Mantra Gora Adrian
Northover & Tasos Stamou Linear Obsessional LOR052 https://linearobsessional.bandcamp.com/album/mantra-gora
Logé dans
un boîtier plastique rouge en forme de valisette rectangulaire, Mantra
Gora est un objet relativement encombrant pour celui ou celle qui a
déjà un peu de mal à ranger ses disques dans de multiples étagères calibrées
pour les CD en format jewel-box ou digipack. Néanmoins, l’écoute de Mantra
Gora, une belle collaboration improvisée de l’artiste sonore grec Tasos Stamou et du saxophoniste
londonien Adrian Northover, trouvera
sa vraie place, bien à l’écart d’un quelconque classement. Parmi les souffleurs
britanniques « of note »
qui méritent d’être suivis pour la grande qualité de leurs musiques et qui ne
sont pas (actuellement) visibles dans les festivals, catalogues de labels,
médias, Adrian Northover est le
premier nom qui me vient à l’esprit. Ce virtuose des saxophones alto et soprano
fut de l’épopée de B-Shops for the Poor avec le saxophoniste David Petts et … le
contrebassiste John Edwards, bien avant que celui-ci devienne un artiste
incontournable. Il est aussi un des piliers des Remote Viewers pour
lesquels Petts conçoit la musique.
Membre éminent du London Improvisors Orchestra dès
1999, il faisait bien plus qu’assurer au sein de la section d’anches quand
celle-ci comptait Evan Parker, Lol Coxhill, John Butcher, Jacques Foschia, Alex
Ward, Harrison Smith et cie... C’est d’ailleurs au LIO qu’il rencontra Adam Bohman, l’homme aux objets
amplifiés et aux textes surréalistes, et depuis quinze ans, ces deux artistes
collaborent très étroitement quasi chaque semaine. Par ailleurs, musicien de
jazz moderne de haut niveau ainsi que
dans le « cross-over » ethnique avec des musiciens de Raga indien,
musique qu’il appréhende avec talent, il a initié récemment des collaborations
Outre-Manche entre autres avec le superbe percussionniste Marcello Magliocchi.
Comme Tasos Stamou joue de la
« prepared zither », des cassette
loops, digital horn et test generator, et a enregistré avec
Adam Bohman, son univers ne lui est pas étranger. Créant un paysage sonore
requérant et subtil, un peu comme des sculptures sonores, dans un mode ambient
à la fois atmosphérique et noise, Tasos
Stamou offre un espace et une dynamique dans lesquels Adrian Northover s’intègre avec subtilité, émotion et une
créativité lucide. A.N. joue en fait ce qui doit être joué avec son
partenaire : travail sur le timbre, altérations microtonales,
introspection, respiration circulaire… et ne délivre ici qu‘une facette de sa
personnalité. Et cela, sans en faire de trop, bien dans l’esprit égalitaire de
partage du son, de l’espace et du temps chère à John Stevens et qui est, depuis presque quarante ans, la
marque de fabrique des improvisateurs libres londoniens, bien avant les
continentaux. Un tel musicien pourrait se lancer dans un solo ébouriffant de
technique (qu’il a solide), mais ce n’est pas le propos ici. Son écoute et sa réactivité face
aux machines est remarquablement nuancée. Le jeu de TS à la cithare évoque parfois le santuri
grec. Mêlé aux drones et battements
électroniques, aux frictions minutieuses de la colonne d’air, aux harmoniques
pointues et aux loops de fragments de ce qui vient d’être joué, il contribue
étrangement à créer un univers sonore requérant et hanté, une démarche
introspective, intense mettant en valeur la musicalité potentielle de
l’outillage récupéré (électronique low-fi)
de Tasos Stamou et du souffle radical d’Adrian Northover. Avec son appareillage
des « tape loops », TS tranche dans le flux et le manipule dans l’instant
en real time avec subtilité : son partenaire a le don d’en accentuer la
physicalité et de rendre cela encore plus organique et spontané. Et donc à
l’écoute de Mantra Gora et des sept improvisations dont elle est constituée,
je me dis que ce beau duo mérite de se trouver dans la liste exclusive de mes
duos favoris, pour sa singularité insigne (avec Hubweber-Zoubek, Ulher -
Wassermann, Leimgruber - Turner, Minton - Turner, Butcher -Edwards, Wachsmann -
Hauta-Aho, Barre Phillips-Malcolm Goldstein etc…). Remarquable.
