Conceits
John Butcher Phil Durrant John Russell
Emanem 5036
Réédition du
premier album de ce trio incontournable des années 80 et 90 qui cristallisa à
cette époque l’improvisation made in London. Conceits fut le premier album publié par Acta
en 1988, label co-dirigé par Butcher et Russell. Guitare pointilliste et
chercheuse, violon introverti et saxophone pointu. Pas de batterie, pas de
contrebasse, une gestuelle des sons, un trilogue elliptique, des haikus dans
les fréquences rares, une complémentarité insoupçonnée. A l’époque, John Russell ne jouait quasi-jamais en
Europe continentale qu’avec Gunther Christmann et Paul Lovens ou Luk Houtkamp. John Butcher était alors prof de math
et physique (brillant) et absolument inconnu sauf par ceux qui suivaient
l’évolution de la scène londonienne à la trace. J’avais acheté Conceits
à Londres (Ray’s Jazz dans
Shaftesbury avenue) en mai 1988 et je le fis écouter à certains camarades qui
me firent remarquer : « Ah oui, c’est du british… ». Comme si on avait fait le tour de cette démarche
musicale. Je crois bien qu’à l’époque la vague improvisation libre radicale
était passée de mode. Si je me souviens bien, c’était, ou bien trop far-out « intellectuel », ou
pas assez en phase avec les électriqueries No-Wave
Downtown (lisez NYC). Bref, surtout en Belgique ou en France, ça ne pouvait
pas tomber plus mal. Question musique, c’est quasiment le sommet de ces trois
musiciens ensemble : les deux John
sont déjà à maturité. Phil Durrant
s’essaye encore au trombone (et évoque Radu Malfatti), mais au violon il avait
trouvé sa voie. Un des premiers enregistrements où le travail spécifique du son
entraîne la musique vers l’épure, une réduction dans les effets expressifs se
limitant à souligner le mouvement, à mesurer l’espace. Onze improvisations courtes
pour deux faces de LP avec cinq morceaux autour des deux minutes), et à
l’intérieur de chacune d’elles, une succession évolutive de séquences qui
s’articulent sur des interconnections
renouvelées d’éléments individuels de chaque instrumentiste à des points ou des
angles précis. Par rapport au duo Parker-Bailey, c’est plus retenu, plus délicat,
moins complexe et emporté, plus schématisé, voire silencieux. Une autre école
se dessinait. C’est de là que viennent le tandem Rhodri Davies et Mark Wastell avec
Burhard Beins ou Simon H Fell, dont Mark publie et réédite toute la saga sur
son micro-label Confront (IST et The Sealed Knot). Ces trois musiciens,
Butcher/Durrant/Russell ont beaucoup répété et travaillé en partageant une
réflexion sur le processus de jeu collectif et les formes qui en découlent. Pour
ceux qui veulent la quintessence de ce trio, le cd Concert Moves sur le
label Random Acoustics est à mon avis leur meilleur opus. Mais il faut le
trouver ! Fort heureusement, leur notoriété s’améliora quelque peu au fil
des ans et ils furent invités à Stockholm en 1992. Il en résulte un beau
morceau de 15 minutes proposé ici en
conclusion – bonus et enregistré dans l’Antikvariat Bla Tornet par Mats
Gustafsson, l’endroit-même où Mats G et Paul Lovens enregistrèrent Nothing
To Read, il y a déjà 25 ans. On mesure déjà le mûrissement et
l’accomplissement dans les échanges. A la même époque, le trio s’associait avec
Radu Malfatti et Paul Lovens pour former le groupe News From the Shed et
dont l’album publié chez Acta un peu plus tard a été réédité également par
Emanem. Ces deux enregistrements sont un témoignage quasi-unique d’un véritable
renouvellement de l’improvisation radicale à une époque où elle était perçue
par les défaitistes de tout poil comme étant moribonde et stérile. Pour
rire un peu : on entendit à l’époque un musicologue en herbe dire à la
radio belge au programme culturel que Derek Bailey était le guitariste du refus.
The Milo Fine Free Jazz Ensemble featuring
Steve Gnitka Earlier
Outbreaks of Iconoclasm Emanem 5206.
