25 mars 2024

Carlos Zingaro Florian Stoffner Fred Lonberg Holm João Madeira/ Alan Tomlinson Dave Tucker Roger Turner/ Gonçalo Almeida Peter Jacquemyn/ Carlos Bechegas João Madeira Ulrich Mitzlaff

The Wall 4tet Carlos Zingaro Florian Stoffner Fred Lonberg Holm João Madeira Na Parede Catalytic Sound digital
Malgré que cet enregistrement existe bien, vu que j’en ai reçu une copie accompagnée d’une « pochette » d’album en provenance d’un des musiciens du Quartet The Wall, je ne suis pas parvenu à mettre la main sur un quelconque lien officiel, aussi bien sur bandcamp que via la plate-forme de Catalytic Sound qui offre une ribambelle d'albums de Mats Gustafsson, Joe Mc Phee, Paul Lytton, Nate Wooley, Joe Morris et de ... Fred Lonberg-Holm. Comme les auditeurs (tourneurs, organisateurs, « concertgoers », collectionneurs) sont obsédés par les nombreux enregistrements de saxophonistes, je prends le contrepied en mettant en exergue les albums de « cordistes ». Même si les noms de Carlos Zingaro (violon), João Madeira (contrebasse) et parfois Florian Stoffner (guitare) et leurs enregistrements sont souvent évoqués sous ma plume. Comme je ne peux pas payer tous les enregistrements que je voudrais écouter pour en parler ici même, je suis contraint à commenter ceux qu’on me confie de bonne grâce. De manière générale, de nombreux saxophonistes improvisateurs « libres » s’imposent comme des solistes (vedettes) en étant « accompagnés » par un team « rythmique » « free » composé d’un contrebassiste, d’un batteur avec éventuellement un guitariste ou un pianiste. Il en résulte souvent une démarche plus individualiste centrée sur l’action musicale du souffleur, le saxophoniste, son instrument devenant l’élément prépondérant du groupe. L’aspect « collectif » sur lequel se focalise l’action d’improviser librement et « égalitairement » de manière à jouer de manière « fair-play » se révèle très souvent au sein de groupes d’instruments à cordes de la famille du violon, parfois en y ajoutant, une guitare, une flûte, …. Des univers de jeu où chaque improvisateur travaille sur un même plan, partageant la durée et l’espace, les actions – réactions – interactions de manière égalitaire et totalement interactive. Bref ce type de trio-quartet sax basse batterie etc… tend à conserver l’ordre hiérarchique du jazz « conventionnel » en pilotage automatique du souffleur tout puissant. Les improvisateurs « cordistes » explorent et font vibrer les cordes de la famille des violons avec une multitude de paramètres ludiques et sonores ou détaillent avec audace les possibilité expressives et « techniques » de la guitare acoustique ou amplifiée. On a alors droit à une démarche éminemment collective où il n’y a pas de « chef » et où chacun à son mot à dire à égalité avec chacun des autres protagonistes.
Et pour cela, avec The Wall Quartet, on est servi. Il se passe plein de choses, striées, frictionnées, vibrantes, obscures ou lumineuses, fuyantes ou abrasives. Ce n’est pas la première fois que le violoncelliste chicagoan Fred Lonberg-Holm officie avec des membres éminents de cette large fratrie portugaise. Ici le contrebassiste activiste João Madeira et le violoniste pionnier Carlos « Zingaro » Alves. Cet empathique trio violon violoncelle et contrebasse est secondé – subverti par un « jeune » as de la guitare électrique helvétique, Florian Stoffner, lui-même coupable d’avoir collaboré étroitement au chant du cygne du percussionniste Paul Lovens, aujourd’hui à la retraite. Son aisance à se faufiler entre les « violonistes » et leurs archets feu-follets est en tout point remarquable. On l’entend parfois à peine, mais sa présence, sa dynamique sonore se fait sentir complètement immergée dans l’univers ultra détaillé des frottements des cordistes. Na Parede est un enregistrement qui se sirote, se laisse réécouter pour pouvoir en retracer les séquences, les poursuites, le détail des échanges en mutation permanente. Je n’ai pas encore fini d’en faire le tour.

