Markus Eichenberger - Daniel Studer Suspended hatology 748
Je crois
rêver ! Malgré le couvercle pesant de la conspiration conjuguée
expressionisto-opportuniste du free free-jazz, de l’hyper-activité feinte ou
singée, de l’électronique bon marché, du minimalisme dénué d’imagination, du
suivisme neu-neu AMM - Malfattiste, un témoignage – document a enfin réussi à
tromper le monde de l’ennui et cette censure qui ne dit pas son nom, allégeance
à une quelconque doxa cagienne, chicagoanne, aux stéréotypes figés etc… Osons
être nous-mêmes ! Et sur le label Hatology !! Incroyable. Inespéré ! Quand vous pensez au
tout petit nombre de concerts donnés par le clarinettiste Markus Eichenberger et sa notoriété quasi-inexistante, on crie au
miracle ! La chape cède par la pression sous-terraine, le mur se lézarde,
les sans-grade se redressent. En
quelques mois, une année, nous avons eu droit à deux opus du String trio Harald Kimmig – Daniel Studer –
Alfred Zimmerlin (violon - contrebasse - violoncelle). Im Hellen (hat (NOW ) Art
201) et Raw avec John Butcher
(Leo Records CD LR 766). Très bel ouvrage chroniqué ici :
exceptionnel ! L’année précédente Daniel
Studer et son collègue Peter K Frey
avait pondu un double Zurich Concerts avec une brochette
d’invités (Butcher, Hans Koch, Kimmig, Hemingway, Demierre, Mayas, Schiaffini
etc… Leo Records). Eichenberger,
clarinettiste rare, vient de se rappeler à nous il y a quelques jours avec Improvisations,
une merveille en duo avec le pianiste Roberto
Domeniconi (Unit UTR 4811). Donc, camarades improvisateurs radicaux
« puristes », tenez bon ! Ce sont des signes avant-coureurs !
Les digues du pseudo-bon sens économico-comico-ésotérique craquent ! Déjà
que Michel Doneda a vu s’intituler
son album solo Everybody Digs Michel Doneda
(signé Liebman, Newsome, Butcher, Parker, Mimmo) sur Relative Pitch, allusion à Everybody Digs Bill Evans, l’album Riverside dont Miles et Cannonball
faisaient l’article sur la pochette ! Louis – Michel Marion et le trio Clinamen avec Philippe Berger et ce bon
vieux Jacques Di Donato (Décliné/ CS304CD). Itaru Oki avec
Axel Dorner Root of the Bohemian/ improvising Beings. Et Benedict Taylor et
ses solos pour Subverten.
Ce duo Markus Eichenberger, clarinettes et Daniel Studer, contrebasse est situé musicalement aux antipodes du duo
Eichenberger – Domeniconi avec les sons pleins de la clarinette basse jouant
une seule note ( !) et du trio Kimmig - Studer- Zimmerlin tout affairé
dans les percussions boisées et les frottements les plus étonnants. Du silence,
les sons sont Suspended, détachés,
dans le silence, les idées viennent au compte goutte, on s’écoute, l’activité
est restreinte, les sons ne fusent pas, mais sont calibrés, soupesés. Elégance,
art du crescendo de triple ppp limite vers pp et p, oscillation minime, jeu au
bord du souffle, sursaut surprise, infra-son qui se mue en corolle bruissante une
fraction de seconde… Ces musiciens
chérissent plusieurs voies dans la recherche sonore et le dialogue et veille à
la plus grande qualité de jeu dans une démarche complètement renouvelée d’un
projet à l’autre. Ici, dans Suspended, ils jouent au bord du
silence au risque de déraper, de jouer un son de trop, se répondant sans se
questionner. L’équilibre qui semble simplissime est le fruit d’un travail
intense au fil des sept années d’application et de concentration auxquelles ils
se sont astreints avant d’enregistrer Suspended. On peut jouer aussi bien
autrement, mais cette approche particulière a rarement été aussi probante avec
ces deux puristes. Il faut à tout prix que les praticiens les plus impliqués
dans le vrai travail de l’improvisation se débarrassent des considérations XYZ
et de ces histoires de chef de file autour de ces quelques musiciens désignés auxquels certains
commentateurs, organisateurs et lobbymen veulent résumer un genre musical qui
est né de la complexe multitude et des infinies interactions entre un nombre
exponentiel de personnalités complètement sous-estimé par les John Corbett et
consorts. Osons être nous-mêmes. C’est
dans les tréfonds des relations interpersonnelles de convaincus expérimentés
aussi obstinés que se cachent les chef d’œuvre. Trop d’agitation, de projets,
de plans de comm’, d’enregistrements tous azimuts, de tournées éreintantes,
vont gâter la sauce et faire perdre le fil. Rares sont-ils, dirait-on, et
pourtant il appert que leurs semblables sont légion. Un travail de fourmi
arrivera à en dénombrer les ramifications. Plus on est de fou, plus on s’amuse.
