Qui est Simon H Fell ? Un contrebassiste d’exception, un improvisateur de première, un compositeur chef d’orchestre génial et un des plus importants activistes de la musique improvisée en Grand Bretagne, émigré depuis quelques années dans le Limousin. Derek Bailey, vous connaissez sans doute, hein le Godfather de l’improvisation libre et un guitariste unique etc… Ou vous croyez le connaître ou le reconnaître. A partir du milieu des années nonante, on le vit / fit jouer et enregistrer avec tout un chacun, d’Henry Kaiser à Pat Metheny ou Bill Laswell, Calvin Weston et Jamaladeen Tacuma, les Ruins ou Thurston Moore, Joëlle Léandre… On a aussi ressuscité le trio avec Gavin Bryars et Tony Oxley : j’étais à un de leurs deux concerts, l’autre est publié par Incus… hmm… Tout ça, pas toujours pour le meilleur, souvent malheureusement dispensable. Sa guitare électrique s’est d’ailleurs saturée au fil des ans .. aâh ! , l’amplification stéréo de 1974/ 75 avec Braxton, Evan Parker et Honsinger !
Heureusement, Mark Wastell eut un jour le bonheur de réunir Fell et Bailey dans le sous-sol de sa boutique 323 à Highgate et d’enregistrer encore une heure d’improvisation totale que je ne suis pas prêt d’oublier. Dans un vrai lieu londonien bourré d’auditeurs qui ont très souvent une extraordinaire expérience d’écoute de cette musique (hebdomadaire, voire quasi-journalière pour certains : Adam, Gus, George, Gerard, Tim, Tom etc…), Derek joue ici de la guitare acoustique dans son style caractéristique (harmoniques, larges intervalles post dodécaphoniques, cordes à vide et stoppées successivement) et s’échauffe : Pre –Tea 1 avant de s’éclater. Post -Tea 1 : il se livre à une remise en question de son savoir (clichés) pour chercher l ‘improbable : on a droit à une véritable foire d’empoigne, moulinets dingues et harmoniques placées avec une finesse rarement entendues ailleurs. Il faut entendre Simon H Fell suivre ou précéder les moindres pensées du guitariste, le pousser hors des sillons prévisibles. Ses doigtés qui font le grand écart ne sont jamais pris en défaut, les idées viennent toutes seules.
Derek Bailey a enregistré une dizaine de duos aussi fascinants que différents et qui sortent de l’ordinaire. Ses collègues expriment une grande admiration pour sa capacité à renouveler son jeu dans de multiples circonstances et cela s’exprime avec la plus belle évidence dans ces duos (Evan Parker, Han Bennink, Steve Lacy, Anthony Braxton, Tristan Honsinger, Andrea Centazzo, Jamie Muir, Christine Jeffrey, Tony Coe, John Stevens, Alex Ward, Min Xiao Fen). Ce concert du 15 août 2001 est sans doute le dernier de ces grands duos, avec Seven, excellente conversation avec le percussionniste Ingar Zach (Incus). On y trouve le méthodique, l’instrospectif, le déchaîné, le synthétique, l’exploratoire, le logique, le loufoque, le rageur, le pastoral, l’imprévu, le dingue et le loufdingue. Tous les climats, suspendus au-dessus du vide ou à un train d’enfer…. Des extraits avec un son cassette avaient été publiés en CDr par Confront il y a dix ans. J’en vends une copie… si je la retrouve dans mon fourbi ! Voici la version complète présentée dans un boîtier métallique argenté format boîte à cigarettes à rouler. Fumant !!
NB J’ai pas encore reçu le CD par la poste , mais Bruce's Fingers, le label de Simon H Fell, m’a offert un download que je viens d’avaler d’une traite : quel plaisir !!
Si vous ne savez pas trop qui est Simon H Fell et comment il joue, pas facile de cerner le musicien. Comme SHF n’est pas obsédé par son CV, mais plutôt par la musique, je suggère que nous abandonnions graduellement des idées toutes faites : http://brucesfingers.bandcamp.com ... Cette musique sert à çà !
