12 octobre 2023

Ivo Perelman & Nate Wooley Polarity 2/ Peter K Frey Jan Schlegel Daniel Studer Christian Weber Tetrapylon/ Udo Schindler Ernesto Rodrigues Guilherme Rodrigues Nuno Torres/ Rick Countryman Gabriel Lauber Itzam Cano

Ivo Perelman & Nate Wooley Polarity 2 Burning ambulance
https://ivoperelman-bam.bandcamp.com/album/polarity-2

Deuxième album du duo après le bien-nommé Polarity : Polarity 2. D’un point de vue discographique dans le paysage infini du jazz libre et des musiques improvisées : un très rare duo saxophone (ténor) et trompette. Il y a bien Tandem de Bobby Bradford (cornet) et John Carter (clarinette) pour le label Emanem , Anthony Braxton et Leo Smith dans Organic Resonance et Saturn pour le label PI. Et les rarissimes CD’s du duo Myelin de la trompettiste Birgit Ulher et du saxophoniste Heddy Boubaker : Axon (label Intonema à St Petersburg) et Upside Down (WhyNot Ltd en Malaysie). J’ai beau faire tournoyer ma mémoire, je ne m’arrive pas trouver d’autres exemples d’enregistrements de duos saxophone (ténor !) – trompette. On peut juger que les témoignages enregistrés d’Ivo Perelman débordent, mais, comme cette formule instrumentale est peu usitée, autant lui tendre une oreille. Surtout que Nate Wooley est un trompettiste créatif parmi les plus accomplis et intéressants. Ça nous changera des éternels quartets ou quintettes de souffleurs avec basse et batterie plus piano ou guitare. Chez ces deux musiciens, il y a une volonté de rechercher la pure improvisation et de renouveler les formes au travers de combinaisons instrumentales nettement moins utilisées que trop souvent partout ailleurs. Cette récurrence du quartet souffleurs basse batterie (etc…) finit par être lassante à la longue et cela finit parfois en jeux de rôles. Dans Polarity 2, s'imposent la dynamique, la présence du silence, la profondeur du dialogue, l'exigence à créer instantanément en permanence dans la durée en assumant une prise de risques, un challenge, de la substance.
Il faut jouer intensément, "remplir" de contenu, nourrir les débats, sans se répéter. Il y a aussi une intimité sonore et émotionnelle, un rapprochement des âmes, une communion intime. On peut se permettre de souffler pianissimo (en douceur), de jouer à l’unisson et en glissandi , comme dans le début de 1/ One et d’élargir le registre sonore, de cascader en douceur et de s’emprunter mutuellement le matériau de l’autre. Ensuite de mordre et de vocaliser avec une sourdine et des aigus sifflants (Nate) et des growls obstinés qui finissent par bruiter… puis jouer au bord du silence en pointillés… Bref, nos deux improvisateurs essaient d’étendre le spectre sonore et les sonorités possibles de leurs instruments respectifs dans la pure tradition du free-jazz tout en évitant de jouer des thèmes, des « compos » et de faire des références à X, Y ou Z. Bien sûr, on songe aussi au tandem trompette - sax ténor de Miles et Trane ou Brownie et Sonny ou Cherry et Ayler. Bien sûr, on entend clairement qu’Ivo Perelman a intégré cette longue histoire du sax ténor qui remonte à Coleman Hawkins (Ayler, Getz, Gordon, Trane etc…) en acquérant le son qui est le sien. Et Nate Wooley, Lester Bowie, Don Cherry, Kenny et tant d’autres dont ils s’échappent avec leurs effets sonores intéressants et expressifs, ces scories turbulentes. Mais comme on peut l’entendre tout au long de cet album les deux artistes utilisent tous leurs registres avec à propos pour trouver dans chacune ces sept improvisations, un autre narratif, d’autres couleurs, d’autres sentiments tout en dialoguant au plus près en altérant les sonorités, timbres, intensités et alternant les intentions qui sous-tendent leurs incursions phénoménales dans leurs colonnes d’air respectives, similaires à la démarche de leurs collègues improvisateurs libres « à l’Européenne ». En effet, Ivo Perelman s’essaie à la voix free alors que Nate Wooley sculpte son embouchure avec percussion des lèvres, émission erraillée du souffle, compression bruissante des timbres ou vibrations lyriques alanguies (4 / Four). La panoplie sonore s’étend au fil des échanges et une manière de lyrisme doucement éperdu et charnel s’invite par moments. On finit par confondre l’un et l’autre tellement leur écoute mutuelle est intense et que leurs sonorités chaleureuses finissent étrangement par se ressembler. Leur art respectif est ici intimement lié dans un seul courant de conscience avec un sens de l’épure et du tracé des lignes, spirales, zig-zags, crescendi, taches, griffes, stries, … L’art de rendre les sons et leurs mouvements « visuels » à l’instar de certaines œuvres graphiques d’Ivo. Les idées et les nombreuses trouvailles se succèdent, se répondent ou devancent l’imagination avec une puissance d’inspiration collective qui force l’admiration par son merveilleux renouvellement dans les formes suggérées, invoquées, dessinées et imprimées définitivement dans le partage des sensibilités de Nate Wooley et Ivo Perelman et à travers la perception – mémoire de ceux qui les écoutent. Un album remarquable de « compositions instantanées » qu’on découvre avec un grand plaisir des sens auditifs.

