25 novembre 2021

A More Attractive Way IST Rhodri Davies Simon H.Fell Mark Wastell on Confront Core (+ Phil Durrant et John Butcher)

A More Attractive Way IST Rhodri Davies Simon H.Fell Mark Wastell Confront core series / core 21 https://confrontrecordings.bandcamp.com/album/a-more-attractive-way

Un coffret qui fera date dans l’histoire de la documentation de la libre improvisation. IST est né de la rencontre fortuite vers 1995 du contrebassiste compositeur Simon H. Fell, un musicien très expérimenté et deux jeunes musiciens relativement débutants en matière d’improvisation, mais extrêmement motivés et enthousiastes, Mark Wastell (violoncelle) et Rhodri Davies (harpe). Dès la première rencontre, un climat de confiance et de compréhension s’est installé dès la toute première rencontre en studio le 5 septembre 1995 et ensuite le 15 décembre de la même année, le groupe s’est trouvé une voie commune et une forte identité. On peut l’entendre dans IST : Anagrams To Avoid, un vinyle publié par le label SIWA # 3. Une musique de chambre improvisée tout en raffinement sonore et une grande dynamique, pleine de détails créés par ces techniques alternatives et exploratoires et basé sur une profonde écoute mutuelle. Dans le sillage des John Russell, Phil Wachsmann, Phil Durrant, John Butcher et aussi Derek Bailey. Il y a aujourd’hui une cinquantaine d’années, les improvisateurs Londoniens les plus radicaux s’en donnaient à cœur joie : introduire les bruits dans la pratique musicale de l’improvisation (libre) en effaçant la frontière entre le son « musical » et le bruit causé par un objet ou des objets, mais aussi moteurs, l’air, le bois , le plastique, le métal etc… En les écoutant aujourd’hui, on ne peut que songer au trio sans batterie et sans sax (tonitruant) Iskra 1903 avec le tromboniste Paul Rutherford (RIP), le contrebassiste Barry Guy et le guitariste Derek Bailey, Iskra faisant allusion à la revue de Lénine quand il était exilé à Londres au début du XXème siècle. Iskra signifie l’étincelle, Spark en anglais. Un autre trio avec une instrumentation voisine, Chamberpot (sic) avait publié par la suite un album live intitulé Sparks of the Desire Magneto : Philipp Wachsmann violon, Richard Beswick, guitare & hautbois et Tony Wren, contrebasse. Je me souviens les avoir entendus à deux reprises en 1977 et 78 au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, assis à proximité des musiciens sur les gradins du légendaire Hall d’Animation, aujourd’hui malheureusement disparu. J’y avais découvert les mystères cette musique improvisée spontanée, faite des sons les plus étonnants dans un climat d’écoute intense. Par la suite, Philipp Wachsmann fit partie d’Iskra 1903 dès 1980 en remplacement de Derek Bailey. Sa participation à Iskra avec Paul et Barry est documentée dans pas moins de 7 Cd’s publiés par Emanem et un CD sur Maya.
Cette histoire de filiation tient sûrement à cœur à Mark Wastell, un des plus grands experts de l’évolution de cette musique en Grande Bretagne et venu progressivement vers elle par sa passion pour le jazz contemporain et le free-jazz. Mais plus récemment, Simon H Fell a publié sa thèse de Doctorat : A More Attractive Way of Getting Things Done : freedom, collaboration, and compositional paradox in British improvised and experimental music 1965 – 1975. Le titre de sa thèse a été utilisé pour celui du présent coffret de cinq CD’s documentant les concerts du 23/4/96 (core 21.1), du 23/5.97 (core 21.2), du 27/11/97 (core 21.3), du 17/02/98 (core 21.4), du 24/11/98 et du 30/05/2000 (core 21.5). Les détails de chaque CD se trouvent sur chacune des cinq pochettes intérieures auxquelles est joint un petit livret retraçant et commentant la trajectoire et l’évolution du trio IST. Leur deuxième album, Ghost Notes, paru sur le label de Simon, Bruce’s Fingers, contenaient plusieurs compositions écrites par divers collaborateurs et eux-mêmes. Rhodri Davies a une solide formation classique et un intérêt vif pour la musique contemporaine innovante, tout comme le contrebassiste, qui lui a aussi une pratique professionnelle dans le jazz qu’il soit traditionnel ou free, même le plus extrême (trio HWF avec le batteur Paul Hession et le saxophoniste Alan Wikinson). Simon, en fait, tient absolument à ne pas dissocier la composition et l’improvisation comme d’ailleurs le jazz de la musique contemporaine « sérieuse » , comme on peut l’entendre dans ses monumentales « Compilations » composées pour (plusieurs) grands orchestres et improvisateurs. L’avènement d’IST se déroula à l’époque heureuse où un nombre considérable de séries de concerts animées par des collègues dans l’ensemble du grand Londres et à proximité proliféra. Leur premier concert eut lieu au Club Orange à Kentish Town, London et est précisément documenté dans ce coffret.