Music from
three Sessions : HAH ! 1976 (Hat-Hut E), issued
1977. The Constant Extension of the Inescapable Tradition 1977
(Hat-Hut H), issued 1978. When I as Five Years Old, I Predicted Your
Whole Life 1978 (Horo HZ 13) scheduled for release 1981.
Bien qu’il
s’intitule Free Jazz Ensemble, la
musique du groupe s’apparente à l’improvisation libre dite « non-idiomatique". Le Milo
Fine Free Jazz Ensemble est un groupe à géométrie variable qui a
rassemblé plusieurs improvisateurs des cités soeurs St Paul et Minneapolis
depuis le début des années 70. Lorsqu’il est featuring Steve Gnitka, il s’agit
du duo entre Milo Fine, percussions, piano et clarinette et Steve Gnitka,
guitare électrique. Milo Fine apporte son expérience du jazz qu’il a contribué à
libérer de fort bonne heure dans sa ville. Il est à la fois un excellent
clarinettiste, un superbe batteur et percussionniste et manie le piano avec une
réelle dextérité. Le jeu électrique de Steve Gnitka évoque une pratique du rock
expérimental et une approche intuitive. Ces deux musiciens étaient très tôt
parmi les rares improvisateurs américains à être complètement branchés sur les
courants d’improvisation européenne dès le début des années 70, contemporains
des Henry Kaiser, Eugène Chadbourne, John Zorn, Greg Goodman, Davey Williams et
La Donna Smith. Martin Davidson écrit dans ses notes de pochette que c’est
Steve Lacy qui le mis en contact avec Milo Fine car celui-ci écrivait des
chroniques pertinentes et engagées sur la nouvelle musique et sur ses formes
les plus audacieuses avec une curiosité insatiable. Il écrivit d’ailleurs
durant presque vingt ans pour Cadence.
Hah ! exprime sa réaction face à
la proposition de disque du label Hat Hut, alors à ses débuts. Le conseiller musical
d’Hat Hut était alors Joe McPhee et un double album Live In Minnesota publié chez Hat Hut rassemble McPhee, Fine et
Gnitka. En 1979, le duo croisa à nouveau la route de Joe McPhee et cette
deuxième rencontre se retrouve sur l’album de Joe « Old Eyes » auquel participent Pierre-Yves Sorin, Jean-Charles
Capon, Raymond Boni et André Jaume !!
C’était
l’époque où tout était possible et les musiciens se jetaient à l’eau. Par la
suite, un Philippe Carles, le rédac-chef de JazzMag
signala avoir écouté avec intérêt « Meat
with Two Potatoes » et «Against
The Betrayers » du MFFJE f SG
publié par le label Shih-Shih-Wu-Ai.
J’informe que le premier album de ce label Shih-Shih-Wu-Ai était « Blue Freedom’s New
Art Tranformation » (1972), une curiosité recherchée. La pochette
d’Against the Betrayers annonçait la
publication de « When I Was Five
Years Old » sur le label Horo sous la référence HZ 13, mais ce label
italien fit naufrage après avoir publié un tas d’albums de jazz (George Adams,
Dannie Richmond Don Pullen, Massimo Urbani, Mal Waldron, Ran Blake, Enrico Rava) et de jazz
libre (Sam Rivers, Lester Bowie, David Murray, Sun Ra, Steve Lacy, Burton Greene, Musica
Elettronica Viva et un Mario Schiano avec Rutherford, Bennink et Mengelberg).
C’est donc cet album inédit When I Was Five Years Old, complété d’enregistrements du même concert, qui couvre presque tout le CD 2, alors que le premier contient les deux albums Hat-Hut plus deux ou trois morceaux supplémentaires de l'inédit précité. Musicalement, le duo est essentiellement ludique, surtout dans le premier disque Hah ! Le deuxième album Hat Hut (The Constant Extension) se compose principalement de solos et de deux duos. Solos de guitare abrupts de Gnitka avec quelques effets, deux solos de percussion et un superbe solo de clarinette de Fine, intitulé Ballad for d. J’apprécie particulièrement son jeu de clarinette car Milo Fine n’hésite pas à « charger » le son de l’instrument (une clarinette en mi-bémol) et à le « torturer » alors que de nombreux improvisateurs clarinettistes restent sagement classiques « contemporains ». Outre l’aspect ludique, s’impose une démarche exploratoire qui n’hésite pas à publier les tentatives et les engouements pour l’idée qui s'impose à eux dans l’instant. Un sens de la dérive instantanée… L’esprit est assez proche des enregistrements Company pour lesquels Derek Bailey n’hésitait pas à publier l’improbable. Comme pianiste, Milo Fine a intégré une dimension libertaire, qui tire autant parti des avancées du free-jazz que du domaine contemporain. Comme il documente essentiellement les concerts de son Free Jazz Ensemble (et pas en studio, par honnêteté artistique) avec les pianos à sa disposition dans les lieux où il joue. Comme ces pianos laissent parfois à désirer, ses enregistrements en pâtissent même si cela sonne authentique et vivant. Ansi s'exprime un sens de l’éthique radicalement « musique improvisée » et une volonté d’assumer toutes sortes de contradictions. Une forme élevée d’honnêteté intellectuelle et factuelle en quelque sorte.
