9 mars 2024

John Edwards / João Madeira & Margarida Mestre/ Alan Tomlinson Solo/ Daniel Studer Extended II w. Harald Kimmig Alfred Zimmerlin Frantz Loriot & Philip Zoubek

John Edwards Just another day at home Klang Galerie GG452 12/23
https://johnedwards.bandcamp.com/album/just-another-day-at-home

Il fut une époque lointaine où les solos de contrebasse improvisés furent florès : Barre Phillips, Maarten Altena, Barry Guy, Peter Kowald, Paul Rogers, Joëlle Léandre, William Parker, certains atteignant des sommets ! Il nous manquait cet album récent de John Edwards, un des contrebassistes incontournables de ces 25 dernières années auprès de Veryan Weston, Mark Sanders, John Butcher, Paul Dunmall, Eddie Prévost, Evan Parker, Brötzmann, Charles Gayle, Joe Mc Phee etc… Une montagne de trouvailles sonores qui évoquent les obsessions bruissantes et incartades sonores de Maarten Altena. Ici l’art de faire vibrer la corde sur la touche de mille et une manières, un sens ludique exacerbé, un emballement enthousiaste. Deux longues improvisations de 25 et 23 minutes intitulées Jadah #1 et Jadah #2. L’esprit même de la free music immédiate sans la moindre prétention et « influence » académique. Son travail subtil et chaleureux fait autant « réfléchir » l’auditeur que le fasciner par ses sortilèges, ses idées brillantes, frottements d’archet, pizzicatos bourdonnants audacieux et pleins de sève, sens du tempo transcendant, col legno obsessionnels, vibrations narquoises, glissandi plus vrais que nature, grincements maîtrisés, doigtés folichons par de ça le chevalet.Particulièrement, ces moments soudains où John Edwards appliquent vivement les doigts d'une main (gauche ou droite) sur la touche tout en pinçant les cordes juste en dessous dans des riffs mouvants, comptines imaginaires proches de l'esprit des joueurs de kora de l'Afrique de l'Ouest. Cela paraît "simple", mais vous entendrez rarement un contrebassiste jouer de la sorte avec cette agilité déconcertante. Cet album est une vraie merveille qui réunit les qualités des grands contrebassistes de jazz (sens du rythme) et de l’improvisation radicale dans un opus unique enregistré lors de la crise du Covid, coincé à la maison quelque part en 2020. Absolument fantastique et unique dans son genre parmi tous les albums solo de contrebasse de la galaxie improvisation !

Voz de Baixo João Madeira & Margarida Mestre D4Arecords
https://joaomadeira.bandcamp.com/album/voz-debaixo

Une Voix et une Contrebasse. Une alliance fascinante comme un bel oiseau chantant et baillant sur une branche. La contrebasse vibre de tout son bois, son âme, ses écoutilles, son chevalet frémissant et de toute la profondeur de sa caisse qui convoite les courbes féminines. Face à cet imposant instrument qui semble malhabile mais que la sagacité et le talent de João Madeira fait vibrer et chanter, rebondir et résonner, tournoie et s’élève fragile et assurée la voix de Margarida Mestre, chant inspiré et babil, secrète et hardie, multiforme, conteuse et poétesse de l’indicible. Margarida instaure et renouvelle des narrations au fil de dix pièces qui ont chacune leur histoire, des sentiments, des allusions et une poésie distincte. Et le son de la langue portugaise est magnifique. Poésie sonore phonétique vs fragments d’ostinatos à l’achet en re-recording dans Aconteco me. Dans Deu la Deu, le timbre de sa voix évoque Jeanne Lee secondée par une légère walking-bass de circonstance. Lorsque l’archet oscille amoureusement dans Muneira, la voix vagabonde murmure une ritournelle sans parole dans Muinera para 2 où perçoit un enregistrement Diction d’un historiette en anglais the Walrus and the Carpenter, une narration poétique où la contrebasse joue le rôle du charpentier scieur de long : on entend vibrer le bois transformé en planches et réagir instinctivement aux mots et aux accents de la narratrice pénétrant à coup d’archet dans la signification du texte durant dix minutes superbement bien remplies où le feeling du contrebassiste incarne un deuxième personnage imaginaire, accompagnant une Contrebasse la voix avec un grand talent. Dans Co, Margarida voix implose la vocalité avec des borborygmes – sonorités intimement buccales qui font actionner langue, lèvres, joues, palais, gorge , inspiration et le contrebassiste taraude sa contrebasse avec un archet scalpel en phase. Chacune des compositions de ce duo – conversation étonnant revêt plusieurs acceptions du travail vocal, chanté, parlé et improvisé dans une dimension poétique et dramatique de la voix humaine, usant de tous les atouts d’une chanteuse aguerrie aux techniques avancées. Le rôle du contrebassiste consiste à créer un fil conducteur sonore qui réunit les différentes compositions imaginatives dans une œuvre à part entière ouverte à la diversité. Et cela en y insérant une dimension improvisée et ludique Remarquable, didactique et superbement original.

