4 mars 2018

Cornelius Cardew Treatise by Gerauschhersteller / Urs Leimgruber solo/ Matthias Müller solo/ Stray : John Butcher Dominic Lash John Russell Ståle Liavik Solberg

Treatise Cornelius Cardew  Performed by Gerauschhersteller. Noisemaker CD01 
Paul Allen, Steve Gibson, Adrian Newton et Stuart Riddle
Limited edition of 50. À télécharger https://gerauschhersteller.bandcamp.com/releases  
50ème anniversaire de la publication de Treatise. Version Intégrale.

Je pense qu’on peut dire qu’il s’agit d’un enregistrement qui fera date et qui surclasse par l’intérêt qu’il pourra susciter dans les milieux musique d’avant garde alternative, expérimentale et improvisée, les opus d’artistes qui occupent systématiquement le devant de la scène. Il s’agit d'une version intégrale (et la plus longue!) de Treatise, une partition graphique  de 193 pages que le compositeur Cornelius Cardew (1936-1981) avait réalisé entre 1963 et 1967 et qu’il avait dédié à ses camarades du groupe séminal AMM. Tout récemment, Eddie Prévost et Keith Rowe d’AMM en ont joué (non pas « interprété ») 12 pages choisies de cette partition graphique à Brno en octobre dernier. Les musiciens de Gerauschhersteller, Paul Allen, Steve Gibson, Adrian Newton et Stuart Riddle se sont mis au travail il y a deux ans pour créer et développer leur propre chemin parmi les signes, dessins, lignes, courbes etc… de Treatise en vue d’en enregistrer une version intégrale pour le 50ème anniversaire de sa publication (Editions Peters. Londres). Cornelius Cardew n’a laissé aucune indication propice à l’interprétation de son œuvre, laissant le champ à l’imagination et à la créativité de ses futurs interprètes, si ce n’est qu’il faut l’interpréter en improvisant (!). Ses dédicataires d’AMM en ont publié une version écourtée sur le label Matchless, il y a plus de deux décennies, mais se plaignent de devoir payer très cher sa réalisation aux Editions Peters, l’œuvre n’étant finalement qu’une invitation à l’improvisation. Chacun des « exécutants »  a toute liberté pour l’interprétation des signes. Dans l'enregistrement en 1998, Art Lange qui conduisait l’ensemble veillait à ce que le groupe commence et termine chacune des pages simultanément. J’ai rencontré récemment Walter et Horace Cardew, les fils du compositeur, à Londres lors d’un concert et j’aurais bien aimé communiquer avec eux à propos de cette œuvre. Tout au plus, le compositeur tragiquement disparu a-t-il laissé des propos sibyllins et assez vagues à son sujet, mais aussi des commentaires après les concerts lorsque Treatise avait été joué.  
Les musiciens ont choisi d’interpréter chacune des 193 pages de Treatise durant nonante secondes, mais ils auraient pu choisir des durées différentes selon les pages de la partition. Nonante secondes, cela fait exactement quatre heures quarante neuf minutes trente secondes... enregistrées durant une seule journée,  le samedi 22 juillet 2017 à Horton and Chalbury, Dorset dans le Village Hall de cette localité. Ces enregistrements sont répartis en cinq CD’s . CD 1 : Pages 1-44 CD 2 Pages 45-88 CD 3 Pages 89-126 CD 4 Pages 127-164 CD 5 Pages 165-193.
Paul Allen : Drums Percussion Steve Gibson : Guitar Harmonium Pianos Adrian Newton : electronics, Live and Found Samples, Modular and Semi-modular Synthesizers Stuart Riddle : Electronics, Harmonium, Little Instruments, Saxophone.
Ce qui pose déjà question est la version « complete » de Treatise publiée par hat(now) Art en 1999 en double CD pour une durée de 141’15’’, jouée par Jim Baker, Carrie Biolo, Guillermo Gregorio, Fred Lonberg-Holm, Jim O’Rourke et conduite par Art Lange. Alors que Gerauschhersteller s’étend sur une durée deux fois plus longue. C’est vous dire que cette œuvre peut être sujette à de très nombreuses interprétations.
La musique enregistrée ici se situe dans le droit fil des intentions (supposées) de Cardew et je trouve personnellement des aspects similaires dans les enregistrements de Nuova Consonanza que j’ai écoutés. Partition graphique … et musique visualisable qui trace une architecture en trois dimensions, voire pluridimensionnelle, dans l’espace sonore, sans que la durée affecte son écoute au point de vue de la concentration de l’auditeur. Les artistes prennent le temps de jouer, de faire respirer la musique avec une attitude zen où pointe un fil conducteur, la relation au temps, la durée des sons, à l’élégance, alternant répétition d’éléments et émergence d’un nouveau continent, de terres à découvrir. Horizontalité et, paradoxalement, suggestion de polygones, de boucles, polyèdres, de courbes, de points, lignes, signaux qui se réfèrent uniquement à l’univers de Treatise. Mais aussi nappes, notes égrenées au piano, tintements d’une cloche, friselis, voix diffuses, saxophone soprano qui serpente. Le groupe a aussi choisi des courts moments de silence entre plusieurs séries de pages, plutôt que de jouer l’ensemble d’une traite. La variété des ambiances et des paysages et des intentions dans l'instant est vécue et assumée. Dans le CD 4, on aborde une esthétique Noise et il faut dire qu'à cet égard Gerauschhersteller se rapproche le plus de l'esthétique AMM, groupe pour le quel Treatise avait été conçu, que les groupes réunis par Petr Kotik et Art Lange (cfr références ci-dessous).  Un travail précis et concentré sur la réalisation musicale qui rencontre les intentions et le sens (présumé) que Cardew donnait à sa démarche. Il suffit de comparer certaines de ces oeuvres sur disque. Une fois avoir écouté l’entièreté de Treatise par Gerauschhersteller, avec une certaine fascination il faut le dire, j’ai le sentiment d’avoir participé à quelque chose d’important, de m’être imprégné de la pensée et des réflexions de Cornelius Cardew durant les années cruciales du développement de son travail (1963-67). Treatise fut l’objet de plusieurs exécutions par le groupe AMM lorsqu’il en faisait partie jusqu’en 1971/72 et celle-ci a été dédiée à ses membres et écrite pour le groupe, Eddie Prévost, Keith Rowe, Lou Gare, Christopher Hobbs et lui-même, Cornelius Cardew. Les graphiques des quelques pages qu’il m’a été donné de voir confirment cela : on voit clairement dans la suite des dessins que se détachent un cheminement idéal pour quatre ou cinq musiciens (cfr AMM des sixties, versions de 1967, 1998, et 2017) même si en théorie c'est prévu pour un ou quelques ou de nombreux musiciens sans aucune restriction. Une œuvre essentielle où planent toujours de nombreuses inconnues, fascinante et un modèle inégalé en matière de partitions graphiques car elle ne fait jamais obstruction aux limitations instrumentales et à l'inspiration des improvisateurs.
Pour résumer, ce coffret de 5 CD est vraiment très bon et passionnant : je félicite chaleureusement les quatre musiciens de Gerauschhersteller pour leur superbe travail, la qualité de la prise de son et cette parution inopinée à compte d'auteur. Je suppose qu’il reste encore quelques copies disponibles parmi les cinquante publiées, dépêchez-vous, sinon vous vous contenterez d’une version à télécharger.

