TIN : Axel Dörner/ Dominic Lash / Roger Turner Uncanny Valley confront ccs 73
https://www.confrontrecordings.com/tin-uncanny-valley
https://www.confrontrecordings.com/tin-uncanny-valley
Le label Confront de Mark Wastell, lui-même
improvisateur radical émérite, a encore frappé : une superbe et audacieuse
collaboration entre deux pôles de l’improvisation libre dite
« non-idiomatique ». Le percussionniste Roger Turner représente ce
courant tel qu’il existe depuis les années septante tout en ayant évolué dans
le raffinement sonore et tiré les conclusions de décennies de pratique. Depuis
environ 45 ans, cet artiste a mûri et est devenu un incontournable de la
percussion libérée. Le trompettiste Axel Dörner, au départ jazzman de haut-vol
(cfr Monk’s Casino avec Alex
Schlippenbach et Rudi Mahall où ces musiciens interprètent l’intégrale de la
musique de Monk !), s’est imposé comme un des deux ou trois principaux
chefs de file de la remise en question radicale des paramètres et de la
pratique de cette improvisation libre « non-idiomatique » (quel
pensum !) vers la césure de l’an 2000, sous la forme du
« réductionnisme » minimaliste ou « New Silence » a/k/a
« lower case ». Cette démarche a d’ailleurs été moquée par Roger
Turner et le contrebassiste Dominic Lash ne s’en est pas porté plus mal,
apparu quelques années plus tard avec le formidable Imaginary Trio avec Phil Wachsmann et Bruno Guastalla. Dominic fut
d’ailleurs un élève du contrebassiste Simon H.Fell, lequel a introduit ces
formes musicales minimalistes avec leurs deux plus fameux prosélytes, Mark
Wastell et le harpiste gallois Rhodri Davies.
Anyway. Ce
que je trouve formidable dans cette Uncanny Valley, enregistrée par Simon Reynell du label another timbre, est que ces trois
instrumentistes, réunis sous le nom de guerre "TIN " arrivent à marier leurs démarches respectives tout en restant
fidèles à leur credo musical. Il en résulte une musique d’une grande richesse
sonore, d’actions – réactions peu prévisibles, et d’une mise en évidence de
leurs musicalités respectives, malgré les pronostics. Les règles inhérentes (et volatiles) à ce genre
musical concernent plus la stratégie et la compréhension des tactiques
individuelles intimes à mettre en œuvre dans le cadre instantané du collectif
que d’ânonner des bréviaires et de gloser indéfiniment. Ici le contraste est
complètement oblitéré par les sensibilités et le jeu intelligent et pointu des
trois concertistes, les manies de l’un mettant en évidence celles de l’autre, trouvant des connivences fortuites, savantes, brutes ou instiguées.
Assurément, un des meilleurs albums d’improvisation récents, au-delà des nombreux sub-genres déclinés dans l’univers
de la free-music.
Xavier Charles et Eric Normand avis aux réacteurs inexhaustible edition ie-009
http://inexhaustible-editions.com/ie-009/
http://inexhaustible-editions.com/ie-009/
Le français
Xavier Charles est un très remarquable clarinettiste chercheur qui a défini un
langage et et un univers sonore personnel parmi les plus passionnants de la
galaxie improvisée radicale. Il y a de nombreuses années, son talent avait
percé en compagnie de John Butcher et Axel Dörner dans le superbe album
Contests of Pleasures (label Potlatch). Le voici avec un collaborateur tout à
fait la hauteur qui apporte intelligemment sa contribution à l’édifice, en
l’occurrence un merveilleux chantier de déconstruction, d’expérimentation
réussie, de mise à jour de réalités sonores et d’articulations instrumentales
sensibles qui questionnent notre mémoire, notre connaissance et notre écoute en
éveil. Éric Normand joue de la basse électrique, sans doute préparée et
d’objets bruissants qu’on pourrait qualifier de percussifs dans son acceptation
large, soit génératrice de sons vraiment intéressants. Il devrait aussi y avoir des moteurs au ralenti (?). Le duo fonctionne bien et c’est un plaisir de
découvrir leur complicité véritable. Il y a de nombreux souffleurs d’anches
dans la scène improvisée et plus de saxophonistes d’envergure en général par
rapport au nombre plus restreint de clarinettistes. Alors je dirais, que
