Cajlan Wissel Nillesen fourtyfour fifthythree Creative Sources CS582CD
Dusica Cajlan-Wissel piano préparé, Etienne Nillesen
prepared snare drum, Georg Wissel
sax alto préparé. Musique de bruissements, de scories, de chuintements d’anche,
d’ostinatos sauvages, de réverbérations métalliques, de vibrations
contagieuses, un no man’s land de crissements et de frictions des sons musicaux
étirés, compressés, implosion de la forme, chantier sonore. Finalement, les
trois improvisateurs laissent filtrer une grand sensibilité, le temps
s’écoulant par le menu, sorte de goutte à goutte de l’inexorable. Le souffleur
va chercher des fétus de timbres au fond de son bocal, à la lisière de l’anche,
dans la sous-vibration de l’air en soutenant un filet de son à la limite de sa
respiration. Et dans ses moments cruciaux, sa compagne pianiste frotte les
spirales cuivrées en amortissant la frappe des marteaux comme une machine
détraquée. Le minimalisme radical du percussionniste face à l’unique peau et
des rebords de sa caisse claire, se conjugue à une remarquable empathie
auditive. Un beau capharnaum sonique. L’évolution des deux improvisations
(31 : 54 et 12 : 59) dévoilent tout leur savoir faire sur la durée en
renouvelant leurs sonorités et leurs dynamiques et réintroduisant toujours de
nouveaux éléments de jeu au fil de leur recherche dans l’instant. Ceux qui ne jurent que par Hubbub (Fred Blondy, JL Guionnet, B.Denzler et cie), Axel Dörner, Birgit Uhler, le lower case etc... seront servis. De ces
instants se distinguent une histoire, un récit, une fresque. C’est très réussi,
très vivant et très contemporain.
Tania Feichtmair Omnixus + Solo Leo Records LR CD 852
Saxophoniste
alto intéressante et improvisatrice / compositrice de talent, Tania
Feichmair nous livre ici deux facettes de son art. Omnixus est
une remarquable suite de 32’ pour quartet « de chambre » interprétée/
improvisée de manière superlative par Tania et trois musiciens californiens en
tournée et enregistrée au Jazzatelier d’Ulrichsberg en mai 2009. Le
pianiste Scott Looney, le contrebassiste Damon Smith et le
violoncelliste Hugh Livingston participent à son élaboration avec
énergie, intelligence et raffinement. Chaque musicien est soliste simultanément
et en alternance, par petites touches et accents nets, hachures et sonorités
altérées. Un belle imbrication de sons et d'actions qui stimulent l'écoute et l'interaction des musiciens. Le piano est sollicité dans les cordes avec des glissandi et des
rebondissements au clavier, la contrebasse cimente et cisèle des coups
d’archets qui s’élèvent dans l’espace, secondé par un violoncelle invisible et
efficace, le tout sous la houlette de la saxophoniste qui marque les cadences
tout en improvisant et sans se mettre en avant comme une soliste par dessus
ses collègues. L’improvisation est ici véritablement collective, pleine de vie,
de questions et de réponses inattendues. Chaque musicien a l’art
d’anticiper, de faire silence, de répondre avec une nouvelle proposition, renforçant toujours plus l’intérêt de
l’auditeur. Plusieurs mouvements se dessinent dans la durée en
développant successivement plusieurs modes de jeux et approches sonores, motifs
anguleux et dynamiques croisées tout en maintenant l’unité de l’oeuvre. Looney
et Smith avaient construit à l’époque une véritable complicité, comme on peut
l’entendre dans l’album The Sale Of Tickets For Money Was Abolished avec
le saxophoniste basse Tony Bevan, un album étonnant. Les quatre marquent
un point d’arrêt dans les 15 minutes après un crescendo énergique et enlevé
pour introduire un mouvement recueilli – mélodie sombre et étirée du saxophone
ceinturée d’ostinatos fugaces et de frottements soyeux des cordes et du piano
dans la table d’harmonie. Le climat est changeant, le vent se lève par degrés
savamment contrôlés avec de belles couleurs sonores et enchaîne avec le
pianiste qui mène un moment la danse au clavier suivi par un contrechant du violoncelle,
etc. Embardée, esquisse de marche, mouvement sériel… On n’a jamais le temps de
s’ennuyer, et donc on réécoute volontiers cet Omnixus, un modèle du genre.