TREATISE. Autres interprétations enregistrées :

1967 : Cornelius Cardew / the Quax Ensemble / Petr Kotik – Treatise. Petr Kotik, Josef Vejvoda, Vàclav Zahradnik, Pavel Kondelik, Jan Hyndičica. Mode – mode 205 2XCD. Prague 15 octobre 1967.

1984 : AMM - Combine + Laminates + Treatise ‘84 . Eddie Prévost, Keith Rowe, John Tilbury. Enregistré à Chicago 25 mai 1984. 32’’07’’. Matchless MRCD26 1995.

1998 : Treatise Cornelius Cardew. Jim Baker, Carrie Biolo, Guillermo Gregorio, Fred Lonberg-Holm, Jim O’Rourke et conduite par Art Lange. Durée de 141’15’’hat(now) Art 2-122 1999.

2001 : Formanex -Treatise . Anthony Taillard, Christophe Harvard, Emmanuel Leduc, Julien Ottavi. Fibrr records – fibrr 002, Entropic G.B.C. – egbc 002

2002 : Formanex – Treatise - Cornelius Cardew Computer, Bass, Theremin, Guitar, Electronics, Percussion, Saxophone, Objects. Anthony Taillard, Christophe Harvard, Emmanuel Leduc, Julien Ottavi. 26’33’’ et 30’01’’. Fibrr records - fibrr 004.