Tetrapylon Peter K Frey Jan Schlegel Daniel Studer Christian Weber. Leo Records 938
audio track : https://www.danielstuder.ch/audio/47fluid.mp3

Un inopiné quartet de basses helvétique illustrant avec le plus grand bonheur la libre improvisation contemporaine dans ce qu’elle a d’authentique, de musicalement exigeante et formidablement inspirée. Peter K Frey et Daniel Studer forment déjà un duo de contrebasses dont les enregistrements pour Leo Records et Unit se révèlent passionnants : Zwei, Zwirn, Zip…. S’ajoutent à cela Zeit où leur KontrabassDuo invitait le clarinettiste Jurg Frey et le violoncelliste Alfred Zimmerlin. C’est avec Jan Schlegel à la basse électrique et leur camarade contrebassiste Christian Weber qu’ils nous livrent ce superbe opus qui repousse encore plus les lignes et le champ d’action de leur travail. Ces deux collègues étaient d'ailleurs invités dans le double CD du duo "Zurich Concerts of 15 Years of *...). La contrebasse est un outil clé dans l’élaboration de l’improvisation radicale par son apparence énorme, les écarts sonores et effets extrêmes qu’on peut en tirer la résonance boisée organique du corps de l’instrument, sa balourdise qui autorise les harmoniques insensées, les frottements austères ou bigarrés, avec cette apparence de clown sonore et le sérieux auquel s’applique ses praticiens affairés.
Fluid I , une longue pièce de 28 minutes initie le compact en vous plongeant sans vergogne dans l’univers sans concession de l’improvisation radicale : explorations de sonorités, interactions multiples, création instantanée, frottements éthérés au fil du crin ou boisés avec un archet puissant, chocs furtifs, battements, grincements, contrastes vertiginieux, différentes nuances de col legno occasionnels, crépitements ou coups sourds de la basse électrique, martèlements des cordes sur les touches… Épures de lignes courbes ou obliques ou débauches d’effets, leurs ébats suivent l’unique cheminement de leur musique collective, le fil d’Ariane de leur pensée. Jurassic Lullaby marie les effets sonores avec un solo expressif , voire expressionniste à la free-jazz de bon papa avec une sonorité puissante, hadenienne comme entouré par des fantômes. Un court Briefly Drawn de 3 :43 avantageusement contrasté, agressif et minutieux à la fois, subtilement interactif où beaucoup de choses semblent affirmées en si peu de temps. Dans ce registre de quartets de contrebasses, il existe deux enregistrements de référence : Barre Phillips, Joëlle Léandre, Tetsu Saitoh et William Parker dans After You Gone en hommage à Peter Kowald et les Rotations de Sequoia, le quartet des contrebassistes Andrea Borghini, Meinrad Kneer, Klaus Kürvers et Miles Perkin : des travaux remarquablement achevés et passionnants. Lorsqu’on écoute Fluid II (14 minutes) située en final du CD, on se dit qu’on a traversé un mirifique parcours, épicé par les audaces de Jan Schlegel, ce bassiste électrique, qui ose et s’inscrit parfaitement dans cet univers ondoyant, enraciné, frémissant, grave, vibrant des tripes et d’une superbe finesse que partagent Peter K Frey, Daniel Studer et Christian Weber.

