Live at Leggere Strutture Joao Pedro Viegas Nicolà
Guazzaloca Marcello Magliocchi White Noise Generator (Bari Italia)
Trio
souffleur piano percussions comme au bon vieux temps de la free-music teutone
(ou testostérone !), mais avec une réflexion, un temps relâché, le sens de
l’espace, une profondeur. Savoir prendre le temps de jouer, d’écouter, de
répondre, de questionner, de chercher, de risquer. Une dimension aérienne,
cagienne, une dissection des échanges. La vitesse est mise de côté pour la
finesse dans ces deux pièces de 13 et 22 minutes. Enregistrées dans un lieu appelé Leggere
Strutture, soit structures
légères, le titre de l’album et l’affect de la musique évoque la fragilité
précaire de notre scène improvisationelle. Equilibres instables en perpétuel
rétablissement à la recherche de l’infini. Le pianiste Nicolà Guazzaloca, un véritable virtuose, joue ce qui doit être
joué et laisse ainsi l’espace et le temps nécessaire au percussionniste Marcello Magliocchi de laisser mourir
dans le vide la résonnance de ses gongs frottés sous les ondulations de la
colonne d’air de la clarinette basse de Joao
Pedro Viegas. Celui-ci fait chanter et osciller les harmoniques en
crescendo du piano pp jusqu’au mezzoforte d’une seule respiration. Jamais
démonstratif, un lyrisme à la fois austère et chaleureux. Quand vers la 14ème
minute, le pianiste prend l’initiative avec des ostinatos mouvants, les deux
acolytes créent des commentaires discrets comme s’ils jouaient sur la tangente.
Un momentum intense intervient vers la fin du deuxième morceau et les baguettes
fouaillent sur la surface des peaux et des objets s’immisçant dans le clair du
clavier mobile. Chaque mouvement passe par une phase transitoire au bord du
silence où un des membres du trio (et jamais le même, ni de la même façon)
introduit la séquence qui suit. Ce processus naturel s’apparente à la
composition instantanée où la spontanéité et la logique d’une construction
musicale ne font plus qu’un. Il y a une saveur méditerranéenne dans cette
musique, jouée par un portugais et deux italiens. Une véritable communion
sonore et musicale par trois acteurs incontournables d’un mouvement de fond qui
s’étend à l’ombre de la scène médiatisée des festivals et clubs importants.
Ciao !
Trio Improvisations for campanula
, bass & percussion Michael Denhoff, Ulrich Phillipp Jörg
Fischer sporeprint 1408-3 (a/b) 2CD
Quand vous
lisez le nom du contrebassiste Ulrich
Phillip sur un cd de musique improvisée, vous pouvez être sûrs qu’il s’agit
de musique de haut niveau et qu’il y a quelque chose de spécial, une approche
qui transcende et dépasse la lingua franca de l’improvisation libre. Michael Denhoff, aussi compositeur
contemporain, joue principalement du violoncelle « campanula » créé par le luthier Helmut Bleffert (http://www.bleffert.eu/html/the_campanula.html ).
Il s’agit d’un violoncelle auquel on a jouté seize cordes sympathiques. Le nom
de l’instrument se réfère à la fleur du
même nom. Produit par l’excellent percussionniste Jörg Fischer (qui a aussi enregistré avec Peter Brötzmann pour le
label NotTwo), ces Trio improvisations développent une superbe interaction entre
une percussion aérée et colorée avec subtilité et deux instruments à cordes
frottées qui nous font entendre le grain délicat et les chatoiements du travail
minutieux à l’archet de ces deux orfèvres que sont Ulrich Philipp et Michael
Denhoff. Uli Philipp a un des plus beaux coups d’archets de la musique
improvisée et est aussi un explorateur sonore remarquable. Il est sûrement un
des cordistes les plus appropriés pour jouer et improviser avec Michael Denhoff
et son instrument très particulier. Les couleurs et nuances pleines
d’harmoniques que ce très remarquable musicien obtient, grâce à l’action des cordes
sympathiques, confère une aura féérique à la musique du trio. La campanula est
un instrument idéal pour l’atmosphère de la musique de chambre. Jörg Fischer
traduit cette approche à merveille par des sonorités choisies et un sens de
l’espace remarquable. J’ai écouté les deux cédés sans me lasser et il serait
vain de vouloir décrire le déroulement des pièces tant la musique surprend et
coule de source. Les trois musiciens prennent le temps d’y développer de belles
idées avec une richesse sonore somptueuse, jouant « lentement » en y
incluant la vitesse de manière subtile. Un titre s‘intitule FreMuCo et fait référence au label et
au collectif Free Music Communion des
premières années 80, dont le contrebassiste Torsten Müller fut un membre
actif. Ce label FreMuCo n’est même pas
listé dans la galaxie des labels du site http://www.efi.group.shef.ac.uk . Il
a fort à parier que ce sera le cas de Sporeprint, si trop peu d’entre nous ne
cherche à les écouter. Sporeprint a aussi
publié Free Music on a Summer Evening du trio du trompettiste Marc
Charig avec Jörg Fischer et le contrebassiste Georg Wolf, celui-ci ayant aussi
enregistré en duo avec Ulli Phillipp (Tensid Nur Nicht Nur). Une petite merveille à dénicher via Improjazz.