Le trio IST créa un scandale en l’an 2001 au festival Berlinois Total Music Meeting organisé par la coopérative Free Music Production (Brötzmann, Schlippenbach, Peter Kowald, Jost Gebers etc..) dont un extrait figurait dans une compilation, Total Music Meeting 2001: Audiology - 11 Groups Live In Berlin - Punkt und Linie (7.26) /a/l/l 002. Réductionnisme et New Silence. L’ évolution dans le temps entre ces deux pôles d’une part la musique pointilliste similaire à celle des Bailey, Russell, Wachsmann etc… et cette « nouvelle » improvisation basée sur une part plus grande apportée au silence et une approche raréfiée, très épurée voire microscopique, (lower case ou drone) peut être suivie à la trace dans ce magnifique coffret. On y trouve aussi un concert en quartet avec le saxophoniste John Butcher et avec le violoniste Phil Durrant.
Une fois qu’IST a commencé à espacer ses concerts jusqu’au silence, les trois musiciens se sont produit et ont enregistré à Berlin en 2001 (Confront CCS 18), à New-York en 2001 avec John Zorn sur un morceau (Confront CCS 40), à Lodi en 2002 (Confront CCS 5), à Londres au Freedom of The City 2003 (CCS 34). Quelques jours après le décès de Simon, le 28 juin 2020, parut un des premiers concerts de IST : At the Club Room (for Simon H.Fell, enregistré le 18 juin 1996 et publié conjointement par Liam Stefani sur scätter et par Mark Wastell sur Confront.
https://confrontrecordings.bandcamp.com/album/at-the-club-room-for-simon-h-fell.
Il faut noter aussi un autre album enregistré en 1997 : Circonstances of Time and Place (Confront / Front 04) publié en CDr auto-produit et réédité dans la série CCS de Confront (https://confrontrecordings.bandcamp.com/album/consequences-of-time-and-place).
Cette succession sans précédent d’enregistrements (douze albums distincts), l’extrême qualité « improvisée » , sonore et sensible de leurs différents concerts font du trio IST UNE DES MEILLEURS GROUPES dans l’univers réel et l’histoire de cette musique improvisée libre à l’instar du génial duo de Paul Lovens et Paul Lytton entre 1975 et 1985. Un nombre considérable de commentateurs, organisateurs, journalistes considèrent avant tout les personnalités individuelles pour évaluer ou situer un niveau musical, une démarche esthétique jusqu’à secréter une sorte de culte de la personnalité au détriment des groupes constitués dont la magie de la communication interpersonnelle, l’originalité de la combinaison instrumentale et tout ce qui se passe entre les artistes lors d’une performance restent secondaires à leurs yeux face à l’exploit du soliste, à une virtuosité affichée et... l’ego (notoriété, CV, soutien financier du pays d’origine, opportunisme, habillage mercantile etc...)
IST est sûrement le groupe fixe d’improvisation le plus documenté et ce fait précis est un outil indispensable et opérant pour suivre à la trace, analyser, décortiquer, soupeser, sentir et réécouter une évolution détaillée à l’extrême et qui sidère par sa pertinence. Aucune ritournelle, régurgitation, faiblesse d’inspiration, seulement un son d’ensemble unique qui s’étale dans le temps, celui du concert et celui de l’évolution du groupe. D’ailleurs, Derek Bailey était tellement convaincu par ce trio IST qu’il les a conviés tous les trois à participer à sa légendaire Company, son groupe fétiche à géométrie variable et au personnel très mouvant , en compagnie du danseur de claquettes, Will Gaines. Company a vu passer dans ses rangs un nombre extraordinaire d’improvisateurs libres parmi les plus passionnants et signifiants, contribuant ainsi à propager et à faire évoluer la perception et la pratique de cette musique. En ce qui me concerne personnellement, j’ai assisté à trois soirées consécutives avec un Company en 1985 (Lacy, Bailey, Lewis, Wachsmann, Altena et un joueur de cor, Philip Eastop) et ma perception et ma familiarité empathique avec cette musique a fait le bond qualitatif le plus important depuis les concerts de Chamberpot en 77/78. Cette édition de Company featuring IST est sans doute une des plus préméditées de la part de Bailey, qui généralement aimait à confronter des artistes qui n’avaient peu ou pas joué ensemble. Il y avait donc un dessein et aussi une grande admiration de sa part pour Simon H. Fell, lequel est clairement un des « géants » de cette scène british le plus sous-estimé (cfr mon texte en son hommage publié le 6 juillet 2020). Un double CD Company in Marseille a été publié par Incus, l’iconique label du guitariste et Confront a proposé récemment Derek Bailey & Company "Klinker", un double CD sans Davies (bloqué par une tempête de neige), tous deux enregistrés en 2000. En fait, cette édition 2000 de Company,(originalement baptisé Cavacannor, par Bailey d'après l'entertainer Cavan O’Connor,qui fit populaire popular dans les années 1930s et 1940s) était en fait IST + Derek Bailey et le danseur Will Gaines.
Bailey les amenés avec lui à New-York, sans doute parce qu’il jugeait que les trois musiciens apportaient à cette musique improvisée déjà ancienne de plus de trente ans une nouvelle dimension. Je rappelle que Rhodri était impliqué dans un autre trio, Cranc, avec sa sœur Angarhad, violoniste et le violoncelliste grec Nikos Veliotis, avec lequel le guitariste a aussi enregistré. Leur premier album All Angels est une véritable merveille sonore et instrumentale : une musique improvisée « de chambre » détaillée à l’infini qui reflète l’intérêt profond des musiciens pour la musique contemporaine, l’exploration instrumentale radicale et un sens harmonique hyper développé. Cet album a été enregistré en 2000 dans l’église All Angels où Rhodri et Mark animait une série de concerts légendaire dont Emanem a publié des extraits (All Angels Concerts Emanem 4209 2CD) avec Eddie Prévost, Alex Kolkowski, John Russell, Steve Beresford & Roger Turner, Alan Tomlinson, Fabienne Audéoud, Veryan Weston à l’orgue, John Butcher & Matt Hutchinson, Simon Vincent, Oren Marshall & Mark Sanders entre 1999 et 2001. De cette manière, avec ce panel « œucuménique » embrassant la diversité de la scène londonienne, Rhodri et Mark démontraient que s’ils étaient en train de renouveler,radicalement la pratique de l’improvisation, point n’était besoin de créer un « schisme » exclusif comme cela s’est passé de part et d’autre entre improvisateurs libres « pointillistes » ou « free jazz » et les « réductionnistes » ou « post AMM » (lower case , drone, etc…) en France ou en Allemagne. Rhodri et Mark jouaient aussi dans un autre trio, « A Sealed Knot » avec le percussionniste Burkhard Beins, lequel trio a évolué vers la musique « drone ».