PS * : Il faut aussi rappeler ce double cd Leo Records « Zurich Concerts 15 Years of Kontrabassduo Frey – Studer » avec comme invités Gerry Hemingway, Hans Koch, Alfred Zimmerlin, Christian Weber, Jan Schlegel, Jacques Demierre, Harald Kimmig, Magda Mayas, Michel Seigner, John Butcher et Giancarlo Schiaffini.

Conspiratorial and Fulminate Things happen : Udo Schindler Ernesto Rodrigues Guilherme Rodrigues Nuno Torres Creative Sources CSCD776
https://ernestorodrigues.bandcamp.com/album/conspiratorial-and-fulminate-things-happen

Un groupe portugais en tournée, le trio d’ Ernesto Rodrigues (alto « viola »), Guilherme Rodrigues (violoncelle) et Nuno Torres (sax alto) a effectué concerts et rencontres aux Pays-Bas, en Belgique, en Allemagne entre deux pôles d’intérêt pour ces musiciens. Soit continuer à développer leur musique en trio ou se remettre en question en improvisant avec un collègue qui, souvent, arrange le concert et/ou une session d’enregistrement, comme ici à Munich les 10 et 11 novembre 2022 avec le poly-instrumentiste Udo Schindler (cette fois aux clarinettes et sax alto). Le titre du double CD (studio et live) est sous-titré Winds and Strings Quartet, un assemblage instrumental relativement symétrique qui est exploré de manière à en étendre les correspondances et interrelations sonores. Dans ce trio, Nuno Torres s’immerge au milieu des sonorités des cordes avec une dynamique proche de celles-ci au point de donner la sensation qu’il camoufle le timbre de son sax alto. Dans l’enregistrement en studio « Fulminate Things Happen … in space (studio) “ le trio reconsidère le type d’interactions et la logique de jeu qui le caractérisent pour s’adapter entièrement à celles de l’invité sur la base de l’écoute mutuelle immédiate.
Mise en jeu principalement, la recherche et l’exploration de sons, d’agrégats, de timbres altérés et associés à d’autres trouvailles dans une perspective ludique et heuristique. L'adjectif heuristiquequalifie ce qui aide à la recherche, à la découverte des faits ou des théories, ainsi que ce qui tend à trouver. Je cite : Une hypothèse heuristique est une hypothèse choisie provisoirement comme idée directrice indépendamment de sa vérité absolue. C’est une recherche qui est ici réalisée collectivement et pour laquelle chacun se connecte mentalement et émotionnellement aux autres par le biais de l’écoute, de l’action musicale « sonore » avec l’aide de l’expérience acquise à improviser et à jouer ensemble. Cette mise en commun aboutit à des formes mouvantes qui dérivent ou trouvent leurs résolutions et leur achèvement où chacun établit des choix et s’engage dans des options précises ou semble dériver selon son humeur presque par hasard. Cette précision dans l’errance est palpable dans chacune des sept pièces de durée moyenne (entre les 3,4 et 5 minutes jusqu’à 9 et 11 minutes. Il est évident que les quatre musiciens prennent le parti de chercher des correspondances (dans l’acception surréaliste du terme), d’essayer ce qui « pourrait » fonctionner, d’explorer sans arrière-pensée au risque de tourner en rond. Certains excellents groupes de musique improvisée proposent une musique bien précise qui correspond à un idéal, à un style très original et affirment une identité forte. On trouve justement chez Ernesto et Guilherme Rodrigues, qui plus est avec Nuno Torres une identité expressive et estéhtique très déterminée. Ce genre de groupe joue très souvent magnifiquement. À leur crédit, ces artistes n’hésitent pas à se produire aussi avec des artistes très différents en se mettant dans des situations de risque esthétique, comme de produire des concerts et des albums où le niveau musical a baissé par rapport à ce dont ils sont capables. En effet, chaque improvisateur libre n’est pas automatiquement compatible avec un autre et savoir s’accorder est autant un art que l’effet du moment ou d’une inspiration imprévisible. Ça peut aussi complètement foirer. Dans ce genre de rencontres, il faut créer une empathie, un nouveau terrain commun, un sens à ce qu’on joue, et une capacité intuitive, imaginative est primordiale. Il faut oublier qui on est pour se redécouvrir autrement, un peu comme un acteur rentre dans la peau