2002 : AMM - Formanex. Anthony Taillard, Christophe Harvard, Emmanuel Leduc, Eddie Prévost, John Tilbury, John White, Julien Ottavi, Keith Rowe, Laurent Dailleau. June 2002 Musique Action Festival Nancy. 45’57’’. Fibrr Records fibrr 006 2003

2009 : Cornelius Cardew – Treatise. Oren Ambarchi Keith Rowe. Planam CCCPLANAM LP Vinyle. Pages 53 58 168 169. 13’58’’ – 16’59’’

2013 : Cornelius Cardew – N. Horvath – Treatise (Harsh-Noise Version) Sublime Recapitulation Music – hoof070 . 60’23’’

2014 : elizabeth Veldon – Treatise pp.168 – 173. Self Released. Deux versions différentes : 2x fILE Mp3  2x 30’00’’ ou 3x File Wav 2X 60’00’’. Elizabeth Veldon, electronics.

Broken Silence Urs Leimgruber Creative Works CW 1063

Depuis deux décennies au moins le saxophoniste suisse Urs Leimgruber travaille dans les extrêmes de son instrument le saxophone soprano faisant de lui un des champions de cette démarche radicale « solitaire » initiée par Evan Parker il y a plus quarante ans (Saxophone Solos Incus 19 - 1975). Le nombre considérable de saxophonistes « free » occupant l’avant de la scène et une bonne partie du panorama des musiques improvisées rend l’exercice particulier et acrobatique (il faut le dire !) d’ Urs Leimgruber avec les harmoniques et multiphoniques véritablement bienvenu. La providence, en fait. Mis à part deux pièces où le musicien utilise de manière poétique, la technique du re-recording (overdubs – multitracking), c’est une véritable jonglerie avec des sons à la limite du souffle, une harmonique volatile, qui surviennent au départ accidentellement en faussant un doigté, en forçant le souffle, en serrant la hanche avec la mâchoire, en vocalisant dans le bec etc… Cette démarche est accomplie sans que la méthode apparaisse,  comme si les sons venaient au jour de manière fortuite, aléatoire. Ce qui n'est pas vraiment le cas évidemment. Dans les années 70's, outre Evan Parker, il y avait Larry Stabbins qui s'adonnait à cette pratique à la fois raffinée et ensauvagée (Fire Without Bricks avec le percussionniste Roy Ashbury Bead 5). Urs prend soin de maintenir le flottement de ses sons fantômes et contorsionnés en relâchant la pression de la colonne d’air comme par magie. Parfois, il crée l’illusion que le timbre est celui d’une flûte provenant d’un continent inconnu avec une gamme extraterrestre. Contrairement à la tendance énergétique de la plupart des souffleurs free, Urs Leimgruber privilégie les infrasons et la nature intime et secrète du sax soprano, instrument fétiche (et revêche) des magiciens disparus, Steve Lacy et Lol Coxhill et de ses incontournables camarades Evan Parker et Michel Doneda. Au fil des décennies, des musiciens comme Leimgruber et Doneda ont porté cette recherche dans une dimension organique, aussi sophistiquée que profondément naturelle, qui défie l'entendement. Leur degré de contrôle et de maîtrise du son est assez phénoménal. J'ai bien écouté d'autres souffleurs de l'extrême au sax soprano qui forcent l'admiration, mais il est clair pour moi que les nuances et les pliages de la matière sonore auxquelles parvient Urs Leimgruber sont uniques et difficilement accessibles, même à des pointures qui ont atteint un niveau impressionnant. En outre, cette sculpture des sons est une pratique en soi, le fruit de décennies de travail intensif. Cette capacité technique qui,chez lui, ne revêt pas l'apparence de la très grande virtuosité (enchaînements ébouriffants de paquets de notes en triple détaché) est le vecteur de la poésie pure. Par rapport à ses précédents albums (# 13 -Leo records), il va encore plus loin, en délaissant totalement la débauche d'énergie démonstrative, pour une investigation sincère et épurée. On l'entendrait bien jouer avec les chanteurs Pygmées Baka ou les Dogon du Cameroun. En tous points exemplaire !