C’est donc cet album inédit When I Was Five Years Old, complété d’enregistrements du même concert, qui couvre presque tout le CD 2, alors que le premier contient les deux albums Hat-Hut plus deux ou trois morceaux supplémentaires de l'inédit précité. Musicalement, le duo est essentiellement ludique, surtout dans le premier disque Hah ! Le deuxième album Hat Hut (The Constant Extension) se compose principalement de solos et de deux duos. Solos de guitare abrupts de Gnitka avec quelques effets, deux solos de percussion et un superbe solo de clarinette de Fine, intitulé Ballad for d. J’apprécie particulièrement son jeu de clarinette car Milo Fine n’hésite pas à « charger » le son de l’instrument (une clarinette en mi-bémol) et à le « torturer » alors que de nombreux improvisateurs clarinettistes restent sagement classiques « contemporains ». Outre l’aspect ludique, s’impose une démarche exploratoire qui n’hésite pas à publier les tentatives et les engouements pour l’idée qui s'impose à eux dans l’instant. Un sens de la dérive instantanée… L’esprit est assez proche des enregistrements Company pour lesquels Derek Bailey n’hésitait pas à publier l’improbable. Comme pianiste, Milo Fine a intégré une dimension libertaire, qui tire autant parti des avancées du free-jazz que du domaine contemporain. Comme il documente essentiellement les concerts de son Free Jazz Ensemble (et pas en studio, par honnêteté artistique) avec les pianos à sa disposition dans les lieux où il joue. Comme ces pianos laissent parfois à désirer, ses enregistrements en pâtissent même si cela sonne authentique et vivant. Ansi s'exprime un sens de l’éthique radicalement « musique improvisée » et une volonté d’assumer toutes sortes de contradictions. Une forme élevée d’honnêteté intellectuelle et factuelle en quelque sorte.
La musique
du duo est une pérégrination-dérive à travers toutes les combinaisons
instrumentales : piano solo, duo guitare et clarinette, solo de guitare,
duo guitare et percussions, clarinette seule ou piano et guitare tout cela dans une optique radicale et éclatée. La guitare est remarquablement spontanée et surtout moins empesée ou éclectique que nombre de contemporains qui enregistraient alors. Direct, avec les tripes et sans façon ! Il
y a bien un thème ou l’autre (on est en 1976 ou 78). Même si Milo Fine adore
commenter et faire commenter par le menu sa pratique musicale et les
circonstances de manière désabusée, lucide et ironique et que cela fait un peu
trop sérieux (et il faut dire que nombre de ces collègues se passent de
commentaire) sa musique chasse l’esprit de sérieux et toute forme de
prétention. C’est de la bonne ou très bonne musique improvisée caught in the act. Pour l’époque, c’était vraiment super et je
dois dire que sa musique actuelle, qu'on peut entendre sur ces enregistrements Shih-Shih-Wu-Ai récents, reste toujours aussi
intransigeante et pointue pour l’oreille presque 40 ans plus tard.
