White Noise Generator Experiment # 0 WNG
Marco
Malassomma Electronics & Soundscapes EXP#0_1 à 8
Gerardo
Antonacci Double Bass & Electronics EXP#0_1 à 8
Luca
Antonazzo Sax and Sound effects EXP#0_1
à 8
+ Invités
Marcello
Magliocchi Drums and Percussion EXP#0_1_4_6
Michele
Magno Guitars & Sound Objects
EXP#0_3_5_7
Gianni
Lenoci Synth & Electronics EXP#0_2_8
White Noise
Generator est un collectif d’improvisateurs la région de Bari en Italie où
l’activité musicale improvisée (ou jazz libre) a une certaine importance
(festivals de Noci, Ruvo di Puglia, musiciens très actifs comme Gianni Lenoci,
Marcello Magliocchi, et en son temps, Roberto Ottaviano).
Experiment # 0 est une suite de 8 pièces où se dégage une
constante de « bruits blancs », de sons électroniques et d’interventions
instrumentales qui cadrent avec cette esthétique. La pochette indique que toute
la musique est improvisée en temps réel et qu’il n’y a aucun overdub. Il n’y a
pas de balance définitive pour l’entièreté de la session et le mixage varie très
souvent entre chaque morceau sans que cela ne rompe la continuité musicale. Il
se dégage de l’ensemble une véritable cohérence avec des passages vraiment
intéressants et des pièces à l’ambiance fascinante. Une création collective
plus qu’une confrontation de personnalités tranchées. Marco Malasomma, Gerardo
Antonacci et Luca Antonazzi sont présents dans toutes les plages de trois à
sept minutes chacune. Et la participation épisodique du percussionniste
Marcello Magliocchi , du guitariste Michele Magno et de Gianni Lenoci au synthé
et électroniques est chaque fois judicieuse et intégrée selon l’esprit et
l’unité de chaque pièce. Certaines se terminent en fade-out et ce choix est
pour des raisons subtilement musicales. Un travail de studio plutôt qu’une
performance de concert.
Si les
percussions métalliques de Magliocchi s’intègrent intelligemment dans
l’ensemble, il joue une remarquable partie de batterie free où flotte le
saxophone alto de Luca Antonazzi, au discours radical musique improvisée libre.
Souvent mis en retrait dans le mix, Antonazzo est entendu franchement à l’avant
plan en répondant aux assauts
« noise » du guitariste Michele Magno. L’usage de l’électronique
évite les boucles (loops) et les effets de delay (qu’on entend trop souvent dans
l’électro) et lorsque dans la dernière pièce les boucles sont exploitées, cela
débouche sur des idées intéressantes.
Je pense que
c’est une bonne réalisation dans un domaine, improvisation électronique, le
quel m’a toujours semblé musicalement très en deçà (à mon avis) de la GHEIM,
dénommée ainsi par feu Paul Rutherford (Great Honky European Improvised Music).
Bien sûr l’ensemble se rapproche plus de la musique « expérimentale »
électronique que de l’improvisation radicale, mais ce qui compte finalement
c’est de développer un point de vue qui tienne la route du début jusqu’à la fin
d’un disque ou d’un concert. Pour cela, je dois dire que pour un premier
jet le collectif WNG est à suivre dans le cadre de ce qui se
passe en Italie Méridionale. L’Italian Instabile Orchestra est une institution bien en place (stable
… malgré son nom) mais il ne faudrait pas qu’aux yeux des Européens du Nord qui
jettent un coup d’œil sur la scène improvisée italienne que l’ Instabile, auquel
se réfèrent les critiques bon genre, n’occulte le travail intense de
l’improvisation « régionale » italienne. Il suffit de consulter le
catalogue du label Setola di Maiale
de Stefano Giust avec ces centaines de références autoproduites sans subventions ni
aucun soutien des pontifes du statu quo. D’ailleurs, le collectif WNG promet d’autres
enregistrements et vient de publier « live in Ler Devagar Lisboa » de
l’ Improvisers Consort, un autre
collectif, international celui-là et basé au Portugal. Il rassemble les
violonistes Carlos Zingaro et Matthias Boss, les souffleurs Paulo Chagas Paulo
Curado et Joao Pedro Vegas, le guitariste Abdul Moimême et le percussionniste
Marcello Magliocchi. Ces membres se répandent dans plusieurs séries de concerts
dans tout le pays et sont rejoints par les WNG. Les musiciens de WNG montrent
par cette production « purement improvisée instrumentale » que cette
expression est fondamentale pour eux. Ils m’ ont exprimé leur désir de
travailler l’électronique avec des improvisateurs en temps réel (live signal processing).
Une discipline qui ne s’improvise pas et qui est le fruit d’une pratique
assidue et d’une longue réflexion. Donc à suivre ….