Matthias Müller solo trombone  CD et DL https://matthiasmueller.bandcamp.com/releases 

Voici un des rares trombonistes improvisateurs (avec Sarah Gail Brand, Paul Hubweber, Patrick Crossland, Henrik Munkeby Nörstebö etc…) qui continuent d’explorer la coulisse, le tube, le souffle, les lèvres et les positions, tels les initiateurs Paul Rutherford, Günter Christmann, Radu Malfatti, les Bauer, Giancarlo Schiaffini, Vinko Globokar, Alan Tomlinson etc…  Un album solo de trombone était une chose assez courante entre 1975 et 1983, le trombone étant un des instruments phares de l’improvisation libre européenne. Ces quinze dernières années, la pression du free free-jazz impose le saxophoniste leader en tête du peloton et dans l’équipe d’échappée dans la majorité des festivals, clubs, publications de disques. A tel point que de plusieurs trombonistes sont réduits à un rôle de faire valoir. Et donc, c’est avec beaucoup d’intérêt que je me suis plongé dans l’écoute de cet album radical. Trois morceaux : Bell 17:15, Valve  5:19, Slide 15:56. Bell débute par le son de l’air projeté dans le tube sans que résonne le pavillon. De cette technique qui semble élémentaire, Matthias Müller, varie et multiplie les effets en souffle continue, introduit subrepticement des timbres nouveaux, active la dynamique dans un crescendo régulier et véritablement impressionnant durant une douzaine de minutes jusqu’à ce que l’augmentation du souffle fasse résonner la « cloche » (the bell) et secoue la colonne d’air dans un motif/ effet tournoyant. La pièce se conclut en ralentissant insensiblement la cadence, altérant ainsi son affirmation énergique en une hésitation de plus en plus faiblarde comme si un ballon se dégonflait peu à peu. Valve étire une trame mélodique dans l’espace avec le plus bel effet. Superbe. Dans Slide, ses lèvres percutent l’embouchure tandis qu’il fait glisser la coulisse. Matthias articule des effets sonores (growls variés, vocalisations, percussions, grasseyements dans le grave) en variant les paramètres entre autres en diminuant la pression du souffle. Bruitages ou musique ?  Il construit son univers en actionnant simultanément les coups de lèvres dans le registre grave et l’action de la coulisse en secousse. Il termine cette séquence en decrescendo tout en maintenant son action. Une fois arrivé au silence, MM joue une seule note soutenue qu’il agrémente petit à petit d’effets sonores nés quasiment du silence vers une belle section en multiphoniques. Comme précédemment, il altère méthodiquement ce qu’il vient de développer en son soutenu (respiration circulaire – souffle ininterrompu) avec un superbe contrôle de l’instrument. Une démarche linéaire, sans doute, tout l’intérêt résidant dans la transformation imperceptible du son. Une attitude librement improvisée et un travail qui s’apparente à la composition alternative. Remarquable ! 

Into Darkness Stray : John Butcher Dominic Lash John Russell Ståle Liavik Solberg Illuso records IRC 009 https://ilusorecords.bandcamp.com/album/into-darkness 


