Memento Mari : Welcome to Europe 18/12/14
Notre
performance Memento Mari : Welcome
to Europe s’est super bien déroulée devant un public ravi pour la Journée
des Migrants ce 18 décembre à la Cellule 133A à St Gilles.
Ce spectacle
mettait en scène le destin difficile et périlleux des migrants qui traversent
la Méditerranée pour atteindre l’Europe, fuyant guerres civiles (Syrie, Lybie,
Soudan), dictatures féroces ( Erythrée) et victimes de discriminations
insupportables ou d’agressions terroristes violentes (Boko Haram)…. Et avec une pensée pour les 23.000 personnes
qui ont disparu dans les flots de la Mare Nostrum. Une équipe de Memento Mari
a séjourné à Lampedusa en septembre 2014 pour y présenter leur performance –
installation – concert y jouer chaque jour et rencontrer réfugiés, migrants,
travailleurs sociaux et artistes impliqués : Guy Strale, Marco Loprieno,
Patrizia Lugo et Christian Vasseur.
La performance Welcome to Europe suit le fil d'émouvants témoignages vécus de plusieurs personnes ayant migré d’Afrique ou du Moyen-Orient et beaucoup souffert durant leur
périple. Un poème de Guy Strale lu par l’auteur en introduction. Chacun des
textes / extraits de dialogues sont lus par Patrizia, l’initiatrice de MM, l'actrice Laetitia Yallon et J-M Van
Schouwburg, alors que des interventions improvisées s’insèrent naturellement
dans le flux. Les musiciens : Christian Vasseur, luth, Marco Loprieno sax
et clarinette contralto, Jean Demey, contrebasse et clarinette turque, Claudia
Cancellotti violon, Macisse Vieira, guitare et balafon, Guy Strale, piano et
percussions, Patrizia et J-M VS, voix. Une installation : des dizaines de bandes
de tissus colorés imprimés de textes pendent sur les murs latéraux : tracés
dans le tissu, des témoignages de parcours individuels de migrants rencontrés
par les membres de MM ou rapportés par des témoins. Chaque tissu raconte une histoire souvent tragique. Sur
un écran sont projetés des photos de Lampedusa : plage, mer bleue, bateaux,
migrants, lieux, personnes, le cimetière… Soudain, une personne masquée,
recouverte de vêtements et armée d’un sac de SDF pénètre sur scène et occupe
l’espace durant les 45 minutes de la performance : la présence de la
danseuse Sofia Kakouri transforme ce qui pourrait être une représentation en un
moment de vie. Elle retire ses survêtements et occupe l’espace et l’attention
des spectateurs par sa gestuelle, sa danse, son corps et son regard, vêtue d’une
robe de chambre rouge de prisunic. La musique se métamorphose d’un thème rythmé
joué par les cordes jusqu’à des improvisations dérivantes, un solo de sax
sopranino. Nasser, Abu Bakar, Iyad, Victoria les dialogues et tranches de vie
défilent jusqu’à ce que les noms repris en boucle débouchent sur « Welcome
To Europe » Selon les spectateurs, le spectacle était émouvant, riche,
rempli de sens et d’idées et a profondément touché chaque auditeur pour sa dimension humaine.
Après une rencontre avec le public, les musiciens se livrèrent à une improvisation collective où chacun apportait sa part comme une auberge espagnole où on sait partager, rire, écouter et terminer ensemble. Une réussite qui a reposé sur les épaules de Patrizia Loprieno et Marco Loprieno avec l'aide de chacun, danseur, musicien, diseur....
