Henry Kaiser Requia and Other Improvisations for Guitar solo
Tzadik 7645
Henry Kaiser
présente ici l’étendue de sa palette de guitariste en dédiant chacune de ses
improvisations (compositions ?) à des guitaristes récemment disparus et dont
la musique l’a influencé dans son parcours depuis les années 70. Des Requiems. L’album ouvre avec un voyage
dédié à Basho Junghans (Basho’s Journey), les mânes de Derek
Bailey et de John Fahey sont évoquées dans le même morceau (Blind
Joe Death vs Charlie Appleyard du nom du personnage fictif inventé par
Derek). Le souvenir de Sonny Sharrock côtoye celui de Pete Cosey dans Tandem
Ghost Bike et on se demande quels sont les Many Worlds of Hubert Sumlin, le guitariste d’Howlin’ Wolf. Ships
that Pass on the Night rend hommage au compositeur Toru Takemitsu et au
guitariste free jazz noise Masayuki Takayanagi, association que je ne perçois
pas bien tout comme celle de Bailey avec Fahey, ces artistes étant assez
dissemblables. Jimi Hendrix est évoqué indirectement par Blue Spirits- for
Randy
California , guitar hero du groupe Spirit. Randy California jouait à
l’âge de 17 ans avec Hendrix en 1966 à NYC avant que celui-ci commence sa
carrière météorique en Grande Bretagne. Toutes ses références peuvent irriter
ou intéresser les auditeurs, mais une chose est certaine, le talent de
guitariste d’Henry Kaiser est aussi exceptionnel qu’éclectique. Free-folk,
free-jazz noise, impro libre, contemporain, blues décalé, influences orientales
sont les facettes du guitariste Californien. Pour cet album, il a sollicité
toute sa panoplie de guitares, son tableau de chasse de collectionneur de la
six cordes. Pour une autre pièce, Sun Ra Stockhausen and FeldmanWalk into a
Bar on Saturn, on se demande comment il y arrive…
De prime abord, la lecture des titres où sont associés Takemitsu
et Takayanagi, Bailey et Fahey, Sun Ra et Feldman fait un peu tiquer car ces
rapprochements semblent superficiels. Par contre Cosey et Sharrock ont un
background commun et ont même tous deux enregistré avec Miles
« électrique ». La douze cordes de Basho’s Journey ouvre l’album et est vraiment superbe. D’influence
folk, la musique est basée sur un ostinato ornementé de superbes accords
dissonants explorés avec minutie jusqu’à friser l’atonalité lorsque le rythme
est évoqué sur les notes aigües puis transposé dans une variante. Des
battements naissent des accords aussi naturellement que des vagues de la houle.
Le morceau suivant, acoustique et très court, Samadinha Requiem for Dr J.B, évoque un guitariste ou un artiste
que je ne connais pas. Il n’en reste pas moins que c’est une des plus belles
réussites de l’album, explorant un mode presqu’oriental avec un picking et un
phrasé monodique et superbement travaillé. Curieusement, c’est un sept cordes
électrique et Henry Kaiser a inventé un style très original. Ensuite Requiem for
Fred Lieberman est une pièce très intéressante avec un instrument que je suis
incapable de décrire : Alistair Miller Barncaster electric guitar avec
True Temperament Neck. Excellent usage conjoint des doigtés et d’intervalles
micro-tonaux en rythme libre qui évoque une harpe électrique accordée de manière
très particulière. Utilise-t-il des effets électroniques, des retards, des boucles ?