Porridge Diplomacy
Ensemble Tryp-Tik Adam
Bohman Adrian Northover Catherine Pluygers. wwwtriptik.org.uk
Ces trois musiciens se sont rencontrés dans le London
Improvisors Orchestra, il y a une dizaine d’années, et ont rassemblé leurs expériences et leurs intérêts musicaux
dans un trio décoiffant, excentrique et atypique. Musique contemporaine et
classique pour la hautboïste Catherine Pluygers, jazz contemporain et
compositions modernes pour le saxophoniste soprano Adrian Northover et le
do-it-yourself from scratch pour les objets amplifiés d’Adam Bohman. Ces trois
pôles constituent le gros des références musicales de base de l’improvisation
libre avec l’imagination en prime, la quelle est une seconde nature chez ces
trois improvisateurs. Les deux souffleurs mêlent leurs souffles avec une réelle
empathie et , première constatation, Adrian a le bon goût instinctif de faire
sonner son soprano de manière à ce que son timbre, son articulation et sa
résonnance se marient avec la sonorité et les volutes du hautbois, instrument
nettement malléable que le saxophone. Les deux souffleurs sont confrontés au
capharnaüm sonique en provenance de la table d’Adam Bohman, couverte des objets
amplifiés les plus hétéroclites, trouvés dans les fins de brocante ou sur la décharge,
par le truchement des microcontacts collés sur la surface de la table. Le côté
low-fi est accentué par le vieil ampli de guitare 20W bon marché. L’interaction
entre les musiciens fonctionne à plusieurs niveaux, le fil mélodique des
souffleurs semble hétérogène face à la cuisine bruissante du délirant
objétiste, une personnalité réellement et complètement surréaliste. Ses
collages graphiques qui ornent pochettes de CD’s et affiches du Horse Club
l’illustrent à merveille. Ces trois artistes sont aussi différents qu’ils se
complètent dans un synchronisme décalé et une empathie insoupçonnée au premier
abord. Il y a un courant au sein de l’impro londonienne qui consiste à marier
la chèvre et le chou dans des assemblages improbables. Terry Day, Steve Beresford,
Phil Wachsmann, Lol Coxhill ont été coutumiers du fait, laissant l’esprit de
sérieux à leurs collègues germaniques et français. Cela dit, Porridge
Diplomacy se compose de 18 pièces entre cinquante secondes pour les
plus courtes et 3 ou 4 minutes pour les plus longues. Les titres improbables
sortent tout droit de l’imagination de Bohman qui est aussi un poète qui
utilise l’art de la découpe et le collage des mots dans un télescopage
sémantique on ne peut plus british. D’ailleurs lors d’une distribution de
chocolat après un concert londonien, et voulant offrir un chocolat aux feuilles
de menthe au plus « british » des improvisateurs présents,
l’assemblée m’a désigné Adam Bohman comme étant celui-là. Ex-cen-tri-que, sans
ostentation et avec la plus confondante simplicité. En slang belge bon teint, Adam
est le « king du brol » parfait. Cannibal magnetism,
Furlong, Compression Mode, Talcum Chowder, Varicose Lane, Luggage Daffodils and
Tungsten défilent avec un aplomb et un naturel inimitable entraînant
les souffleurs à se dépasser au point qu’on oublie qui joue du hautbois ou du
soprano et lequel des deux instruments / instrumentistes intervient… en se
calant sur les ponctuations des bruitages de Bohman. Le jeu de Catherine
Pluygers fait preuve d’une souplesse et d’une fluidité inventive qui demande
une technique haut de gamme, sans que cela ne sente l’effort et l’exploit. Une
invention naturelle et organique. Adrian Northover souffle dans son sax soprano avec
une réelle maîtrise : les multiphoniques et doigtés croisés. Pour ces
trois musiciens attachants, l’improvisation , l’écoute et l’expression de leurs
singularités musicales est un art de vivre, joyeusement oublieux de l’exégèse
esthétiquante de bazar.
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