Après autant
d’années, Milo Fine et Steve Gnitka sont restés des marginaux de la scène
improvisée internationale, alors qu’ils avaient réussi à se faire connaître parmi
les initiateurs de l’improvisation libre radicale aux USA et à avoir tourné en
Europe. Le fait de vivre en plein Nord MidWest n'arrange rien. Lors de son séjour à Londres en 2003, Milo Fine avait été accueilli par
la scène britannique, jouant au Freedom of The City avec Hugh Davies et Tony
Wren et au Flim-Flam avec Derek
Bailey, rencontre publiée par Emanem dans l’excellent duo Scale Points on the Fever Curve. Donc si c’est bon pour Derek
Bailey, cela devrait sans doute vous intéresser… Alors pourquoi ai-je intégré ce
double cd du duo dans une rubrique dédiée aux trios ? Simplement, si Milo
Fine et Steve Gnitka se lâchent complètement et spontanément dans leur Free
Jazz Ensemble en duo, il y a une troisième personne, Milo Fine, le philosophe
de l’instant de la musique spontanée … et ses commentaires lucides ... Un beau document de la grande
époque…
Jouer en trio est une des options
principales de la musique improvisée libre. Le clarinettiste Tom Jackson,
l’altiste Benedict Taylor et le guitariste Daniel Thompson se
sont créés une empathie mutuelle où coexistent leurs univers sonores
individuels et un très large éventail des permutations interactives possibles
de la clarinette, du violon alto et de la guitare acoustique. Une science du
glissando et une attaque spécifique de l’archet à la fois acide,grasse et
irisée contrastent et complètent la dynamique bruissante et pointilliste de la
guitare percutée et virevoltante et les volutes goûteuses et sursauts rengorgés
de la clarinette. Sans nul doute ce trio chambriste figure parmi les
combinaisons instrumentales - sans percussion – les plus réussies dans le
sillon de Bailey - Guy- Rutherford (Iskra 1903 Mark 1) et de Butcher -Durrant -
Russell. Le partage des idées, le dialogue intense et le recyclage permanent
des options et trouvailles de tous par chacun fait de leurs six ouvrages
éphémères une somme de tous les affects suscités par leur connivence et leur
amour de jouer ensemble. Sonores et harmoniques, constructions et
désarticulations, humeurs et rires, rêves et réflexions. Des signes : stries,
pointillés, ellipses, tangentes, lueurs, ombres, suites, conclusions et
rebondissements. Il serait vain d’en vouloir suivre et mémoriser l’évolution
pas à pas, minute après minute, ce serait sans fin. Et elle finit où elle
commence. Et recommence sans que ce soit fini dans un réel accomplissement.
Plusieurs pratiques (post-classique, jazz libre contemporain, traditionnel vivant) sont assumées et
sublimées avec émotion, engagement sincère et une retenue généreuse. On évite
résolument l’expressionnisme dans une débauche d’occurrences expressives. Cette
nouvelle génération d’improvisateurs, entendus à la Shoreditch Church,
au Horse Club, à Arch One et dans Foley Street, redessine
patiemment de nouvelles destinées aux idées d’invention, de découverte et
d’inouï collectif de la scène improvisée londonienne. Une synthèse aussi
vivante est tout aussi légitime et, surtout, authentique, talentueuse et
passionnante. Voici une musique qu’on écoute sans se lasser encore et encore.
Non pas le
premier album du trio légendaire d’Alex von Schlippenbach, mais le premier
enregistrement jamais réalisé par cette association historique en avril 1972, sans nul doute
un des plus anciens groupes de free-jazz
encore en activité avec ses membres originaux.
Fantastique,
inoubliable. A l’époque, le très jeune Paul Lovens démarquait déjà son jeu du génial Han
Bennink qu’il imitait au point de se tondre le crâne comme le batteur batave.
Si vous n’avez pas encore écouté Pakistani Pomade réédité par le label Unheard Music Series / Atavistic, çà
vaut vraiment la peine de se replonger
dans l’univers de ces trois improvisateurs superlatifs qui repoussaient les
limites du jazz libre vers l’inconnu.
Kind Of Dali Luc Bouquet Jean Demey & Ove Volquartz improvising beings ib35
Ayant déjà beaucoup chanté avec mon ami Jean Demey, contrebassiste belge immémorial de la première heure de la Free-Music à Anvers, Bruxelles etc... j'ai aussi quelque peu contribué à cette rencontre après avoir improvisé avec le clarinettiste contrebasse et basse de Göttingen à quelques reprises et avoir partagé la scène avec le sensible et pertinent percussionniste Luc Bouquet, entre autres dans un autre mémorable gig avec Sabu Toyozumi dans un coin perdu de Provence.