Suspended
est un modèle qui refuse de suivre un itinéraire balisé et détermine son
esthétique et ses ambitions au fil des secondes.
Vive
l’improvisation libre ! À bas les préjugés !
PS : Suspended a même reçu une critique élogieuse dans la presse nationale belge : le Vif l'Express ! Incroyable ....!
Will it Float ? John Russell Steve Beresford John Edwards
Ståle Liavik Solberg The
Shorter. The Sorter Va Fongool
VAFCD0016
Ma seule
remarque à propos de ce disque tient à la taille de la police des noms des
musiciens et des instruments joués au recto de la pochette (cfr plus
haut !!). Il faut vraiment avoir de bons yeux pour lire : John Russell - guitar Steve Beresford - piano, objects,
electronics John Edwards - double
bass Ståle Liavik Solberg – drums
percussion. Anyway. Sur le verso
de la pochette, le nom du groupe est tracé de manière très ludique un peu à
l’instar de leur musique dont c’est le deuxième album pour Va Fongool. Formation
« standard » guitare piano basse batterie, ce quartet se révèle être
un ensemble volatile, ludique, avec des séquences sonores très variées tels des
garnements qui folâtrent dans un terrain de jeu en s’amusant sans arrière-pensée.
Playfulness. Ces quatre musiciens
collaborent régulièrement dans différentes formations : Russell/Solberg,
Küchen/Beresford/ Solberg, Edwards/Russell/Parker, Beresford/ Edwards/ Moholo/
Parker, etc… et Beresford et Russell faisaient équipe dans Teatime en 1975
(Incus 15). Une excellente expression dans le vif d’idées maîtresses de
l’improvisation libre. Aucun d’eux ne jouent un rôle instrumental défini,
fonctionnel. Tout le monde occupe tour à tour une part toujours changeante de
l’espace sonore et du temps partagé. On s’échappe, on rebondit, on enchaîne, on
fait des pieds de nez, on joue un bon tour et on chasse l’ennui à qui mieux
mieux. Très réjouissant ! Anyway. Même si on croit connaître cette
musique, ce qui se passe dans l’instant est souvent imprévisible. Comme un
voyage dans des paysages contrastés revêtant des formes et des aspects toujours
changeants. Ces quatre fortes personnalités ont un solide bagout, mais évitent
le bavardage, le remplissage, les répétitions en se concentrant sur le partage
des sons et l’échange collectif. La batterie de Solberg est légère et s’immisce
subtilement entre les piquetages de la guitare acoustique très caractéristiques
de Russell et les coups d’archets d’Edwards. Beresford digresse un moment sur
le clavier et puis donne des pouêt – pouêt les plus variés avec ces jouets –
objets... Je me suis bien amusé à les écouter.
