Exuvia Szilard Mezei Tim Trevor-Briscoe
Nicolà Guazzaloca FMRCD456-817
Le pianiste Nicolà Guazzaloca,
en solo ou avec ses deux potes Tim
Trevor-Briscoe (saxophones et clarinettes) et Szilard Mezei (violon alto) multiplie les albums sur quelques
labels italiens (Amirani, Aut et Setola di Maiale) au point que sa musique
enregistrée est presque forcée de transhumer en Grande-Bretagne par le
truchement de l’incontournable label F.M.R. , lequel déborde d’une telle
d’activité que son site web n’indique plus les récentes parutions mises en vente
par les musiciens eux-mêmes ou quand on s’adresse à Trevor Taylor directement.
Mais je comprends bien l’urgence des musiciens à vouloir communiquer leur
musique au plus vite. C’est un superbe album d’improvisation à haute teneur
mélodique, intense dans ses dialogues… La complexité et la diversité des
échanges virtuoses des trois musiciens sont confondantes. Esthétiquement
parlant, les amateurs pointus de Berlin, Paris ou Londres vous diront que cette
manière date un peu. Mais on s’en fout, en fait. D’abord, il a fallu attendre
d’arriver dans les années 2000 pour entendre un tel altiste (VIOLON ALTO)
atteindre le niveau musical et instrumental de Carlos Zingaro ou Phil Wachsmann
sur un instrument nettement plus requérant et très différent pour ses possibilités
timbrales plus étendues, plus affolantes. Avec Mat Maneri, Charlotte Hug,
Ernesto Rodrigues, Benedict Taylor. Szilard
Mezei en révèle le suc, la substantifique moëlle, …fabuleux ! Il
affirme même son style personnel en pizzicato (duo avec la clarinette, par
exemple). D’autre part, c’est la grande variété des modes de jeux dans le flux
des émotions qui rend ce trio véritablement fascinant. Il y a bien un
parti-pris expressionniste dans certains passages de ce concert à la SPM Ivan Illich du 27 juillet 2015, sans
doute par empathie pour le public local, lequel ne cherche pas à distinguer
« free » et « non idiomatique ». Mais cet aspect
énergétique est remarquablement balancé par les détails subtils et la
signification, les intentions profondes exprimées dans l’instant, ces histoires
improbables racontées avec conviction, une approche lunaire, chambriste,
intimiste. Il y a tellement de post free « free-jazz » (free-jazz
entièrement improvisé – sans compositions) avec l’inévitable configuration
batterie, contrebasse et souffleur(s) qu’on ne va pas bouder notre grand plaisir
d’écouter un tel trio anches – violon alto – piano. Figurez-vous que Tim Trevor-Briscoe, de nationalité
britannique et résident de Bologne, est un inconnu dans la scène anglaise qu’il
semble méconnaître et qu’on ne lui connaît aucune autre affiliation en dehors
de son intense partenariat avec le pianiste Nicolà Guazzaloca. Celui-ci est un des principaux animateurs de la
vie musicale improvisée à Bologne et sans nul doute un des grands pianistes de
la génération suivante des Van Hove/ Schweizer/ Schlippenbach en compagnie de
Agusti Fernandez, Sten Sandell et cie… De l’improvisation libre de haute
qualité , assumée, vivifiée.
