23 novembre 2020

Ivo Perelman with Nate Wooley, with Matthew Shipp & Whit Dickey & with Matthew Shipp & Joe Morris. Duo Ivo Perelman & Pascal Marzan

Polarity Ivo Perelman & Nate Wooley burning ambulance CD https://ivoperelman-bam.bandcamp.com/album/polarity

There is a long story of trumpet and saxophone tenor playing, moving and singing as a pair. Remember Don Cherry and Albert Ayler, Miles Davis and John Coltrane, Buck Clayton and Lester Young, Clifford Brown and Sonny Rollins, Kenny Dorham and Joe Henderson, this is the endless motion of creativity of two elements – principles – dynamics inside the longstanding process of the mutual listening and spontaneous invention which permeates through the works of the artists inventors of the jazz to be and to come. Two poles of different timbres and sounds which are in need of each other, contrasting from or complementing each other. The Brazilian tenor sax player Ivo Perelman and the American trumpet instrumentalist Nate Wooley are firm believers of the value of jazz music and heirs of their own jazz heroes and fondly involved in free improvisation based on instant invention and close mutual listening through a process of extending and discovering new sounds and their impromptu aggregations in unexpected ways. So if there is a kind of throwing dices way of doing, a very subtle logic and a deep sensitivity are at work. They use some short melodic patterns which jump and vanish, various manners of glissandi, buzzing, harmonics and split tones which are echoing between them, odd accents, repetitions and disjoint articulations, bits and pieces extracted out of the realms of jazz soloing and dancing on shared invisible moving beats. Exact mutual listening is happening here each minute, each second or even nano-second. They don’t follow a map or a route, but they invent an imaginary score made of beautiful sounds from their souls in the almost jazz canon and / or from the shrapnel shards from the free jazz explosion. Speed, spirals and endless curves are mingled with subdued rallentando, voice-like overtone, outrageous note bending and odd pitch placements. Perhaps one will say that this is not new as Albert Ayler and Don Cherry or Roscoe Mitchell and Lester Bowie already played and recorded that kind of stuff fifty years ago. But their work fits amazingly well in a complete reconsideration of jazz practice through the process of total free-improvisation without any kind of previous discussion and agreement of what to play in the line of such European improvisers like Evan Parker and Derek Bailey, John Stevens and Trevor Watts. No score, no theme, no solo, no comping. The rewards of their improvising method, their sensitivity and skills are offering us constant variations and extensions of forms, feelings and sounds. Their improvising journey are made of quite different – ever moving musical pieces, ten instant compositions from exquisite miniatures around the two minutes and others stretching longer as the opening (6:53) and the closing (10:49). This kind of man to man dialogue was made possible because they have worked together in other projects with Matthew Shipp (Philosopher’s Stone) and Mat Maneri (Strings 3). While trying at succeeding in such challenges, they build in the same time what could happen next. Their duo was not planned but answered to an existential need of creating beauty and surprise.

