peaufiner des sessions de Tusquès et de Sonny Simmons allant jusqu’à publier un bel album en duo (Near Oasis) de ses deux artistes fétiches. On trouve aussi Tusquès dans un double cédé solo inoubliable (L’Etang Change), Simmons avec la harpiste Delphine Latil (Symphony of the Peacocks) Itaru Oki en solo dans Chorui Zukan (admirable) et en duo avec le contrebassiste Benjamin Duboc, auteur lui d’un autre solo vraiment remarquable, St James Infirmary et collaborateur son du label. Julien Palomo nous prévenait qu’il était sur un gros coup discographique. Patatras, je recois un e-mail m’invitant à visiter Bandcamp et , incroyable, un coffret 8 cd à télécharger pour 18 eur ou plus selon votre générosité avec au centre Sonny Simmons, souffleur héros du label (à juste titre !).
Que faut-il en penser ? Et bien Leo Smith a tracé une série d’hommage à Miles électrique, Brötzmann a navigué avec le super groupe LastExit (w Bill Laswell, Sonny Sharrock et Shannon Jackson), Rob Mazurek et son Chicago Duo /Trio , sans oublier les initiatives d’Ashley Wales et John Coxon avec Evan Parker, Matt Shipp, Bennink etc… Pourquoi pas ? Sûrement ….
Un public « électrique »post-rock , psych-noise, ambient, …. y trouvera son compte. Car le travail est soigné, les différents participants créant de véritables tapis volants sonores pour le sax alto et le hautbois de l’alerte octogénaire, souvent très inspiré. Other Matter est un duo de Michel Kristof et Julien Palomo avec guitares et claviers trafiqués et un esraj in strument qui donne des allures Indiennes ( du Nord). Ils sont secondés par Bruno Grégoire. La musique se passe de rythmique basse batterie et se situe dans un autre temps que celui du « free-rock-jazz ». D’autres cédés nous font entendre les artistes électroniques Aka Bondage et Anton Mobin, très branchés free improvisation. J’ai croisé Aka Bondage avec plaisir : c’est un improvisateur sérieux. Car bien qu’Improvising beings soutient mordicus des artistes qu’on aimerait cataloguer « free-jazz », il ne faudrait pas s’étonner de les voir sortir un manifeste radical comme la collaboration de Sabu Toyozumi avec des musiciens belges, allemands et français publiée sous le titre Kosai Yujyo (ib008-009), soit « Vive l’Amitié » dans lequel on peut entendre votre serviteur ! (le britannique John Russell et la chinoise Luo Chao Yun n’y jouent que dans une plage mais pas n’importe laquelle).
Ici, on se perd dans les méandres des plages, le nombre étant augmenté par le fait que le site Bandcamp ne permet pas des morceaux supérieurs à 28 minutes tant que l’artiste n’a pas atteint un quota de vente de… 200 € ( !). J’ajoute encore que lorsque vous téléchargez des musiques sur Bandcamp, vous avez la garantie que les artistes sont le mieux payé possible par rapport à bien d’autres sites. En outre, ils respectent la qualité sonore des enregistrements originaux tant que faire se peut. Interdit au format mp3, Bandcamp exige le format wav. reproduisant le plus fidèlement possible la qualité du mixage et la dynamique sonore des musiciens.
Alors pour 18 eur pour plus de sept heures de musique à ce régime, c’est donné. Il me faudra du temps pour écouter tout cela, mais à partir du moment où cette esthétique vous intéresse et étant donné que ce travail fignolé est couronné par une belle prise de son, tant pour un Sonny Simmons inspiré que de ses partenaires qui n’ignorent rien des techniques de studio, on ne risque pas grand chose. J’ai fait des coups de sonde auditifs pour découvrir l’architecture et les détails de l’ensemble et une véritable cohérence se dévoile au fil des plages prises au hasard.
De la part de Sonny Simmons, rien d’étonnant. Il aurait déjà depuis longtemps produit de telles aventures si on lui en avait donné les moyens. En 1969/70, son studio à NYC était voisin de celui de Jimi Hendrix, le plus grand expérimentateur de studio de la musique afro-américaine de l’époque, et les deux hommes se fréquentaient comme le font tous les musiciens afro-américains d’envergure au-delà des esthétiques… les deux artistes ayant été tous deux marqués à vie par le bouillonnement coltranien. Hendrix ne présentait-il pas son batteur Mitch Mitchell comme « son Elvin Jones », batteur avec qui Simmons a enregistré pour Impulse ! . Cette initiative monumentale de Simmons, Palomo et leurs amis participe d’une entreprise de déconditionnement de l’appréciation de la musique, consciente que les problèmes de son, de rythmes, d’intervalles – harmoniques etc.. se posent d’une manière similaire quelques soient le style de musiques pratiquées. Derek Bailey avait initié une rencontre au-delà des styles – étiquettes – pratiques autour de l’improvisation libre faisant se rencontrer Steve Lacy et Lol Coxhill, des pianistes classiques ou des compositeurs avec George Lewis ou Fred Frith, permettant aussi à des activistes peu connus ou des insituables de se faire entendre au-delà des hiérarchies et surtout de l’image que le quidam ou le critique se construit avec sa grille d’analyse personnelle. C’est grâce à Company que Joëlle Léandre a eu le pied à l’étrier vers 1980. Palomo, Kristof, Anton Mobin et co se livrent à une démarche voisine mais dans un sens diamétralement opposé. La présence de Simmons et ses incantations apportent une véritable authenticité à cette boîte magique. Aussi, les albums des Cosmosamatics me font dire quel musicien nuancé, Sonny Simmons se révèle au fil de leur écoute attentive. Mis à part le phénomène Braxton, je ne connais que Jimmy Lyons et un Trevor Watts comme saxophonistes altistes à ce niveau de musicalité aussi fin… jazz « libre » s’entend.
Voilà je passe l’information, à vous de découvrir un OVNI discographique qui dépasse l’imagination ou l’imaginaire des puristes et si vous préférez le format physique, il y a 180 coffrets de 8 CD  à disposition chez improvising beings – Julien Palomo présentée dans un écrin vintage et un luxe de détails. Julien Palomo fait partie de ces incorruptibles et généreux enthousiastes qui ont nom Jacques Oger, Gérard Terronès et autre Bertrand Gastaut (Dark Tree, un nouveau venu) et dont qualifiera l’élan créatif jamais en défaut avec le nom d’un autre label idéaliste hexagonal, Amor Fati . Au diable l’avarice et les a-priori esthétocards : plus on est de fous plus on s’amuse et c’est bien le but.