Seven Storey Mountain III &
IV Nate Wooley Pleasure of the Text / POTTR 1301
Seven Storey Mountain I réunissait Nate Wooley, Paul Lytton et David
Grubbs à l’harmonium (Important Records). Ce double cédé présente les chapitre
III et IV de cette Montagne de Sept Étages, concept composition en évolution
avec orchestre à géométrie variable qui s’inspire et ou synthétise les univers
de La Monte Young, Steve Reich, le free jazz et le noise. Outre Wooley, Lytton
et Grubbs (à la guitare électrique), le batteur Chris Corsano, C Spencer Yeh au
violon électrique, Matt Moran et Chris Dingman aux vibraphones. Le premier cédé
contient les 60 minutes de Seven Storey Mountain III qui débute par quelques
notes des vibraphones et leurs résonances énonçant lentement note par note un
thème qui se construit peu à peu en faisant entendre chaque intervalle et sur
lesquelles viennent se poser un unisson de la trompette et du violon qui
disparaît en decrescendo et réapparaît de même un peu plus tard. Au fur et à
mesure que défilent les intervalles et le son suspendu des lames métalliques,
l’unisson trompette (amplifiée ?) et violon reparaît et s’efface
sonnant ensuite comme l’harmonium de
Grubbs dans SSM I et le motif du
vibraphone s’égaie et diminue laissant l’espace à un drone aérien. La trompette
acoustique et la bande magnétique ( ?) reprend ensuite une note continue
suive ensuite par le violon électrique qui émet un drone très légèrement
mouvant sous laquelle sourd un battement de caisse presqu’inaudible et de
faibles grésillements. Les deux vibraphones se sont tus. Petit à petit, les
deux percussionnistes font croître un échange improvisé poussant le drone du
violon de C Spencer Yeh à plus d’expressivité. Entre en scène la guitare
électrique indéterminée et dès lors le violoniste inclut une ou deux autres
notes en activant le mouvement de l’archet alors que le duo de percussions se
fait de plus en plus présent. On est passé insensiblement d’une musique
minimaliste à un continuum post-rock noisy
(je ne dirais pas bruitiste) où coexiste stase et mouvement, déchirures de la
guitare saturée et sciage obstiné du violon. La trompette amplifiée ( ou je ne
sais quoi) produit un effet d’harmonium et les percussions virevoltent. A mon
avis Lytton ou Corsano tout seul aurait suffi et surtout la percussion n’est
pas bien enregistrée ou alors c’est voulu à l’instar de certains disques
mythiques du rock alternatif qui ont été mixés à toute vitesse, créant un effet
sonore non voulu, mais apprécié dans la légende. Impossible de mesurer le temps
et aussi parfois de distinguer qui fait quoi ce torrent de sons, percussions,
guitares noise et électro, lequel devient ennuyeux lorsque j’atteins la 25 éme
minute dans un capharnaum noise relativement informe. Il y a un effet de
crescendo qui n’est pas bien rendu par l’enregistrement, mais ce n’est pas
grave. Disons que cela fait branché. A la minute 28, je me dis : il reste
encore 11 minutes. La trompette est traitée noise avec un ampli. Ah oui, à la minute
30, il semble que les sept étages de la montagne sont gravis : on croit entendre des clochettes (les lames de vibraphones assourdies), un son
électronique planant et le violon jouant une note continue... A la fin, quand
le drone décroît, les vibraphones réitèrent les notes du départ. Une bonne
branchouille pour des auditeurs qui ont une expérience musicale différente de
la mienne. Vous pouvez en faire un cadeau à un branché et vous reportez au
merveilleux duo creak 33 de Lytton et Wooley sur Psi et leur récent double cédé
The
Nows (Clean Feed) si c’est l’improvisation radicale qui vous intéresse.
Là, je vous garantis de l’excellente musique comme je l’ai décrit dans une
précédente chronique. Enfin, il faut de tout pour faire un monde. Si j’ai le
courage, je chroniquerai le cd deux… (Ecrire prend du temps).
dialog(ue)s, interaction of music and drawing Günther
Christmann cello & trombone Jörg Hufschmidt drawing on snaredrum. Ed Explico 17 un cédé et un dvd. 80 copies
limitées et numérotées et 14 copies en édition spéciale avec 14 reproductions laser
des dessins de JH dans une boîte en bois recouverte d’un verre réalisé par GC. Enregistrements
les 7 et 8 mars 2013.
47 minutes
pour 16 dessins de Jörg Hufschmidt sonorisés par le violoncelle ou le trombone
de Günther Christmann, les dessins 10 à 16 étant visibles sur le dvd de 16:30.