Chelonoidis Nigra IKB Creative
Sources CS 345 CD
Ernesto Rodrigues viola Maria da Rocha violin Guilherme Rodrigues cello Miguel Mira double bass Maria Radich voice Paulo Curado flute Nuno Torres alto saxophone Bruno Parrinha clarinet & alto clarinet Yaw Tembe trumpet Eduardo Chagas trombone Armando Pereira accordion António Chaparreiro electric guitar Abdul Moimême prepared electric guitar Carlos Santos electronics Nuno Morão percussion Monsieur Trinité percussion.
Grand orchestre d’improvisation libre, IKB (pour Ives Klein Blue, la pochette de la même couleur avec une tortue dorée, Chelonoidis Nigra) est un modèle du genre. Basée sur les drones aléatoires, les techniques alternatives, le flottement des sons et leur empathie, une recherche de timbres rares avec des particularités des instruments souvent détournés de leur fonction première, IKB rassemble des improvisateurs d’horizon divers qui se focalisent dans une action instrumentale minimaliste et des combinaisons imprévisibles de sonorités trouvées dans l’instant, parfois fort éloignées de ce pourquoi les instruments utilisés sont conçus. Les sonorités acoustiques évoquent une musique électronique, des bruissements de machine, d’objets, des sifflements, ronflements, sons tenus et en suspension dans l’espace, frottements, scories, résidus, etc… joués avec une lenteur et une douceur caractérisées. En fait, il est presque quasiment impossible de désigner les instruments d’origine des sons entendus. Percussions frottées ou grincées, objets sur les cordes de la guitare d’Abdul Moi-Même, sifflements infimes du saxophone ou de la flûte, souffle et lèvres au trombone ou à la clarinette, cordes du piano, vibration improbable de la contrebasse, tapotements de la percussion, grincements, passage neutre du crin de l’archet sur la corde… mystère quasi monochrome, …. Des sons naissent du silence, se transforment, s’agrègent, meurent, surgissent, tremblent… S’il est quasi impossible de dire qui joue, il est encore moins facile de deviner combien sont en train de jouer. On a parfois l’impression qu’ils sont trois ou quatre et qu’ils se relaient fréquemment tout en maintenant une réelle continuité et en diversifiant les sons avec autant d’homogénéité que de variété. Ce n’est pas le premier album d’IKB et celui-ci est tout aussi satisfaisant que le précédent que j’avais chroniqué il y a quelques années (IKB : Dracaena Draco CS 294 CD double), si ce n’est que la couleur bleue IKB du présent album Chelonoidis Nigra est encore plus intense. La musique aussi. Une réussite éminemment collective!
Grand orchestre d’improvisation libre, IKB (pour Ives Klein Blue, la pochette de la même couleur avec une tortue dorée, Chelonoidis Nigra) est un modèle du genre. Basée sur les drones aléatoires, les techniques alternatives, le flottement des sons et leur empathie, une recherche de timbres rares avec des particularités des instruments souvent détournés de leur fonction première, IKB rassemble des improvisateurs d’horizon divers qui se focalisent dans une action instrumentale minimaliste et des combinaisons imprévisibles de sonorités trouvées dans l’instant, parfois fort éloignées de ce pourquoi les instruments utilisés sont conçus. Les sonorités acoustiques évoquent une musique électronique, des bruissements de machine, d’objets, des sifflements, ronflements, sons tenus et en suspension dans l’espace, frottements, scories, résidus, etc… joués avec une lenteur et une douceur caractérisées. En fait, il est presque quasiment impossible de désigner les instruments d’origine des sons entendus. Percussions frottées ou grincées, objets sur les cordes de la guitare d’Abdul Moi-Même, sifflements infimes du saxophone ou de la flûte, souffle et lèvres au trombone ou à la clarinette, cordes du piano, vibration improbable de la contrebasse, tapotements de la percussion, grincements, passage neutre du crin de l’archet sur la corde… mystère quasi monochrome, …. Des sons naissent du silence, se transforment, s’agrègent, meurent, surgissent, tremblent… S’il est quasi impossible de dire qui joue, il est encore moins facile de deviner combien sont en train de jouer. On a parfois l’impression qu’ils sont trois ou quatre et qu’ils se relaient fréquemment tout en maintenant une réelle continuité et en diversifiant les sons avec autant d’homogénéité que de variété. Ce n’est pas le premier album d’IKB et celui-ci est tout aussi satisfaisant que le précédent que j’avais chroniqué il y a quelques années (IKB : Dracaena Draco CS 294 CD double), si ce n’est que la couleur bleue IKB du présent album Chelonoidis Nigra est encore plus intense. La musique aussi. Une réussite éminemment collective!