J’avais déjà
chroniqué le précédent cd de l’Improvisers
Consort (lisboa sessions /setola di maiale) il y a deux ans dans ce même
blog et donc je ne peux que recommander tous les musiciens qui en font partie.
Derek Bailey John Stevens Trevor
Watts Dynamics of the Impromptu
FMR
Plutôt
qu’une énième version du Spontaneous Music Ensemble, ce trio de rêve est un
groupe ad-hoc réuni par Stevens plusieurs soirs de suite entre novembre 73 et
janvier 74 dans le légendaire théâtre expérimental Little Theatre Club de St Martin’s Lane. Situé au troisième étage
d’un immeuble dans Garrick Yard à l’arrière du légendaire Garrick
Theatre, non loin de Trafalgar Square, le LTC était le QG du SME. Cette année là le SME était réduit au duo
« Face To Face » (cfr
l’album-culte Emanem) du (mini) percussionniste John Stevens et du saxophoniste
Trevor Watts, ici au soprano, parfois accompagné d'invités. Cette sélection d’improvisations réussies sont extraites de trois soirées en
compagnie de Derek Bailey à la guitare
électrique et amplification stéréo et, fait nouveau, à la guitare acoustique (Epiphone Blackstone)…. Ces trois sets ont été fort heureusement enregistrés par Martin Davidson, le boss d’Emanem,
lequel faisait un travail intensif de documentation de cette scène marginale
(…marginale à l’époque).
Il y avait
rarement plus de 15/20 personnes dans le public et les concerts commençaient
fréquemment après la fin de la pièce de théâtre vers 22h pour se
terminer vers 1h du matin. 1974 fut la dernière année du Little Theatre Club, lieu central qui verra évoluer la musique de
la scène du free jazz londonien vers l’improvisation libre. Dès les premières
notes, on réalise que le nouveau langage et la musique échangée, partagée et
inventée par ces trois éclaireurs sont parvenus à maturité. Il s’agit bien sûr
de la réédition de l’album éponyme publié par le label US Entropy il y a une dizaine d’années et passé relativement inaperçu
vu la visibilité de ce label.
Que dire de
la musique ? On est au cœur d’un work in progress dans la construction
éphémère d’interrelations et de mises en commun d’idées, de formes de sons et
d’inventions qui se bonifie d’un mois à l’autre. On été sélectionnés l’évolution
progressive du trio avec, au départ, un seul morceau de neuf minutes du 12 novembre 73, deux
pièces de 16 et 8 minutes du 18 décembre et enfin trois du 17 janvier 1974 pour
14, 10 et 12 minutes. Vu le nombre extraordinaire gigs réguliers (aux entrées) dans une
multitude de lieux, les improvisateurs londoniens des années 60/70 se sont mis
à essayer en public toutes les combinaisons possibles de personnalités et
d’instruments. Sans ce foisonnement tous azymuts, l’improvisation libre
européenne eût pris une toute autre tournure. Tout autant que l’extrême et
singulière audace guitaristique de Derek Bailey, on appréciera le travail
exploratoire de Trevor Watts au sax soprano, instrument requis par Stevens au
sein du SME. Son registre est relativement voisin de celui d’Evan Parker à la
même époque dans un tel contexte mais on reconnaît immédiatement sa voix
singulière même si le discours est moins typé. Quant à la batterie minimale du
leader, appelée aussi SME-kit, elle ne se déplacera quasiment jamais hors du
Royaume Uni, le SME n’ayant quasiment jamais été invité sur le continent
Européen pour des raisons à la fois explicables et inexcusables. Raison de plus
de rattraper le temps perdu à quarante années de distance. Pointillisme,
sérialisme, marge de l’instrument, multiplicité des lignes, des pulsations,
interaction millimétrée, recherche sonore/bruitiste, contradictions, réponses
ou prolongements. Selon Trevor Watts, John Stevens avait demandé à Bailey de
jouer acoustique. Mais c’est en connaissance de cause que le guitariste avait
hissé les deux amplis, les deux haut-parleurs et les deux pédales de son
installation stéréo dans les sept volées d’escaliers légendaires après avoir dû prendre un cab pour amener le matos à bon port. Tout çà pour un gig non payé avec
la plus grande tête de mule de la scène européenne. Lequel se paye le luxe de
souffler dans un improbable cornet (le deuxième morceau du 18/12). Quand on
vous saurez que Watts et Bailey sont tous des « contrarians »
originaires du Yorkshire et que Stevens était le roi de la provoc’ (son père
aurait été boxeur), vous comprendrez pourquoi ces sessions sont considérées par
les afficionados comme le fin du fin de la production discographique
Baileyienne. Face à ces inventions, la grande majorité de ses enregistrements du
Bailey des années nonante et deux mille ne font pas le poids. A explorer encore
et encore.
