Mirco Mariani Musica per Sconosciuti Music for Strangers (film music) 3CD Angelica IDA 059
https://idischidiangelica.bandcamp.com/album/musica-per-sconosciuti
Angelica est devenu au fil du temps un légendaire festival à Bologne présentant sans relâche depuis plus de 30 ans les musiques innovantes, improvisées et expérimentales, le tout suivi par une œuvre patiente de publications d’albums – CD’s d’une belle diversité. Depuis les premières parutions – anthologies documentant différents acts de leur festival, dischi di angelica a trusté des artistes aussi divers que Terry Riley, Tristan Honsinger, Fred Frith, Gianni Gebbia, Heiner Goebbels, Stefano Scodanibbio, Misha Mengelberg, Vakki Plakula, Anthony Braxton, un unique quartet Leo Smith – Pauline Oliveros – John Tilbury – Roscoe Mitchell, Phil Minton & Veryan Weston, Peter Brötzmann Mahmoud Gania et Hamid Drake, Christian Wolff, Lindsay Cooper, Alvin Curran, Massimo Pupillo, Cecil Taylor, Toshinori Kondo, Charlemagne Palestine, Philipp Corner et Uday Bawalkar le chanteur Dhrupad de la Dagarvani.
Alors que dire de ce 3CD Box du musicien électronique Mirco Mariani et ses Music For Stangers ? Son instrumentarium rassemble étonnamment l’histoire et l’évolution des instruments électroniques et des claviers et il est suffisamment et à la fois un imaginatif et un excellent musicien pour en faire quelque chose d’intéressant, de captivant ou déroutant avec assez bien d’humour et de fausse candeur. Imaginez – vous 3 CD’s bourrés jusqu’à la gueule de trois suites ininterrompues de 136 morceaux qui s’enchaînent aisément et amusément avec l’aide de (je vous cite) : mellotron, optigan, ondioline, solovox, clavioline, pianomate, ondiola, osmose, modular synthesizers, monophonic and polyphonic synths, harpsichord, celesta, prepard pianos, harmonium, vibraphone, glasspiel, pip organ, vocoder, voice….
Comme j’ai toujours ressenti que ce qui est publié au nom de la musique dite électronique est souvent rasoir (bien que j’apprécie plusieurs chercheurs fascinants), je trouve que cette série d’enregistrements multiformes a de nombreux points positifs et pourrait convenir pour une excellente porte d’entrée – fenêtre ouverte pour un large public à la découverte de quelque chose de différent, ouvert et authentique en matière d'électroniques etc... qui tranche de la grisaille peu imaginative.
Musique de films imaginaires ou réels, orphéon du 21ème s., 136 titres très courts et improbables, plusieurs ayant servi pour illustrer un documentaire d’Elisabetta Sgarbi sur le photographe Nino Migliori et des films de Pupi Avati et Aleksandr Sokurov ainsi que des films restaurés par la Cineteca de Bologne. Un point fort d’Angelica est la synergie avec des initiatives locales qu’elles soient musicales, littéraires, artistiques etc… Et cette publication de Mirco Mariani s’inscrit dans l’histoire récente de la culture à Bologne au niveau cinémathèque avec ce sourire en coin et cette fantaisie secrètement italienne qui aime tant à multiplier les plats et les spécialités culinaires à l’infini. Cette musique de films semble intemporelle ludique et organiquement narrative. Musica per Sconosciuti signifie musique pour des inconnus… peut -être des personnes qui ne connaissent pas l’histoire de la musique ou des musiques ou encore des personnes qui ne connaissent pas encore les musiques qu’ils aiment ou vont aimer. Avec cette Musica per Sconosciuti, l’auditeur lambda prétendument imperméable à la nouveauté « difficile » aura ici autant de points de repères et de bornes : quelques comptines, ritournelles, ambiances, thèmes curieux, zones soniques inouïes, attrayantes ou recherchées qui défient les classifications de genre musical, soit autant d’issues pour s’égarer, réfléchir et découvrir. En fait, trois compacts d’une musique subtile à mettre entre toutes les mains sans caveat tout en annonçant qu’il y a peut-être une vraie surprise. Extrêmement bien conçu et réalisé ! Massimo Simonini d’Angelica est un producteur avisé et imaginatif.