Alan Tomlinson at The Red Rose scatter archive
https://scatterarchive.bandcamp.com/album/at-the-red-rose

Enregistrées en 2006 et 2007 au Red Rose, le Comedy Club de Finsbury Park qui servit de base au club MoPoMoSo mené par feu John Russell de 1991 à 2007, quatre improvisations délirantes et échevelées du tromboniste britannique Alan Tomlinson (07 November 1947 - 13 February 2024) en solitaire. Elles eurent méritées d’avoir été publiées de son vivant peu après ces concerts, n’ayant rien à envier à celles de son ami Paul Rutherford ou de Günter Christmann, Hannes Bauer ou George Lewis. Vingt minutes bien tassées d’excursions trombonistiques expressionnistes, subtiles et parfois explosives. Cet artiste trop méconnu avait la capacité d’enlever l’assentiment amusé et l’enthousiasme spontané d’un public non prévenu qui n’avait aucune idée de ce à quoi il allait être exposé. Cette brochette d’improvisations intrigue, réjouit et mystifie l’auditeur. L’instrumentiste et le musicien sont aussi sérieux et exigeants musicalement face à l’instrument et ses possibilités que le showman est loufoque et irrésistiblement drôle et extravagant. Un vrai phénomème de l’embouchure et de la coulisse. Le travail d’ Alan Tomlinson a été sous documenté : Trap Street avec Beresford et Roger Turner pour Emanem il y a 20 ans et deux récents Alan Tominson trio pour FMR avec Dave Tucker et Phil Marks. Ces pistes digitales publiées par scätter archive sur bancamp sont donc providentielles. Servez- vous en donnant ce qu’il vous est possible de payer , car tel est le tarif de scätter archive ! Le jeu en vaut la chandelle.

Daniel Studer Extended II For Strings & Piano Ezz-thetics 1044
https://now-ezz-thetics.bandcamp.com/album/extended-ii-for-strings-piano

Pour ce deuxième opus “Extended II For Strings and Piano », le contrebassiste zurichois Daniel Studer a convié ses deux partenaires du String Trio, le violoniste Harald Kimmig et le violoncelliste Alfred Zimmerlin ainsi que l’altiste Frantz Loriot et le pianiste Philip Zoubek. Il s’agit d’une composition interprétée – jouée en studio et publiée en stéréo et dans un mixage « binaural » destiné à être écouté avec des écouteurs (headphones). Il faut vivre avec son temps. Si la musique coïncide avec l’esthétique exigeante du contemporain écrit vraiment requérante pour reconnecter nos neurones et notre appétit sonore, on y trouve aussi une attitude et un allant réellement « free-music ». Un aspect ludique insistant et même amusant qui relie l’œuvre à l’esprit de fantaisie de l’improvisation libre assumée. La partition permet à chacun d’être écouté distinctement en se focalisant sur les spécificités de son instrument et à interférer – interagir avec chacun présent. La combinatoire des sons effilés, striés, des glissandi nuancés, des clair – obscurs, l’extrême finesse des frottements des archets, en font un objet sonore incontournable. C’est en tout point remarquable, essentiel. N’hésitez pas à vous référer à ma précédente analyse de Extended I : De la démarche de Daniel Studer aidé par ses quatre camarades, on retiendra une remarquable extension des possibilités sonores, des formes musicales, de la mise en abîme des timbres, de l’intégration de chaque voix instrumentale dans l’ensemble, … Les neuf pièces enregistrées évitent radicalement ce qu’on appelle « le noodling » (péché mignon de la musique improvisée) par la précision du jeu, la clarté des intentions, et la variété des formes qui se dessinent dans chaque composition basée dans l’utilisation de techniques étendues ou alternatives. Le pianiste joue très souvent dans les cordes et la carcasse de son instrument et il est parfois difficile de distinguer les cordistes entre eux. On ne va pas se casser la tête pour ranger Extended dans tel ou tel type de démarches de compositeurs en se référant à X, Y ou Z. La musique d’Extended vit et existe par elle-même : son déroulement se révèle complexe, peu prévisible, et la musique complète par la richesse de son imaginaire et des perspectives nombreuses dans sa géométrie spatiale, intégrant une foule de traitements sonores et de modes de jeux acquis par des décennies de travail ardu dans l’acte d’improviser librement. (Cfr : https://orynx-improvandsounds.blogspot.com/2019/07/jason-alder-thanos-chrysakis-caroliner.html) Bis repetita placent !

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