Je vais encore le répéter : la formule souffleur – contrebasse – batterie (avec ici une guitare électrique) qui avait contribué à faire avancer la pratique de l’improvisation issue du jazz moderne a fini, au fil des décennies, à aboutir à une impasse, du moins elle génère une torpeur propre à générer l’ennui. Dans la phrase précédente, je répète  d’ailleurs deux verbes exprès juste pour faire sentir comme c’est ennuyeux. Cet album, Into Darkness, vient de sortir en même temps qu’un autre du groupe Will It Float ?, lequel réunit aussi le percussionniste trifouilleur Ståle Liavik Solberg et le guitariste acoustique John Russell avec le contrebassiste John Edwards et le pianiste et etcetériste électronique Steve Beresford dans un joyeux charivari ludique et réjouissant (The Shorter, The Sorter/ Va Fongool ). J’en ai loué la fraîcheur et le plaisir partagé à l’écart des poncifs du genre dit « ping-pong » ou « free free-jazz » dans ma précédente livraison du 28 février. Les occurrences sonores à l’œuvre dans Into Darkness évitent complètement la normalisation lassante du triangle sax-basse-batterie. Un brin de folie est au rendez-vous. La démarche est plus sombre que celle de Will It Float ?, car John Russell s’est muni d’une guitare électrique et d’un rack de pédales et change complètement d’orientation. Le contrebassiste Dominic Lash, très actif dans cette scène british, et le saxophoniste John Butcher, un improvisateur pointu et exigeant, complètent l’équipe. Enregistré à I’klectic à deux pas du Westminster Bridge en décembre 2015, le quartet Stray fonctionne plutôt bien. D’une part, John Russell comprend comment jouer de manière abrasive et noise sans saturer le champ sonore et écraser les trois autres, d’autre part, la prise de son et le mixage astucieux de John Butcher mettent en lumière les équilibres en présence dans la meilleure proportion quand au partage du champ sonore et des fréquences confrontée au déluge sonique auquel se livre John Russell, guitariste estampillé 100% acoustique avec une guitare jazz de l’ère swing (Django) avec caisse de résonance et chevalet. Il y a une véritable cohérence dans ce groupe en gestation. Si je n’ai absolument rien contre la démarche dite noise, je déplore souvent l’excès de décibels, la caricature de l’avant garde, le manque de malléabilité et dynamique de la masse sonore, l’absence d’une dimension ludique, de contrastes etc... que j’ai pu entendre jusqu’à présent. Il existe aussi un album de School Of Velocity, soit Evan Parker, Steve Noble, John Edwards et le son très astringent et abrasif du guitariste électrique Dave Tucker (Homework/ GroB 2000), groupe sans lendemain.  Fort heureusement, la musique de Stray est plus réussie, plus heureuse, plus ludique par l’originalité de ses échanges que celle de School of Velocity qui, elle, n’était pas mal du tout, même si l’un des membres du groupe ne me semblait pas convaincu. Chez Stray, le tracé en tire-bouchons du sax ténor de John Butcher rencontre très bien le son électrocuté et mouvant de Russell. L’inspiration mélodique de Butcher fait merveille et Les échanges contrastés Russell/Butcher sont joyeusement commentés par les frappes accidentées du ludion de Stavanger. Non content de tourner avec Russell, Beresford, Edwards, Butcher et quelques autres, Ståle (prononcez quasiment Stole) Livaik Solberg est l’incontournable activiste du club Blow Out à Stavanger, centre régional actif de l’improvisation radicale de Norvège (Frode Gjerstad, Paal-Nilssen Love et cie). Si nombre de ses camarades norvégiens font dans l’artillerie lourde Brötzm- Gustafsonnienne ou dans une démarche plus minimaliste expérimentale, Ståle Liavik Solberg est le compagnon idéal des joyeux drilles de la (so-called) deuxième génération du Little Theatre Club (Beresford, Russell, Todd, Solomon, Wachsmann, Brighton, Toop, Smith, Coombes etc…). Quant à Dominic Lash, il agite et cimente tout à la fois la dynamique du groupe. Avec le batteur, ils déconstruisent tous deux cette pseudo-complicité du tandem basse-batterie post free-jazz qui, en fait, se résume à créer une activité de tension qui propulse le souffleur soliste - leader et à suivre cet instinct grégaire  au détriment des possibilités de jeux, de sonorités et des accidents de parcours, arrêts subits ou carambolages imprévus. D’ailleurs, les interventions subtiles et goûteuses de Butcher naissent de la mêlée et des aléas combinatoires instantanées des trois autres compères.  Tour à tour basé à Oxford puis à Londres, Dominic Lash réside à Bristol et comme pas mal de ses collègues qui ont quitté Londres, il contribue à la décentralisation de la scène Londonienne dans des ramifications régionales qui rameutent un public « provincial » enthousiaste et connaisseur. Quelques soient leurs expériences, leurs origines, leur parcours, leur âge, ces improvisateurs British ont la capacité de se mélanger de manière originale et souvent imprévisible quelque soient l’humeur du moment et leurs marottes du jour. À propos de Butcher, j’ai récemment été interloqué lors de deux concerts où je sentais le saxophoniste, un matheux très cartésien et très sérieux, un peu mal à l’aise face aux petites incartades de ses collègues habituels. Ici, il semble séduit par la folie ambiante, car il a mis lui-même la musique enregistrée en boîte. C’est ce qui fait d’Into Darkness un document attachant et une piste à suivre.
  

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