Georg Wissell - Joker Nies
Corpus Callosum
haha 1301 acheulian handaxe
Le label du
guitariste Hans Tammen a frappé fort ! Joker Nies, un expert de
l’improvisation électronique « sérieuse » ou « véritable »,
a longtemps travaillé avec un autre saxophoniste alto de Cologne, le
californien Jeffrey Morgan, dans l’excellent duo Pair’a Dice (Snake Eyes
Random Acoustics et Near Vhana Ninth
World). C’était durant les années nonante. Corpus Callosum nous fait entendre
son évolution vers plus de nuances et de raffinements sonores en compagnie de
Georg Wissell, un des meilleurs saxophonistes alto improvisateurs de la scène
germanique, et sûrement européenne. Un langage audacieux et contemporain et une
technique superlative. Cela ne se sait pas, Wissell joue très régulièrement
avec Paul Lytton dans la collaboration la plus risquée du légendaire
percussionniste. Treize vignettes aux titres latins scientifiques (Facialis, Opticus, Callosum, Vestibulocochlearis, Vagus
etc.) nous font découvrir les possibilités infinies des saxophones préparés de
Wissell et l’invention sonique de Joker Nies. Ces deux-là partagent le temps et
l’espace en improvisant par la tangente, l’ellipse, sans sacrifier aux formules
et au dialogue téléphoné, ni à la virtuosité gratuite. Un équilibre précaire,
une cohésion dans la discontinuité assumée, sans verbiage. Un duo original qui
cultive la recherche vers l’inconnu ! Remarquable.
Burton Greene – Lawrence Cook A 39
Year Reunion Celebration studio
234 011
Présentés l’un
à l’autre par Paul Bley il y a fort longtemps, le pianiste Burton Greene et le
batteur Lawrence Cook cultivent ici l’art du dialogue anguleux dans une superbe
construction collective. Tout comme Paul Bley et dans une voie moins éclatée
que Cecil Taylor, Burton Greene utilise tout un savoir / expérience pianistique
traditionnel dans une dimension étendue en cultivant l’aspect mélodique et
rythmique tout le libérant des rythmes réguliers et redondants du jazz moderne.
Greene a été un des pionniers de la libération du jazz aux côtés d’Alan Silva
et de la légendaire chanteuse Patty Waters à une époque où cette musique était
jouée dans des lofts poussiéreux et des salles d’arrière bar. Il trouve en la
personne de Lawrence Cook, lui-même un pilier incontournable de la scène de
Boston et collaborateur de Bill Dixon, un partenaire idéal pour mettre en évidence
son jeu subtil et inventif, concis et aux intentions limpides. La substance
plus que les effets pianistiques racoleurs. Une partie des compositions sont
signées par la chanteuse Silke Röllig
avec qui Burton Greene collabore régulièrement et le pianiste les a arrangées
pour ce beau concert. Cook est un batteur qui sonne comme un vrai batteur de
jazz ayant vécu de l’intérieur toutes les mutations de cette musique. Sa
sonorité est aussi authentique que superbe. Mark
IV, une composition de Greene et du saxophoniste Jon Winter (compagnon de
B.G. des temps héroïques), nous offre un beau développement polymodal
remarquablement construit où la mélodie et le rythme s’enchâssent et se
subliment avec un goût réel. Dans Insider
Trading, Greene se penche sur la table d’harmonie pinçant les cordes de
manière réitérative en privilégiant les nuances dans un beau dialogue avec le
percussionniste, tout en questionnant les intervalles au clavier. Un pan entier
de l’aventure du jazz et de sa remise en question par deux artistes sincères et
sans compromis. Un beau moment.
Red Dahl Sextet
Frank Paul Schubert Paul Dunmall Hillary Jeffery Alex von Schlippenbach Mike
Majkowski Yorgos Dimitriadis
FMR
Ces
musiciens basés à Berlin ont profité du passage de Paul Dunmall dans leur ville
pour faire une session. Frank Paul Schubert est un excellent saxophoniste alto
incandescent qui chauffe son bec à blanc avec un style tout à fait
personnel ! Propulsé par un tandem contrebasse batterie en symbiose et le
comping enlevé de l’éternellement jeune Alexander von Schlippenbach, Schubert
fait tournoyer les notes en les pliant et les retroussant hors de leur gangue
tonale. En chemin, il est relayé par le trombone virevoltant de Hillary Jeffery,
alors que le trio change de cap laissant un espace bienvenu au ballet des
doigts du pianiste sur le clavier. Des moments intimistes émaillent la suite
colorée des Dhal (White Dahl, Orange
Dhal, Purple Dahl, Red Dahl, Turquoise Dhal et Scarlet Dhal) à la limite de
l’évanescence ce qui permet de goûter aux magnifiques timbres des souffleurs et
du contrebassiste et au tournoiement limpide des modes sur l’ivoire. Le jazz
libre collectif qui évite les clichés du genre en donnant à chaque musicien le
moment idéal pour développer son univers propre tout en secondant chaque
partenaire dans un remarquable équilibre, toujours en péril. Dans le beau
avant-dernier morceau, ils sortent des sentiers battus. Une belle rencontre.