Garden of Jewels Ivo Perelman – Matthew Shipp – Whit Dickey Taoforms

J’étais en train de finir l’écriture et la traduction d’un livre sur la musique d’Ivo Perelman et Matthew Shipp en duo et leurs nombreux albums, voici que me parviennent huit joyaux du studio de Jim Clouse : Garden of Jewels. C’est leur première session depuis le pic de la pandémie à NYC. À leurs côtés, le fidèle percussionniste Whit Dickey. Quelque chose a changé dans le jeu du souffleur, la vocalité de son timbre s’est épanouie et il malaxe l’articulation vers les suraigus et dans un tendre legato, on croit entendre sa peau trembler. Sans doute, est-ce la conséquence de tous les exercices intenses durant l’inactivité de la pandémie. La qualité du dialogue entre Ivo et Matthew, s’est encore renforcée au niveau de l’acuité des accents et du dialogue. Qui connaît Matthew Shipp en solo ou en trio, (sans Ivo), sera surpris par son style épuré qui embrasse littéralement le souffle poétique de son collègue et par les métamorphoses de son jeu au fil de chaque improvisation. Leur musique n’est pas faite de thèmes et de solos individuels où le pianiste « accompagne » le souffleur. Il s’agit de jouer et faire corps ensemble en distillant la musique vers l’essentiel dans l’instant et une écoute mutuelle totale. Leur musique improvisée raconte une histoire inventée qui cherche en permanence de nouvelles formes nées du jeu et de leur imagination. Whit Dickey s’introduit dans leur dialogue en sélectionnant ses frappes, les vibrations des cymbales et en évitant les roulements. Un sens de l’espace et un jeu plus pointilliste qui s’agrège à l’ensemble et s’en détache lorsque l’intuition point. On sent Whit Dickey entièrement à l’écoute des enchaînements mélodiques spontanés et mouvants du piano et du souffle éperdu. Chacun de ces joyaux exprime un autre état de conscience, un feeling renouvelé. Onyx semble commencer comme des rêves croisés et finit par se déplacer par rebonds simultanés des trois musiciens, échancrés par quelques élans d'Ivo Perelman auquel fait écho trois ou quatre notes du piano en guise d’accord. Turquoise démarre en vives questions - réponses soutenues avec un motif au piano énoncé brièvement et tenu en réserve, et comme souvent et de manière peu prévisible, les trois musiciens ralentissent et s’étalent, le motif apparu brièvement ressurgit et entraîne des contrepoints tournoyants en cascade alors que le batteur décroise les battements. Cette proximité de plus en plus fertile entre le pianiste et le saxophoniste s’est communiquée au batteur. Nous avons déjà aperçu cette empathie profonde, ce sentiment d’unité lors de la session d’Ineffable Joy avec Bobby Kapp et William Parker. Nous ressentons très fort ici leur communion intense dans la qualité sonore et les réactions intimes à la fraction de seconde près. Ces trois musiciens ne pensent plus « sax ténor » « piano » ou « batterie », mais sonorités, langages, dialogue, images, couleurs, nuances, mouvements mêmes infimes, émotions, déchirements ou apaisements, intériorité ou surgissement de l’expression comme au cœur de Sapphire. Un joyau

Shamanism Ivo Perelman Joe Morris Matthew Shipp Mahakala Music https://ivoperelman.bandcamp.com/album/shamanism

