20 mai 2025

Stefan Keune – Sandy Ewen – Damon Smith/ Jimmy Lyons Live from Studio Rivbea 1974 & 1976 w Karen Borca Hayes Burnett Henry Letcher or Syd Smart/ Ivor Kallin solo

Stefan Keune – Sandy Ewen – Damon Smith Two Felt-Tip Pens: Live At Moers. For Hans Schneider (1951-2024) Balance Point Acoustics bpaltd 24024
https://balancepointacoustics.bandcamp.com/album/two-felt-tip-pens-live-at-moers-bpaltd24024

Dédié au contrebassiste disparu Hans Schneider avec qui Stefan Keune a enregistré plusieurs albums : Live at the Loft / Hybrid (avec Paul Lytton), No comment / FMP et The Long and The Short of It/ Creative Sources, (avec Achim Kraemer), Nothing Particularly Horrible/FMR (avec John Russell et Paul Lovens) et XPACT II (avec Lytton et Erhard Hirt) Two Felt Tips est un trio excitant et exemplaire et un hommage à Hans co-signé par Stefan, le contrebassiste Damon Smith et la guitariste Sandy Ewen. Si la démarche de Sandy Ewen se réfère à celle de Keith Rowe, Damon Smith est un fan inconditionnel de nombreux contrebassistes, tels Mark Dresser, Peter Kowald, Barre Phillips, Joëlle Léandre etc… Ici il œuvre à créer une synergie subtile entre les deux pôles extrêmes de ce trio pour assurer une véritable cohérence : en effet, les principes d’émission sonore de Sandy Ewen à la guitare électrique et de Stefan Keune aux saxophones sopranino et alto divergent. En effet, Stefan Keune fragmente et déchiquète l’articulation de son souffle dans des distorsions hystériques initiée il y a si longtemps par Evan Parker aux moyens de doigtés croisés, d’harmoniques, d’abrupts sauts de registres et d’intensité dans des gerbes de shrapnels et d’éructions vitrioliques avec un caractère expressionniste affirmé concassant le moindre soupçon de mélodie au niveau atomique. Alors qu’Ewen frotte et frictionne les cordes dans de subtils micro-bruitages avec d’improbables ustensiles et des effets électroniques extrêmement bien ajustés de manière quasi introspective sans jamais "éclabousser". Le flux de l’une semble être l’antithèse de l’autre, le feeling de la guitariste étant nettement plus introverti et son activité instrumentale très minutieuse, bruissante, à la fois méthodique et poétique sans les soubresauts survoltés de son compère et son sens explosif des pulsations bien au-delà de la moindre notion de rythme. Entendons-nous bien, si les interventions de Damon Smith se situent à la croisée des chemins, il peut tout autant initier le profil évolutif d’une improvisation, mener les débats et départager ses deux collègues dont la musique individuelle se distingue de celle de l’autre avec une merveilleuse précision, lui-même faisant corps avec le jeu bruitiste abstrait de la guitariste ou les éclats du saxophoniste. Un trio absolument remarquable qui doit être comparé à l’enregistrement de Company I de 1976 avec Derek Bailey, Evan Parker, Maarten van Regteren Altena et Tristan Honsinger (LP Incus 21 jamais réédté). On mesure alors le chemin parcouru au niveau de la conscience de l’interaction spontanée depuis cette lointaine époque.

Jimmy Lyons Live from Studio Rivbea 1974 & 1976 Volume 3 No Business Records NBCD 178
Jimmy Lyons - Karen Borca (Track 1) - Hayes Burnett - Henry Letcher (Track 1 1976) - Syd Smart (Track 2 1974).
https://www.nobusinessrecords.com/rivbea-live-series-volume-3-sam-rivers-jimmy-lyons.html