Il y a quelques mois, j’ai tenté de faire l’article pour ce coffret A More Attractive Way dans ces colonnes. Mais je me suis contenté de signaler sa sortie car je n’avais pas les CD’s sous la main et que je n’avais pas envie de devoir écouter la musique avec l’acoustique comprimée de mon portable. En fait, il s’est passé à ce moment-là un événement curieux bien embarasssant : l’introduction du Brexit et de l’abaissement à zéro de la franchise douanière en Belgique pour les petits paquets individuels contenant des objets « de valeur » et provenant de pays non UE (USA, Suisse, et … G-B). 15 € de frais de douane et une TVA de x % ( ?) sur la valeur de la marchandise indiquée sur la fiche descriptive obligatoire et sur la valeur des timbre-poste y apposés : il faut donc payer 21 ou 22 € à la poste pour obtenir un unique CD d’une valeur de 10 GBP. Et donc, j’ai attendu février dernier pour que ce coffret et deux ou trois autres albums Confront me parviennent via un autre trajet.
Après m’être étendu sur les circonstances de la création de IST et sa documentation, je voudrais vous faire partager l’extraordinaire expérience d’écoute de ce journal de bord évolutif. Je n’arrive pas à m’en lasser. Voici une page du groupe sur le site de Simon H Fell http://www.brucesfingers.co.uk/publicity/ist/ist.html