Alan Tomlinson Dave Tucker Roger Turner Live at the Loft 1993 scätter archive.
https://scatterarchive.bandcamp.com/album/loft-1993
Un trio extrême avec l’extraordinaire tromboniste Alan Tomlinson, disparu tout récemment, le non moins extraordinaire percussionniste Roger Turner et ce guitariste destroy sans concession qu’est Dave Tucker. Je trouve plus intéressant de vous donner les notes de pochette de cet album digital providentiel en lecture, en espérant que vous puissiez lire en anglais. Un élément qui peut se révéler très important dans un concert de musique improvisée réside dans ses circonstances matérielles et temporelles.
It was a night that has properly gone down in history; an extraordinary and alarming night. Travelling by train from the previous concert in Berlin, the trio had lost Dave’s bag outside the station in Cologne, containing, totally inexplicably, all their money except for loose change, their flight tickets for the eventual return to London, their German rail tickets for the rest of the tour, their passports etc, as well as Dave’s guitar pedals and spare strings. Ostensibly, they had no means to go anywhere once they left the Loft. Unfortunately, the story goes, they only realised all this once they had arrived at the venue and started setting up on stage. To make matters worse, they were late, with the audience already sitting waiting: the British Council representatives who had helped fund the tour, Tony Oxley, Alan Silva, Phil Minton, all the Köln musicians of note and everyone else, a full house, sitting patiently, waiting for the band to arrive.
Panic hit on stage. how could it not? The trio was seen to jump around for 10 minutes, trying to come to terms with the situation, and then, realising they had to knuckle down to playing some music, which they really did. Just to add further tension, Alan and Roger got stuck in the lift in the interval between sets, having nipped out to buy a bag of chips, and it seems the whole situation finally hit the band in that second set (track 3); a kind of rage and horror of what to do, what was possible, after they left the Loft in an hour or so... it’s quite an extreme track.The recording was made on cassette and remains a legendary document of an incredible trio at an amazing moment in time.
Roger Turner was given a CDr of the material at a concert he played in Munich in February 2024. It’s only taken 30 years... well, you can’t rush these things... if only Alan had been able to hear it.
Hans-Martin Mueller, the main flute in the WDR Symphony Orchestra, who ran the space and was unable to attend the gig, had told Roger later that he had heard a recording and thought it an amazing, indelible concert. Who knows if he knew this background stuff... it's difficult to pronounce on its relevance.

On apprécie les frappes fulgurantes, ultra-détaillées et outrageuses de Roger Turner, la débrouille sonore électrique à la fois pointilliste et expressionniste-bruitiste de Dave Tucker et les éclats cuivrés grotesques, ses dérapages tout azimut, gargouillis borborygmo-onomatopéiques, effets de timbre, vocalisations délirantes, grognements renfrognés ou ponctués, crescendos improbables, cascades d'intervalles délicats etc… d’Alan Tomlinson. Ah les cascades de micro-frappes et de petits sons sur une quantité d’objets percussifs de Roger Turner. Roger est depuis longtemps un des percussionnistes les plus passionnants, diversifiés et amusément créatifs de cette scène. Dans ce contexte, la rage froide électrique de Dave Tucker est le parfait complément détonnant avec un sens exploratoire qui manque à trop de guitaristes noise. Ça craint. La dynamique empathique du trio, les pauses dans la décharge énergétique, l'éventail exceptionnel des variations soniques sans limite et le contraste absolu entre chacun d’eux fournit la matière d’un scénario inoubliable. Une musique où tout semble pouvoir arriver. Trente ans après, il y a toujours urgence !! Scätter archive nous permet d'acquérir l'album digital pour la somme que vous pouvez débourser, même la plus sommaire (une livre GBP par exemple ou plus ou moins)....