New World Simon Rose Willi Kellers Jan Roder FMRCD464-1117
Un nombre croissant de musiciens improvisateurs, qu’ils soient
britanniques, portugais, allemands, autrichiens, italiens, confient leurs
enregistrements au label F.M.R. Voici
Simon Rose, un as du sax baryton et
aussi altiste résident à Berlin, en compagnie du percussionniste Willi Kellers, connu pour son travail
avec les saxophonistes Ernst-Ludwig Petrowsly, Thomas Borgmann, Peter Brötzmann
et le pianiste Keith Tippett, et du bassiste Jan Roder, un compagnon de route de Rudi Mahall, Alex von
Schlippenbach, Axel Dörner… Je dois dire qu’à la longue je suis un peu lassé de
la formule instrumentale sax – contrebasse – batterie, un véritable lieu commun, même si elle nous a occasionné bien des merveilles. C’est heureusement le cas
ici : New World contient des morceaux intéressants, envoûtants et
complètement improvisés dans l’instant. Rien d’étonnant pour qui suit à la
trace le saxophoniste. Récemment, il a défrayé la chronique en duo avec
deux pianistes : Edith’s Problem avec Deniz Peters
(Leo) et Ten Thousand Things avec Stefan Schulze (Red Toucan). Des œuvres
magnifiques, subtiles, physiques et intransigeantes. L’art de marier le cri
primal et les subtilités de la musique de chambre. New World commence très
fort avec une puissance incroyable et un souffle énergétique extrayant avec
force les harmoniques du gros tuyau de cuivre, de sa boucle imposante et du
gros bec qui demande au saxophoniste un cœur gros comme çà pour en faire vibrer
la colonne d’air de manière aussi déchirante. Willi Kellers est un subtil
polyrythmicien avec une qualité de frappe et une lisibilité qu’on perçoit bien
grâce à la prise de son exceptionnelle. Un véritable batteur free avec une
identité propre qui sait varier les effets et utiliser ses accessoires avec
subtilité (sonnailles, sanza, cloche etc). Le bassiste agrippe les cordages
avec une facilité qui lui permet de faire vibrer l’épaisseur de l’instrument
dans toute sa splendeur. Chacun des sept morceaux a une orientation propre, une
cadence bien distincte et un développement qui le distingue indubitablement du
précédent ou du suivant. Quatre morceaux dans les cinq minutes, trois
respectivement de sept, dix et quinze minutes. Bien que Simon Rose soit crédité sax baryton et alto, c’est uniquement au
sax baryton qu’il étire le ruban de ses trouvailles, humeurs, sonorités, et ses
boucles grasseyantes en souffle continu, créant un univers personnel
complètement en phase avec ses deux partenaires. Les amateurs de power
free-jazz brötzmannniaco-gustafssonistes trouveront ici un trio plus qu'à la hauteur.
Les trois musiciens transcendent cette approche musicale avec un style
original. Bravo pour ce bel album qui sort le free « free-jazz » hors
de l’ornière dans laquelle il a tendance à se complaire. Un monde neuf.
Vinny Golia Wind Quartet
– John Carter – Bobby Bradford – Glenn Ferris . Live at The Century Playhouse
Los Angeles 1979. Dark Tree DT(RS)08.
Dark Tree publie des albums fignolés et
passionnants au compte-goutte. Ce Wind
Quartet de Vinny Golia est le
deuxième album d’archives de concert mettant en valeur John Carter et Bobby
Bradford. Le NoU Turn Live In Pasadena 1975 de leur Quintet publié en 2015 dans la Roots Series de Dark Tree est un de
leurs deux meilleurs albums (avec Tandem /John Carter & Bradford
duo – Emanem 2CD). Nous sommes alors en 1979 dans une phase créative du jazz
contemporain d’alors. La première vague du free jazz des années 60 a remis en
question le rythme, l’harmonie et le rôle des instruments dans le groupe avec
Cecil Taylor, Sunny Murray, Albert Ayler etc… S’ensuit l’éclatement du combo
conventionnel « souffleurs – piano
– basse – batterie » : les musiciens les plus avancés et audacieux
explorent les formes en solitaire comme Barre Philips et son Journal Violone
(Music Man 1968) . Anthony Braxton joue et enregistre en solo
« absolu » (For Alto 1968) au saxophone alto suivi par Steve Lacy et
Roscoe Mitchell, Paul Rutherford et Albert Mangeldorff au trombone, Evan Parker
et Lol Coxhill. Ou en duo : Albert Mangelsdorff and Friends (MPS). Duos de
souffleurs : Marion Brown et Leo Smith, Joseph Bowie et Oliver Lake,
Anthony Braxton et George Lewis. Des guitaristes d’avant garde explorent leurs
instruments en solo : Derek Bailey, Hans Reichel, Eugene Chadbourne, Roger
Smith etc… ou en duo : Bailey avec Evan Parker et Braxton ou le batteur
Han Bennink. Percussionnistes en solo : Bennink, Andrew Cyrille, Tony
Oxley. Duos de contrebasses de Barre Phillips et Dave Holland ou Beb Guérin et
François Méchali. Sam Rivers enregistre en duo avec David Holland (IAI), Lester
Bowie en duo avec Philip Wilson (Duets IAI), Steve Lacy avec Andrea Centazzo, Jimmy Giuffre
avec Paul Bley et Bill Connors. Bien sûr les échanges exponentiels de la
Company de Derek Bailey. Mais aussi le World Saxophone Quartet (Hemphill Lake
Murray Bluiett) et le Rova Sax Quartet. Le panorama sonore et musical des
Creative et/ou Free Improvised Musics s’agrandit et s’enrichit et fascine musiciens
et auditeurs, prolongeant le travail pionnier de Jimmy Giuffre avec ses trios
sans batterie. C’est dans ce contexte d’intense renouvellement de formes et de
conceptions musciales qu’il faut appréhender ce magnifique Vinny Golia Wind Quartet,
interprétant et improvisant les remarquables compositions du souffleur multi-instrumentiste.