Ce n’est pas indiqué dans la pochette, mais ça s’écoute avec intérêt même si
cela a un côté un peu New Age dans la première moitié. Heureusement il
introduit des intervalles plus dissonants et des décalages dans la métrique et
altère méthodiquement le caractère de la pièce dans une évolution très bien
menée. Jusqu’à présent, si les trois premières pièces appartiennent à des
univers différents, il y a un air de parenté, quelque chose qui les relie. On
sent qu’il s’agit du même guitariste et celui-ci est un as. Depuis l’époque de What a Wonderful World (Metalangage
années 80), Henry Kaiser s’est largement bonifié. La quatrième pièce, un opus
contemporain rendant hommage à Sun Ra, Stockhausen et Morton Feldman développe
une facette voisine de la précédente. Pas moins de 7 assorted acoustic guitars
et une Spirit Totem electric guitar sont convoquées ici. Balancé par des
clusters acoustiques, démarre un solo électrique torturé avec distorsion etc,
le genre de chose qui me laisse toujours froid et une fois l’électricité
éteinte, on enchaîne sur une variante intéressante du dispositif de cordes
acoustiques des 7 guitares acoustiques assorties. C’est pas mal, mais je ne
sens pas bien ce que viennent faire là Sun Ra, Feldman et le Stock surtout dans
un bar sur Saturne.
Cela dit, j’ai découvert personnellement la distortion et
les effets de feedback à l’âge de quinze ans (en 1970) avec le Band Of Gypsies de Jimi Hendrix, plus
exactement dans l’extraordinaire Machine
Gun. Depuis lors, je ne me lasse pas d’écouter Hendrix, le quel n’avait pas
de « rack », seulement trois pédales qu’il combinait en sautant
dessus (dansant sur le rythme de la musique) et surtout des doigts qui
contrôlaient en permanence les boutons le vibrato et le manche. Par contre, la
grande plupart des ceusses qui
distortionnent, je les écoute une fois et puis je classe le disque ad vitam
aeternam. Veuillez m’excuser, je préfère trop la musique acoustique et il y a
chez Hendrix un son organique, une voix naturelle dans laquelle on oublie
l’utilisation de l’électricité. Je dirais pareil de Duane Allman et Dicky
Betts. Le reste, on oublie. De même commençant avec un gros cliché quasi-métal,
la strato saturée de Tandem Ghost Bike
(pour Cosey et Sharrock) évolue mieux et contient des phrasés alternatifs
subtils et bien enchaînés. Par contre, avec un drive intéressant en acoustique
au démarrage, the Many Worlds of Hubert
Sumlin utilise le procédé du multipiste avec un background acoustique blues
et des solos un peu destroy à l’électrique qui me déçoivent. Ça sonne blues,
mais on est un peu loin du feeling du blues. Je suis un fan d’Howlin’Wolf et
comme Sumlin fut son lieutenant à la six cordes, ou bien je connais mal les Many Worlds de ce guitariste, ou bien le
parti-pris de Kaiser est aussi subjectif qu’il me semble impénétrable. La pièce
n° 8, Blind Joe Death vs Charlie
Appleyard sonne comme du pur Fahey avec quelques mesures dodéca(pata)phoniques
en clin d’œil à Derek Bailey. C’est excellent. Comme elle vient après la courte
pièce acoustique de deux minutes dédiée à Takemitsu et Takayanagi, très concise
et qui renvoie à l’atmosphère des premiers morceaux de l’album, il y a un intéressant
effet de continuité. Pour finir les Blue
Spirits pour Randy California avec la strato électrique avec le True
Temperament Neck et des pédales s’échappent dans une atmosphère aquatique voire
océanique. J’y retrouve une belle accointance avec des plages du double album
de Randy, Spirit of 1976, publié en
1976, un des derniers albums de rock que j’avais acheté avant de me plonger à
fond dans le jazz, l’improvisation libre, les musiques traditionnelles et la
musique contemporaine. En résumé, c’est un bon disque éclectique joué par un
guitariste fantastique qui a pris le parti de faire coexister plusieurs
esthétiques / sources d’inspiration avec talent. Son travail à l’électrique me
semble manquer de sensibilité à mon goût. Par contre, ce que j’entends au
niveau acoustique me semble être le sommet de l’iceberg. A l’écouter, il semble
que l’étendue de sa palette est exceptionnelle et qu’elle est servie par une
musicalité intelligente nourrie par une pratique intensive et un amour
encyclopédique de l’instrument. A écouter donc et à suivre, surtout s’il
produit un album ou se produit entièrement à la guitare acoustique.
