Edith’s Problem
Deniz Peters & Simon Rose Leo
Records CDLR 812
Je ne sais pas qui est Edith
et quel est le problème. J’ai depuis
quelques années quelques problèmes avec le label Leo, suite au réel fléchissement dans l’intérêt que je pouvais y
trouver . On se souvient des albums fantastiques de Cecil Taylor, Evan Parker, Anthony
Braxton, Sun Ra, du duo Minton –Turner. À l’exception des nombreux
enregistrements superbes d’Ivo Perelman, des solos d’Urs Leimgruber et du
groupe 6IX avec Jacques Demierre,
Roger Turner, Okkyung Lee, Urs Leimgruber, Thomas Lehn et Dorothea Schurch, et bien sûr le cd solo de violoncelle d'Elisabeth Coudoux et du quartette de violoncelle Octopus, on ronge quand même son frein.
Mais s’ils continuent avec des pépites telles que ce Edith’s Problem du
pianiste Deniz Peters et du
saxophoniste Simon Rose (baryton et
alto), je ne vais pas hésiter à faire la réclame. Simon Rose est un saxophoniste qui a fait ses débuts en compagnie
de Mark Sanders et Simon H Fell dans la galaxie improvisée londonienne dans la direction du free total (Badland Bruce’sFingers BF14 1996). Au fil des années et des enregistrements, son jeu devient de plus en plus focalisé et il affine ses techniques, son univers et est devenu un
incontournable de l’improvisation radicale, un frère par l’esprit des Michel
Doneda, Urs Leimgruber, Georg Wissel , Jean Luc Guionnet, JJ Duerinckx etc….
Non content de publier de superbes albums solos de sax baryton tels Schmetterling pour Not Two, il s’engage depuis plusieurs années dans un travail de
recherche, lequel est trop délaissé par nombre de ces collègues qui louchent du côté
du free free-jazz accompagné par une batterie pétaradante et un contrebassiste
qui tire sur les cordes ou un guitariste noise. Adepte d’un travail minutieux sur le son, il nous
avait livré une merveille intense en compagnie du pianiste Stefan Schulze (Ten Thousand Things /Red Toucan). Il
récidive dans une manière plus retenue, plus spacieuse et épurée en
compagnie du pianiste Deniz Peters en alternant sax alto et baryton. Le silence
fait partie intégrante de la construction musicale et tout l’intérêt du jeu au
saxophone baryton réside dans les infimes nuances de timbre, de dynamique, de
densité du souffle, ces détails constitutifs de la musique que gomme l’amplification
et les lieux inappropriés à la musique acoustique. Simon Rose se retient de jouer et écoute la résonance de ses propres sons dans celle du piano ouvert à tout vent. Le travail instrumental est précis et chaque fin de morceau nous laisse aiguise notre attente pour les notes et les sons que l'on se serait attendu à être joués. Le pianiste fait résonner les notes isolées dans l'espace autour de la table d'harmonie en modifiant subtilement le toucher, la pression sur le clavier et une des pédales. Un registre voisin de John Tilbury. Chaque silence, chaque son est soupesé et mûrement réfléchi et les vibrations du souffle et des cordes meurent dans le silence et la réverbération du piano, les deux musiciens sélectionnant scrupuleusement des fréquences/ hauteurs en empathie. La musique pourra paraître austère mais il s'en émane un réel lyrisme. Après une série de séquences toutes en sons suspendus et étirés, une cinquième pièce introduit une angularité tangentielle et une forme d'interaction subtile et mouvante qui renforcent la qualité de l'écoute et l'imagination (Shifts). Un très bon point donc
pour le label Leo et les deux musiciens qui réalisent une performance somme toute rare.
Kimmig-Studer-Zimmerlin String Trio Im Hellen Harald Kimmig Daniel Studer Alfred Zimmerlin
hat (now) Art 201
Une belle surprise ! La
série now art de Hat Hut Records est consacrée à la musique
contemporaine « écrite » par des compositeurs. Morton Feldman, John
Cage, Christian Wolff, Roman Haubenstock Ramati, Giacinto Scelsi… etc …. Mais
aussi le groupe Polwechsel avec Michael Moser, Werner Dafeldecker, Burkhard
Stangl, Radu Malfatti, puis John Butcher, Burkhard Beins situé à mi-chemin de
l’écriture alternative contemporaine et l’improvisation minimaliste focalisée
sur le travail des textures. Voilà que la série invite ce trio violon (Kimmig) - contrebasse (Studer) – violoncelle (Zimmerlin) entièrement et librement
improvisé. Trois cordes dans ce format ont l’heur de se rapprocher d’une
instrumentation type « musique contemporaine » d’avant garde. Mais ce
n’est pas tout. Ces trois improvisateurs suisses chevronnés ne se contentent
pas d’empiler des techniques alternatives ou étendues en frottant, frappant,
grattant les cordes et surfaces de leurs instruments en variant les paramètres
à l’envi. Ils ont un art consommé pour enchâsser, enchaîner, lier, rejoindre ou
disjoindre leurs improvisations individuelles dans un ensemble d’une grande
cohérence et avec un son de groupe très marqué. Le travail textural est
essentiel sans qu’il soit confiné dans un domaine strict. En effet, leur
manière est merveilleusement accentuée, par des chocs de toutes dimensions, des
frappes discrètes et coups d’archet insistants, un riche éventail d’harmoniques
et des pizzicati précis en diable. Le piano est ceinturé par le forte, des sons à peine audibles ou
sotto voce voisinent des frissons denses soulignés par un arco robuste. Des
contrepoints sauvages, une expressivité intense, une construction / déconstruction,
la remise en question permanente. Et pourtant, il y a une grande cohérence dans
cette expression immédiate d’inprovisation radicale. On trouve dans leur musique autant de procédés du travail du son, des lignes et du
contenu que chez un compositeur exigeant. Mais ici, ils sont agencés
spontanément avec une conscience aiguë de la forme et du déroulement temporel,
comme si tout coulait de source. Un groupe d’improvisation incontournable qui
compose en temps réel. Le texte de pochette indique Composed by Kimmig Studer Zimmerlin. Quelques soient les méthodes et
les procédés, ce qui compte, c’est la musique qu’on écoute et celle-ci est
superlative, sans parler de la haute qualité de la prise de son, extraordinaire et originale.