du rôle bien qu’un improvisateur sincère reste et doit rester « lui-même ». Étant de longue date un organisateur de concerts ou « gigs » et un praticien sur scène, je suis témoin que l’attitude ouverte de ces Portugais n’est pas partagée par d’autres improvisateurs qui se focalisent avant tout sur leurs « projets ». Ils se risquent éventuellement à la « rencontre » surtout s’ils ont la chance de jouer avec « une pointure » ou un artiste « connu » , ce qui fait sympa pour leur C.V. et éventuellement des gigs assurés si affinité et plus… La discographie des Rodrigues est éclairante à cet égard : ces deux virtuoses partagent fréquemment avec des artistes (très) peu connus.
Pour en venir à la musique enregistrée, elle démarre avec les deux saxophonistes s’entredéchirant via leurs colonnes d’air et leurs becs respectifs, en glissandi pressurés et imbriqués, les deux cordistes s’immisçant entre leurs bulles de gaz qui crèvent d’instants en instants (Thoughts Spinning from Paragraph to Paragraph 3 :08, très court). Des effets percussifs des lèvres sur les becs les deux colonnes d’air en sourdine lancent Bakunin jubilates (08:58), une excellente conversation à quatre dans laquelle chacun s’insère avec des approches variées avec vibrations, archet rebondissant ou élégant, intrications subtiles des deux saxophonistes, frottis répétés un moment et fuyant l’instant d’après, pauses silencieuses. L’orientation du quartet est en dérive permanente mais cohérente, créant ainsi des paysages qui s’intègrent aux précédents et enchaînent avec le suivant. Strange preferences between the lines (11 :25) les coups d’archets saccadés sur une note à l’alto en contraste avec une lente pérégination de la clarinette basse (Udo) dans des graves paresseux et le jeu pizzicato du bout des doigts du violoncelliste évolue subtilement dans une forme en apesanteur linéaire et somnolente ouverte à un lyrisme détaché avant que chacun y intercale progressivement de menues actions anguleuses, acides ou ouatées. On est ici dans la dynamique « piano-pianissimo » et l'art du clair-obscur maîtrisés. Le camouflage subtil. Ainsi, on réalise à peine la présence effective de Nuno Torres et ses parcimonieux sons de souffle au bord du silence, Udo Schindler égratignant l’ambiance avec des aigus et des harmoniques oscillantes. Cet univers s’éparpille progressivement alors que le sciage de l’alto ressurgit discrètement. Dans cette dérive, les musiciens apportent des éléments de construction collective qui s’évanouissent une fois tangibles, laissant venir intelligemment une autre occurrence sonore. Et le tandem Rodrigues, Ernesto et Guilherme ont un vrai sens de l'à propos. Flying Irritations (4:05) laisse entendre des sons plus étranges, des scories palpitantes et des morsures soufflées et une activité plus intensive et plus contrastée tranchant nettement avec les précédentes. Et toujours ce sentiment à la fois centrifuge et faussement statique et comme dans le morceau 5/, Ceiling Spotlight Whirring ( 06 :55 ) l’intégration organique du silence pour mettre en évidence les outrances de la clarinette basse au ralenti. Je pourrais continuer de la sorte dans plusieurs lignes supplémentaires. Tout cela pour dire que cet album studio (CD1) et Live (CD2) contient une musique de recherche (exigeante) qui requiert une écoute appliquée et soutenue pour être appréciée dans toute sa finesse et sa profondeur alors que d’autres, tout aussi réussies s’imposent même aux distraits car elles se focalisent sur une démarche typée , « musclée », expressément « virtuose », ... mais tout aussi légitime. Et donc bravo à cette équipe d’une rencontre fortuite mais profondément réussie.

Remarque : "musique heuristique" . Ce terme a été introduit dans le courant des musiques improvisées libres par le musicien britannique Max Boucher, un des fondateurs et collaborateur clé du magazine Musics (1975-1979). Son groupe Heuristic Music a été actif dans les années 70 jusqu'au début des années 80. Deux enregistrements d'Heuristic Music figurent dans la cassette Unpopular Music - Music From Bristol Musicians Co-op's Festival (label Zyzzle) et dans le LP "May Day" produit par le London Musicians Collective (LMC-2).