Massimo Falascone
Variazioni Mumacs 32 short mu-pieces about
macs Public Eyesore 126
Conçu et composé par le saxophoniste Massimo Falascone avec
la participation de plusieurs musiciens parmi lesquels le violoncelliste Bob Marsh - auteur des
textes - les percussionnistes Fabrizio Spera, Filippo Monico et Marcello
Magliocchi, le pianiste Alberto Braida, le clarinettiste Giancarlo Locatelli,
des membres de sa famille , Leonardo et Giovanni Falascone etc… , Variazioni
Mumacs est une suite d’événements sonores brefs, d’ambiances / field
recordings, extraits de textes lus de conversations et de rires, de séquences
improvisées, des sons électroniques etc…qui évoluent comme un journal dans
lequel un voyageur (des sons) aurait confié ses impressions. Les parties
improvisées avec Bob Marsh au violon et au violoncelle (The Doctor Goes), la présence remarquable des percussionnistes, les
doigts de Braida grattant dans les cordes du piano, les interventions de Massimo Falascone au sax alto ou au
baryton s’insèrent dans les collages sonores. Incantations est une pièce vocale en multipistes qui donne encore une
dimension supplémentaire bienvenue où vient poindre la contrebasse de John Hughes. Immédiatement l’attention
se resserre sur la guitare acoustique arpégiée d’Emanuel Segre perturbée par des effets où interviennent des
échantillons de voix et des guitares électriques. Ensuite le violoncelle de Bob Marsh improvise seul et introduit
des samples de voix (radio et conversations de pilotes d’avion en
italien (??)). La clarinette de Giancarlo
Locatelli et le sax de Falascone s’entrecroisent sur Light Blue (Thelonious Monk) dont
un accord sert ensuite de prétexte à une intervention épurée d’Alberto Braida au piano à la quelle
se joint la clarinette basse de Locatelli.
Cette alternance imprévisible d’effets, d’improvisations instrumentales
aiguisées et pertinentes, de montages sonores avec des voix trafiquées et des
boucles électroniques évolutives / éphémères tend a créer une écoute différente
en fonction des changements abrupts ou des transitions qui s’opèrent d’un
univers à l’autre. Ce concept particulier place la pratique de la musique
improvisée radicale dans un cadre
préétabli de structures et de constructions sonores et permet sûrement de mettre
en évidence ce qui rend l’improvisation totale et instantanée («non-
idiomatique » selon Derek Bailey) être une démarche passionnante.
L’inventivité de Marsh au violon et au violoncelle (et électronique) lors du monologue « Did You Remember To Bring Your Hat ? », dit par Bob Marsh
lui-même, joue avec la métrique et le flux de sa diction. La pièce suivante
nous fait entendre la sculpture sonore de Marcello
Magliocchi commentant une ballade déstructurée par le baryton de Falascone
dans un ressac de vagues (An Intineracy).
Un ostinato de cordes s’interrompt brusquement sur une nappe de vents
synthétiques introduisant des voix.
Sans aucune prétention, ces Variations Mu Macs transcendent l’apparente dispersion éclectique
de l’œuvre, ce qui pourrait être qualifié d’hétéroclite, grâce à la pertinence
de chaque plage. Un auditeur occasionnel pourrait se concentrer sur chacune des
vignettes instrumentales, très réussies, et, ainsi stimulé, voyager mentalement
dans l’espace des suggestions sonores des montages. Ce travail fait appel à
l’imaginaire et réunit avec bonheur plusieurs pratiques musicales et des
improvisateurs d’envergure (Braida, Locatelli, Magliocchi, Marsh, Falascone).
Excellent pour déboucher les oreilles des amateurs d’ambient et de bidouillages
électros…
Le Grand Frisson : On / Off Patricia Bosshard violin Laurent Bruttin
clarinette, clarinette basse, Yannick Barman trumpet, Jean-Jacques Pedretti,
trombone, Vinz Vonlanthen, guitare, Dragos Tara, contrebasse, electronique,
Cyril Bondi, percussion, Christophe Berthet, soprano alto saxophones. Creative
Sources CS 241.