Après rumination :

on frise le délire, l’indigestion, la redite,    et pourtant au fil des 46 plages téléchargées (dont les 8 premières sont des échantillons, samples en anglais) , on se rend compte que toutes les sessions ont été supervisées et conduites par Sonny Simmons avec un réel fil conducteur qui transcende avec fascination les différents stades du projet, ou plus exactement ses métamorphoses. On retrouve un peu partout des motifs mélodiques, des tournures et des accents qui se rappellent les uns aux autres comme dans un grand-œuvre prémédité. Au sax alto, Simmons se contente de jouer des motifs mélodiques au centre des dispositifs qui transitent du blues électro au free folk, du post-rock à l’ambient, de l’improvisation électronique à une musique d’Inde du Nord fantasmée (l’esraj de Michel Kristof). Il y a aussi des improvisations surprenantes dignes de quelqu’un qui a réellement compris au plus profond le message et le son de Charlie Parker de vivo.
L’Inde, dites-vous. Mais bien sûr ! Si Sonny Simmons joue du hautbois (excellement) c’est parce qu’il a été fasciné par Bismillah Khan , le maître du shenaï de la musique classique d’Inde du Nord. Ecoutez-le dans ses improvisations infinies des années septante et soixante et vous découvrirez qu’il est un maître des modes (échelles de notes dites modales) à l’instar d’un Coltrane, et tout comme Trane, fortement inspiré par la musique d’Inde du Nord. Coltrane n’a t-il pas baptisé son fils Ravi en l’honneur du sitariste Ravi Shankar ? Et bien, dans l’équipe à Palomo, son pote Michel Kristof voyage fréquemment en Inde afin de parfaire sa connaissance de la musique indienne.
La musique de ce coffret 8 cédés aurait pu être banale, bancale, ininspirée, un véritable bric-à brac. Mais l’obstination, l’amour du travail bien fait, la connaissance et la pratique de plusieurs univers musicaux, et des centaines d’heures d’enregistrements, de réunions, de mises au point, de séances de mixages font de cette suite créée entre 2007 et 2014 un labyrinthe onirique, une exploration d’univers en expansion qui se transcendent et se complètent tout en se distinguant. Au point de vue rythmique, on a évité les métriques, pulsations et surtouts beats et autres pilonnages coutumiers. Cette musique coule, s’étale, flotte, se répand quels que soient les univers abordés avec le même abandon. Il y a une grande différence entre le psychédélique exacerbé de Michel Kristof aux guitares et le travail du son contemporain et millimétré du sound processing d’Anton Mobin ou la guitare d’Aka Bondage reconstruite au travers de MxMsp. Quand la musique devient « abstraite » et éclatée , ce n’est pas avec demi-mesure et si elle est lyrique, c’est sans pathos. Un disque entier est consacré à Palomo himself aux synthés en duo avec Sonny Simmons.
J’avoue que généralement ce genre d’esthétique toute électrique, post-rock psyché etc.. ne m’intéresse pas beaucoup, mais il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas considérer la  valeur intrinsèque d’un travail magistral comme celui de Sonny Simmons, Julien Palomo, Michel Kristof, Anton Mobin, Nicolas AKA Bondage, Bruno Grégoire et nobodisounz. Je dois encore ajouter que le producteur Julien Palomo, une personnalité aussi modeste qu’idéaliste, ne s’est encore jamais produit sur scène avec le duo Other Matter ni un autre groupe d’ailleurs. Mais je peux vous dire que quantité de « pros » branché « poly-musiques » qui s’y croient n’ont pas le tiers du quart de son envergure d’artiste. La musique est faite pour nous enchanter et aussi pour ouvrir les esprits. Il existe sûrement un frange de public sensible à ces sonorités qui seront sans doute projetés « au-delà du miroir d’Alice »… et profondément touchés…
Chapeau Bas , la scène hexagonale peut être fière de zèbres pareils , c’est pas tous les jours..


Jean Michel VS acteur de la scène improvisée et vocaliste improvisateur ayant performé dans toute l’Europe sans avoir jamais suivi un seul cours de chant et stage à la con .

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