Rick Countryman Gabriel Lauber Itzam Cano Interstellar Nao : Live at No Somos Nada FMR Records
https://rickcountryman.bandcamp.com/album/live-at-no-somos-nada

Ce n’est pas la premier album du saxophoniste américain Rick Countryman pour FMR : on l’entend ici avec un dynamique tandem mexicain, le bassiste Itzam Cano et le batteur Gabriel Lauber. Quand il vivait en Californie, ce souffleur enflammé et haut en couleurs était un proche du grand Sonny Simmons, un des plus extraordinaires sax alto des années 60 et 70 (et 80 etc… jusqu’à son décès il y a quelques années) proche d’Eric Dolphy, Charles Moffett, Elvin Jones et comparable à Jimmy Lyons, Ornette Coleman, Trevor Watts… et avec une aura comme Marion Brown. Mais tous ces musiciens nous ont quitté les décennies passant. On trouve chez ce Rick Countryman, résident des îles Philippines, bien des qualités expressives acquises de ses héros (Simmons en tête) et une authenticité indiscutable. R.C. a fini par faire son trou à Manille et dans l’archipel en compagnie du bassiste Simon Tan et des batteurs comme le suisse Christian Bucher et le légendaire Sabu Toyozumi (et d’autres musiciens philippins) en publiant un gros paquet d’albums aussi allumés les uns que les autres. Son premier album en CD fut d’ailleurs publié par Julien Palomo sur son label improvising beings avant que Chap-Chap Records (Takeo Suetomi) n’en fasse son cheval de bataille avec Sabu à la batterie et que FMR presse ses CD’s à tour de bras. Comme les îles Philippines sont acculturées à « l’hispanité » dues à quelques centaines d’année d’occupation coloniale, quoi de plus naturel de se mettre en contact avec des musiciens mexicains. À l’époque de l’empire colonial Espagnol, il y eut bien des échanges maritimes et commerciaux entre le Mexique et les îles Philippines. Interstellar Nao peut se traduire par « navire Interstellaire", Nao signifiant le gallion espagnol des 16 et 17 ème siècle qui reliait les deux continents. Bref , le free-jazz est devenu un genre musical intercontinental et multiculturel. Alors, je ne vous dis que cela : le souffle ardent, virevoltant, torturé rengorgé, bluesy à outrance de Rick Countryman fait merveille et ses deux compagnons l’emporte avec une superbe énergie et un drive à la fois trépidant, vigoureux et ondoyant. Rien d’étonnant à cela ! Ces deux musiciens mexicains ont établi une scène locale en jouant et enregistrant leurs propres CD’s (label Dimensional Recording) avec Frode Gjerstad, Marco Eneidi, Elliot Levin et Peter Kuhn, des clients de premier ordre. Aussi, il y a une véritable finesse musicale dans le chef du batteur Gabriel Lauber et du bassiste Itzam Cano. Il s’entendent à merveille et offrent des structures polyrythmiques en mouvement, d’une belle plasticité avec un sens du drive immédiat et spontané sans formule toute faite. Du pur ! On l’entend avec précision dans les six morceaux enregistrés au No Somos Nada. Aussi, Rick Countryman, inspiré par l’acuité du dialogue avec les pizz expressifs d’Itzam Cano et les balais enchanteurs de Gabriel Lauber la finesse de ses vibrations rythmiques et l’énergie décisive des rafales de sticks sur les fûts, donne ici le meilleur de lui-même en expectorant ses tripes. Morsures sacrées du bec chauffé à blanc avec force dérapages erraillés post-Ornette, ses blue notes hyper tendues et mouvantes, et cette sonorité chaude, acérée, brûlante. Série de coups de langue vocalisée en escaliers oscillants, volutes sauvages et brillantes s’échappant dans la brume déchirée par la proue de ce gallion du free-jazz s’égarant dans les embruns à la recherche du cap de l’infini. Musique de dérives et de cheminements … Carrez – vous cela dans les oreilles et vous passerez autant un moment de nostalgie qu’un épisode vivant et remuant de musiciens d’aujourd’hui créant un pan d’éternité plein d’âme (soul), d’émotions partagées et de sonorités rebelles qui transcendent les cultures du Nouveau Monde et leurs métissages. Exemplaire.

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