CD 1 : 23/04/96 Club Orange Dolly Fosset’s Kentish Town
Vivo Study I (34.05) Vivo Study II (11.36)

Avant ce premier concert au Club Orange, les trois membres d’IST s’étaient préparés par d’intenses répétitions et formalisé une véritable performance lors de leur première véritable session publiée du groupe : Anagrams to Avoid (LP SIWA 3). Pour chacune de leurs nombreuses répétitions, sessions et concerts, Rhodri et Mark , alors résidents londoniens devaient tenir compte de la disponibilité de Simon qui habitait alors à Haverhill près de Cambridge. C’est assez étonnant que ce musicien réputé, titulaire d’un cours à l’Université de Cambridge et qui pouvait prétendre à tourner avec la crème de la crème dans toute l’Europe, s’implique aussi intensément auprès de deux novices inconnus comme si c’était son projet le plus cher.
Départ impressionnant en glissandi à l’archet : percutant. Mais de suite s’installe une démarche introspective et ludique par laquelle les musiciens explorent les ressources sonores de leurs instruments sculptant l’espace et le silence avec la matière fluide et insaisissable de mille vibrations sonores, bruitages délicats, fragments de phrases musicales éclatées ou soyeuses, scintillantes ou ombreuses… Les harmoniques fuyantes ou oscillantes résonnent : les frottements subtils cherchent l’inconnu de la contrebasse et du violoncelle jusqu’au bord du silence (Vivo Study II). Cette musique apparaît à l’époque comme une démarche voisine à celle du trio Butcher / Durrant / Russell.

CD 2 : 23/05/97 Club Unire Billericay Arts Association Billericay.
Restrictive Parallels I (18.11) Restrictive Parallels II (17.22)

Directement, on est plongé dans le mystère : frottements fragiles, vibrations fugaces des cordes de la harpe, sons filés et ténus qui naissent de nulle part, crissements aigus, effets de souffle, nuances subtiles du pianissimo, crescendo d’harmoniques oscillantes, sons saturés et étouffés. De temps à autre, une brève suggestion tonale, l’archet du contrebassiste se tortille en douceur sollicitant des lueurs changeantes, un archet frotte quelques cordes de la harpe assourdie par un objet. On arrive à la septième minute en un clin d’oeil pour assister à une profusion active dans le champ sonore … les grapilles de pizzicati sur le bas du manche animent le débat alors que Rhodri reste imperturbable à frotter les cordes médiums de sa grande harpe. La métamorphose des sons, des timbres, des actions et réactions est permanente et le paysage défile aussi lentement que son évolution est soudaine avec un sens d’une continuité naturelle et interrompue de silences trompeurs qui s’effacent devant une activité fébrile de frottements en glissandi torturés qui démarre dans un crescendo mené de mains de maître. Le deuxième morceau offre un tout autre affect, bigarré, saturé, grinçant et éclairé épisodiquement par les sautillements cristallins des doigts d’elfe de Davies. L’effervescence rejoint le registre grave et zigzague, oscille dans un no man’s land illuminé par les effets digitaux faussement chromatiques de la harpe et rendu effrayant de la sourde détermination de Mark et Simon. Absence de soliste, de narration individuelle, échange compulsif des rôles, amalgamation des timbres, séquences presque silencieuse se heurtant à des mimiques souterraines, col legno rageurs, constats d’échec et reprise en mains simultanées, grincements saturés puis sadiques, sur place assassins, bruitisme outrancier qui laisse la place à l’inconnu, sonorités de l’excès, harmoniques microscopiques, sifflements et battements sauvages étouffés de l’archet. … Sons magiques dans le final coupé net par quelques notes conclusives jouées en sourdines avec le gros pouce à la harpe. Mention exceptionnel au travail du contrebassiste à l’archet à faible volume.