12 Stages of Spiritual Alchemy Ray Anderson & Ivo Perelman Fundacja Sluchaj
https://sluchaj.bandcamp.com/album/12-stages-of-spritual-alchemy
Polarity 4 Ivo Perelman & Nate Wooley burning ambulance CD
https://ivoperelman-bam.bandcamp.com/album/polarity-4
Fundacja Sluchaj a publié il y a peu de temps un superbe double album réunissant le tromboniste Ray Anderson et le saxophoniste ténor Ivo Perelman avec le contrebassiste Joe Morris et le batteur Reggie Nicholson, Molten Gold, une petite merveille d’entente free complètement improvisée. Car c’est une constante de la musique enregistrée de Perelman : « free-jazz » oui , mais toujours entièrement improvisé dans l’instant ou composition immédiate créée sur le moment au moyen d’échanges collectifs où chaque instrumentiste improvise sur un pied d’égalité sans compositions, thèmes ou partitions. Ivo Perelman a à son actif de nombreux duos avec des pianistes (Matt Shipp, principalement), des guitaristes (Joe Morris, James Emery, Pascal Marzan et Elliott Sharp), un trompettiste, Nate Wooley, un violoniste alto (Mat Maneri), des souffleurs d’anche (dont Rudi Mahall, David Murray, Joe Lovano, Joe McPhee etc...) Le voici face à un tromboniste et pas n’importe lequel : Ray Anderson. Ray Anderson a succédé à Kenny Wheeler et George Lewis dans l’extraordinaire quartette d’Anthony Braxton, dont Performance for Quartet 1979 live à Willisau (Hat Hut) est une double plaque incontournable des années 70, enregistrée avec le bassiste John Lindberg et le batteur Thurman Barker. Avec le contrebassiste Mark Helias, il a soufflé les foules dans deux rares trios trombone – basse - batterie avec rien moins que les batteurs Barry Altschul et Gerry Hemingway, eux-mêmes des indispensables collaborateurs des jeunes années de Braxton. Par la suite, il a dirigé ses propres projets à la fois « swinguants » et audacieux durant plusieurs décennies. C’est à la fois un acrobate virtuose du trombone et un puissant souffleur au son gros comme çà issu du blues, du gospel et de la tradition afro-américaine aussi subtil qu’expressionniste. Tout comme Ivo Perelman sur son instrument, il favorise le glissando sous toutes ses coutures. Ce duo, intitulé 12 Stages of Spiritual Alchemy, est donc une belle réussite (tout comme ce superbe quartette mentionné plus haut, Molten Gold, enregistré sur le même label). Les formes, variations et métamorphoses des sons, des phrases jouées simultanément, les interactions ludiques, les contenus mélodiques nés de leur écoute mutuelle et de leur imagination fertile, se succèdent avec bonheur. Les inventions se renouvellent dans une complicité fructueuse par la grâce d’une expérience d’improvisateur de premier plan. Je vous dis les sonorités émouvantes issues du grand chaudron du free-jazz afro-américain le plus atavique. Cette saveur « beurrée » du souffle au trombone, ce growl vibrant qui ramènent aux trombonistes pre-swing comme Tricky Sam Nanton chez Ellington, ce cousinage épatant de Roswell Rudd, cette chaleur quasi tropicale d’Ivo partagée par Ray, ces glissandi lyriques d’harmoniques au sax ténor qui évoquent tant la voix chantée brésilienne font merveille tout comme ces ostinatos en forme de comptines de guingois d’un curieux folklore imaginaire. Luxuriant, incisif et empâté à la fois ou des effluves vaporisés, évanescents un instant ou en crescendo vitaminés. Un rêve éveillé pour les nostalgiques… d’un Shepp mâtiné de Stan Getz. Les douze improvisations sont courtes et concises pour la plupart avec seulement les 07 Sublimation, 08 Exaltation et 09 Projection qui se suivent en étirant superbement les durées autour des 8 et 9 minutes. Cette rencontre en studio mérite d’être prolongée, car avec une première expérience, nous pouvons être sûrs qu’ils pourront encore se surpasser, voire transiter d’affirmations de leurs styles perspectifs qui font déjà coïncider plein de belles choses individuelles de chacun, pour sans doute travailler aussi la suggestion, les connexions de leurs imaginaires, une dérive innocente. Les ressources de la musique improvisée libre, même celle qui est intégralement « jazz » dit « free », sont infinies, surtout avec le talent inné de ces deux musiciens et leur exigence ludique et sonore.