Ces trois musiciens partagent une histoire commune : le guitariste Joe Morris a joué et enregistré séparément avec le pianiste Matthew Shipp en duo (Thesis - Hatology) et en groupe et plus récemment avec le saxophoniste Ivo Perelman : Blue en duo et Counterpoint en trio avec le violoniste Mat Maneri (Leo Records), lequel est un habitué des sessions de Shipp et Morris. Et bien sûr, Ivo et Matt partagent un duo incontournable pour lequel de nombreux albums ont été publiés (Corpo, Callas, Saturn, Oneness, Efflorescence Vol.1, Live In Brussels et In Nuremberg) leur dernier en date étant Amalgam chez Mahakala Music, justement. Dans tous leurs efforts communs et ce nouveau trio , Perelman, Morris et Shipp confient à Jim Clouse, leur ingénieur du son, une musique entièrement improvisée sur l’instant, sans thèmes ni schémas préétablis, en s’unissant sur la seule base de l’écoute mutuelle et d’interactions toujours renouvelées. Bien sûr, leurs connaissances approfondies du jazz moderne et de la musique classique vingtiémiste s’agrègent à une capacité étincelante d’improvisateurs expérimentés. Si le tandem saxophone – piano profite d’une complémentarité évidente, de même la combinaison guitare - saxophone, associer un piano avec une guitare dans le domaine de l’improvisation totale, n’est pas une mince affaire. À titre de comparaison, un duo tel que celui de Bill Evans et Jim Hall navigue à vue en combinant les solos improvisés respectifs du pianiste et du guitariste avec l’accompagnement de l’autre partenaire sur la base de compositions, l’invention mélodique de chaque « soliste » reposant sur la trame harmonique et rythmique fournie par son partenaire. C’est un art qui fonctionne sur des règles éprouvées et auquel de tels musiciens ont conféré une aura exceptionnelle.
Mais une fois que tous les coups sont permis dans une totale liberté « free », cette combinaison piano - guitare devient ardue et l’entreprise risque d’être lassante : la guitare et le piano étant deux instruments harmoniques qui se suffisent déjà à eux-mêmes une fois solitaire. On risque en improvisant continuellement de part et d’autre, de superposer deux pensées musicales voisines de manière abstraite en surchargeant les échanges ou en se contredisant, rendant la collaboration verbeuse et indigeste. D’ailleurs, Cecil Taylor et Derek Bailey ont enregistré une seule fois en 1988 (Pleistozaen mit Wasser- FMP), et à mon avis, c’est ce qu’on appelle une « tentative », … sans lendemain. Ils ne l’ont d’ailleurs jamais rééditée, alors que le scoop était géant ! De même, cherchez dans la discographie des Don Pullen, Muhal Abrams, Marylin Crispell, Alex von Schlippenbach, Fred Van Hove, Irene Schweizer, Agusti Fernandez, Craig Taborn, Sylvie Courvoisier, Veryan Weston etc… , vous constaterez que le sujet est bien évité. Quant à Derek Bailey, c’est une option qu’il n’a jamais choisie en duo ou en trio, alors qu’il est sans doute l’improvisateur libre qui a tout essayé. Donc, Thesis était un essai fort honorable, intéressant, mais pas vraiment attirant pour certaines oreilles, si je me souviens. Dans le morceau final de Shamanism, Religious Ecstacy, il y a toute une séquence en duo piano - guitare où les doigtés du pianiste font accélérer et tournoyer l’inventivité échevelée du guitariste sur le manche, lequel actionne son seul plectre face aux dix doigts sur le clavier. Il règne alors une tension électrique à la limite du déraillement et on a l’impression de se diriger vers un cul de sac que détourne l’intervention du saxophoniste.
Alors, nos trois apôtres se sont dits : « Et avec un saxophone en plus ? ». La bonne idée ! Et ça marche à merveille, à ma plus grande surprise. Et pourtant, a-t-on entendu Steve Lacy et Mal Waldron, Trevor Watts et Veryan Weston ou Dave Burrell et David Murray etc.. s’adjoindre un guitariste ? Ce serait tout à fait incongru. Dans ce triangle aux proportions mouvantes, les trois improvisateurs multiplient les opportunités géométriques dans l’espace et, dans les architectures successives des neuf improvisations, insufflent spontanément dynamisme, énergie, expressivité, rage et langueur jonglant avec les articulations de leurs phrasés qu’ils combinent avec un vrai bonheur, parfois comme un acrobate évoluant sur un fil tendu au-dessus du vide. Ici les zig-zags intrépides du guitariste peuvent compter sur l’articulation abrupte ou coulante du saxophoniste, elle-même hérissée d’harmoniques mordantes et chantantes, alors que le pianiste percute des accords brisés à contre – courant. Lorsqu’Ivo Perelman lance un motif dans Trance ou dans Divination, Matthew Shipp trouve instantanément une cadence dans laquelle le guitariste s’insère en faisant rebondir ses notes aiguës obliquement, le schéma ainsi créé se métamorphose naturellement au fil des secondes en enchaînant des variations qui s’imbriquent comme un puzzle en trois dimensions. Dans ce partage égalitaire à trois, Ivo Perelman confère une puissance à l’étonnante douceur de son souffle saisi par ces extrêmes aigus expressifs et mordants et des circonvolutions microtonales ouatées et faussement suaves. Cette propension à étirer ses notes au-delà du simple effet pour se muer littéralement en chanteur (influence de la saudade ou d’un flamenco aylérien) confère une coloration tropicale aux harmonies complexes et nourries de ces deux compagnons. Il pousse le cri du free-jazz « sauvage » dans ses derniers retranchements avec une suavité et un lyrisme paradoxal. Si Matthew et Joe rivalisent de science harmonique généreusement appliquée (comme on dit « les sciences appliquées ») à leurs échanges virevoltants, majestueux ou saccadés, leur performance déjà fascinante d’invention se voit conférer un merveilleux supplément d’âme, Ivo déployant son extraordinaire inventivité mélodique à travers les registres de son sax ténor qu’il distend avec excès tout en maintenant une expressivité lyrique. On note d’ailleurs une mutation récente dans la vocalité de son style. Mais les deux autres ne sont pas sans reste : on appréciera la qualité de leur toucher et les nuances des timbres qui transcende leurs échappées folles au travers des cycles harmoniques, montagnes russes chromatiques et cascades limpides. Du grand art !
Chacun s’active à varier les plaisirs et à trouver des solutions à la fois contrastées et complémentaires aux questions posées par leurs partenaires, qui, s’ils manifestent le plus profond fair-play, ne se gênent pas pour s’exprimer de manière exigeante, poussant leurs collègues dans leur derniers retranchements ou les forçant à faire couler la sève lors d’une ballade en porte-à-faux. Afin sans doute de procurer des zones de relâchement à l’attention du « spectateur » auditeur de ces extravaganza colorées, Matt Shipp propose trois courts solos agréablement calibrés et laissant libre cours à sa magnifique sonorité : 1/Prophet and Healers, 5/ Altered States of Consciousness et 9/ Supernatural Faith, lequel introduit le tournoiement final et infini de 10/ Religious Ecstacy, une conclusion haletante vers un point final en ralentando habilement négocié pour se solder par un parcours très accidenté et anguleux où s’exténue l’articulation trépidante du souffleur. Tout en s’exprimant avec lyrisme et connivence heureuses, le trio explore des territoires agités et des constructions éphémères avec un sens du challenge impressionnant et une lucide pureté d’intentions.