Wire and
Sparks Strike Jon Rose Clayton Thomas Mike Majkowski Monotype Rec monolp014
Un beau vinyle à pochette
rouge et un graphisme années cinquante : Strike est un trio de cordes atypique :
Jon Rose aux violons, Clayton Thomas et Mike Majkowski aux contrebasses, trois
australiens. Deux extraits de concerts de 2010 enregistrés au Festival Densités
à Verdun
et à Ausland à Berlin, composés chacun de deux improvisations et trois
improvisations. On commence en sourdine avec une action bruissante à peine
audible et des frottements légers et indifférenciés, bruités ; le trio
construit un univers ramifié. Le violon se trouve au centre dès que les
bassistes émettent soudainement quelques coups d’archets faisant vibrer les
cordes. Le violoniste se met à frotter énergiquement avec un son retenu comme
s’il sciait son violon. La vibration des cordes des contrebasse sont amorties
par un objet, sans doute les fameuses plaques de voiture dont je les ai vus se
servir en Tchéquie. Les trois musiciens varient la dynamique et le violoniste
actionne l’archet sur les cordes avec un son presque ténu, des harmoniques en
faisant moirer des glissandi subtils, presqu’insaisissables, les timbres se
métamorphosant incessamment au fil des secondes. Le phrasé mélodique est réduit
à sa plus simple expression. La trame de la musique est basée sur un frottement
obsessionnel et spiralé focalisée sur le son dans toutes ses nuances. Les notes
atteintes sont étirées, exploitées, vidées de leur substance. Un des
contrebassistes prend le contrepied de l’autre, faisant vibrer étrangement la
corde, l’autre jouant des harmoniques aiguës et glissantes au dessus du chevalet,
en appliquant un objet sur la corde ou frappant les cordes barrées d’un objet
avec le crin du chevalet. Il y a un plaisir bruitiste chez les bassistes et
cette vibration excessive des aigus du violon actionné à toute vitesse par un
jeu maniaque et incessant. Une mélodie impossible à appréhender se situant au
delà d’une conception de l’harmonie même contemporaine, se fait jour, un
glissando permanent et improbable. Au début de la deuxième face, un fragment de
mélodie, archétype Rosenbergien, est
réitéré autour d’un ou deux silences dont la valeur et le placement rythmique sont
constamment altérés. Ces coups d’archet exaspérés forment petit à petit un
contrepoint délirant, prélude à un sciage spiralé quasi-sadique. Le décor se
transforme sans cesse, nous obligeant à réécouter chaque face à nouveau pour
saisir le cheminement du trio. Strike ressemble aussi peu que
possible à tous les trios ou quatuors de cordes improvisés que j’ai entendus et
dans lesquels on retrouve des constantes relativement évitées ici. Leur musique
se concentre avant tout sur la nature sonore du violon (la contrebasse étant un
gros violon) d’un point de vue physique et ludique à l’écart de la culture du
violon classique ou de ce qu’il est possible de construire spontanément en
utilisant des procédés compositionnels et des structures. L’ensauvagement
sophistiqué si vous voulez et un usage très personnel de la microtonalité,
laquelle varie selon les projets acoustiques du violoniste. La dernière pièce
commence par des unissons bancaux séparés par des silences et qui
s’enchevêtrent petit à petit dans une parodie concertante complètement décalée.