D’ailleurs, Ivo Perelman vient de publier un superbe quatrième album en duo avec le trompettiste Nate Wooley pour le label Burning Ambulance, Polarity 4. Ces deux-là ont beau réitéré le titre de leur album duo à quatre reprises, je n’arrive pas à m’en lasser. Nate Wooley est un improvisateur moins « conventionnel », plus avant-gardiste que Ray Anderson. Mais qu’importe les directions esthétiques d’improvisateurs de ce calibre et surtout leurs intentions musicales profondes, leur histoire. Tous deux se comprennent, imbriquent les moindres inflexions, altérations de timbres, sonorités dans un magnifique dialogue de voyants.
Aussi, la sonorité de Nate Wooley se démultiplie du diaphane à la saturation, de l’ultraigu acide au growl, du bruissement venteux à la suggestion mélodique, tous ses effets et couleurs s’intégrant dans un « style », un voix originale, à la fois sonore radicale et jazz éméché ou carrément mélodique. L’empathie et la connivence entre le souffle et l’anche d’Ivo Perelman et les effets d’embouchure et de pistons de Nate est devenue profonde, organique et lumineuse. Ils ont en commun l’art d’accentuer les notes, d’étirer les sonorités, de planer dans le vide avec une manière héritée du jazz (très cool) ou de carburer en cascadant dans les gammes, se répondre du tac au tac et Ivo de déraper au ténor dans les hyper aigus (Five). On aimera ces évocations suggérées de fragments mélodiques qui s’enchaînent et dérivent dans des sonorités cotonneuses, fragiles, nostalgiques au bord du silence. Il y a de bonnes raisons pour laquelle Ivo Perelman et Nate Wooley persévèrent dans leur duo Polarity. Ivo Perelman, tout jazzman qu’il est, se concentre exclusivement sur l’improvisation libre instantanée principalement en duo ou trio avec bon nombre de collègues. Très souvent ses nombreux albums sont plus que satisfaisants, comme ces 12 Stages of Spiritual Alchemy. Certaines de ces rencontres donnent lieu qu’à un seul CD. D’autres se révèlent plus fructueuses dans la durée comme le désormais légendaire duo Ivo Perelman – Matthew Shipp documenté par plus d’une quinzaine de CD’s. Ces deux – là s’étaient un jour dit qu’ils semblaient avoir « tout raconté » jusqu’à ce qu’ils se remettent à l’ouvrage avec une nouvelle série d’albums… tant ils parvenaient à nourrir leur inspiration et étendre toutes les possibilités créatives de leur duo ! Ivo Perelman est un artiste très exigeant et un improvisateur de haute-volée, tout comme Nate Wooley. Je dirais même que ses capacités créatives surpassent son savoir faire et que cette volonté de fer crée une pression bienveillante et heureuse sur son collègue trompettiste, qui offre ici le meilleur de lui-même dans un mode intime, confidentiel. Le lyrisme à la fois chatoyant, aigu et voilé de Nate nourrit l’imaginaire de son collègue dans les demi-teintes. Le but du jeu est de poursuivre une quête, de se dépasser et transcender l’acquis par de nouvelles trouvailles, poser de nouvelles questions et d’y répondre en chœur, par sursauts ou en « escalier » … On songe parfois aux perspectives illusoires d’Escher dans leurs emboîtements mélodiques, mais aussi aux signes de Klee, aux lueurs de Turner, aux couleurs d’Helen Frankenthaler. Ivo Perelman est un artiste graphique et peintre qui « voit » les notes et leurs diffractions sensorielles dans de nombreuses couleurs. Et qui donc le suivrait mieux avec ce goût des nuances que ce trompettiste subtil et audacieux sensible aux colorations des souffles multiples, Nate Wooley. Ce duo est un des rares exemples remarquables de « free-jazz » entre un souffleur d’anche et un souffleur d’embouchure d’exception vraiment réussi et « évolutif » qui fonctionne comme un « groupe », pas comme une rencontre d’un soir ou une « jam ». Qui plus est, la trompette « free » radicale est un genre difficile d’un point de vue technique et physique. Ayant parcouru de nombreuses discographies, je n’ai encore rien rencontré de tel. Une musique aussi diversifiée et cohérente réalisée avec amour en neuf improvisations lumineuses par deux artistes exigeants.