certains artistes de grand talent qui ont ouvert bien des horizons, il y a
quelques dizaines d’années, et offrent à leurs auditeurs toujours avides (ou
collectionneurs) l’évidence de leur savoir faire en jouant toujours très bien,
MAIS, sans plus nous troubler ou nous fasciner autant qu’ils le firent lorsqu’ils
émergèrent. Si vous avez été fascinés par les premiers albums solos
d’Evan Parker, de Roscoe Mitchell, de John Butcher ou les Tenor et Graphics de
Joe Mc Phee, et touchés au cœur par l’émotion de la découverte de leurs sons
inouïs, il faut alors tendre l’oreille à la musique de ce duo. Xavier Charles
évite, me semble-t-il de se rejouer et Éric Normand est un excellent partenaire
en phase avec son co-équipier, sans quoi les trouvailles du clarinettiste
créeraient moins de sens. Hautement recommandable. Ce sera donc une magnifique
découverte. Avis aux Réacteurs est
publié par l’excellent label inexhaustible edition lequel commence à accumuler
des perles de cette qualité dans son catalogue (Harald Kimmig, Minton-Hübsch,
Birgit Ulher….). Avec cet Avis aux Réacteurs, il devient vraiment une étiquette de
prédilection…
Benedict Taylor Rend Roam https://roamreleases.bandcamp.com/album/rend
Spécialiste reconnu et très recommandé de l’alto (« violon alto », bien sûr), Benedict Taylor nous propose ici un album de solos de violon et d’emblée on reconnaît son style distendu, microtonal, physique, abrasif, gestuel. Il a publié d’autres albums solos d’alto pour les labels auto-produits CRAM (Check Transit) et Subverten (Pugilism). Rend apporte encore une preuve supplémentaire et bienvenue de son talent indiscutable. Défile dans l’espace auditif, un florilège des possibilités sonores du violon étendu, principalement un jeu en glissandi cherchant à écarter ou rapprocher les intervalles des notes dans une dimension expressive, avec (faut-il le noter) un choix bien précis et intentionnel de ces altérations dans le cadre d’un style – système éminemment personnel. On songe à Carlos Zingaro ou Malcolm Goldstein, improvisateurs très expérimentés et de haut vol que Benedict pourrait volontiers remplacer sur scène si malencontreusement, ces artistes se rendraient indisponibles à la dernière minute dans la programmation d’un festival. Présenté comme à l’accoutumée dans une pochette en papier fort recyclable avec la liste des pièces jouées sur un papier blanc collé à même cet étui élémentaire. Car ce sont des éléments épars de la musicalité, de l’instrument, de sa tradition de celui-ci et de leurs nombreuses altérations qu’il combine d’un seul trait dans une démarche inspirée autant des violonistes indiens (Inde du Sud) que de l’avant-garde post cagienne. Son jeu favorise des modifications rapides dans la vitesse d’exécution, faisant gonfler la ligne mélodique avec la pression de l’archet en un éclair pour se percher tout à coup sur une seule note aiguë à l’autre bout du spectre sonore. Son sens de la dynamique – jeu sur le volume est vraiment remarquable avec des séquences de notes se chevauchant vers le haut ou le bas (hauteurs) en accélérant de manière impressionnante le phrasé. En fait, on en revient à l’expressivité d’un Ornette Coleman ou à Lol Coxhill sur leurs saxophones respectifs. Un lyrisme puissant à l’écart des conventions (de l’académisme contemporain) visant à embrasser la physicalité du violon et l’exacerbation de l’expressivité du jeu entre les notes – demis tons « normaux » de la musique occidentale et de tensions tonales jusqu’au bord de la rupture. Son inventivité rarement prise en défaut démontre la dimension de sa personnalité d’improvisateur. On songe à plusieurs aspects du travail instrumental du génial violoniste Jon Rose. Surtout, Benedict Taylor est assurément un partenaire idéal pour jouer en groupe en réunissant les qualités essentielles à la fois «collective», d’écoute et d’invention individuelle. On le trouve d'ailleurs très souvent en compagnie du clarinettiste Tom Jackson, le responsable du label Roam avec qui la connivence est optimale. Un artiste à suivre absolument parmi les nombreux improvisateurs qui se sont révélés ces huit ou neuf dernières années.