ISKRA 1903 Goldsmiths Paul Rutherford Derek Bailey Barry Guy Emanem
5013 A previously unissued concert 1972
Je voudrais
sincèrement attirer l’attention sur cet album exceptionnel qui arrive un peu
tard dans la discographie de ces musiciens improvisateurs
« incontournables » et du label Emanem. J’aurais dû le chroniquer il
ya deux ou trois ans , vu qu’il a été publié en 2011. Le cédé n’est plus
« façonnable » mais ce serait bête de passer son temps à télécharger
des perles "rares" sur Inconstant sol, à traquer des albums introuvables sur les
catalogues ou dans les bacs des disquaires d’occasion / vinyles (rescapés du
marché du disque dignes de ce nom), alors que Martin Davidson propose un inédit
d’une qualité absolument inattendue. Par rapport à l’album Iskra 1903 « avec
Derek Bailey » publié en triple cd par Emanem (4302), Goldsmiths offre
réellement un plus qualitatif et le
concert concentre en un disque ce que l’auditeur pourra en écoutant ce groupe. Goldsmiths
est en tout point indispensable pour qui aimerait jouir du niveau réel de
qualité (superlative) pouvait se situer les plus doués parmi les inventeurs de
l’improvisation libre. En 1972, un concert au Goldsmiths College dans la série Cohesion face à un public clairsemé. Au
début des années septante, les improvisateurs radicaux ont fini de balbutier,
on entend ici une musique improvisée inouïe jusqu’alors qui doit autant à
l’évolution musicale « contemporaine » menée par les Cage Stockhausen
et Xenakis et Albert Ayler Coltrane et Cecil Taylor. Pas de batterie, ni de
saxophone, les liens avec le « free-jazz » sont apparemment rompus
surtout au point de vue des sonorités. Ce qui sidère l’auditeur, même si plus
de quarante ans plus tard on a pu effectivement écouter cette musique à satiété
sous toutes ses coutures (ses occurrences), c’est l’extrême écoute, la concentration,
l’invention, le flux d’idées et l’interaction. Tous les auditeurs qui
s’intéressent à Derek Bailey, Barry Guy et Paul Rutherford et aiment à
rassembler leurs albums, devraient absolument écouter Goldsmiths pour tous les
univers sonores abordés. Le concert est composé de quatre parties nommées Cohesion 1A, 1B, 2A et 2B respectivement
29 :53, 8 :05, 16 :21 et 12 :43 et Martin Davidson a ajouté
deux morceaux de provenance inconnue de 4 :30 et 3 :30. Cohesion 1B est une exploration qui ne
ressemble à rien d’autre dans l’histoire de ces musiciens. A l’écoute, les
connaisseurs ne devineraient à qui ils ont affaire. Conscients qu’ils avaient
un style défini, ils prouvent qu’ils savent en sortir de manière magistrale.
Dans Cohesion 2B, le trio atteint un
niveau d’invention interactive et de construction de formes d’une cohésion rare
(sorry pour la répétition !). Cela se clôture par deux OVNI sonores ( les
deux morceaux plus courts de 4 :30 et 3 :30 qui démontrent l’esprit d’ouverture
de ce trio : ils ont appris très tôt à
ne pas se recopier, si je puis dire.
La dynamique
et l’occurrence des événements sonores de cet album est absolument fabuleuse.
Comme la qualité de l’enregistrement varie de uniformément lisible et bonne à plus
que satisfaisante, on n’a aucune excuse si ce n’est celui du portefeuille.
Rares sont les enregistrements de musique improvisée de cette époque qui ont
autant de contenu créatif, d’ailleurs c’est indescriptible. On enregistrait
très peu de musique improvisée libre au début des années 70, c’était alors un
genre musical très minoritaire de la galaxie free-jazz et du monde
contemporain. Je ne connais que Balance sur le label Incus qui
pourrait rivaliser avec cet enregistrement dans la période considérée en terme
d’invention sonore. Aucun album de Derek Bailey enregistré après les années 80’
n’offre autant d’intérêt que ce trio héroïque. Dans ce Goldsmiths, il se
concentre sur le travail sur le son, carrément bruitiste sans faire étalage de
technique guitaristique, avec son amplification stéréo. De même parmi les
nombreux excellents albums de Rutherford pour Emanem que Davidson s’efforce de
documenter de manière systématique, je ne vois que l’extraordinaire Berlin
1975 en solo (Emanem 4144) qui arrive à la hauteur. Bref si vous avez
une lacune dans votre documentation et comme ce qu’on nous propose ces derniers
temps n’est pas folichon, vous pouvez y aller sans arrière-pensée. Six étoiles
pour ce faiseur d’or.
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