L’exécution de leurs idées est empreinte d’un humour caustique et d’un sens de la dérision, voire du
sarcasme, comme s’ils narguaient le microcosme
du violon sérieux. Surréaliste. Jon
Rose a effectué d’étonnantes recherches et réflexions sur l’art total du
violon et son jeu acoustique au point que sa démarche défie toujours l’entendement.
Strike,
tout comme Temperaments avec Veryan Weston et The Kryonics avec
Matthias Bauer et Alex Kolkowski, est tout à fait exemplaire.
Solo Bernadette Zeilinger sans label
Spécialiste des flûtes à bec
de toutes les dimensions, Bernadette
Zeilinger est une improvisatrice et compositrice parmi les plus actives de Vienne où elle anime la série de concerts La
Musa en compagnie du guitariste Diego
Muné. Une belle pochette en papier
cartonné blanc ornée d’un portrait en bleu et chapeau de l’actrice avec un
découpage pop-up original à l’intérieur pour contenir le compact autoproduit,
je suppose. Plusieurs flûtes à bec sont
sollicitées de l’imposante flûte contrebasse jusqu’au flûtiau traditionnel
comme on en trouve dans l’Est de l’Europe. Vienne n’est pas loin des Carpathes
ou de la Serbie où ces instruments sont (ou étaient) toujours joués dans les campagnes.
Son travail est concentré sur des intervalles disjoints et dissonnants et des effets de
glissando – altération des notes, contribuant ainsi à créer une voix
singulière, des lignes mélodiques à mi-chemin entre le contemporain et une
forme de folklore imaginaire et polymodale. Une musique fine, expressive,
poétique, spontanée et chercheuse. Complètement en dehors des sentiers battus.
Aussi, Bernadette Zeilinger joue des flûtes à bec en soufflant dans l’orifice
de l’anche vibrante et n’épargne pas ses coups de langue ni les effets de
souffle dont elle a le secret. Sa musique inspirée tient la distance d’un
concert et son apparence a tout de celle d’une fée à la chevelure rouge et au regard bleu impassible. Une fois, le
concert terminé, son beau sourire exprime l’émerveillement de celle qui a reçu
un cadeau inespéré. Merveilleux !
Sakoto Fuji – Joe Fonda Duet Long Song Records LRSDC 140/216
Un excellent duo – première
rencontre entre la pianiste Sakoto Fuji
et le contrebassiste Joe Fonda dédié à Paul Bley, les
37 :10 de la première grande partie du concert de Portland, Oregon étant
intitulée simplement Paul Bley . C’est auprès de ce
musicien légendaire et aujourd’hui disparu, que la pianiste a cherché son
inspiration et a suivi son enseignement, enregistrant même un rare duo avec son
mentor (label Libra). On retrouve quelques-unes des caractéristiques de Bley au
début de ce duo animé et parfois accidenté dans le toucher et les arpèges de
S.F. Le pizzicato quasi-mingusien et appuyé (pour ne pas dire débridé) de J.F.
dénote un peu par rapport à la référence Bley, lequel sollicitait des bassistes
plus réservés en quelque sorte. Cela dit le duo fonctionne et au départ de
séquences « jazz libre », les deux musiciens n’hésitent pas à plonger
dans la recherche de sonorités, la pianiste actionnant directement les cordes
dans la table d’harmonie. Quand l’archet fait vibrer la contrebasse d’une
aérienne manière et que le silence point, la pianiste délivre un toucher
délicieux et pensif avec peu de notes et le bassiste entonne une élégie à la
flûte. Curieux. Le dialogue reprend presque mais la pianiste s’engage dans un
léger et court développement arpégé pour laisser ensuite le bassiste en
solitaire travailler un motif. Naît ensuite un dialogue intime, la pianiste
avec des motifs presque folk-lyrique et le bassiste avec un ostinato décliné dans
toutes ses variations qui évolue dans une improvisation libre à l’inspiration
bluesy, suivie par une empoignade à plein clavier où Fonda paie de sa personne.