Spécialiste reconnu et très recommandé de l’alto (« violon alto », bien sûr), Benedict Taylor nous propose ici un album de solos de violon et d’emblée on reconnaît son style distendu, microtonal, physique, abrasif, gestuel. Il a publié d’autres albums solos d’alto pour les labels auto-produits CRAM (Check Transit) et Subverten (Pugilism). Rend apporte encore une preuve supplémentaire et bienvenue de son talent indiscutable. Défile dans l’espace auditif, un florilège des possibilités sonores du violon étendu, principalement un jeu en glissandi cherchant à écarter ou rapprocher les intervalles des notes dans une dimension expressive, avec (faut-il le noter) un choix bien précis et intentionnel de ces altérations dans le cadre d’un style – système éminemment personnel. On songe à Carlos Zingaro ou Malcolm Goldstein, improvisateurs très expérimentés et de haut vol que Benedict pourrait volontiers remplacer sur scène si malencontreusement, ces artistes se rendraient indisponibles à la dernière minute dans la programmation d’un festival. Présenté comme à l’accoutumée dans une pochette en papier fort recyclable avec la liste des pièces jouées sur un papier blanc collé à même cet étui élémentaire. Car ce sont des éléments épars de la musicalité, de l’instrument, de sa tradition de celui-ci et de leurs nombreuses altérations qu’il combine d’un seul trait dans une démarche inspirée autant des violonistes indiens (Inde du Sud) que de l’avant-garde post cagienne. Son jeu favorise des modifications rapides dans la vitesse d’exécution, faisant gonfler la ligne mélodique avec la pression de l’archet en un éclair pour se percher tout à coup sur une seule note aiguë à l’autre bout du spectre sonore. Son sens de la dynamique – jeu sur le volume est vraiment remarquable avec des séquences de notes se chevauchant vers le haut ou le bas (hauteurs) en accélérant de manière impressionnante le phrasé. En fait, on en revient à l’expressivité d’un Ornette Coleman ou à Lol Coxhill sur leurs saxophones respectifs. Un lyrisme puissant à l’écart des conventions (de l’académisme contemporain) visant à embrasser la physicalité du violon et l’exacerbation de l’expressivité du jeu entre les notes – demis tons « normaux » de la musique occidentale et de tensions tonales jusqu’au bord de la rupture. Son inventivité rarement prise en défaut démontre la dimension de sa personnalité d’improvisateur. On songe à plusieurs aspects du travail instrumental du génial violoniste Jon Rose. Surtout, Benedict Taylor est assurément un partenaire idéal pour jouer en groupe en réunissant les qualités essentielles à la fois «collective», d’écoute et d’invention individuelle. On le trouve d'ailleurs très souvent en compagnie du clarinettiste Tom Jackson, le responsable du label Roam avec qui la connivence est optimale. Un artiste à suivre absolument parmi les nombreux improvisateurs qui se sont révélés ces huit ou neuf dernières années.
Fatrassons : Plus près de l’entrée que de la sortie. Sarah Clénet – Rosa Parlato Le petit
label PL son 021 https://www.rosaparlato.com/discographie
Enregistré
par des musiciennes sensibles avec une solide formation musicale et une volonté
de créer un univers sonore alternatif mettant en évidence leur sensibilité
intérieure au niveau du travail instrumental et sens de la construction
musicale qui tient la route tout au long de notre écoute. Fatrassons réunit la
contrebassiste Sarah Clénet et la flûtiste Rosa Parlato qui sont ici créditées
voix, objets et électronique en sus de leurs instruments respectifs. Non seulement j’ai beaucoup d’estime pour le
label Le Petit Label et ses pochettes cartonnées et colorées qui semblent être
fait main à l’instar de l’artisanat de survie de la musique improvisée. Des
effets électroniques bienvenus nous font entendre la flûte multipliée et
fragmentée « dans une Thonet 209 » sur une note tenue, vacillante,
tremblante introduisant des échos de silence inquiétant des notes éparses. La
maîtrise et le jeu de la flûtiste est tout à fait remarquable et je peux que me
trouver heureux d’entendre son talent au service de la vie des sons, des effets
instrumentaux mettre en évidence l’expressivité du silence mêlant vocalité,
quasi – immobilisme presque minimal et inflexions énergétiques. La répétition
obsessive d’un motif s’envole dans un éclatement furtif des sons. Comme les
titres l’indiquent, il y a une attitude décontractée, et une inventivité au
travers d’une utilisation de l’électronique raffinée, discrète mais diablement
efficace pour manipuler / déformer le son acoustique de manière créative,
suggestive et attirante. Au fil des plages on découvre un remarquable univers
sonore qui ne se résume pas à une formule trop bien définie, mais cherche à
étendre des ramifications diversifiées au travers d’approches différentes.