Oneness Ivo Perelman Matt Shipp Leo Records LRCD 823-825
Encore le
même duo Perelman – Shipp pour un
triple album rempli à bâbord de miniatures. On les entendu en duo dans
plusieurs albums (Corpo, Callas, Complementary Colors, Art of the Duet vol 1, Saturn,
Live In Brussels) en trio avec contrebasse (William Parker, Michael
Bisio) ou batterie (Cyrille, Dickey, Cleaver) et même Nate Wooley, en quartette
… 33 improvisations magnifiques qui unissent les volutes microtonales du sax
ténor brésilien aux doigtés granitiques du pianiste new yorkais. Je commence à
fatiguer à chercher des mots et inventer des phrases à leur sujet. Mais je ne
me lasse pas de les réécouter au long de ces albums en duo, comme Oneness.
Je suppose que très peu parviennent à les suivre, parce qu’après tout, il y a
aussi d’autres musiques à écouter et que notre temps n’est pas extensible. Cela
devient, comme le montre bien l’illustration de la pochette, un serpent qui se
mord la queue. On le sait. Mais quel plaisir profond nous étreint lorsque nous
mettons un des compacts dans la machine après avoir pressé le bouton On !
Oneness.
Je dirais volontiers que si vous voulez en avoir pour votre argent ce Oneness est parfait. Le son, le timbre et tous les
effets de jeu qu’Ivo Perelman tire
de son saxophone ténor le rendent irrésistible, comme tous ses albums de Ben
Webster ou de Stan Getz (Marsh, Shepp, Rivers, …) qui risquent de s’empiler sur
votre étagère si à la seule vue de leurs
pochettes vous vous laissiez convaincre de vider votre bourse. Et ces
merveilleuses incursions dans le registre aigu de l’instrument !Douloureux
dilemme pour la plupart d’entre nous, mais plaisir infini. La présence active
et discrète du pianiste Matthew Shipp,
l’acuité de sa vision musicale apporte une dimension rare.
Desidero vedere, sento The
Angelica Concert Massimo De Mattia Giorgio Pacorig Giovanni
Maier Stefano Giust Setola di
Maiale SM3560
Dans une
dimension jazz libre relativement cadrée, voici un quartet souffleur-piano
basse-batterie qui exploite judicieusement les possibilités de jeu,
d’interaction créative sur la distance (quasi une heure d’une seule excellente
prestation) avec de belles intentions assumées et une lisibilité à toute
épreuve. Le fait que le souffleur ne soit pas un saxophoniste, mais un flûtiste,
crée un espace équilibré pour le pianiste et claviettista. Le contrebassiste sait se faire attendre et le jeu subtil du batteur a beaucoup d’atouts.
L’album est produit avec l’aide d’Angelica, le Centro di Ricerca Musicale de Bologne, une organisation très active
depuis plus de vingt ans avec à son actif un festival international original et
créatif et un label de disques intéressant. Angelica a permis à de nombreux
musiciens locaux et étrangers de participer à des projets collectifs ambitieux
en compagnie d’artistes passionnants : Fred Frith, Tristan Honsinger,
Misha Mengelberg, Phil Minton, Veryan Weston, Rova Sax etc… La greffe a pris et les musiciens de Bologne ont construit une formidable synergie
communautaire et créative d’où émergent des personnalités de premier plan comme
Nicolà Guazzaloca, Edoardo Maraffa, Giorgio
Pacorig, Trevor Briscoe etc… et à laquelle est rattachée le percussionniste
Stefano Giust, l’hyper actif
responsable du label Setola di Maiale, lequel cumule plus de 350 titres !
Tout comme Giust, le flûtiste Massimo Di
Mattia provient de Pordenone. Giovanni
Maier est un des bassistes incontournables de la péninsule aux innombrables
projets dont l’Instabile Orchestra. Desidero Vedere , sento est un
excellent moment dans la vie de ces quatre artistes, plein de musicalité,
d’écoute intense et de partage spontané. L’esprit de recherche est tempéré par
un lyrisme serein et il nous guide vers des instants secrets, d’apesanteurs
élégiaques, de fragrances indicibles et des arrêts sur image déconstruits. Une
belle réussite basée sur une relation approfondie basée sur l'improvisation totale et une conception démocratique pour chaque instrument /
personnalité dans l’espace sonore.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Bonne lecture Good read ! don't hesitate to post commentaries and suggestions or interesting news to this......