Les notes bien documentées de Mark Weber retracent le parcours de ce peintre connu
pour ses pochettes (Dave Holland/Barre Phillips, Joe Henderson) et qui faisait
jouer des improvisateurs lors de ses expositions en interaction avec ses
tableaux et leur dynamique dans l’espace. Vinny
Golia apprit à maîtriser les différentes flûtes, clarinettes et saxophones,
car il eut à apporter fréquemment une couleur supplémentaire dans plusieurs
orchestres avec un piccolo, un sax sopranino, une clarinette basse ou un
baryton, etc... En un temps record, il est devenu un excellent instrumentiste
capable de jouer l’ensemble des woodwinds
avec un professionnalisme impressionnant, une justesse et une agilité
surprenantes. À défaut peut-être d’acquérir une voix très originale à l’instar
des Ornette, Braxton, Roscoe Mitchell, Steve Lacy, John Carter ou Evan Parker.
Mais ce qui compte surtout dans son travail, c’est l’excellence et la diversité
sonore de ses orchestres et compositions pour improvisateurs. Et dans ce
domaine, Vinny Golia est un artiste exceptionnel. Pour preuve,
ce merveilleux quartet : Bobby Bradford
au cornet, John Carter à la
clarinette, Glenn Ferris au trombone
et lui-même aux différentes anches et
flûtes selon les morceaux : #2 :
flûte en Do et sax baryton, Views :
sax baryton, Chronos I :
piccolo et clarinette basse, Chronos
II : clarinette basse et flûte
alto, Victims : flûte alto. Musique
de chambre mouvante pour instruments à vents dans laquelle une remarquable
variété de mouvements et d’événements sonores, de thèmes complexes et
d’improvisations simultanées des « solistes » autant mélodiques que
texturales empruntant des voies parallèles, s’enchaînant avec aisance et une
extraordinaire lisibilité, avec passages en solitaire, duos … élégiaques,
enlevés, sereins, enfiévrés, introvertis, expressifs, … Une West Coast évoquant
les expériences de Shorty Rogers et Jimmy Giuffre dans une dimension nouvelle,
libérée, évitant cliché, routine et cette linéarité lassante et prévisible de
la succession des thèmes, solos, breaks et codas qui ont fait préférer
l’improvisation libre radicale aux sessions free cadrées du label Black Saint avec souffleurs, basse,
batterie à une génération de mordus du free-jazz. Dark Tree n’a pas tort de
produire des albums de ce genre seulement tous les deux ans : Wind
Quartet peut être écouté et réécouté à plusieurs reprises, car il
recèle une multitude de moments précieux et des recoins qu’on est surpris de
découvrir à chaque audition. Un album en tout point remarquable et sûrement un
point fort de la discographie de chacun des artistes.