Huit compositions/ improvisations pour un total de 43
minutes par un orchestre de huit instrumentistes improvisateurs radicaux. Deux
cordes frottées, une guitare, une percussion, deux cuivres, deux anches, un
équilibre instrumental. Pas de solos « individuels » , pas de thèmes
etc… l’improvisation à l’état pur où chacun apporte des sons spécifiques sur la
base de l’écoute mutuelle dans une imbrication collective qui bonifie l’apport
de chaque individu. Point de démonstration virtuose, ce n’est pas le propos
mais avant tout une construction où chaque son proposé trouve sa place et sa
raison d’être dans un tout. Particulièrement basé sur les techniques
alternatives, ces huit-là pratiquent le « stop and start » : on
joue quelques sons et puis fait silence sur une durée approximativement
équivalente, on répète un motif obstiné, on ajoute des textures, des frottements,
s’y ajoute un bref élément mélodique. Ils sont quatre puis cinq puis trois, puis
huit, six, deux et parfois on n’associe
pas l’instrument et le son entendu. Econome, précis, placé sur une
scansion suggérée, elliptique, granuleux, silence abrupt. ON /OFF. Less is
more. Donc pas de « solos ». Un point engendre une ligne , des
courbes croisent un cercle et une oblique reste suspendue. L’orchestre explore
avec un réel succès des trajectoires et des matériaux variés. Un grand sens de
la dynamique qui permet à chaque voix de se faire entendre clairement. On frise
parfois le murmure ou une forme
multilinéaire sur-active croît jusqu’au climax. Sans doute certaines consignes
ont été données dans le but de se focaliser sur un territoire, une pratique
spécifique qui permet à l’orchestre de s’exprimer de manière différente et
complémentaire sur chacun des morceaux. Pour les amateurs de musique improvisée
« cognoscenti » On/Off s’écoutera avec plaisir. Ces
musiciens comptent parmi les plus engagés parmi la nouvelle génération des
improvisateurs helvétiques et cet enregistrement réussi est révélateur. Je
ferais une remarque : il y aurait pu y avoir une pièce où l’action
exprimerait la place du rythme dans une réaction en chaîne et où le son
individuel se métamorphose au fil des secondes. Vitesse ne veut pas toujours
dire avalanche de notes (Gunther Christmann, Phil Wachsmann). J’espère m’être
bien fait comprendre. Malgré cette remarque, plusieurs bons points et toute ma
sympathie. Il n’est pas fréquent qu’un groupe d’improvisateurs évolue aussi
bien au-delà du quartet sur la base d’une véritable écoute mutuelle.
Remarquable et vraiment bonne musique.
Thollem McDonas Gino
Robair Trio Minus One (for Dennis Palmer)
Setola di Maiale SM 2650
Pianiste extraordinaire, Thollem McDonas se fait entendre au piano électrique Rhodes et aux effets analogiques en compagnie du percussionniste Gino Robair, à la batterie et avec une panoplie de percussion métalliques, dans plusieurs séquences dynamiques et énergiques complètement improvisées. Le Rhodes fut un instrument roi dans la nouvelle vague jazz-rock et rock progressif des années 60/70 et McDonas s’en sert de manière ouverte et non conventionnelle. On a souvent entendu Gino Robair, un compagnon habituel de John Butcher et de la trompettiste Birgit Uhler, avec ses energized surfaces et des percussions électroniques. Ce n’est pas sans plaisir que nous le trouvons avec une vraie batterie dans un rôle un peu plus « conventionnel ». Huit pièces se détachent clairement par leurs propositions sonores, leurs directions in music, mettant en valeur les possibilités de cette formule inusitée. Après un démarrage assez « free-rock », nous avons droit à des échanges profonds, une belle collaboration dans laquelle le pianiste et le percussionniste construisent des espaces sensibles, mouvementés ou en apesanteur. McDonas, qui est un pianiste acoustique d’une virtuosité confondante, donne juste la bonne dose créant des ambiances envoûtantes et laissant le champ auditif libre pour les détails du jeu percussif de son camarade. Il a trouvé un style original qui s’accorde bien avec la recherche improvisée et la nature de son instrument, le quel est associé au groupe de Miles Electrique (le Live au Fillmore East avec Corea, De Johnette, Holland et Grossmann). On en retrouve ici quelques échos. On a oublié combien Robair est un percussionniste « classique contemporain » subtil et pertinent. Ils se répartissent les rôles de meneur, lanceur d’action, commentateur, soliste, accompagnateur, duettiste avec spontanéité et esprit de suite. Mc Donas et Robair ont des trouvailles sonores remarquables : dans quelques morceaux on a peine à deviner qui fait quoi. J’aime particulièrement ces instants où Robair fait vibrer une cymbale avec un archet secondé par l’exquise sonorité des effets électroniques de Mc Donas, simplissime : la note juste !!