CD 3 : 27/11/1997 Red Rose Theatre Finsbury Park London
IST : 1/ Calm Magnanimity 1 (17.08) 2/ Calm Magnanimity II (07.08)
IST + John Butcher : 3/ Trenchant Observations I (14.56) 4/ Trenchant Observations II (11.13) 5/ Trenchant Observations II (10.48).

Enregistré au légendaire Red Rose, ce concert voit poindre un sens de l’épure de plus en plus aiguisé pour lequel « less is more ». On s’approche progressivement du « réductionnisme ». Grincements assourdis et silences, manipulations quasi secrètes, gestes arrêtés en plein vol, successions coordonnées de traits brefs et glissandi abrégés qui anticipent ou répondent à une impulsion isolée. Aussi, les trois instrumentistes préparent leurs instruments avec des objets pour créer un effet de sourdine et se rapprocher du bruit plutôt que la note résonnante. Après les moments de suspense retenu des 17 minutes de Calm Magnimity à peine césurés de quelques soubresauts aussitôt évanouis dans les murmures, le jeu arachnéen oppressant qui ouvre soudainement Calm Magnanimity II fait l’effet d’une tempête… dans un verre d’eau. Car bien vite, le jeu se résume à un effet de sourdine dont un trait ou l’autre enfle curieusement pour s’imposer un instant. Ce mode de jeu accentue le sentiment que les musiciens jouent dans l’instant présent de manière plus statique atténuant ou oblitérant l’effet de flux, ce mouvement continu, vulgate du tuilage perpétuel, souvent inhérent à l’impro libre. Mais des séquences animées et joyeusement chaotiques surgissent pour s’évanouir et se modifier en dialogue subtil IST invita à plusieurs reprises des musiciens proches. Ici ,John Butcher s’insère avec une pertinence remarquable comme si les sons cotonneux de son saxophone provenaient de l’âme de la contrebasse ou des écoutilles du violoncelle. Parmi les improvisateurs découverts dans les années 70 et 80, John Butcher est un de ceux qui s’intègrent au nouveau mouvement instigué par ses collègues Phil Durrant (Trio Butcher/ Durrant/ Russell) et Jim Denley et les nouveaux venus comme Beins, Davies, Dörner et Wastell. Tout au long des 36 minutes des Trenchant Observations I, II et III, John donne toute son attention sur le jeu épuré et contrasté de ses trois comparses et intervient de manière chirugicale à différents points changeant souvent de registre et de techniques pour coïncider et rencontrer le climax et les sonorités des trois autres. Ceux-ci veillent à surjouer le moins possible afin de créer un espace de jeu pour leur invité (Trenchant Observations). On découvre une grande profondeur et une extrême lucidité dans les intentions, la cohérence du quartet d’un soir. Butcher et Davies ont enregistré en duo deux – trois ans plus tard (Vortices et Angels /Emanem) et en quartet avec Chris Burn et John Edwards (the first two gigs Emanem). Dans le mouvement suivant de Trenchant Observation (II) , le dialogue s'anime et s'intensifie avec le sax soprano de Butcher qui surfe littéralement par dessus les girations des cordes. Le tournoiement s'étale ensuite où chacun s'écarte dans son univers plus distancié vers un presque silence et des murmures clôturé par une harmonique ultra aiguë et saturée du sax soprano, ou est-ce un archet agressif ...