OXYOQUET El Volcàn Silencioso Piezas en Cadencia I-XII Milo Tamez Amirani AMRN 48
Comme souvent chez Amirani voici un produit super préparé avec notes de
pochette fournies nous informant avec force détails de la genèse, du
développement et des inspirations du projet, un Open Work Composed Improvisation For Extended/Prepared Drum Set / Real
Time Electronics / Soundscape / Video Art. Dans ce texte de présentation
très dense, le don d’observation, la poésie, l’exégèse musicologique et la
précision technologique se rejoignent. Le percussionniste mexicain Milo Tamez, originaire du Chiapas, a
conçu, exécuté et produit cette œuvre pour percussionniste solitaire, mûrie
durant deux années (2013-15), avec une
remarquable interaction avec son propre
traitement électronique en temps réel à laquelle s’ajoutent des
soundscapes. On pourrait très bien imaginer l’art vidéo tant sa musique est
expressive et excellemment réalisée. D’un point de vue technique (rendu sonore,
dynamique, précision, haute qualité), l’enregistrement et son contenu sont
véritablement à la hauteur d’un projet aussi ambitieux qui demande une
préparation et un savoir-faire qui dépassant la virtuosité peu ordinaire du
percussionniste. Un artiste puissant au style original dont le jeu complexe et
l’articulation des frappes sera appréciée par ceux qui suivent Milford Graves,
Tony Oxley, Paul Lytton ou Pierre Favre, même si son travail est nourri de
l’expérience « contemporaine ». Il faut noter l’utilisation
d’accessoires accordés en bois (woodblocks, marimba) qui apportent une
coloration caractéristique à sa batterie préparée
et étendue. Milo Tamez a très
bien assimilé comment marier l’électronique et la percussion « nue »
et acoustique, et cela à deux niveaux : d’une part les frappes et le
toucher semble transformé par son installation (la technique d’enregistrement
favorise la résonance) et d’autre part, son système extrapole les sons
instrumentaux en formant des agrégats flottants en sympathie avec les
soundscapes. Certains de ceux-ci nous font parvenir des échos de la jungle, de
l’eau qui coule ou des oiseaux dans le feuillage. La profusion d’éléments
sonores et les pulsations foisonnantes qui surgissent tout au long de ses douze
Cadencias donneront peut-être le
tournis à certains auditeurs : la Partie
4 Cadencias X – XII devient à un moment endiablée, voire paroxystique.
Peut-être son dispositif électronique injecte-t-il des sons percussifs qui
s’ajoutent au phrasé vertiginieux qui développe de manière insistante et
intrigante un motif rythmique central.
Il aurait pu se contenter de limiter cette œuvre à la percussion et à
l’électronique sans ajouter les paysages sonores. Mais l’intention de l’artiste
est d’inscrire son œuvre dans un lieu, un paysage, une culture, une géographie,
celles du Chiapas et du peuple Totzil, célébré par Cecil Taylor (Totzil Totzil Leo Rds). Et ces
soundscapes font sans doute le lien. La musique, même si elle préparée
minutieusement, a cette aura instantanée, excitante du jazz d’avant-garde
vivace et de la musique improvisée conséquente.
Pour introduire et conclure deux courts paysages sonores. Sans nul doute
une des meilleures réalisations d’Amirani.
Paul Dunmall Matthew
Shipp John Edwards Mark Sanders Live in London
FMRCD445-0517
Astablieft Mossieu’ !
Potferdomme ! Ça est bien un des plus grands titans du saxophone. Paul Dunmall ! DUNMALL
NUMBER ONE ! Même si la qualité de l’enregistrement de ce concert du 12
février 2010 au Café Oto est moyenne, Dunmall c’est un peu comme Coltrane et
les albums pirates des tournées du géant trop tôt disparu. Il faut les écouter quasiment
tous, une centaine au moins pour se faire une idée de quoi il est capable. !
Énorme saxophoniste surpris au ténor en compagnie d’un pianiste puissant et
tellurique, Matthew Shipp, et les
deux farfadets de la « section rythmique », la paire inséparable de John Edwards et Mark Sanders. Cela
vole, déménage, crépite, explose ou bien s’élève majestueusement. Boucles et volutes tendues vers l’infini,
puissance intense et incendiaire du son, le souffle dunmallien est sans
équivoque : il évoque comme personne le Coltrane des albums Transition, Sun Ship, First Meditations,
Interstellar Space et Expression, avec de temps en temps des réminescences
d’autres saxophonistes. Je possède un enregistrement d’il y a plus de vingt ans
où c’est le Sonny Rollins d’ East
Broadway Rundown qui affleure. Dans un autre, on croit entendre un hybride
de Sam Rivers et Jimmy Giuffre, mais on identifie clairement le souffleur. Sous des dehors bonhommes,
le saxophoniste est démoniaque. Comme Braxton ou Evan Parker, il est capable de
tout ! Et son style personnel est extensible à souhait, mais reconnaissable
entre mille quelque soit le mood de l’instant... et quelle diversité de moods. On
peut donc dire que Dunmall est un des plus grands saxophonistes du jazz toutes
époques confondues. Je n’ai jamais entendu un zèbre pareil au ténor capable de
réunir aussi intelligemment les expériences de ses prédécesseurs avec une telle
inspiration (Coltrane, Rollins, Joe Henderson, Evan Parker, Sam Rivers, Hank
Mobley, Joe Farrell, Pharoah Sanders) en les transcendant de manière aussi puissante, naturelle.