Pianiste extraordinaire, Thollem McDonas se fait entendre au piano électrique Rhodes et aux effets analogiques en compagnie du percussionniste Gino Robair, à la batterie et avec une panoplie de percussion métalliques, dans plusieurs séquences dynamiques et énergiques complètement improvisées. Le Rhodes fut un instrument roi dans la nouvelle vague jazz-rock et rock progressif des années 60/70 et McDonas s’en sert de manière ouverte et non conventionnelle. On a souvent entendu Gino Robair, un compagnon habituel de John Butcher et de la trompettiste Birgit Uhler, avec ses energized surfaces et des percussions électroniques. Ce n’est pas sans plaisir que nous le trouvons avec une vraie batterie dans un rôle un peu plus « conventionnel ». Huit pièces se détachent clairement par leurs propositions sonores, leurs directions in music, mettant en valeur les possibilités de cette formule inusitée. Après un démarrage assez « free-rock », nous avons droit à des échanges profonds, une belle collaboration dans laquelle le pianiste et le percussionniste construisent des espaces sensibles, mouvementés ou en apesanteur. McDonas, qui est un pianiste acoustique d’une virtuosité confondante, donne juste la bonne dose créant des ambiances envoûtantes et laissant le champ auditif libre pour les détails du jeu percussif de son camarade. Il a trouvé un style original qui s’accorde bien avec la recherche improvisée et la nature de son instrument, le quel est associé au groupe de Miles Electrique (le Live au Fillmore East avec Corea, De Johnette, Holland et Grossmann). On en retrouve ici quelques échos. On a oublié combien Robair est un percussionniste « classique contemporain » subtil et pertinent. Ils se répartissent les rôles de meneur, lanceur d’action, commentateur, soliste, accompagnateur, duettiste avec spontanéité et esprit de suite. Mc Donas et Robair ont des trouvailles sonores remarquables : dans quelques morceaux on a peine à deviner qui fait quoi. J’aime particulièrement ces instants où Robair fait vibrer une cymbale avec un archet secondé par l’exquise sonorité des effets électroniques de Mc Donas, simplissime : la note juste !!
Le titre du cd évoque un hypothétique trio avec le regretté Dennis Palmer, disparu en février 2013.
Cette musique est surtout le plus bel hommage qui soit. Ce duo se suffit à
lui-même et l’album contient un magnifique équilibre se laissant écouter avec
plaisir et intérêt. L’album parfait pour accrocher des oreilles branchées plus
« rock » ou post jazz électrique et les emmener dans un beau voyage
qui les amènera sans doute à aimer une autre
musique, plus audacieuse, libre et improvisée et cela sans la moindre
concession. Excellent.