Excellent moment de construction musicale collective. Deuxième volet, une série
de six pièces en Solo conçues par TF où se révèle son véritable talent et une
musique de saxophone originale, lyrique, subtile et pleine de détails, de
nuances, de cadences variées… Assez proche par l’esprit de Roscoe Mitchell. Ces
solos ont été captés au Miles Smiles de Vienne en novembre 2011. La démarche de
réunir deux projets différents pourrait sembler disparate. Mais à quoi bon
allonger la sauce quand les 32 minutes magistrales d’Omnixus se suffisent à
elle même et contrastent agréablement avec les quarante minutes des solos qui
font en fait jeu égal avec la durée d’un long playing, comme le génial Solo
Saxophone Live In Moers de Braxton en 1974 (Ring Records). Question
contenu musical, elle est à la hauteur de son brillant aîné. Tania excelle dans
le maniement des techniques de jeu du saxophone basé sur l’articulation, les
coups de langue et des nombreux effets sonores et colorations, avec impulsions
et résonances, partageant ses émotions au plus près de sa sensibilité
intérieure. Son sens du rythme exact et précis fait merveille. Bref une excellente parution tout à fait justifiée qui confirme et surpasse même Trio
Now ! paru chez Leo.
Philippe
Lemoine & Simon Rose Séance
Tour de Bras. TD 89026cd
Le micro label Tour de Bras
a plus d’une clé dans son sac et les deux souffleurs, ici présents, un tas de
clés (sur leurs sax) dont ils se servent à merveille. Baryton pour le
britannique Simon Rose
et ténor pour le français Philippe Lemoine, tous deux établis à Berlin. Beaucoup
d’empathie, d’écoute attentive consonance fantomatique, souffles détimbrés,
diaphanes et brumeux à la fois. Récemment, sont parus quelques duos de sax peu
communs : The Cerkno Concert de Joe
McPhee & Daunik Lazro (Klopotek) et Tie
the Stone to The Wheel d’Evan Parker & Seymour Wright (Fataka) que j’ai
chroniqué très favorablement. Séance se
situe à la hauteur des intentions et de la réalisation instantanée des
précités. Maîtrisant les techniques alternatives et leurs instruments
respectifs, ils puisent dans leurs stocks de sons et de timbres de quoi
construire un parcours jamais pris en défaut de redondance et de recyclage. Douze
pièces qui font corps les unes aux autres en développant leur matériau dans le
même état d’esprit. La musique se construit de détails, de micro-mélodies qui
s’enchaînent, s’enchâssent et se détachent, toujours dans le piano : p, pp et parfois ppp. Une improvisation apaisée à
l’écoute des occurrences des vents, des vibrations physiques de la colonne
d’air et de l’anche. Harmoniques délicates, vocalisations discrètes,
exacerbation du doux, du feutré, de l’intime. Voici des improvisations qui
peuvent nourrir la sensibilité, l’imagination et le goût de l’aventure de tout
un chacun à la recherche d’une nature qui si les dommages de la pollution et de
l’industrialisation forcée à grande échelle se perpétuent, ne se retrouvera
bientôt plus que dans cette musique spontanée, vivante, une biologie des sons
et des jeux musicaux rétives aux conventions et à l’endoctrinement…
Philippe
Lemoine & Simon Rose Séance
Tour de Bras. TD 89026cd
Le micro label Tour de Bras
a plus d’une clé dans son sac et les deux souffleurs, ici présents, un tas de
clés (sur leurs sax) dont ils se servent à merveille. Baryton pour le
britannique Simon Rose
et ténor pour le français Philippe Lemoine, tous deux établis à Berlin. Beaucoup