Bref, on ne s’ennuie pas. De nouvelles idées viennent poindre, compléter,
remettre en question, étendre ce qui a déjà été joué, entendu, assimilé,
recyclé de manière à la fois poétique et méthodique avec un parti pris
d’ouverture face à ce qu’il advient tout au long de la séance comme ces
exclamations vocales intégrées au jeu instrumental. Le jeu du plaisir et de la
découverte.
Pour le 25
ème anniversaire de son label utopique, Setola di Maiale, le percussionniste
Stefano Giust a rassemblé une manière d’All Stars of Italy de l’improvisation
et invité Evan Parker à s’y joindre pour un concert à Bologne au festival
AngelicA 2018 lors de l’édition #28. Peut-être les noms des musiciens ne vous
disent (encore) rien, à part sans doute, le souffleur de cor et de cor des
Alpes, Martin Mayes, un natif de York établi à Turin depuis des décennies et
qui a fait partie de l’Italian Instabile Orchestra. Cet orchestre était sensé
rassembler les meilleurs musiciens de free-music / free-jazz de la péninsule,
mais, vu de l’étranger, bon nombre de musiciens très actifs passent toujours
hors des radars. Question : Comment est-il possible dans le milieu des
organisateurs/ pigistes/critiques/ afficionados de la musique libre d’encore
méconnaître un batteur et activiste tel que Stefano Giust, responsable du label
Setola di Maiale dont il s’agit ici du 388ème album dans leur
catalogue ? Une vraie pointure qui joue essentiellement avec des potes de
haut niveau, comme les saxophonistes Edoardo Marraffa, Edoardo Ricci, et Gianni
Gebbia, des pianistes exceptionnels comme Nicolà Guazzaloca, Alberto Braida et
Thollem Mc Donas. Graphiste professionnel, Stefano réalise tous les graphismes
des pochettes et s’occupe de la production dans différents formats (CDr ou
CD’s) et quantités pour une exceptionnelle diversité d’artistes, en fait tout
ce que l’Italie compte de forbans de la performance sonore, de compositeurs électroniques
alternatifs, de guitaristes ingénieux ou bricoleurs, de souffleurs fous, de
poètes du jazz libre le plus libertaire, de revenants de l’impro libre,
d’orchestres utopiques, de jam impromptues. Une attitude de camarade solidaire
de la cause plutôt que d’une direction artistique élitiste
« spécialisée ». Le produit peut varier d’éditions limitées « faites
main », de documents d'instants partagés à l’impression soignée très professionnelle de CD's superbement enregistrés. Sans doute, un des
personnes les plus généreuses, enthousiastes et désintéressées qui existent
dans la scène internationale, et aussi, un excellent percussionniste / batteur
très apprécié. Chez SDM, j’ai entendu des choses remarquables, enjouées,
magiques ou des tentatives honorables d'artistes qui ont fait leur chemin depuis. Dans le SDM Unit, il faut parler de la chanteuse et
muse du label, Patrizia Oliva (de Marzabotto), qui traite le son de sa voix
avec l’électronique, du clarinettiste romain Marco Colonna, sans doute un des
souffleurs les plus en vue de la Péninsule, le bolognais Giorgio Pacorig
claviériste remarqué et révélé par l’excellence de son travail au piano dans
cet enregistrement, Martin Mayes que j’ai cité plus haut, le solide
contrebassiste turinois Michele Anelli, l’activiste de Turin par excellence et
un musicien que je n’ai jamais entendu in vivo, Alberto Novello aux
électroniques analogues. Le compositeur Philip Corner et la chorégraphe Phoebe
Neville entame le concert avec une aérienne Gong Intro. Bien que cette
performance se soit engagée sans préparation dans une grande spontanéité avec
quelques indications de Stefano Giust et qu’Evan Parker préfère ne pas se poser
en leader et proposer des cheminements / compositions, laissant la musique se
faire en respectant la liberté de chacun, on distingue des séquences, des
parties successives qui s’enchaînent spontanément avec une certaine logique,
des voix individuelles s’imposer en premier plan soutenues avec sensibilité par
les autres (Giust au premier chef) , entre autres l’intervention soliste du
pianiste Giorgio Pacorig, le cor des Alpes de Martin Mayes et le sax ténor d’Evan Parker. Un véritable collaboration
coopérative réunissant les improvisateurs dans un terrain d’entente mutuelle et
d’énergie partagée. Le dénominateur commun : la foi dans des valeurs humaines, sociales, culturelles remarquablement mises en valeur dans la musique de Live at Angelica.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Bonne lecture Good read ! don't hesitate to post commentaries and suggestions or interesting news to this......