Interzones Volume 1 Franziska
Baumann & Christoph Baumann Leo
Records CD LR 757
Duo d’une chanteuse –
vocaliste improvisatrice avec live electronics et d’un pianiste qui joue aussi
du piano préparé. Franziska Baumann
se rapproche un peu plus de la pratique de Maggie Nicols, s’il faut une
référence que de celles de Dorothea Schurch ou Ute Wassermann. Une partie de la
musique semble composée parmi la dizaine de pièces enregistrées. La chanteuse
se fait volubile tout comme le piano ou plus intériorisée et introspective. On
peut l’entendre chanter des harmoniques surprenantes et puissantes comme dans Coming into Things. Tous ceux et celles
qui ont été touchés par Maggie Nicols, Tamia, Julie Tippetts, Phil Minton et
plein d’autres vocalistes (Viv Corringham, Isabelle Duthoit, Guylaine Cosseron,
Ute Wassermann, Shelley Hirsch etc..) seront en territoire connu et
apprécieront l’apport personnel de cette vocaliste suisse. Avec le très
remarquable pianiste Christoph Baumann, de formation classique et très au fait
de la musique contemporaine, s'est établi une réelle connivence. Franziska
développe une démarche et un port de voix particuliers pour chaque pièce et le
duo prend bien garde de ne pas tomber dans le mimétisme. Par exemple, dans Fixed after your hand and purpose, ils
jouent chacun des choses très différentes mais qui, contre toute attente, se complètent et créent la surprise. La fin de ce morceau offre un bel exemple
d’harmoniques chantées la bouche quasi fermée produisant une super diphtongue
(composite de plusieurs voyelles) fascinante. Son articulation délirante scat
parlé-chanté dans Daily Entropy est
une partie de haut-vol, dans laquelle les ostinati travaillés du pianiste font
merveille, la chanteuse établissant un dialogue bienvenu pour clore le morceau.
Elektrofunkel, introduit le piano
préparé, des live-electronics, des séquences vocales qui s’enchaînent et les
duettistes tentent de raconter une histoire sonique du meilleur effet à laquelle la
voix aiguë de FB aspirant une vocalise apporte un caractère fantomatique. La
chanteuse chante aussi de remarquables ritournelles sophistiquées sur un rythme
impair qui alternent avec ses vocalises/ scats, lesquelles coïncident avec
précision avec les accents du jeu de Christoph Baumann. Elle peut chanter avec un port de
voix classique ou comme une improvisatrice d’influence jazz/bossa avec un
débit, des inflexions et une articulation surprenante. Sa voix se révèle très souvent
naturelle. Une fois que tous les morceaux d’Interzones ont défilé,
j’ai le sentiment d’avoir pénétré dans un univers complexe et composite à la
jonction de plusieurs sentiments, pratiques, textures, piano contemporain,
improvisation thématique, musiques jouées avec spontanéité, brio et sensibilité.
D’excellents artistes qui méritent largement d’être entendus. Bravo à Leo !
Voici un super témoignage
atypique ! Sur la pochette, c’est écrit : Jean-Marc Foussat musicien/ improvise à vif synthé AKS voix –
FOUÏCK- Blick imprécateur / flot de
parole en flux tendu. Flux tendu fait
sans doute allusion à cette technique de management des livraisons des grandes
surfaces et des usines contemporaines qui use les travailleurs et diminue la
qualité de la production industrielle afin de réaliser des gains de
productivité, sans trop tenir compte des couacs en tout genre qui ajoutent des
soucis supplémentaires à la vie
travailleurs-consommateurs-navetteurs-précaires- etc… qui n’est déjà pas rose. Et alimente le
ras-le bol, la dépression ou la révolte. L’invention verbale et poétique de Blick est une belle contrepartie
/complément idéal aux sonorités et triturations électroniques de J-MF et lui permet d’improviser plus
dans le subconscient et l’expérimentation instantanée en suivant le cheminement
imprévisible du texte. Le musicien se tient en peu en retrait tout en étant
réactif, voire proactif, étirant et modelant les sonorités de son antique AKS.
Quatre improvisations de 12 :22,
17 :31, 18 :21 et 12 :31 : Aplati l’Horizon, Normal, Traces d’Esquives et Œilletons.
L’imaginaire de Blick fonctionne à plein, l’intériorité de sa poésie spontanée,
de ses contes fantasmagoriques (une technique qu’il a dû beaucoup travailler)
crée une belle inspiration pour l’écoute de la partie musicale. On sent très
bien que l’expression de ses mots surgit ou se dévide dans une écoute profonde
des flux vibratoires de l’électronicien. La densité mouvante du texte, ses
correspondances secrètes et sa sobre dramaturgie demande des écoutes répétées
et c’est ainsi qu’on saisit la valeur de la musique.
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Bonne lecture Good read ! don't hesitate to post commentaries and suggestions or interesting news to this......