Les deux musiciens ont recours à plusieurs formules d’ostinatos appuyés et à des
changements rapides de climats et de direction, comme ce beau jeu avec les
harmoniques de la contrebasse vers la fin. Le deuxième morceau du concert de
11:20, JSN pour Joe, Sakoto et
Natsuki, l’époux de la pianiste, le trompettiste Natsuki Tamura, rejoignant le duo sur scène pour un trio final. Les
deux musiciens ne se connaissaient pas et donnent parfois l’impression de se
chercher. Avec la participation de Tamura en trio, apparaît un peu de mystère,
la communion est établie et l’esprit de Paul Bley flotte dans l’espace. La
pianiste y dit l’essentiel. De la bonne musique d’essence jazz avec de la
liberté, l’enregistrement (techniquement moyen) d’un concert honnête, enjoué et
qui démontre les potentialités de ce duo dont c’est la toute première
rencontre. On leur souhaite de se retrouver pour approfondir leur mise en
commun musicale.
From-To-From Alvin Fielder David Dove Jason Jackson
Damon Smith BPA
Cela fait quelques années que
j’avais trouvé cet album en quartet sur le label Balance Point Acoustics
du très actif contrebassiste Damon Smith.
Celui-ci avait inauguré son label par un très beau duo avec feu Peter Kowald.
Une série de rencontres discographiques remarquées avec des improvisateurs
européens tels Wolfgang Fuchs, Birgit Ulher, Martin Blume, Tony Bevan, Phil
Wachsmann, Bigge Vinkeloe, John Butcher et Fred Van Hove etc… faisait de lui le
parangon de l’improvisation « non-idiomatique » sur la côte ouest. Il a
aussi travaillé avec Henry Kaiser et feu Marco Eneidi. Mais ici avec le vétéran
Alvin Fielder, batteur historique du Sound
inaugural de Roscoe Mitchell (1966), en phase avec le drumming Néo-Orléanais
d’Ed Blackwell. La personnalité chaleureuse du tromboniste David Dove, un infatigable activiste organisateur de concerts à
Houston où résidait alors Damon Smith, fait plus qu’évoquer le souffle
impétueux (Dixieland Cosmique) de Roswell Rudd à l’époque du New York Art
Quartet. Le saxophoniste ténor et baryton Jason
Jackson se révèle un artisan du souffle soulful avec une sonorité
afro-américaine authentique. Certains lecteurs sont informés de la querelle
des Anciens et des Modernes qui divisent les tenants de l’improvisation libre
radicale (non-idiomatique, dixit Derek Bailey) et ceux du free-jazz / Great
Black Music. Soyons objectifs : je peux vous faire entendre des
enregistrements du dit « free-jazz » qui sont barbants, stéréotypés,
conventionnels, avec thèmes, solos interminables de X, puis de Y, avec une
hiérarchie dans les instruments. Comme certains improvisateurs radicaux sont
parfois dans une posture … minimaliste par exemple (je répète le mot de Lê Quan
Ninh, un artiste particulièrement lucide et radical), il y a finalement à boire et à manger dans cette polémique. En ce qui me concerne, étant un chaud partisan de l'improvisation libre radicale et "totale", j'apprécie la musique cataloguée comme free jazz quand il y a une recherche en matière de formes, d'interactions, d'imbrication collective, de créativité. Eviter la routine, le lieu commun etc... Bref, ce que j’aime dans
ce From-to-From, c’est la qualité du partage, du sens de l’échange réciproque
et leur interaction qui va plus vers l’improvisation collective et une
simultanéité de leurs actions, cette spontanéité naturelle telle qu’on la
trouvait dans le quartette original d’Ornette Coleman et l’Art Ensemble des
grands jours. La musique est construite dans l’instant plutôt que suivant des
structures préétablies et rigides. Certaines idées sonores de Smith et Fielder
font plus qu’évoquer l’improvisation libre. Les deux souffleurs s’y prêtent de
bonnes grâces. À certains moments, ils renouent avec un swing contagieux durant lesquels la
coulisse de Dove nous enchante avec ce son gras, bluesy et chaleureux et ces
ornements constitutifs du jazz. Une dimension joyeusement ludique contraste
avec une nonchalance nostalgique presque désabusée. Que Jackson ne soit pas à
proprement parler un as du saxophone comme un Kidd Jordan, compagnon habituel
de Fielder, cela n’empêche pas ce quartet formidablement soudé de nous délivrer
une musique pleine d’énergie, de lucidité, de subtilité et sa part de rêves. Un
très beau concert.
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