Scrap Heap Challenge Paul Lytton Joker Nies Richard Scott Georg Wissel scatter archive digital à paraître
Un tas de ferraille tel ceux qu’on observe le long des voies ferrées à l’approche d’un ville « sidérurgique » comme Charleroi. Le royaume du bric-à-brac sonore, de vibrations métalliques, électriques, une frénésie de sons bruités, de bruits sonores, l’articulation déjantée du saxophoniste Georg Wolf d’un mimétisme parfait dans cette jungle industrielle d’électroniciens fous : Joker Nies et Richard Scott. Vous les mettez ensemble cela devient inquiétant. Si on y adjoint le percussionniste délirant number one de notre jeunesse, c’est le délire. Aujourd’hui, Paul Lytton couvre deux tables d’ustensiles de percussions diverses et d’objets idoines (grattoirs, tiges, tubes, pièces métalliques, archets) et une boîte à malice assistés par un assemblage Mécano hérissés d’ustensiles culinaires et amplifié etc… qu’il frotte et gratte, les sons recyclés via un système électronique.
Leurs cinq improvisations aux titres de circonstances (marin salvage, blow football, amphibious vehicle, walking machine, rock crawler) sont en constante mutation dans le bruitisme intégral mâtiné d’un sens aigu de la dynamique et d'une écoute mutuelle très pointue. C’est le règne de l’imagination instantanée et l’impossibilité pour l’auditeur d’identifier qui fait exactement quoi et de deviner quelle est exactement la source sonore des sons qui défilent, surgissent, s’effacent et s’entrechoquent ou s’enfouissent dans le silence sous les milles échantillons sonores, bruitistes, scories (scrap), rebuts (heap) … qui s’égaient, sursautent, tourniquent devant nos sens interloqués ou confus. Ce qui séduit au-delà de cette vivace radicalité et cette diversité sonore déroutante, c'est la capacité à ces quatre improvisateurs à se renouveler constamment ... sans lasser l'auditeur... ni surjouer ni couvrir les sons du voisin dans un kaléïdoscope sonore bigarré - outrancier de savants fous. Et comment le saxophoniste Georg Wissell parvient à naviguer et divaguer dans cet univers ribouldingue foisonnant tout en s'y intégrant naturellement. On distingue, en fait, les sons nuancés, sussurés de Joker Nies et les rebonds incessants du synthé modulaire et les câblages colorés de Richard Scott. De temps à autres les énergiques rafales percussives au scalpel (quelle finesse dans la sauvagerie!). Une drôle d'équipée à nulle autre pareille. Challenge 100 % réussi.
Consacré aux musiques improvisées (libre, radicale,totale, free-jazz), aux productions d'enregistrements indépendants, aux idées et idéaux qui s'inscrivent dans la pratique vivante de ces musiques à l'écart des idéologies. Nouveautés et parutions datées pour souligner qu'il s'agit pour beaucoup du travail d'une vie. Orynx est le 1er album de voix solo de J-M Van Schouwburg (1996 - 2005). https://orynx.bandcamp.com
24 octobre 2025
Mirco Mariani Musica fr Strangers / Ivo Perelman duos with Ray Anderson & with Nate Wooley/ Scrap Heap Challenge Paul Lytton Joker Nies Richard Scott & Georg Wissell
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