Nils Gerold Nicolà
Guazzaloca Stefano Giust Transition at Mibnight Jazz Festival
Setola di Maiale SM 2640
Deuxième album de ce trio né d’une rencontre « ad-hoc » durant l’été 2011 à Bologne immortalisée sur le même label (Transition). Lors de ce concert de novembre 2012 à Bremen, la ville de Gerold, ce triangle flûtes (Gerold), piano (Guazzaloca) et percussions (Giust) s’est superbement bonifié créant des perspectives variées, des points de chutes, des modes de jeux aussi heureux que diversifiés. Stefano Giust, qui est aussi l’homme à tout faire de Setola di Maiale, a intégré une approche plus dynamique dans son jeu, donnant une plus grande lisibilité et plus d’espace au piano et à la flûte, instruments qui demandent de la part du percussionniste une certaine retenue. Guazzaloca est inventif à souhait. Qui avait écouté le premier Transition sera surpris par le recueillement et les sons délicats et introspectifs de la flûte dès la minute 12 (Before the Second) dans un véritable consensus du trio. La construction qui en découle est un chassé-croisé avec ralentis et accélérés, silences, reprises, contrepoints multiformes, soliloque expressif, conversation, emboîtements, course poursuite, arcs tendus sur le vide, changement subits. Il s’agit d’un bel échange / partage / communion focalisé sur tous les aspects du rythme développés et étirés avec une superbe maestria dans une dimension plus lyrique. La deuxième pièce, Just One From the Third, s’ouvre sur un autre univers où les cordes du piano sont mises à contribution. Il y a une belle empathie combinée avec une indépendance assumée, j’entends par là qu’ils jouent ensemble à 100% en évitant le mimétisme. L’enregistrement favorise un peu trop les chocs de la batterie et moins les détails de la flûte, instrument délicat. D’ailleurs Giust corrige le tir en concentrant son jeu sur les cymbales et les bords de caisse. Nils Gerold n’est pas un flûtiste de formation mais au départ un saxophoniste qui a adopté la flûte comme premier instrument pour des raisons personnelles. Certains connaisseurs vous diront qu’il ne joue pas l’instrument selon sa conception intrinsèque. Bien d’accord, mais il crée de la musique intéressante et qui accroche immédiatement l’oreille par son dynamisme et sa maîtrise des pulsations tout en jonglant avec toute la gamme des coups de langue et des harmoniques. Ce n’est pas pour rien qu’il a joué dans des festivals avec Paul Lovens, Paul Lytton, Ulli Philipp et Urs Leimgruber et que Giust et Guazzaloca, un pianiste de classe internationale, se produisent avec lui et ont publié ce disque eux-mêmes. Le pianiste Guazzaloca est le pianiste à suivre en Italie (et en Europe). Avec ses compatriotes Gianni Lenoci et Alberto Braida, Guazzaloca est un des plus convaincants sur son instrument dans l’univers de l’improvisation radicale, et quand on énumère les improvisateurs d’envergure et les talents péninsulaires, cela fait de l’Italie un terre d’élection pour les musiques improvisées. Le retard sur l’Allemagne ou l’Angleterre s’est largement comblé. Ce Transition at MIBNight le démontre parfaitement. Tout ça sent bon la musique improvisée européenne. On songe aux groupes avec Irene Schweizer, Fred Van Hove, Ulrich Gumpert. Le problème de balance évoqué plus haut est bien le seul point sensible, tout le reste (musique, musiciens, groupe, cohésion, invention, etc) est parfait. Une manière de jazz libre qui rejoint la pratique de liberté totale des Evan Parker, Ivo Perelman, Paul Dunmall et leurs camarades. Passionnant !