Et donc, si je prends ici la plume, c'est bien plus que pour soutenir trois bons amis, mais avant tout pour souligner la beauté profonde et indicible du partage de l'instant et de l'espace de ces trois improvisateurs. Luc Bouquet détient un secret rare : l'expression de la plus haute sensibilité dans la frappe, les frappes et touchers infiniment variés dans la vibration des instruments de percussions dans une configuration de "batterie". On peut avoir plus de technique que Luc, même s'il en possède une très affirmée et sûre comme un vrai poème qui ne ment pas, mais peu ont cette sensibilité à fleur d'âme. Celle de la vérité la plus nue. Et cette magnifique qualité se marie parfaitement avec la sensibilité et la profonde honnêteté musicale et la sagesse du métier de contrebassiste improvisateur de Jean Demey et son goût du son et de la phrase, de la note qui fait vibrer le bois et gémir le chevalet. Un soir que nous "ouvrions" un concert du Schlippenbach trio avec Jean Demey et Kris Vanderstraeten (trio Sureau), le saxophoniste, Evan Parker, fit spontanément la remarque que Jean était un véritable digne héritier de Gary Peacock, celui du trio magique d'Albert Ayler. Meilleur sang ne saurait mentir ! Leurs lignes parallèles, excentrées, tangentielles, introverties, la mesure du temps et du son émis qui se meurt dans l'espace sont le commentaire le plus juste de la voix intérieure et lyrique d'un rare clarinettiste, Ove Volquartz. Faites le tour de la discographie universelle et vous n'entendrez jamais un clarinettiste contrebasse qui fasse vibrer et chanter l'anche et ce tube infini et gigantesque avec autant de lyrisme. Comme clarinettiste basse, son cheminement est tout aussi particulier. Alors voici un beau disque produit par Julien Palomo, un producteur qui n'a pas froid aux yeux et a de bonnes oreilles. Admirable !!
Kind Of Dali Luc Bouquet Jean Demey & Ove Volquartz improvising beings ib35
Ayant déjà beaucoup chanté avec mon ami Jean Demey, contrebassiste belge immémorial de la première heure de la Free-Music à Anvers, Bruxelles etc... j'ai aussi quelque peu contribué à cette rencontre après avoir improvisé avec le clarinettiste contrebasse et basse de Göttingen à quelques reprises et avoir partagé la scène avec le sensible et pertinent percussionniste Luc Bouquet, entre autres dans un autre mémorable gig avec Sabu Toyozumi dans un coin perdu de Provence.
Et donc, si je prends ici la plume, c'est bien plus que pour soutenir trois bons amis, mais avant tout pour souligner la beauté profonde et indicible du partage de l'instant et de l'espace de ces trois improvisateurs. Luc Bouquet détient un secret rare : l'expression de la plus haute sensibilité dans la frappe, les frappes et touchers infiniment variés dans la vibration des instruments de percussions dans une configuration de "batterie". On peut avoir plus de technique que Luc, même s'il en possède une très affirmée et sûre comme un vrai poème qui ne ment pas, mais peu ont cette sensibilité à fleur d'âme. Celle de la vérité la plus nue. Et cette magnifique qualité se marie parfaitement avec la sensibilité et la profonde honnêteté musicale et la sagesse du métier de contrebassiste improvisateur de Jean Demey et son goût du son et de la phrase, de la note qui fait vibrer le bois et gémir le chevalet. Un soir que nous "ouvrions" un concert du Schlippenbach trio avec Jean Demey et Kris Vanderstraeten (trio Sureau), le saxophoniste, Evan Parker, fit spontanément la remarque que Jean était un véritable digne héritier de Gary Peacock, celui du trio magique d'Albert Ayler. Meilleur sang ne saurait mentir ! Leurs lignes parallèles, excentrées, tangentielles, introverties, la mesure du temps et du son émis qui se meurt dans l'espace sont le commentaire le plus juste de la voix intérieure et lyrique d'un rare clarinettiste, Ove Volquartz. Faites le tour de la discographie universelle et vous n'entendrez jamais un clarinettiste contrebasse qui fasse vibrer et chanter l'anche et ce tube infini et gigantesque avec autant de lyrisme. Comme clarinettiste basse, son cheminement est tout aussi particulier. Alors voici un beau disque produit par Julien Palomo, un producteur qui n'a pas froid aux yeux et a de bonnes oreilles. Admirable !!
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