CD 4 : 17/02/1998 Red Rose Theatre Finsbury Park London
IST : 1/ Orthographic Dissonance 1 (23.07) 2/ Orthographic Dissonance II (04.25)
IST + Phil Durrant violon : 3/ Aesthetic Triage 1 (09.35) 4/ Aesthetic Triage II (08.23) 5/ Aesthetic Triage III (04 :47) 6/ Aesthetic Triage IV (05.20)

Il s’agit du deuxième concert IST + , cette fois avec le violiniste Phil Durrant. Un autre concert accueillit le guitariste John Bissett avec qui Rhodri enregistra un peu plus tard l’album Malthouse. Ce trosième concert ne fut malheureusement pas enregistré. Comme l’indique Mark Wastell dans ses notes de pochette, Phil Durrant a joué avec Rhodri et lui au sein du Chris Burn Ensemble et par la suite tous les quatre se sont joints avec le pianiste Chris Burn dans le quartet Assumed Possibilities pour un CD Confront et un autre pour le label italien Rossbin. Ayant suivi les productions de Mark et Rhodri à l’époque c’est avec un vif intérêt que je découvre ce CD 4. IST évolue ici vers une raréfaction d’événements sonores et un jeu plus austère même si une quasi déflagration sadique surgit avant la fin des 23 minutes de Orthographic Dissonance I . Les efflorescences quasi gestuelles des débuts sont souvent freinées tel un arrêt sur image et il est fréquent que des séquences de frottements des surfaces d’instruments, des griffures bruitistes et un jeu en sourdine de sons indifférenciés occupent sensiblement une durée plus substantielle au sein d’une improvisation pour se focaliser sur un travail sur les textures. De brefs passages naturels en solo ou duo sont de plus en plus fréquents sans qu’on s’en aperçoive tant leur musique est organique. Des quasi silences affleurent mettant en évidence une intervention appuyée qui enchaîne immédiatement Un sens inné du crescendo et du decrescendo quasi simultané et une variété de sons qui semble infinie. Au sein de cet assemblage mouvant de textures existent des contrastes variés et intentionnels, glissandi, vibrations, harmoniques très fines, grondements ou sifflements de nature diverse. Il faut noter l’usage d’harmoniques à la contrebasse ou au violoncelle dont la harpe se fait l’écho. Rhodri Davies fotte les cordes de sa harpe en appliquant un objet contre celle-ci, qui fait office de résonateur ou de … métaliseur…Au fil des enregistrements la sensation d’entendre le paysage sonore se renouveler constamment d’un concert à l’autre est bien réelle. Phil Durrant s’intègre et complète superbement le groupe en renforçant encore plus leurs caractéristiques.

CD 5 : 24/11/98 Other Sounds King of Hearts Norwich
1/ Self-reflexive 1 (6.58) 2/ Wstrws (Rhodi Davies (05.35) 3/ Ritmico (Wastell) (03.00)
4/ Self-reflexive II (05.40) 5/ Sowari for IST (Phil Durrant) (06:26)
6/ Intensität (Karlheinz Stockhausen) (05.06) 7/ X-Ist (Guto Pridery Puw) (08.06)
30/05/2000 Cambridge Conference of Contemporary Poetry Trinity College Cambridge
8/ Generating Contexts I (20.33) 9/ Generating Contexts II (05.55)


Lors de leur tournée d’octobre et novembre 1998 sous les auspices d’Arts Council, IST présenta un programme mixte de compositions écrites à leur intention et d’improvisations. On retrouve cet aspect de leur travail dans l’album studio Ghost Notes qui contient pas moins de sept compositions dont seulement trois sont reprises ici. Ces différentes compositions cristallisent l’esthétique du trio. Ritmico de Mark Wastell est dédiée à John Stevens. Il y a une évidente parenté esthétique avec une phase précise dans la musique du Spontaneous Music Ensemble de John Stevens et Trevor Watts comme on peut l’entendre précisément dans Face To Face (1972 CD Emanem). La messe est dite. Maintenant IST a forgé son identité et est prêt à affronter le public des festivals à l’étranger durant les années 2000 avant que Simon H Fell s’établisse en France. Comme on peut s’en rendre compte en écoutant le concert de Berlin https://confrontrecordings.bandcamp.com/album/berlin , leur musique s’est épurée sans pour autant devenir « drone » comme celles de Cranc et d’A Sealed Knot. Lower case ? Une publication exceptionnelle.

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