Deuxième album de ce trio né d’une rencontre « ad-hoc » durant l’été 2011 à Bologne immortalisée sur le même label (Transition). Lors de ce concert de novembre 2012 à Bremen, la ville de Gerold, ce triangle flûtes (Gerold), piano (Guazzaloca) et percussions (Giust) s’est superbement bonifié créant des perspectives variées, des points de chutes, des modes de jeux aussi heureux que diversifiés. Stefano Giust, qui est aussi l’homme à tout faire de Setola di Maiale, a intégré une approche plus dynamique dans son jeu, donnant une plus grande lisibilité et plus d’espace au piano et à la flûte, instruments qui demandent de la part du percussionniste une certaine retenue. Guazzaloca est inventif à souhait. Qui avait écouté le premier Transition sera surpris par le recueillement et les sons délicats et introspectifs de la flûte dès la minute 12 (Before the Second) dans un véritable consensus du trio. La construction qui en découle est un chassé-croisé avec ralentis et accélérés, silences, reprises, contrepoints multiformes, soliloque expressif, conversation, emboîtements, course poursuite, arcs tendus sur le vide, changement subits. Il s’agit d’un bel échange / partage / communion focalisé sur tous les aspects du rythme développés et étirés avec une superbe maestria dans une dimension plus lyrique. La deuxième pièce, Just One From the Third, s’ouvre sur un autre univers où les cordes du piano sont mises à contribution. Il y a une belle empathie combinée avec une indépendance assumée, j’entends par là qu’ils jouent ensemble à 100% en évitant le mimétisme. L’enregistrement favorise un peu trop les chocs de la batterie et moins les détails de la flûte, instrument délicat. D’ailleurs Giust corrige le tir en concentrant son jeu sur les cymbales et les bords de caisse. Nils Gerold n’est pas un flûtiste de formation mais au départ un saxophoniste qui a adopté la flûte comme premier instrument pour des raisons personnelles. Certains connaisseurs vous diront qu’il ne joue pas l’instrument selon sa conception intrinsèque. Bien d’accord, mais il crée de la musique intéressante et qui accroche immédiatement l’oreille par son dynamisme et sa maîtrise des pulsations tout en jonglant avec toute la gamme des coups de langue et des harmoniques. Ce n’est pas pour rien qu’il a joué dans des festivals avec Paul Lovens, Paul Lytton, Ulli Philipp et Urs Leimgruber et que Giust et Guazzaloca, un pianiste de classe internationale, se produisent avec lui et ont publié ce disque eux-mêmes. Le pianiste Guazzaloca est le pianiste à suivre en Italie (et en Europe). Avec ses compatriotes Gianni Lenoci et Alberto Braida, Guazzaloca est un des plus convaincants sur son instrument dans l’univers de l’improvisation radicale, et quand on énumère les improvisateurs d’envergure et les talents péninsulaires, cela fait de l’Italie un terre d’élection pour les musiques improvisées. Le retard sur l’Allemagne ou l’Angleterre s’est largement comblé. Ce Transition at MIBNight le démontre parfaitement. Tout ça sent bon la musique improvisée européenne. On songe aux groupes avec Irene Schweizer, Fred Van Hove, Ulrich Gumpert. Le problème de balance évoqué plus haut est bien le seul point sensible, tout le reste (musique, musiciens, groupe, cohésion, invention, etc) est parfait. Une manière de jazz libre qui rejoint la pratique de liberté totale des Evan Parker, Ivo Perelman, Paul Dunmall et leurs camarades. Passionnant !
La Chambre des Jeux Sonores Alessandra Novaga : Electric
guitar. Setola di Maiale SM2690
Instrument de prédilection de la modernité, la guitare électrique a acquis un statut dans le monde de la composition contemporaine. Ça lui donne un côté rock, innovant, sans doute radical, sexy et dans le coup. Pour cette Chambre des Jeux Sonores (en français dans le texte), Alessandra Novaga joue des partitions de Vittorio Zago, Sandro Mussida, Paula Matthusen, Travis Just et Francesco Gagliardi. Le disque pourrait aussi s’intituler Jeux Sonores sur un Objet Sonore (guitare électrique)…. Chaque pièce s’attaque à un élément précis de cet instrument complexe et développe une idée avec un point de vue minimaliste (In Memoria de Vitorio Zago) sans solliciter les techniques de guitare conventionnelles. C’est justement cela qui fait de Derek Bailey, John Russell, Roger Smith ou des incroyables guitaristes du Magic Band de