Kris Vanderstraeten solo Trommels Dropa Disc #002
http://soundinmotion.be/dropa-disc/kris-vanderstraeten-trommels-lp/
http://soundinmotion.be/dropa-disc/kris-vanderstraeten-trommels-lp/
Cela commence par des grincements métalliques vocalisés, une grosse
caisse résonne curieusement. Micro-frappes, résonnance des cymbales,
grattements, grincements, bruissements métalliques, … La batterie de Kris
Vanderstraeten est en soi une sculpture, une invention : objets en tout
genre, un demi globe terrestre, des petits tambours chinois, accessoires
déjantés, jouets, une caisse claire quand même, une grosse caisse super
étroite.. Celle- ci a été bricolée faite des deux cercles sur lesquels les
peaux sont tendues et qu’il a scié et recollé avec précision ! La variété
des frappes, des incidents sonores, des contrastes entre les actions crée une
véritable poésie sonore. Observateur attentif de la scène improvisée libre et
de ses percussionnistes (Bennink, Stevens, Lovens, Lytton, Turner, Oxley,
Centazzo, Day) dans leur délire le plus free, Kris a développé un univers
sonore qui n’appartient qu’à lui. Dans ce Trommels, il raconte une histoire,
construit spontanément une évolution de climats en choisissant soigneusement
ses sons, ses objets, ses outils, en mélangeant ses techniques. Aussi, ce
percussionniste n’est pas bruyant : il faut tendre l’oreille pour savourer
les détails des sonorités, des frappes à la surface des peaux amorties, des
objets qu’il secoue soigneusement. Une espère de trompe intervient un moment,
un minuscule lion’s roar concurrence un autre frottement qui met en mouvement
des fins objets métalliques. Vers la fin de la première face, une série de
roulements sur les peaux frappent l’esprit parce qu’ils sont vraiment uniques
en leur genre et introduisent un autre type de grattements. Ce n’est pas virtuose, sans doute, mais il y
a une authenticité indéniable et quelque chose d’organique qui fait défaut à
pas mal de percussionnistes qui s’essayent à improviser de la sorte, en raison
de la prégnance des gestes et réflexes de la batterie conventionnelle. Kris est
apprécié par ses collègues instrumentistes improvisateurs, car avec un volume
sonore restreint et son sens de la dynamique, sa démarche se complète
parfaitement avec celle de ceux qui explorent leurs instruments acoustiques
dans tous les détails sonores possibles sans devoir « crier » et
jouer fort. Une belle production vinylique du label Dropa Disc, émanation de Oorstof – Sound In Motion, une des
organisations les plus actives dans la promotion de la musique improvisée en
Belgique. Un beau disque.
Natura Venomous Parak.eets : Ute Wassermann Richard Scott Emilio Gordoa Creative Sources CS 343 CD
http://richard-scott.net/natura-venomous-by-parak-eets-ute-wassermann-richard-scott-emilio-gordoa/
Voici un trio curieux enregistré à Berlin avec la vocaliste Ute Wassermann dont je suis l’évolution à la trace. La voici dans une collaboration qui se trouve bien dans sa trajectoire commencée avec le musicien électronique (et compositeur) Richard Barett avec qui elle avait enregistré un magnifique duo pour Creative Sources (Pollen CS 2007). Ute a aussi participé au projet fORCH du duo Furt (Richard Barrett et Paul Obermayer) et comme il y a des accointances dans la démarche et les interrelations personnelles avec le groupe Grutronic de Richard Scott (auquel Obermayer a été invité), rien d’étonnant que Scott et Wassermann se retrouvent sur une même scène. Barrett, Obermayer, Scott font partie du club sélect des improvisateurs électroniques dont Evan Parker a publié des enregistrements sur son label Psi, tout comme Lawrence Casserley et le duo Wassermann/Alex Kolkowski. Donc on se retrouve en famille, si vous voulez. La présence du troisième larron