d’empathie, d’écoute attentive consonance fantomatique, souffles détimbrés,
diaphanes et brumeux à la fois. Récemment, sont parus quelques duos de sax peu
communs : The Cerkno Concert de Joe
McPhee & Daunik Lazro (Klopotek) et Tie
the Stone to The Wheel d’Evan Parker & Seymour Wright (Fataka) que j’ai
chroniqué très favorablement. Séance se
situe à la hauteur des intentions et de la réalisation instantanée des
précités. Maîtrisant les techniques alternatives et leurs instruments
respectifs, ils puisent dans leurs stocks de sons et de timbres de quoi
construire un parcours jamais pris en défaut de redondance et de recyclage. Douze
pièces qui font corps les unes aux autres en développant leur matériau dans le
même état d’esprit. La musique se construit de détails, de micro-mélodies qui
s’enchaînent, s’enchâssent et se détachent, toujours dans le piano : p, pp et parfois ppp. Une improvisation apaisée à
l’écoute des occurrences des vents, des vibrations physiques de la colonne
d’air et de l’anche. Harmoniques délicates, vocalisations discrètes,
exacerbation du doux, du feutré, de l’intime. Voici des improvisations qui
peuvent nourrir la sensibilité, l’imagination et le goût de l’aventure de tout
un chacun à la recherche d’une nature qui si les dommages de la pollution et de
l’industrialisation forcée à grande échelle se perpétuent, ne se retrouvera
bientôt plus que dans cette musique spontanée, vivante, une biologie des sons
et des jeux musicaux rétives aux conventions et à l’endoctrinement…
Admirable ...
Solstice Paulo Alexandre Jorge Luis Desirat Monsieur Trinité Creative
Sources CS559CD
Trio saxophone ténor (Paulo Alexandre Jorge), batterie (Luis Desirat) et
« several objects » (Monsieur Trinité) provenant de Lisbonne où le concert
a été enregistré. First Round (30:03) et Second Round (15 : 53)
contiennent l’intégralité du concert tel qu’il a été joué. Le saxophone ténor
suit un leitmotiv en improvisant avec énergie, chaleur avec de bonnes
variations dans son articulation, la puissance de son cri, l’énergie, emporté,
propulsé, charrié par les multiples roulements puissants du batteur et les sons
métalliques du percussionniste. Il y a un côté primal, instinctif, vibratoire
qui provient du free-jazz atavique dans son acception radicale, libérée des conventions, mesures, thèmes etc… même si le travail de PAJ se
réfère à un matériau mélodique qu’il hache, contorsionne, compresse, étire. Au
fil de l’improvisation, les sonorités, la hargne, la frénésie deviennent plus
convaincante, assumée. La paire batterie – sax fait silence et l’attention se
focalise sur chacun des percussionnistes qui alternent leurs interventions,
batterie et percussions métalliques. Le saxophoniste reprend dans un registre
intimiste, explorant les sons de son saxophone et créant un dialogue séquentiel
en variant les effets. On songe à tout l’intérêt et la fascination que suscite Joe
McPhee au ténor (les albums Tenor, Graphics, Glasses, à l’époque Hat Hut). L’atmosphère
percussive et rythmique encadre à merveille les harmoniques étirées et habitées
du saxophoniste, explosives aux moments choisis. Paulo Jorge Alexandre a la foi qui soulève les montagnes et fait
reculer les flots. Un poète allumé et deux comparses avec une belle
sensibilité. On appréciera les cymbales caressées, froissées, vibrantes et le
souffle retenu dans une autre section de cette remarquable improvisation
collective, bien menée sur la durée. Un beau disque.
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