François Tusquès Mirtha Pozzi Pablo Cueco Le Fond de l’Air improvising beings 31
Julien
Palomo documente avec passion les multiples aspects de l’œuvre François
Tusquès, un pianiste pionnier du jazz libre sans concession dès les premières
années soixante et qui ces dernières années s’est trouvé complètement délaissé
par les organisateurs, médias, clubs , collègues etc… Il a trouvé en Julien
Palomo un ardent supporter de sa sensibilité musicale et de son humour. Vouloir
cadrer Tusquès dans la scène improvisée et jazz contemporaine actuelle me
semble aussi vain que stupide. On sent bien que trop d’incultes se permettent
d’avoir un avis sur tout avant d’avoir vécu une expérience bien réelle dans
cette aventure. Bien que issu organiquement de la pratique du jazz moderne tel
qu’il était vécu à Paris vers la fin des années cinquante et durant les belles
années soixante, François Tusquès ne s’est pas contenté d’assumer l’explosion
du « free-jazz » mais de transcender cette aventure musicale et de la
dépasser. Contemporain des Han Bennink, von Schlippenbach, Brötzmann, Evan
Parker, Paul Rutherford et Derek Bailey (etc…) qui ont prolongé les avancées
afro-américaines en faisant évoluer l’interactivité au sein de la musique libre
pour lui donner une identité nouvelle (européenne ??) avec réel un contenu
esthético-politique, et contrairement à eux, Tusquès s’est moins attaché à la
création de formes radicalement nouvelles qu’à utiliser un matériau musical
traditionnel, populaire, hors-champ du jazz moderne, pour servir la cause des
travailleurs en lutte et de tous les laissés pour compte de la planète. C’est
l’aventure de l’Intercommunal Free Dance
Music Orchestra avec Jo Maka, Adolf Winkler, Michel Marre, Guem, Sam Ateba,
Carlos Andreu, … qui a inscrit sa trajectoire dans une multitude de lieux de
lutte plutôt que dans les festivals de jazz, même d’avant-garde. Le nom même du
groupe fait allusion à la danse car il était plongé dans des rythmes tirés de
traditions musicales celtiques, africaines, caraïbes, etc.. rythmes souvent
endiablés, surtout dans le feu de l’action. Plus qu’une musique de scène, l’Intercommunal était une musique de la
vie et d’un combat social. C’est dans le prolongement de cette pratique de l’Intercommunal que se situe ce très beau CD du Fond de l’Air
en compagnie des percussionnistes Mirtha Pozzi et Pablo Cueco. Bâtissant un
substrat polyrythmique mouvant et riche au moyen d’instruments
« manuels » (n’tama, bombo, tamboril pour Pozzi et zarb, berimbau,
càjon, quijada pour Cueco), les deux percussionnistes laissent le champ libre à
François Tusquès pour tisser un remarquable tuilage polymodal sur la base de
ces belles compositions. Il y a un Come Sunday pour se souvenir des grands
mouvements syncrétiques du Duke qui ont ouvert, jadis, la voie à l’inspiration
du pianiste. Et donc c’est un album puissamment ressenti par un pianiste
inspiré et dont le style a acquis une cambrure très personnelle, une
articulation jouée au plus fin de toutes les nuances pulsatives des trente
doigts ici en activité. Dans la galaxie du jazz on trouve aujourd’hui (plus
qu’hier) une quantité de pianistes au toucher mirifique, à la virtuosité
confondante. Mais dans le domaine qui est le sien, François Tusquès est un
musicien unique et très attachant qui se distingue du tout venant et surtout,
un artiste qui dégage une qualité humaine profonde. Aussi un son qui évoque Harlem et l'Afrique, Monk et Ellington. Après l’Etang Change en solo sur le même label, voici un très beau et
rare trio.
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