au vibraphone, Emilio Gordoa, ajoute ce qu’il faut de diversion et de sel sur la queue pour rendre ce groupe intrigant. Dans ce contexte, Richard Scott est crédité « modular synthesizer » et la richesse et la qualité des sons qui émanent de son installation est remarquable. Je me souviens que Richard Scott est un passionné de la démarche de John Stevens et du Spontaneous Music Ensemble et on entend clairement dans son jeu le découpage caractéristique du temps à la S.M.E. tout autant que le cisèlement minutieux de l’enveloppe sonore, marque de fabrique de cette mouvance électronique.On est loin de l’électronique cheap ou le tout-venant laptopiste morose. Le travail unique de la voix d’Ute Wassermann, qu’elle aspire les sons, les module, tressaute avec une articulation ultra-précise, percute du larynx, colore les voyelles, siffle, chuinte, jodle, soufflote dans des appeaux, s’insère adroitement dans les soubresauts et la dynamique délicate de Richard Scott, fait mouche et s’intègre dans les vagues de ce dernier plutôt que de surfer sur les pulsations. Quelle concentration dans l'effort ! Emilio Gordoa ajoute avec soin des ostinatos légers dans leur sillage et qui font corps avec l’électronique. Ute Wassermann semble cultiver une distance par rapport à l’engagement physique et émotionnel des passionarias de l’improvisation telles Maggie Nicols, Annick Nozati, Julie Tippetts. Elle recherche et multiplie les approches sonores en sautant d’un registre à l’autre, usant plusieurs techniques vocales en transformant minutieusement les timbres, les couleurs, les intensités. On pense à la grande diversité des chants et babils d’oiseaux. Ce n’est pas pour rien qu’elle joue avec des appeaux. Ces deux collègues sont complètement réceptifs et tissent un réseau subtil de sonorités enrichissantes. Un album particulièrement intéressant.
Tectonic Shifts Thea Farhadian
Creative Sources CS 365 CD
https://theafarhadian.bandcamp.com/album/tectonic-shifts
https://theafarhadian.bandcamp.com/album/tectonic-shifts
Découverte récemment en duo
avec le contrebassiste Klaus Kürvers (Excavations/ Black Copper), la
violoniste Thea Farhadian nous livre
ici un excellent ouvrage exécuté au violon seul et électronique interactive qui
se distingue clairement au niveau formel, sonore et musical d’un artiste comme
Phil Wachsmann et qui apporte à ce type de démarche une contribution bienvenue.
Tectonic
Shifts, sans doute parce qu’Iranienne basée à San Francisco, elle est
sensible à l’activité sismique. 12 pièces avec leurs dynamiques propres et une
logique sophistiquée indiquent bien à
quel point d’achèvement cette musicienne est parvenue. Son système électronique
transforme, fragmente, réassemble et extrapole de manière créative le jeu du
violon à la jointure de l’improvisation et de la construction composée. On
entend très peu la source sonore du violon acoustique : il s’agit
principalement de la médiation de l’instrument lui-même générateur d’une
musique électronique aux paramètres très complexes où on retrace plus ou moins
aisément la présence du violon, son fantôme. L’action de l’archet tressaute,
non sans faire parfois penser à la gestuelle d’un DJ alternatif, sur des
pulsations subites et aléatoires créant des contrepoints diversifiés en se
jouant des textures, des loops, rebonds, scratches, miasmes, …. Osmose,
contraste, paradoxe, surprise, voicings synthétiques, grain sonore, frictions,
frottements, pluridimensionalité, fil conducteur réitéré d’une pièce à l’autre.
Celles-ci se terminent parfois de manière abrupte, incertaine, fins coupées,
chœurs hybrides pour le morceau de clôture. Vraiment intéressant, l’ambition
créatrice de la musicienne étant nourri et soutenu par un talent indiscutable
et une solide expérience.