Captain Beefheart époque Trout Mask/ Decals (Zoot Horn Rollo, Winged Eel Fingerling, Rockette Morton) des guitaristes essentiels et incontournables. Cela dit In Memoria est fascinant et mystérieux. La lettre M s’est en allée et cela a sans doute un sens si ce n’est pas une omission. La troisième composition, Collaborating Objects de Paula Matthusen, commcnce avec un jeu sur les harmoniques s’y ajoute un effet de pédale de volume et puis fade out. Et puis un accord grave réitéré et parsemé de sons bruitistes après une respiration les harmoniques reviennent piquetant l’ensemble, ensuite ces éléments se combinent avec des effets divers créant un narratif sonore dominé bien vite par l’usage du vibrato de l’ampli. Alessandra Novaga a le talent de mener à bien le continuum et d’exprimer l’idée du compositeur. International Hash Ring de Travis Just, exploite de manière plus agressive l’effet vibrato en lui conférant un dimension sonore plus proche des claviers électroniques. N’étant pas un spécialiste des effets électroniques pour guitare (j’en suis resté au stade du Hendrix de 1969-70 qui jonglait avec la combinatoire de ses trois pédales, un ampli à fond et des pieds et des doigts omniprésents réglant le son avec les quatre boutons et le sélecteur de micro sur la guitare sans parler du manche tordu du vibrato), je suis incapable de décrire ou de deviner le processus. Tout ce que je peux dire c’est que ce quatrième opus a une belle énergie et un côté free-music mâtiné post-rock réjouissant. La guitariste contorsionne les sons et les attaques dans un beau climax sans pour autant faire tout péter. C’est quand même pas mal.
Instrument de prédilection de la modernité, la guitare électrique a acquis un statut dans le monde de la composition contemporaine. Ça lui donne un côté rock, innovant, sans doute radical, sexy et dans le coup. Pour cette Chambre des Jeux Sonores (en français dans le texte), Alessandra Novaga joue des partitions de Vittorio Zago, Sandro Mussida, Paula Matthusen, Travis Just et Francesco Gagliardi. Le disque pourrait aussi s’intituler Jeux Sonores sur un Objet Sonore (guitare électrique)…. Chaque pièce s’attaque à un élément précis de cet instrument complexe et développe une idée avec un point de vue minimaliste (In Memoria de Vitorio Zago) sans solliciter les techniques de guitare conventionnelles. C’est justement cela qui fait de Derek Bailey, John Russell, Roger Smith ou des incroyables guitaristes du Magic Band de Captain Beefheart époque Trout Mask/ Decals (Zoot Horn Rollo, Winged Eel Fingerling, Rockette Morton) des guitaristes essentiels et incontournables. Cela dit In Memoria est fascinant et mystérieux. La lettre M s’est en allée et cela a sans doute un sens si ce n’est pas une omission. La troisième composition, Collaborating Objects de Paula Matthusen, commcnce avec un jeu sur les harmoniques s’y ajoute un effet de pédale de volume et puis fade out. Et puis un accord grave réitéré et parsemé de sons bruitistes après une respiration les harmoniques reviennent piquetant l’ensemble, ensuite ces éléments se combinent avec des effets divers créant un narratif sonore dominé bien vite par l’usage du vibrato de l’ampli. Alessandra Novaga a le talent de mener à bien le continuum et d’exprimer l’idée du compositeur. International Hash Ring de Travis Just, exploite de manière plus agressive l’effet vibrato en lui conférant un dimension sonore plus proche des claviers électroniques. N’étant pas un spécialiste des effets électroniques pour guitare (j’en suis resté au stade du Hendrix de 1969-70 qui jonglait avec la combinatoire de ses trois pédales, un ampli à fond et des pieds et des doigts omniprésents réglant le son avec les quatre boutons et le sélecteur de micro sur la guitare sans parler du manche tordu du vibrato), je suis incapable de décrire ou de deviner le processus. Tout ce que je peux dire c’est que ce quatrième opus a une belle énergie et un côté free-music mâtiné post-rock réjouissant. La guitariste contorsionne les sons et les attaques dans un beau climax sans pour autant faire tout péter. C’est quand même pas mal.
Pour ceux qui aime la guitare électrique dans un cadre
expérimental. On espère qu’Alessandra Novaga puisse se produire, évoluer, se
développer car elle a un potentiel musical réel.
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