Voici deux perles enregistrées les 21 mai 1976 (1) et 20 Juin 1974 (2) au Studio RivBea, Bond Street NYC. Le premier morceau le fut lors du mémorable Wildflowers Festival duquel Alan Douglas a publié une anthologie de 5 LP’s légendaires (label Casablanca). Sam et Bea Rivers en ont été les organisateurs principaux et on retrouve des enregistrements de (presque) chacun des groupes dans cette série. Récemment, la famille de Sam Rivers a ouvert ses archives sonores permettant à No Business de publier des témoignages incontournables de concerts de Sam Rivers avec des musiciens comme Barry Altschul, David Holland, Joe Daley, Norman Connors, Cecil McBee durant les années 70’. Cinq CD’s et un coffret de 5LP ont été publiés par NB. Maintenant, une phase 2 de l’entreprise nous livre des enregistrements de concerts au RivBea Studio. Je recommande spécialement ce Rivbea Live! Series Volume 3 dun Jimmy Lyons Quartet ou Trio pour la première raison que le concert du 21 Mai 1976 nous fait découvrir un batteur « qui a compris » ce qu’est le free-drumming dans une option « conceptuelle » et technique et voisine de Milford Graves : Heny Letcher (1/ After You Left 27:52) . J’avais déjà entrevu/ entendu ce batteur dans un disque de Bill Dixon pour le label italien Fore. Ces années-là, on avait croisé aussi le puissant contrebassiste Hayes Burnett auprès de Jimmy Lyons (cfr Push Pull 3LP Hat Hut) et de Pharoah Sanders en tournée européenne. Le voici donnant le meilleur de lui-même improvisant habilement dans deux remarquables constructions collectives reliant les efforts des souffleurs et de chacun des deux batteurs. La même année, le public européen découvrit le Tuba Trio de Sam Rivers (à Umbria Jazz) avec Joe Daley et l’efficace et « ebullient drummer » Syd Smart. On retrouve Syd Smart dans le deuxième morceau (Diads 26 :10) et même si l’enregistrement est de moindre qualité, on peut se rendre compte que quelqu’un comme Sam Rivers pouvait donner sa chance à des musiciens qui méritaient d’être appréciés. Syd Smart se distingue par la combinatoire de multiples techniques de frappes et roulements de la batterie de jazz, concoctant artistement sa partie pour donner du sens à ce trio (sans Karen Borca)/ J’ai écrit « souffleurs » un peu plus haut, mais en fait c’est la joueuse de Basson Karen Borca qui officie aux côtés de Jimmy Lyons, le leader dont le quartet joue ici la composition After You Left. Je ne sais quoi trop penser de la prestation de Borca, si ce n’est qu’à l’époque on n’avait pas encore entendu une improvisatrice jouer du basson dans le free-jazz avec cette conviction grasseyante quasi microtonale. Comme toujours, Jimmy Lyons joue ici au sommet de son art avec des belles audaces, une superbe expressivité et des myriades de bribes – spirales – envolées tranchantes ou désarticulées issues du Bird littéralement « taylorisées » (Cecil !!). On apprendra peut – être rien de plus pour ceux qui ont écouté durant des heures et des soirées les disques studio et live du Cecil Taylor Unit depuis Mathusalem. On entend ce même quartet de Lyons dans le triple LP Push Pull (Hat Hurt) presque 2 ans plus tard (soit Lyons, Borca, Hayes Burnett mais avec le légendaire batteur Roger Blank entendu aux côtés de Pharoah Sanders et des Heliocentric Worlds de Sun Ra douze ans plus tôt. After you Left est étiré sur deux faces (wow wow Jimmy Lyons !!) Même remarque, Roger Blank, comme Syd Smart, est super, mais Henry Letcher nous introduit dans un univers de subtiles surprises.
Maintenant, si vous n’avez pas de témoignage audio de ce phénoménal saxophoniste, ce live at the RivBea Volume 3, fera sans hésiter votre plus grand bonheur. Avec Ornette, Dolphy et Braxton, Jimmy Lyons est un incontournable du sax alto de l’après- Charlie Parker. La présence active d’Henry Letcher offre une superbe perspective pour ce quartet de Lyons lesté d’un basson : le sens de la dynamique, les changements de registre, de scansions rythmiques, ce talent d’équilibriste du « free swing », tel un oiseau qui vole de branche en branche sans prendre le temps de se déposer, tout cela est du meilleur effet. Et, miracle, la qualité de la prise de son est au rendez-vous pour un gaillard qui met de côté ces insipides relents de back-beat et ces figures apprises à l’école. Précipitez-vous ou alors contentez-vous des mêmes gros lourdauds dont j’évite de me moquer, préférant pointer l’artiste original quand il se présente à moi.

Ivor Kallin. Bagpipe Practice Room scatter archives digital
https://scatterarchive.bandcamp.com/album/bagpipe-practice-room

Ivor Kallin est un de ces improvisateurs incontournables de la scène londonienne dite locale, activiste de longue date et altiste de grand talent. On l’a entendu dans le trio Barrel en compagnie de la violoniste Alison Blunt, dont on n’a plus de nouvelles depuis quelques années (!?), et la violoncelliste Hannah Marshall. Deux excellents CD's dont un paru chez Emanem. Mais il n'y a encore rien là qui vous prépare à la surprise totale de cette étrange Bagpipe Practice Room. Il y a trente ans de cela, j’avais rencontré Ivor dans un workshop quand je faisais mes débuts de vocaliste improvisateur et il m’avait confié qu’il adorait le violoncelliste Tristan Honsinger. À l’écoute de ces 28 minutes d’improvisation volatile et superbement expressive à l’alto et des vocaux délirants qu’il assaisonne à toutes les sauces de son délire forcené. C’est formidablement goûteux, mordant, hirsute, provocant, persifleur. Dingue ! Le gars a un solide métier pour malmener son archet alors qu’il éructe, parodie, un air d’En Attendant Godot ou scratche les cordes sadiquement. Au fur et à mesure qu’il nous dévide toutes les ressources de son imagination, joue et chante simultanément un dialogue de fous ou hulule une partition forcenée d’un opéra d’aliénés avec force borborygmes et syllabes non-sensiques, on est sidéré par cet extraordinaire bagout que rien n’arrête et qui fait dire les choses les plus insoupçonnées à son alto torturé étirant les notes hors de la tonalité et du bon goût.Toute sa démarche et son expression vont droit à l'essentiel sans la moindre hésitation, mais avec un sens de la forme inouï sans jamais se redire tout en allant jusqu'au bout des choses. C’est le genre d’artiste fou qui nous manque dans les festivals renommés du continent. Ivor Kallin : à suivre absolument.

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