Et cette insistance à publier les enregistrements les plus improbables :
ses enregistrements réunissent dans une foire complète les chefs d’œuvre les
plus éblouissants et les expériences les plus diverses avec sax soprano, flûtes, clarinettes
et bagpipes. Aux bagpipes, plus que çà tu meurs ! Pour ceux qui le connaissent,
l’homme est aussi simple dans la vie qu’il est follement généreux en musique.
Absence totale de prétention et modestie dans ses rapports avec autrui.
Revenons à l’album. Set One donne toute la gomme. Set
Two commence avec Matthew Shipp
qui joue dans les cordes du piano, Edwards
col legno et Sanders faisant vibrer
le métal sur les peaux ou griffant ses cymbales devant un Dunmall observateur. De cette situation statique, les quatre
musiciens construisent un univers sonore qui s’étale progressivement et
naturellement vers un climat plus tendu drivé par l’archet frénétique du
bassiste. Si la première partie offrait un exutoire au souffle conquérant de
Dunmall, la deuxième partie est une belle construction collective : le
pianiste et le saxophoniste s’échangent leurs réflexions les plus claires au
plus proche l’un de l’autre. Le pianiste se lance dans un solo emporté par la
multiplication des pulsations et des roulements puissants et dynamiques de la
batterie soutenus par le coup de patte caractéristique d’Edwards sur les cordes
de sa contrebasse. Le piano s’envole un moment et le saxophoniste retourne au
turbin articulant puissamment les notes les plus écartées de manière de plus en
plus mordante, soulevé par le drumming extraordinaire de Sanders qui le pousse
à fond. Je ne vous dis pas ! Mais ils relâchent la tension et
décélèrent pour un échange où le
pianiste se fait entendre clairement et le saxophoniste investigue des
intervalles bien choisis avec des accents qui n’appartiennent qu’au (free) jazz
authentique. Après une vingtaine de minutes à ce régime, les musiciens
persévèrent encore plus d’un quart d’heure traçant la route sinueuse et
accidentée d’un concert d’anthologie.
Shadowscores Ulrike
Brand & Olaf Rupp Creative Sources CS368cd
Reçu cet album, il y a un an de Creative Sources. N’arrive pas à
suivre leurs parutions. Donc chronique tardive, sorry ! Deux univers
différents s’interpénètrent, deux improvisateurs dialoguent. Olaf Rupp a développé une approche très
intéressante de la guitare électrique avec une virtuosité qui lui permet de
faire sens dans les moindres nuances et détails de son jeu en conjonction avec
les techniques alternatives de la violoncelliste Ulrike Brand. Le guitariste déborde d’inventivité et de sonorités,
et utilise l’ensemble de sa palette avec une aisance confondante, passant d’une
approche sonore à une autre, souvent très différente, au cours d’un même
morceau avec une belle cohérence. Une sorte de self-control. Improvisation
relativement distanciée, jouée avec une grande clarté et une multiplicité
d’intentions remarquablement coordonnées. La violoncelliste se concentre
successivement sur des idées motifs de jeu avec application et un sens logique
de leur développement. L’album du duo est très bien enregistré et les
techniques utilisées pour ce faire conviennent parfaitement à leur musique. Duo
tout à fait remarquable qui renouvelle constamment techniques, sonorités,
idées. Musique un peu froide diront certains, mais qui s’anime et se réchauffe
au fil des plages. Ulrike Brand fait partie de ces innombrables improvisateurs
allemands qui jouent à un haut niveau de qualité d’inspiration et de
professionnalisme. Si j’apprécie beaucoup le travail de guitariste d’Olaf Rupp pour sa très haute qualité
sans en être un fan absolu, je dirais que nombre de guitaristes improvisateurs
qui jouent avec l’amplification, pédales d’effets et multiplient les techniques, doivent vraiment jeter une oreille sur son travail hyper-fignolé, lequel coule
de source. Rien à voir avec le trio follement ludique de Weird Weapons avec Rupp (acoustique),
Tony Buck & Joe Williamson (Emanem 4119 et Weird Weapons 2 Creative
Sources CS197cd) qui décrochait les oreilles avec un parti-pris répétitif
hypnotique.
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