Encounters Gonçalo Almeida & Peter Jacquemyn FMR CD678 1023
https://goncaloalmeida.bandcamp.com/album/encounters-fmr-2024
Dans le mouvement de libération musicale « improvisée » libre des années fin soixante et septante, une formule instrumentale a réellement tranché avec les « habitudes » et les conventions : le solo « absolu » et le duo (ou trio) de contrebasses. Barre Phillips et son Journal Violone a/k/a Basse Barre (1968), « Music from Two Basses » de Phillips et Dave Holland (ECM 1971), les duos de François Mechali et Léon Francioli, Peter Kowald avec Barre Phillips, Maarten Altena et Barry Guy lequel a aussi gravé un duo avec Barre Phillips tout comme Joëlle Léandre et William Parker, Damon Smith et Peter Kowald et plus récemment le duo permanent des Suisses Daniel Studer et Peter K. Frei.
Le Belge Peter Jacquemyn a lui aussi enregistré avec ses amis Peter Kowald et William Parker et c’est avec grand plaisir qu’on le retrouve avec cet excellent contrebassiste portugais, Gonçalo Almeida. Profitant chacun des qualités instrumentales et imaginatives de chacun et l’amour des « graves » partagé avec tous leurs grondements, murmures, glissandi, textures, frottements tout azimut et cette communion profonde qui est née lors de leur « Encounters » . Rencontre qui débouche petit à petit sur de véritables Exchanges et une belle Enrapture. Soit les titres des trois improvisations contenues dans cet enrichissant et magnifique album. Peut-être dira-t-on que leur musique a quelque chose de « connu » , de « déjà vu » , mais comment bouder un tel moment d’écoute, de collaboration et de bonheur mutuel de jouer et découvrir. Bien chers frères, je vous le dis, il s’agit là d’une prière, d’une mise en commun entière, d’un cheminement dans la durée d’échanges qui s’imbriquent, se relancent et se complètent. La contrebasse pure qui vibre avec une autre contrebasse, cela contient une identité sonore, cela crée un domaine unique, un univers sonore particulier. Ajoutez – y un autre instrument, une autre dynamique et la magie risque bien de disparaître. Comme l’a énoncé le très expérimenté Dr Johannes Rosenberg (dont j’ai oublié les dates de naissance et de fin de vie, si vous voulez bien m’excuser), les instruments à cordes frottées de la famille des violons ne révèlent leur âme et nature profonde, secrète et enfouie qu’une fois réunis à l’exclusion de tout autre instrument. C’est pourquoi, je vous le dis, ces deux musiciens ont tout le mérite de nous faire découvrir cet état des choses qui nous parle autant grâce à leur action conjointe et malgré eux. C’est le corps, les cordes et le bois ouvragé qui s’exprime. Une belle réussite.

Open Finder Carlos Bechegas João Madeira Ulrich Mitzlaff 4DA Records
https://joaomadeira.bandcamp.com/album/open-in-finder
Le flûtiste portugais Carlos Bechegas s’est fait connaître il y a une vingtaine d’années et plus par une série de compact discs avec rien moins que Peter Kowald, Derek Bailey, Barry Guy, Alex von Schlippenbach, Joëlle Léandre, Michel Edelin et le tandem André Goudbeek et Peter Jacquemyn. Le voici en bonne compagnie lisboète, issue de cette fraternité féconde des cordistes Portugais. On n’aura jamais fini de les énumérer et de les écouter les uns avec les autres. C’est d’ailleurs à peine croyable. Carlos Zingaro, Ernesto Rodrigues, Ulrich Mitzlaff, Miguel Mira, Maria Do Mar, Maria Da Rocha, Helena Espvall, Hernani Faustino, Alvaro Rosso, João Madeira, etc… le tout publié par Creative Sources (+ de 750 albums – le label portugais d’avant-garde). Voici qu’un autre label lisboète plus que prometteur s’est lancé dans l’aventure sous la houlette du contrebassiste João Madeira, ici avec le violoncelliste Ulrich Mitzlaff et Carlos Bechegas ajoutant un bel opus à son précieux catalogue. Open Finder fait songer aux titres des albums de Bechegas intitulés « Open » quelque chose. Et c’est bien une des qualités premières de cette musique de chambre expérimentale improvisée raffinée, subtile dans laquelle prédomine une écoute mutuelle intense, une magnifique recherche – éventail sonore … : l’ouverture aux occurrences instrumentales de chaque individu, leurs propositions instantanées et à leurs inspirations secrètes. Car avant une telle rencontre, rien n’est dit, mais se découvre dans un cheminement partagé en quatre mouvements – développements aux titres suggestifs : Stream for One, Drag after Two, Rename under Three et Cut Out over Four. Musique collective avant tout où tout s’interpénètre et se marie avec finesse éclairé par le lyrisme contemporain du flûtiste, chaque morceau étant une entité musicale bien distincte avec séquences introverties, ses rêves, ses miroitements, ses sautes d’humeur et un aboutissement musical du début à la fin. Si vous voulez faire un beau cadeau à quiconque se révèle sensible à ce « genre » de musique dite « improvisée » détaillée etc.., vous ne vous tromperez pas en offrant ce bel Open Finder pour s’ouvrir encore plus les oreilles. Magnifique.

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