Dans le jewel box, on trouve quelques reproductions des dessins au format
pochette cd. La musique est à la fois faite par le dessinateur et le musicien
de manière à ce que ces dialog(ue)s en soient vraiment un , ou des. Les sons de
la caisse claire de Hufschmidt sont émis par son travail sur le papier par
frappes, coups, grattages, frottements etc… mais ce n’est pas de la
« batterie » La dynamique mouvante et superbement nuancée du
violoncelle et son sens inné du crescendo/ decrescendo sur la moindre note
rendent cette interaction éminemment musicale. Comme toujours, Christmann a le
sens de la forme de l’instant. Son esprit et sa sensibilité insuffle une
émotion retenue, une aura sonore unique quelque soit l’aspect de son travail au
violoncelle au pizzicato ou à l’archet « écrasé » ou tendu en passant
de l’un à l’autre. Dans le n°6, il y a un véritable dialogue rythmique entre
les deux. Intervient alors le trombone et ses sussurements, sauts de
registres, percussions de l’embouchure, effets de souffle, tremblements de
lèvres, suraigus, vocalisations étouffées, harmoniques fugaces, articulations
rapides de quatre sons aussi éloignés qu’il est possible, suraigus sifflés,
etc... Epure du mouvement et sonorisation du geste, son improvisation, qui
semble décousue, crée une structure qui se superpose au gestes du dessinateur
et crée un grand moment musical (4 :58). Le n° 8 va encore un peu
plus loin pour répondre aux grattages du dessinateur qui fait carrément grincer
et siffler la peau ou l’outil. Les gestes et le trombone ne font parfois plus
qu’un. D'ailleurs, les bruits et sons émis par le dessin de Jörg Hufschmidt font véritablement office de musique en tant que telle. On ne sait pas d'ailleurs s'il joue de la percussion très détaillée et pleine de nuances sur la peau de sa caisse claire où s'il se contente de dessiner... les deux artistes sont donc véritablement en phase....
L’articulation du tromboniste assemble les morceaux épars de son trombone et des timbres hors champ. On est vraiment gâté car le trombone continue dans la pièce suivante, plus courte (1 :08) et offre encore une autre configuration de la déconstruction du langage de la coulisse et du pavillon. La partie de violoncelle en pizzicato du n° 11 est à la fois mouvante, fluide et compose avec les bruitages du dessinateur jusqu’à s’effacer. Dans la pièce suivante, la tension monte encore sans pour autant que le violoncelliste n’aie à jouer plus vite ou plus fort. L’attaque de la corde est soudain ultra-rapide mais se concentre sur quatre sons pour suspendre le mouvement dans un vide silencieux un très bref instant et repartir de manière surprenante. La maîtrise rythmique est remarquable car il singularise une dizaine de valeurs musicales temporelles différentes et parfois contradictoires dans le moment le plus bref qui soit. G.C. dit tout en cinq secondes. La qualité de l’enregistrement n’est sans doute pas parfaite, mais suffisante pour apprécier un des plus grands créateurs de l’improvisation libre radicale. Et les deux reproductions de dessins montrent clairement la véritable osmose qui unit les deux pratiques, musicales et graphiques dans l'action, ici réunies. Exemplaire !
L’articulation du tromboniste assemble les morceaux épars de son trombone et des timbres hors champ. On est vraiment gâté car le trombone continue dans la pièce suivante, plus courte (1 :08) et offre encore une autre configuration de la déconstruction du langage de la coulisse et du pavillon. La partie de violoncelle en pizzicato du n° 11 est à la fois mouvante, fluide et compose avec les bruitages du dessinateur jusqu’à s’effacer. Dans la pièce suivante, la tension monte encore sans pour autant que le violoncelliste n’aie à jouer plus vite ou plus fort. L’attaque de la corde est soudain ultra-rapide mais se concentre sur quatre sons pour suspendre le mouvement dans un vide silencieux un très bref instant et repartir de manière surprenante. La maîtrise rythmique est remarquable car il singularise une dizaine de valeurs musicales temporelles différentes et parfois contradictoires dans le moment le plus bref qui soit. G.C. dit tout en cinq secondes. La qualité de l’enregistrement n’est sans doute pas parfaite, mais suffisante pour apprécier un des plus grands créateurs de l’improvisation libre radicale. Et les deux reproductions de dessins montrent clairement la véritable osmose qui unit les deux pratiques, musicales et graphiques dans l'action, ici réunies. Exemplaire !
Hors de son label auto produit (à
peu d’exemplaires) Edition Explico,
on entend trop peu Christmann, tant sur scène hors du Nord de l’Allemagne qu’en disque.
Alors c’est le moment de découvrir ou redécouvrir cet acteur essentiel en s’adressant
directement à lui. (Pas de site internet)
Ed Explico
Weserweg 38 D-30851 Langenhagen.
(NB les improvisateurs
libres « praticiens – collectionneurs » connaissent son adresse par cœur).
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