Duo contrebasse et
percussions de très bonne tenue qui explore les timbres, les sonorités, les
couleurs, la physicalité instrumentale au travers d’un dialogue soutenu, corps
à corps, basé sur l’écoute, les émotions partagées. Vasco Trilla joue de l’archet sur les cymbales ou est-ce Johannes Nästesjö qui approche une
surface cuivrée en vibration contre une corde frottée ? Celles-ci sont
frottées avec insistance, pressées, grondantes et amorties à la fois, créant
des vibrations souffreteuses, hésitantes. Accrochés au timbre et à la peau
inférieure de la caisse claire, des ressorts et des fils en transforment la
résonance et vibrent en ressac. Des clochettes et un métallophone
cristallins tintinnabulent dans l’espace
meurtri par les chocs sur le bord métallique des caisses ou l’articulation des
doigts sur la peau du tambour, le chevalet grinçant de plus belle. Les
instruments sont renvoyés à l’état de nature, objets sonores, générateurs de
couleurs, frottés, crissés, résonnants, amortis, …. Ou le lyrisme boisé et
retenu point sous l’archet accompagné d’une syncope claudicante, cascade de
coups brefs…. Un pizz soutenu et sauvage fait rebondir des cliquetis de
baguette sur la batterie amortie et un jeu de cloches … et la conversation
s’anime et se décontracte : Yellow ,
Nuclear Resistance. Une musique organique, chercheuse, détaillée,
vibratoire, animée dédiée à un des plus anciens arbres vivants, le Gingkobiloba.
Plongée dans le free jazz
afro-américain pour ce trio alto sax (Rick Countryman) – contrebasse (Simon Tan) –
batterie (Christian Bucher) qui nous vient des …. Philippines ( !). Julien
Palomo a eu visiblement le coup de foudre pour le lyrisme naturel « dans
la tradition de Coltrane et de (Sonny) Simmons » comme l’indique la
pochette. On lit aussi au verso du jewel box que les merveilleux morceaux d’ Acceptance
& Resistance se répartissent sur une side A et une Side B. IB
aurait-il produit dare-dare (la session est datée du 24 juillet 2016) un
enregistrement destiné à un album vinyle et, dans la précipitation, publié tel
quel le graphisme qui lui aurait été destiné ? Amusant. En fait le graphisme des pochettes est une copie de l'album ESP de James Zitro dans lequel officiait Bert Wilson le saxophoniste légendaire de la West Coast et maître à penser de Countryman, au centre d'une communauté de soufflants qui a vu transiter Frank Lowe, Jeffrey Morgan et Sonny Simmons. Ces références mises à part, la musique
est sérieusement inspirée. Au fil des décennies, les quidams se foutent un peu
des disques publiés dans cette mouvance free-jazz. Je crois quand même que ce disque aurait
peut-être figuré en bonne place dans les annales du free-jazz, s’il avait été
enregistré aux USA dans les années 60 ou 70. Rick Countryman est donc un
saxophoniste américain issu de la scène
californienne et établi à Quezon City depuis 1988, Simon Tan est un bassiste
Philippin et Christian Bucher un batteur suisse. Ils semblent tous résider dans
cette ville. Le trio joue free quant à la rythmique, le batteur étant à
mi-chemin entre Sunny Murray et Rashied Ali (sans pour autant en approcher le
tourbillon de pulsations et de frappes) et le bassiste assure le job avec goût et des solos à l’archet qui exploitent une belle veine mélodique. Méritoire comme
dans Cosmik Funkshun. C’est
d’ailleurs dans cette pièce à conviction qu’excelle Countryman par la qualité
de son timbre, la vivacité de ses lignes, cette capacité innée à surfer sur le
temps et à tirer tout le suc de sa veine modale grâce à sa sonorité authentique, son vécu. Pour résumer, une
voix originale du sax alto dont l’écoute (en concert) procure un vrai plaisir.
Certains artistes qui eurent leur petite heure de gloire dans les années 70
n’avaient rien à de plus à offrir que Rick
Countryman. Même si on est loin des exploits de phénomènes comme feu Jimmy
Lyons et Mike Osborne ou Sonny Simmons et Trevor Watts, cette musique est
profondément touchante.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Bonne lecture Good read ! don't hesitate to post commentaries and suggestions or interesting news to this......