Dust of Light/Ears Drawing Sounds on Setola di Maiale SM4200 : Pascal Marzan & Ivo Perelman https://ivoperelmanmusic.bandcamp.com/album/dust-of-light-ears-drawing-sounds

Coincidence came out at the meeting of French guitarist Pascal Marzan with Ivo Perelman. Like Ivo, but later in his life, Pascal Marzan dedicated his time to the learning and the mastering the classical acoustic guitar, studying and performing the same Brazilian composer that the young Ivo teethed as a youngster : Heitor Villa-Lobos and his Préludes, Études and Guitar Concerto … But after having performed classical music and also improvised music with legendary British improvisers like guitarist John Russell, violinist Phil Wachsmann, saxist Urs Leimgruber and clarinettist Alex Ward, Pascal decided very recently to refound completely his practice of his axe in tuning it very differently. He bought a new ten strings classical guitar build at the requirements of the legendary virtuoso Narciso Yepes, one of the greatest guitarist of the Twentieth Century. With a lucid and premonitory intuition, he tuned each string with an interval of a third of a tone from the next string in order to develop a kind of microtonality. Coincidentally, one of the closest musical mate of Ivo, alto virtuoso improviser Mat Maneri is completely involved in this microtonal universe since he learned it from his father, the now deceased composer and reed maestro, Joe Maneri. They even both recorded for the ECM label. When Pascal and Ivo met at one London gig, they both clicked like twins. I would add that Pascal’s tuning is allowing to play in sixth of tone, because, as you know, guitar frets are slicing one tone in two half-tones… and in two different scales of thirds of tones and also in equal temperament as the “normal” notes are still available. Mindboggling. Ivo Perelman strives to challenge his own diving in microtones playing above or below the “pure” notes adjusting meticulously his reed and mouthpiece air pressure and sticking to no Forte, but a softer breath with more nuances. As the intervals of the notes of this 6th tone guitar are so tiny, you wonder at listening to Dust of Light/ Ears Drawing Sounds. Is it a hybrid string instrument, a harp or a harpsichord? For my opinion of dedicated writer about improvised music, this is the most brilliant and deepest guitar concept in contemporary improvisation since the legendary Derek Bailey. Strangely, this string arrangement produces a spooky reverberation revealing the frail nature of the Spanish guitar body made of glued tiny pieces of wood. The session went unnoticed and the result went beyond any expectation. Confronted to all kinds of plucking and touching the strings with Pascal Marzan incredible right hand, fingers and nails and his multivoiced wild arpeggios,Ivo Perelman exceeds his current inspiration concentrating his breath and fingering to extend forcefully his high soaring notes and his singing alto range while you hear clear ruminations of past jazz heroes like Ben Webster and Don Byas or nods to Albert Ayler. The variety of musical forms created in the spur of the moment is absolutely amazing and strangely lyrical and earthy, both players making a tour de force of this unexpected musique de chambre.

Please Note that physical CD's are available here : https://www.setoladimaiale.net/catalogue/view/SM4200 Pascal Marzan (arcantilege@gmail.com) has copies of Dust Of Light in his hom in London. By now the bandcamp https://ivoperelmanmusic.bandcamp.com/album/dust-of-light-ears-drawing-sounds is providing only digital albums for logistic reasons.

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Bonne lecture Good read ! don't hesitate to post commentaries and suggestions or interesting news to this......